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Le rôle de la mise en valeur des terres mortes
De même que la terre morte et la terre cultivable diffèrent quant à la forme de la propriété, de même elles diffèrent quant aux droits que les individus sont autorisés à acquérir sur la terre. En effet, la Charî’ah n’accorde pas à l’individu un droit privé dans la raqabah de la terre exploitée lors de la conquête, même si cet individu renouvelle la mise en valeur de la terre après la ruine qu’elle aurait subie, comme nous l’avons vu plus haut.
Quant à la terre morte lors de la conquête, la Charî’ah a autorisé les individus à la mettre en valeur et à l’aménager, et leur y accorde un droit privé qui est fondé sur les efforts qu’ils déploient en vue de la mise en valeur et de l’aménagement de la terre. Ce point est confirmé par des Récits attribués aux Saints Imams d’Ahl-ul-Bayt (S), tels que celui-ci : «Quiconque met en valeur une terre, celle-ci sera à lui, et il y a un droit prioritaire.» De même, Sahîh al-Bukhârî, citant ‘A’ïchah, rapporte ce hadith du Saint Prophète (saw) : «Celui qui aménage une terre n’appartenant à personne y a le plus droit.»
Ceci nous permet de savoir que la propriété publique de la terre ne s’accorde pas dans la Charî’ah avec le droit privé de l’individu. Celui-ci ne peut obtenir un droit privé sur la terre de la propriété publique, quels que soient les services qu’il y rend, et quand bien même il la remettrait complètement en valeur après sa ruine complète. Alors que la propriété de l’Etat sur la terre s’accorde avec l’acquisition par les individus d’un droit privé sur cette terre.
La source essentielle des droits privés sur les terres de l’Etat est la mise en valeur et l’aménagement. L’accomplissement de cette opération, ou le commencement de ses travaux préliminaires, confère à l’opérateur un droit privé dans la terre ; sans quoi la Charî’ah ne reconnaît guère le droit privé en tant qu’opération indépendante et séparée de la mise en valeur, laquelle opération ne constitue pas un motif d’acquisition d’un droit privé sur la terre(1). Et selon un Récit, ‘Omar ibn al-Khattâb a dit : «Personne n’a le droit d’acquérir un droit privé [sur une terre] par la simple pose d’une clôture.» (2)
La question juridiquement importante qui se pose à cet égard est liée à la nature du droit que l’individu tire de l’opération de la mise en valeur : quel est ce droit que l’individu acquiert par suite de son travail dans la terre morte et de sa mise en valeur ?
C’est à cette question que nous devons répondre à la lumière de l’ensemble des textes traitant de l’opération de la mise en valeur et expliquant ses statuts légaux.
La réponse d’un grand nombre de faqîh à cette question est que la conséquence du droit que l’individu tire de la mise en valeur de la terre est sa possession en propriété privée, ladite terre sortant, du fait de sa mise en valeur, du cadre de la propriété d’Etat pour entrer dans le cadre de la propriété privée, et l’individu s’appropriant la terre qu’il a mise en valeur par le travail qu’il y a effectué et qui lui a donné vie.
Il y a un autre point de vue jurisprudentiel, qui semble concorder davantage avec les textes législatifs, et qui dit que l’opération de mise en valeur ne change pas la forme de la propriété de la terre : celle-ci demeure propriété de l’Imam ou de la Fonction de l’Imamat, et l’individu n’est pas autorisé à en posséder la raqabah même s’il la met en valeur ; par cette mise en valeur de la terre, il acquiert sur celle-ci un droit qui est inférieur à la propriété et qui lui permet d’exploiter et d’utiliser cette terre, et d’interdire à tout autre individu n’ayant pas partagé son effort et son travail de rivaliser avec lui et de lui prendre la terre, et ce tant qu’il s’acquitte de son devoir envers la terre. Ce degré de droit ne le dispense pas de ses devoirs envers la Fonction de l’Imamat -en sa qualité de propriétaire légal de la raqabah de la terre- à savoir le paiement du « tasq »,comme le stipule le hadith (impôt proportionnel aux bénéfices que l’individu tire de la terre qu’il a mise en valeur).
Le grand faqîh, le Chaykh Muhammad ibn al-Hassan al-Tûsî, adopte cet avis dans son livre « Al-Mabsût fî-l-Fiqh » où il dit : «L’individu n’acquiert pas, par la mise en valeur, la raqabah de la terre, mais seulement le droit de l’utiliser, à condition d’acquitter ce que l’Imam lui impose en contrepartie de cette utilisation.» Voici ce qu’il dit textuellement : «Quant aux « mawât », ils ne peuvent pas être gagnés, car ils appartiennent exclusivement à l’Imam. Si un Musulman les met en valeur, il aura la priorité pour leur utilisation, et l’Imam aura leur « tasq » [le tasq imposé pour l’utilisation de ces mawât].» (3)
Nous retrouvons un avis similaire dans le « Bolghah » d’al-Mohaqqiq al-Faqîh Sayyed Muhammad Bahr al-‘Ulûm, lequel était plutôt pour «l’interdiction de faire acquérir par la mise en valeur une appropriation gratuite et sans contrepartie [pour l’Imam] ». Ainsi, l’Imam a sur la terre mise en valeur un droit au prélèvement d’un impôt qu’il fixe en accord avec celui qui exploite la terre, lorsqu’il est vivant et qu’il jouit de l’autorité. Et lorsqu’il est absent, le montant de prélèvement qui lui est dû est fixé selon le taux pratiqué couramment. Cela ne contredit pas l’attribution de la propriété à l’exploitant -que nous avons constatée dans les Récits concernant la mise en valeur- à savoir : « Celui qui met une terre en valeur la possède » ; car cette attribution n’a que la valeur des propos tenus par les propriétaires à l’adresse de leurs paysans : « Quiconque met en valeur une terre, y creuse des ruisseaux ou des rivières, la terre lui appartient », propos qui n’équivalent dans la loi coutumière (la norme) qu’à une incitation à la mise en valeur de la terre, incitation qui signifie seulement que le paysan qui met en valeur la terre y a droit plus qu’un autre, y a un droit de priorité par rapport à autrui, sans pour autant que cela renie la possession de la terre par le propriétaire lui-même (l’Imam), ni n’entraîne la perte de la propriété par le propriétaire. La part revenant au propriétaire [l’Imam] -et que l’on désigne sous le nom de « malâkah » [ou part du propriétaire]- demeure la sienne et ne lui est nullement enlevée, même s’il [c’est-à-dire l’Imam] leur a ajouté [aux exploitants] la propriété [de la terre] lorsqu’il leur a accordé la permission générale de l’exploiter.» (4)
Cet avis juridique que le Chaykh al-Tûsî et le faqîh Bahr-al-‘Ulûm approuvent se réfère à plusieurs textes prouvés, rapportés par des chaînes saines, des Imams d’Ahl-ul-Bayt, ‘Alî et ses descendants (S). Dans ces textes, il est dit en effet : «Quiconque, parmi les Croyants, met en valeur une terre, celle-ci est à lui, mais il doit en acquitter le tasq.» (5) ou encore : «Celui parmi les Musulmans qui met en valeur une terre, qu’il l’aménage et qu’il acquitte son kharâj, il a en contrepartie ce qu’il consomme de sa récolte.» (6) Ainsi, à la lumière de ces textes, la terre ne devient pas propriété privée de celui qui l’a mise en valeur, autrement il serait exorbitant de lui imposer de payer le loyer de la terre à l’Etat. En fait, la raqabah de la terre demeure propriété de l’Imam, et l’individu y jouit d’un droit dans la raqabah lui permettant d’utiliser la terre et d’empêcher les autres de la lui prendre ; en contrepartie de quoi l’Imam doit lui imposer l’acquittement d’un tasq. (7)
Cet avis jurisprudentiel qui donne à la propriété de l’Imam sa signification réelle, et permet à ce dernier d’imposer le tasq sur les terres de l’Etat, n’est pas seulement celui des faqîh partisans de la Ligne d’Ahl-ul-Bayt -tel le Chaykh al-Tûsî- mais il a des développements et des versions variés dans les différentes doctrines jurisprudentielles musulmanes. Ainsi, selon Ahmad ibn Hanbal, la friche morte de la terre de Sawâd aussi est considérée comme terre kharâjite, et l’Etat doit y imposer un kharâj en tant que propriété de tous les Musulmans. Pour ce dire, il s’est référé à ce que ‘Omar ibn al-Khattâb a fait lorsqu’il a arpenté le « ‘Amer » et le « Ghâmer » (la terre cultivée et la terre inculte) de la terre de Sawâd, en leur imposant à tous deux un kharâj.
Certains faqîh ont considéré les mawât conquis par la force comme terre générale de tous les Musulmans. Al-Mâwerdî, citant Abû Hanîfah et Abû Yûsef, écrit que si l’individu met en valeur une terre de mawât et y achemine l’eau de kharâj, cette terre devient terre de kharâj, et l’Etat doit y imposer (à la terre) un kharâj. Par eau de kharâj ils (Abû Hanîfah et Abû Yûsef) entendent les fleuves conquis par la force, tels que le Tigre, l’Euphrate et le Nil. Ainsi, toute terre mise en valeur grâce à l’eau de kharâj devient-elle kharâjite et entre-t-elle dans le cadre de la Tutelle de l’Etat sur la situation de kharâj, même si la terre elle-même n’a pas été conquise par la force. De même, il est écrit dans le livre « Al-Amwâl » d’Abû ‘Obayd, qu’Abû Hanîfah disait : « La terre de kharâj est toute terre atteinte par l’eau de kharâj. »
Quant à Muhammad ibn al-Hassan al-Chîbânî, il a reconnu lui aussi le principe de l’imposition de kharâj sur les parties mises en valeur de la terre de mawât, mais il a choisi un autre détail, différent de ce qu’ont dit Abû Hanîfah et Abû Yûsef précédemment. Il dit en effet : «Si la terre mise en valeur donne sur des fleuves creusés par des non-Arabes, elle est terre kharâjite, et si elle donne sur des fleuves creusés par Allah, elle est terre de « dixième »»
En tout état de cause, le principe de l’imposition de kharâj sur la terre mise en valeur se trouve sous une forme ou sous une autre dans les différents courants jurisprudentiels.
Nous remarquons que ces dires de faqîh non imamites n’atteignent pas le niveau auquel est parvenue la fatwâ(8) du Chaykh al-Tûsî, ainsi que celles de nombreux autres faqîh imamites, car ces dires ne constituent vraiment que des expressions diverses des limites de la terre kharâjite, limites qui comprennent une partie des terres de mawât, tels que les mawât de Sawâd ou les mawât mis en valeur par l’eau de kharâj. Mais ces dires nous permettent, en tout état de cause, de voir que le principe de l’imposition de kharâj sur la terre mise en valeur figure, sous une forme ou sous une autre, dans des courants jurisprudentiels différents et que rien ne nous empêche de le considérer comme une justification de principe dans la Charî’ah islamique pour l’imposition de kharâj par l’Imam sur les terres mises en valeur.
Parmi les positions jurisprudentielles qui se rapprochent dans une grande mesure de l’avis du Chaykh al-Tûsî et d’autres uléma imamites, figure la position de certains faqîh hanafites, tels que Abû-l-Qâcim al-Balkhî et d’autres, qui ont traité de la terre mise en valeur par une personne, puis tombée en ruine, puis remise en valeur par une autre personne. Ces faqîh ont jugé que la deuxième personne y a la priorité, car la première avait possédé son exploitation et non pas sa raqabah, et de ce fait lorsqu’elle l’a abandonnée, la priorité est revenue à la deuxième(9). Ce jugement, bien qu’il ne mentionne pas la propriété de l’Etat sur la terre morte, et son droit d’imposer un kharâj sur ce qui est mis en valeur, se rapproche néanmoins de la position du Chaykh al-Tûsî et autres uléma imamites lorsqu’ils disent que la terre morte ne peut pas être possédée en propriété privée et que sa raqabah n’entre pas dans le cadre de la propriété de celui qui a mis la main sur elle, même s’il y pratique l’opération de mise en valeur et de l’exploitation.
Lorsque nous empruntons à la jurisprudence du Chaykh al-Tûsî le principe de la propriété de l’Imam (S), dans cette acception qui lui permet d’imposer le kharâj sur ce qui est mis en valeur des terres mortes, nous nous contentons d’étudier la position uniquement sur la plan théorique ; car il y a du point de vue théorique – comme nous l’avons vu- des justifications permettant de déduire ce principe des textes législatifs.
Mais sur le plan de l’application, ce principe ne fut pas appliqué dans la pratique. Il fut plutôt gelé dans le domaine d’application, et dégelé exceptionnellement dans certains cas particuliers à certaines époques, comme l’indiquent les « rapports de légalisation »(10). Le gel de ce principe sur le plan de l’application et dans la conduite du Saint Prophète (saw) ne saurait constituer une preuve de sa non-véracité théorique. Car il est du droit du Prophète (saw) d’exonérer du tasq, et l’exercice de ce droit ne signifie pas qu’un futur Imam ne serait pas autorisé à appliquer ce principe ou à s’y référer lorsque les circonstances qui empêchaient cette application auront disparu. De même, les textes qui abolissent exceptionnellement l’application de l’effet de ce principe à certains individus ou cas particuliers n’empêchent pas de le considérer comme une règle générale que l’on peut appliquer en dehors de ces domaines d’exception que les « rapports (akhbâr) de légalisation »(11)ont expliqués.
Et puisque nous essayons dans cette étude de découvrir la théorie économique en Islam, nous avons le droit d’assimiler, chemin faisant, ce principe. Et puisque celui-ci a un fondement islamique sur le plan théorique, il fait partie de l’image intégrale qui reflète la théorie islamique dans le domaine que nous étudions et ce qu’il ait connu une part d’application ou que des circonstances contraignantes ou d’intérêt aient conduit à sa négligence.
A la lumière de ce qui précède apparaît la différence entre le cultivateur qui travaille dans le secteur de la propriété publique, et celui qui travaille dans le secteur de la propriété de l’Etat. Bien qu’aucun des deux ne possède la raqabah de la terre, ils diffèrent quant au degré de leur relation avec la terre: alors que le premier n’en est que le locataire -comme l’a affirmé le faqîh al-Mohaqqiq al-Isfahânî dans son commentaire à propos d' »al-Makâcib »- et que l’Imam ait le droit de lui retirer la terre pour la confier à un autre à l’expiration du bail, le second jouit d’un droit sur la terre, droit qui l’autorise à l’utiliser et à empêcher les autres de la lui reprendre tant qu’il veille sur elle et la maintient en état d’exploitation.
L’opération de mise en valeur dans le secteur de l’Etat est libre, et toute personne peut l’exercer sans autorisation spéciale du Tuteur, car les textes précités ont autorisé la mise en valeur pour tous les individus sans spécification. Cette autorisation demeure valable tant que l’Etat ne voit pas dans des circonstances précises un intérêt pour décréter une interdiction. Certains faqîh considèrent que la mise en valeur n’est pas permise ni ne confère de droit sans l’autorisation du Tuteur, et que l’autorisation donnée par le Prophète (saw) dans sa proclamation : «Quiconque a mis en valeur une terre, celle-ci lui appartient» n’est pas suffisante, car elle a été prononcée par le Prophète (saw) non pas en sa qualité de Prophète, mais de Gouvernant et de chef de l’Etat islamique, et par conséquent sa validité ne s’étend pas éternellement, mais a expiré avec la fin de son gouvernement.
La terre naturellement exploitable lors de la conquête
Nombre de faqîh considèrent que les terres naturellement exploitables -y compris les terres naturellement exploitables lors de la conquête- telles que les forêts et autres terres semblables, ont pour point commun avec les terres de mawât dont nous venons de parler, la forme juridique de la propriété. Ils estiment que ces terres sont la propriété de l’Imam, en se référant à un Texte législatif saint attribué à l’Imam ‘Alî (S), qui dit : «Toute terre sans maître appartient à l’Imam.» Ce Texte confère à l’Imam la propriété de toute terre sans maître, telles les forêts et leurs semblables, car la terre ne peut avoir de maître que par la mise en valeur. Or les forêts sont naturellement vivantes sans intervention de l’homme dans leur fertilité. Elles sont donc sans maître pour la Charî’ah, et entrent dans le cadre des terres sans propriétaire ; par conséquent, elles sont soumises au principe de la propriété de l’Etat.
On pourrait objecter à cet avis que l’application du principe de la propriété de l’Etat (de l’Imam) sur les forêts et leurs semblables parmi les terres naturellement exploitables est valable dans le cas des forêts entrées dans le Dâr-ul-Islam sans guerre, car elles sont sans propriétaire. Quant aux forêts et aux terres naturellement exploitables conquises par la force et arrachées aux mains des infidèles, elles sont la propriété publique des Musulmans car elles entrent dans le domaine d’application des textes législatifs qui ont accordé aux Musulmans la propriété de la terre conquise par la force. Et si les forêts entrent, conformément à ces textes, dans le cadre de la propriété publique, elles deviennent terres ayant un maître -lequel est l’ensemble de la Ummah- et par conséquent il n’y a plus de justification à leur classement parmi les terres sans propriétaire et leur soumission au texte qui stipule que «Toute terre sans maître appartient à l’Imam.» En d’autres termes, les textes concernant les terres kharâjites en général ont la primauté sur les textes concernant les terres sans propriétaire, et cette primauté est subordonnée au fait que l’objet des textes est la terre kharâjite (la terre sous contrôle des mécréants, enlevée par la force de l’épée), et non pas seulement ce qui constituait une propriété des mécréants, auquel cas son objet ne comprendrait pas les forêts -et ce contrairement au premier cas, comme c’est évident. De même, la primauté est subordonnée aussi au fait que l’absence de propriétaire -dont parle le texte faisant de l’Imam le propriétaire de ces terres- soit explicitée comme étant aussi bien accidentelle que continuelle. Or ce qui ressort des textes qui font de la terre sans propriétaire une propriété de l’Imam, c’est qu’il s’agit de toute terre naturellement sans propriétaire ; par conséquent, il suffit qu’il y ait une absence accidentelle de propriétaire pour que la terre soit la propriété de l’Imam.
Ce qui est correct, c’est que la terre naturellement exploitable est propriété de l’Etat, sans distinguer ce qui en est conquis par la force et ce qui ne l’est pas.
C’est pour cette raison que l’individu n’acquiert pas un droit privé dans la raqabah de la terre conquise par la force et constituée de forêt et ses semblables, tout comme il n’est pas permis d’acquérir un droit privé dans la raqabah de la terre kharâjite exploitable par mise en valeur avant la conquête. On pourrait objecter que la terre naturellement exploitable peut faire l’objet d’appropriation sur la base de son acquisition en ce sens que celle-ci joue dans les terres naturellement exploitables le même rôle que joue la mise en valeur dans les terres naturellement mortes. Cette affirmation faisant de l’acquisition la base de la propriété repose sur les Rapports qui stipulent que « celui qui acquiert possède ». Mais cette affirmation appelle les remarques suivantes :
1- Certains de ces Rapports sont faibles sur le plan des transmetteurs (sanad). Aussi perdent-ils leur valeur d’argument. D’autres ne sous-entendent pas cette affirmation, car ils sont énoncés comme indices et pour montrer que l’acquisition est un indice apparent de la propriété, et non pas un motif de cette propriété. D’autres encore se réfèrent à des cas spécifiques, tel cet énoncé : «La main possède ce qu’elle prend, et l’oeil ce qu’il voit.» qui se rapporte à la chasse.
2- Les Rapports relatifs à l’acquisition, même si nous les admettons, ne sont pas absolus, mais concernent les mubâhât primitives qui ne sont pas la propriété d’un groupe ou d’un individu, et par conséquent ils ne comprennent pas cette catégorie de terres.
Partant de là, il convient donc d’appliquer aux forêts et aux terres naturellement exploitables conquises par la force les mêmes statuts qui sont appliqués aux terres de conquête rendues exploitables grâce à la mise en valeur et à l’effort humain.
La terre devenue islamique par l’Appel (la conversion de ses habitants)
Les terres devenues musulmanes par l’Appel sont toutes les terres dont les habitants se sont convertis à l’Islam et ont répondu à l’Appel sans engager contre lui aucune lutte armée, telle la terre de Médine, celle d’Indonésie, et d’autres régions dispersées à travers le monde musulman.
Les terres devenues musulmanes par l’Appel se divisent -tout comme les terres devenues musulmanes par la conquête- en terres exploitables mises en valeur par leurs habitants, lesquels se sont convertis volontairement à l’Islam, les terres naturellement exploitables, telles que les forêts, et les terres mortes entrées en Islam volontairement.
Les mawât de la terre devenue musulmane par l’Appel sont comme les mawât des terres de conquête ; ils sont donc soumis au principe de la propriété de l’Etat et à tous les statuts que nous avons énumérés à propos des mawât de conquête, car la terre morte en général est considérée au nombre des butins (anfâl), lesquels sont propriété de l’Etat.
De même, la terre naturellement exploitable annexée à la possession islamique par une acceptation pacifique de l’Islam est elle aussi propriété de l’Etat, et ce en application du principe jurisprudentiel stipulant que « toute terre sans maître fait partie des butins ».
Mais la différence entre ces deux catégories -terre morte et terre exploitable naturellement- et bien que celles-ci soient toutes deux propriété de l’Etat, est que l’individu peut acquérir un droit privé dans la terre morte en la mettant en valeur, et que des statuts juridiques lui sont fixés, que nous avons soulignés dans les détails législatifs relatifs à l’opération de mise en valeur que l’individu exerce dans la friche des terres de conquête ; alors qu’en ce qui concerne les terres exploitables naturellement, entrées en Islam volontairement, l’individu ne peut pas y acquérir un droit par la mise en valeur, car ces terres sont exploitables et vivantes naturellement : les individus ont seulement l’autorisation de les utiliser. Et si quelqu’un l’utilise effectivement, la terre ne lui sera pas retirée au profit d’un autre tant qu’il continuera à l’utiliser, car il n’y a pas de préférence d’un individu par rapport à un autre. Quant à l’autre, on lui accorde l’autorisation d’utiliser aussi la terre mais seulement dans la mesure où son utilisation ne rivalise pas avec celle du premier, ou si le premier cesse d’utiliser et d’exploiter la terre.
Quant à la terre exploitable par suite de l’effort humain et dont les habitants se sont convertis volontairement à l’Islam, elle leur appartient. Car l’Islam accorde à un converti volontaire, sur sa terre et sur son bien, tous les droits dont il jouissait avant sa conversion. Ainsi, les maîtres d’une terre qui se sont convertis volontairement à l’Islam jouissent du droit de conserver leur terre et de la posséder en propriété privée sans payer le kharâj, exactement comme ils faisaient avant leur entrée en Islam(12).
En tout état de cause, le Tuteur a sans aucun doute le droit de mettre en valeur certaines terres de l’Etat, et de fixer la portion de ces terres que chaque individu est autorisé à mettre en valeur, si l’intérêt général l’exige.
Les statuts des terres de mawât se résument ainsi :
1- Ces terres sont la propriété de l’Etat.
2- Leur mise en valeur par les individus est autorisée en principe, si le Tuteur n’y oppose pas une interdiction.
3- Si un individu met en valeur et rend exploitable une terre de l’Etat, il y acquiert un droit qui lui permet de l’utiliser et d’empêcher les autres d’y rivaliser avec lui, mais sans que la terre devienne pour autant sa propriété privée.
4- L’Imam peut exiger de l’individu qui met la terre en valeur le paiement d’un kharâj, étant donné qu’il est le propriétaire de la terre, et imposer le montant de ce kharâj selon l’intérêt général et l’équilibre social. L’Imam peut aussi dispenser du paiement d’un kharâj dans des circonstances particulières et pour des considérations exceptionnelles, comme nous l’avons vu dans la Sunnah du Prophète (saw).
A la lumière de ce qui précède, nous pouvons distinguer clairement le droit privé d’utiliser la terre -dont nous avons dit que l’individu l’acquiert par la mise en valeur-, de la propriété privée de la raqabah de la terre -dont nous avons souligné qu’elle ne saurait être acquise par la mise en valeur. Nous pouvons maintenant résumer comme suit les plus importants des points de distinction entre ce droit privé d’utiliser la terre et la propriété de la raqabah de la terre :
- a) Le droit privé d’exploiter la terre autorise l’Etat à percevoir un loyer de l’ayant droit en contrepartie de son utilisation de la terre, car la raqabah de celle-ci demeure propriété de l’Etat, alors qu’un tel loyer ne serait pas justifiable dans le cas où l’on possède la raqabah de la terre en propriété privée.
- b) Ce droit d’utilisation est un droit de priorité sur autrui, en ce sens que le premier à mettre en valeur la terre y a la priorité sur celui qui ne l’a pas fait, mais cela ne signifie pas qu’il ait priorité sur l’Imam lui-même, car celui-ci est le propriétaire légal. Il s’agit donc d’un droit relatif que celui qui en jouit peut opposer aux autres, mais pas au propriétaire lui-même. C’est pourquoi l’Imam a le droit de le reprendre si l’intérêt général l’exige, comme l’a noté le Récit d’al-Kâbolî.
- c) On pourrait dire que ce droit d’utilisation diffère de la propriété par l’objet, car l’objet de la propriété privée de la raqabah de la terre est la terre elle-même, alors que ce droit est le droit de la mise en valeur, et par voie de conséquence un droit sur la vie que l’exploitant a donnée à la terre, et non pas un droit sur la terre elle-même. Il en découle que si la vie de la terre venait à disparaître, et que la terre redevienne une friche, ce droit disparaîtrait naturellement, car son objet aurait disparu. Quant à la propriété rattachée à la raqabah de la terre, sa déchéance nécessite une preuve, car son objet demeure constant.
La terre de réconciliation
C’est la terre que les Musulmans ont attaquée en vue de la conquérir, et dont les habitants ne se sont pas convertis à l’Islam sans pour autant résister par les armes à l’Appel. Ils ont conservé leur religion tout en acceptant de vivre pacifiquement au sein de l’Etat islamique. Une telle terre devient « terre de réconciliation » dans la norme juridique, et il faut lui appliquer les accords convenus lors du traité de réconciliation. Si l’acte de réconciliation stipulait que la terre reviendra à ses habitants, elle doit être considérée comme leur propriété, et l’ensemble de la Ummah n’y a pas de droit. Mais si la réconciliation s’est faite sur la base de la possession par la Ummah de cette terre en propriété publique, il faut respecter cette disposition, et la terre est soumise au principe de la propriété publique et au prélèvement du kharâj.
Aussi n’est-il pas permis de s’écarter des stipulations de l’acte de réconciliation, comme en témoigne ce hadith du Prophète (saw) cité dans « Kitâb al-Amwâl » : «Peut-être serez-vous amenés à combattre un peuple qui vous évitera en vous soumettant ses biens et non pas lui-même et ses enfants, et qui conclura avec vous un traité de réconciliation. Dans ce cas ne lui prenez pas plus que ce qui est convenu, car cela ne serait pas licite pour vous.» De même, les « Sunan » d’Abî Dâwûd rapportent ce hadith du Prophète (saw) : «Quiconque parmi vous aura été injuste envers ce co-contractant, ou lui aura accordé moins que ce qui est stipulé dans le contrat, ou aura exigé de lui plus qu’il ne pourra, ou lui aura pris quelque chose sans son consentement volontaire, je serai son adversaire le Jour de la Résurrection.»
Quant aux mawât de réconciliation, la règle y est la propriété de l’Etat, comme c’est le cas des mawât des terres de conquête et de ceux des terres devenues musulmanes par l’Appel. De même, la règle de la propriété de l’Etat s’applique aux forêts et leurs semblables parmi les terres de réconciliation naturellement exploitables, à moins que le Prophète (saw) ne les ait incluses dans le contrat de réconciliation, auquel cas on leur applique les exigences du contrat.
D’autres terres d’Etat
Il existe d’autres sortes de terres, qui sont soumises au principe de la propriété de l’Etat, telles que celles que leurs habitants ont livrées eux-mêmes à l’Etat islamique sans que les Musulmans les attaquent. De telles terres font partie des butins (Anfâl) qui appartiennent exclusivement à l’Etat, ou en d’autres termes au Prophète (saw) et à l’Imam, comme en décide le Saint Coran : «Vous n’avez fourni ni chevaux ni montures pour vous emparer du butin pris sur eux et qu’Allah destine à Son Prophète. Allah donne pouvoir à Ses Prophètes sur qui IL veut. Allah est Puissant sur toute chose !» (Sourate al-Hachr, 59 : 6) Al-Mâwerdî a souligné que ces terres que les infidèles abandonnent par peur deviennent, lorsque les Musulmans s’en emparent, « waqf« , biens de mainmorte(13). Ce qui signifie qu’elles entrent dans le cadre de la propriété publique.
De même, les terres apparues nouvellement dans le Dâr-ul-Islam, comme dans le cas de l’apparition d’une île nouvelle dans la mer ou dans un fleuve, sont classées dans le cadre de la propriété de l’Etat, en application de la règle jurisprudentielle qui stipule que « toute terre sans maître appartient à l’Imam. » Al-Kharchî note dans son « Charh al-Mukhtaçar al-Jalîl »(14) que si la terre n’était pas possédée par quelqu’un -comme dans le cas des déserts et des terrains abandonnés par leurs propriétaires- elle revient à l’Imam selon un avis unanime. D’aucuns prétendent que les tenants de l’Ecole juridique à laquelle appartient al-Kharchî entendent par-là la terre abandonnée par ses propriétaires incroyants et qu’en ce qui concerne les Musulmans ils ne sont pas déchus de leurs droits sur leurs terres dans le cas où ils les abandonnent.
Notes:
1-Voir édition arabe, annexe 3.
2-« Al-Om », d’al-Châfi’î, tome IV, p. 46.
3-« Al-Mabsût », du Chaykh al-Tûsî, tome II, p. 29, nouvelle édition.
4-« Bolghat al-faqîh », d’al-Sayyed Muhammad Bahr-al-‘Ulûm, p. 98.
5-« Al-Wasâ’il », d’al-Hor al-‘Amilî, tome VI, p. 383.
6-« Tahdîd al-Ahkâm », du Chaykh Muhammad ibn al-Hassan al-Tûsî, tome VII, p. 152 ; et « Al-Furû’ min al-Kâfî », d’al-Kulaynî, tome V, p. 279.
7-Voir édition arabe, annexe 4.
8-Fatwâ : décret religieux..
9-Voir : « Takmilat Charh Fat-h al-Qadîr », Tome VI, p. 137 ; et « Charh al-‘Inâyah ‘alâ al-Hidâyah » en marge de la même page.
10-En arabe: akhbâr al-tahlîl.
11-Voir note précédente.
12-Voir édition arabe, annexe 6.
13-« Al-Ahkâm al-Sultâniyyah », p. 133.
14-« Charh al-Mukhtaçar al-Jalîl », d’al-Kharchî, tome II, p. 208.