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Discussion des arguments en faveur de la propriété privée
Certains parmi les chercheurs musulmans -anciens et modernes- tendent à soumettre la terre conquise par la force au principe du partage entre les combattants, sur la base de la propriété privée, à l’instar du partage entre eux des butins.
Ils se réfèrent, sur le plan jurisprudentiel, pour appuyer leur thèse, à deux sources :
1- le « Verset du Butin » ;
2- La conduite du Saint Prophète (saw) concernant le partage des butins à Khaybar.
En ce qui concerne le « Verset du Butin », de la Sourate al-Anfâl, (Le Butin), dans lequel Allah dit :
«Sachez que quel que soit le butin que vous preniez, le cinquième appartient à Allah, au Prophète et à ses proches, aux orphelins, aux pauvres et au voyageur…» (Sourate al-Anfâl, 8 : 41)
Ces chercheurs affirment que ce Verset signifie -dans son sens venant naturellement à l’esprit- que tout ce qui est conquis en butin étant soumis au prélèvement d’un cinquième, le reste doit être partagé entre les conquérants et ce sans distinction entre la terre et les autres formes de butin.
Mais en réalité, le maximum que ce Noble Verset puisse signifier est l’obligation de prélever le cinquième du butin comme impôt que l’Etat perçoit au bénéfice des proches du Prophète (saw), des pauvres, des orphelins et du voyageur. Et même si l’on suppose que cet impôt est prélevé également sur la terre, cela ne déterminera en aucun cas le sort des quatre autres cinquièmes, ni le type de propriété auquel il doit être appliqué. Car de même que le « Khoms » -en tant qu’impôt au profit de certaines catégories de pauvres et de leurs semblables- peut être prélevé, au profit de ces catégories de personnes, sur les butins mobiliers que les combattants possèdent en propriété privée, de même il peut être prélevé, toujours au profit des mêmes catégories de personnes, sur la terre conquise que la Ummah possède en propriété publique. Il n’y a donc aucun lien entre le prélèvement du cinquième (takhmîs) et le partage. Un bien peut être soumis au principe du prélèvement du cinquième, mais il n’est pas nécessaire qu’il soit partagé entre les combattants sur la base de la propriété privée. Le Verset de « takhmîs » ne signifie donc pas le partage entre les combattants. En d’autres termes, le butin dont parle le Verset en question doit signifier ou bien un butin de guerre, c’est-à-dire ce qui a été pris par la guerre, ou bien le butin légal -c’est-à-dire les biens que l’homme possède selon le législateur. Si nous expliquons le mot par le premier sens, il n’y aura dans le Noble Verset rien qui puisse indiquer que ce qui excède le cinquième du butin doit être considéré comme la propriété des combattants dans tous les cas. Et si nous l’expliquons par le second sens, le Verset lui-même suppose qu’il a pour objet la propriété de ceux qui sont concernés par le bien, comme s’il était formulé de la façon suivante : «Si vous possédez un bien, le cinquième y est fixe» ; et dans ce cas, on ne peut considérer le Verset comme une preuve de la propriété des combattants sur le butin, étant donné qu’il ne réalise pas son objet ni n’établit sa condition(1)
Quant aux enseignements tirés de la biographie du Saint Prophète (saw) et de sa Famille (S) concernant le partage des butins de Khaybar, ils constituent le second argument sur lequel se sont fondés ces partisans du partage de la terre entre les combattants en propriétés particulières, croyant que le Prophète (saw) avait appliqué aux terres de Khaybar le principe de la propriété privée en partageant ces terres entre les combattants qui les ont conquises.
Mais nous mettons absolument en doute la justesse de cette croyance, même si nous supposions la véracité des Récits historiques qui parlent du partage de Khaybar -par le Prophète (saw)- entre les combattants ; car l’histoire générale qui nous rapporte ceci nous fournit également d’autres indications dans la biographie du Saint Prophète (saw), qui contribuent à la compréhension des règles qu’il a appliquées aux butins de Khaybar.
Il y a par exemple le phénomène de la conservation par le Prophète (saw) d’une grande partie des intérêts de la Ummah et de l’Etat. En effet, selon les « Sunan » de Abû Dâwûd, citant Sahl ibn Abî Hachmah : «Le Prophète a divisé Khaybar en deux moitiés, l’une pour subvenir à ses besoins et résoudre les problèmes qui pourraient surgir, l’autre -qu’il a divisée en dix-huit parts- pour les Musulmans.»
Selon Bachîr ibn Yasâr, citant quelques Compagnons du Prophète (saw) : «Lorsque le Messager d’Allah est venu à Khaybar, il a partagé celle-ci en trente-six parts de cent sous parts chacune. Il consacra la moitié de tout cela à lui-même et aux Musulmans, et il mit à part l’autre moitié pour couvrir les dépenses occasionnées par les délégations qui se rendaient chez lui, et pour résoudre les problèmes graves qui frapperaient les gens.»
Selon ibn Yasâr : «Lorsque Allah a octroyé Khaybar au Prophète, il l’a divisé en trente-six parts, dont chacune comportait cent sous parts. Il en a conservé la moitié, à savoir « al-Watîhah », « al-Katîbah » et ce qui avait été acquis avec elles, pour ses besoins et pour ce qui pourrait lui arriver, et il a partagé l’autre moitié -soit « al-Chaq » et « al-Nat’ah » et ce qui avait été acquis avec eux. La part du Prophète était ce qui avait été acquis avec les deux.» (2)
Il y a une autre indication. En effet, le Saint Prophète (saw) exerçait lui-même le contrôle des terres de Khaybar, bien qu’une partie de celles-ci fût répartie entre les individus. Il avait conclu des accords de fermage avec les Juifs, accords stipulant qu’il se réservait le droit de les expulser quand il le désirerait.
Il est noté dans les « Sunan » d’Abû Dâwûd que : «Le Prophète a voulu un jour faire partir les Juifs de Khaybar. Ceux-ci lui dirent : « O Muhammad ! Laisse-nous travailler sur cette terre, nous aurons une part de la production et vous aurez l’autre part.»
‘Abdullâh ibn ‘Omar, cité également par les « Sunan » d’Abû Dâwûd, dit : «’Omar dit un jour : « O gens ! Le Messager d’Allah avait traité avec les Juifs sur la base de notre droit de les faire sortir quand nous le voudrions. Aussi, quiconque possède un bien, qu’il le rejoigne, car je vais faire sortir les Juifs de Khaybar. » Et il les fit sortir effectivement.»
De même, selon ibn ‘Omar : «Lorsque Khaybar fut conquis, les Juifs demandèrent au Messager d’Allah de les laisser (sur place) à condition qu’ils travaillent sur la base du prélèvement de la moitié de sa récolte. Le Messager d’Allah leur dit : « Je vous y laisse sur cette base tant que nous le voudrons. » Et il en fut ainsi, les dattes étaient divisées en deux parts dans la moitié de Khaybar. Le Prophète en prenait le cinquième.»
Abû ‘Obayd cite, dans son « Kitâb al-Amwâl », ce témoignage d’Ibn ‘Abbâs : «Le Prophète a concédé Khaybar -la terre et les dattiers- à ses habitants sur la base d’un partage de moitié-moitié.»
Si nous réunissons ces deux indications de la biographie du Saint Prophète (saw) (conserver une grande partie de Khaybar pour le service des Musulmans et les affaires de l’Etat, et contrôler -en sa qualité de Tuteur- les affaires de l’autre partie aussi -que nous supposons qu’il a partagée entre les combattants- nous pouvons donner à la biographie du Prophète une interprétation qui concorde avec les précédents textes législatifs qui établissent le principe de la propriété publique dans la terre conquise. Car il est possible que le Messager d’Allah ait appliqué à la terre de Khaybar le principe de la propriété publique qui exige que la Ummah s’approprie la raqabah de la terre, et que celle-ci soit utilisée au bénéfice de la Ummah et de ses besoins généraux.
Ces besoins généraux de la Ummah étaient alors de deux sortes :
1- couvrir les dépenses que le Gouvernement engageait dans l’exercice de son devoir vis-à-vis de la société islamique
2- établir l’équilibre social et relever le niveau général qui était si bas que ‘A’ïchah en dit, en le décrivant : «Nous n’avions pas assez de dattes jusqu’à ce qu’Allah ait ouvert Khaybar.» Le traitement de ce degré de détérioration du niveau de vie, qui constituait un obstacle au progrès de la jeune société et à la réalisation de ses idéaux dans la vie, est considéré comme un besoin général de la société.
La conduite du Saint Prophète (saw) a réalisé la satisfaction des deux sortes de besoins généraux de la société. La première sorte , le Prophète (saw) en a assuré la satisfaction par la moitié dont les Récits précités disent qu’il l’a consacrée aux problèmes graves qui se poseraient, à la réception des délégations, etc. La seconde partie des besoins a été réglée en consacrant le revenu de l’autre moitié de la terre de Khaybar à un grand nombre de Musulmans, afin que cela aide à mobiliser les énergies générales dans la société islamique, et pour leur permettre de réaliser un niveau plus élevé. Le partage de la moitié de Khaybar entre un grand nombre de Musulmans ne signifiait pas qu’on leur accordait la propriété de la raqabah de la terre, ni la soumission de celle-ci au principe de la propriété privée, mais le partage du revenu et de la jouissance de la terre, tout en gardant sa raqabah comme propriété publique.
C’est ce qui nous explique le fait que le Tuteur s’occupe des affaires ayant trait à la terre de Khaybar, y compris les parts des individus, car tant que la raqabah est la propriété de la Ummah, il faut que son Tuteur s’occupe lui-même des affaires de la terre.
Et c’est ce qui explique également pourquoi certains individus, qui n’avaient pas participé à la bataille de Khaybar, étaient compris dans le partage -comme l’ont affirmé de nombreux rapporteurs de hadith et historiens. Ce fait renforce notre point de vue qui consiste à expliquer ce partage comme une tentative de trouver un équilibre dans la société, au lieu de l’expliquer comme une application du principe de la répartition du butin entre les combattants, partage dont auraient été exclus les non-combattants.
Il existe un autre Verset dont ont tiré argument certains de ceux qui penchent pour la thèse de la propriété privée. Dans ce Verset, Allah dit :
«IL vous a donné en héritage leur pays, leurs habitations, leurs biens et une terre que vos pieds n’avaient jamais foulée.» (Sourate al-Naml, 27 : 33).
Selon eux, ce Verset considérerait la terre comme un héritage pour le groupe auquel il s’adresse, à savoir les fidèles contemporains de la Descente dudit Verset, ce qui exclurait sa qualité de propriété de la Ummah tout au long de son étendue historique. Le Verset a traité sur un pied d’égalité terre et biens en leur réservant un seul et même traitement, ce qui signifierait que l’héritier des biens est aussi héritier de la terre ; et étant donné que les biens concernent seulement les combattants, la terre également les concernerait seuls. Il est à noter à cet égard que ce Noble Verset a ajouté par l’emploi d’une conjonction de coordination [et] à « leur terre » et « leurs biens », une terre qu’il a décrite comme « n’ayant jamais été foulée par les Musulmans ». La terre visée ici est soit une terre sur laquelle n’avaient été engagés ni chevaux ni chameaux, et dont les habitants avaient fui par peur des Musulmans -c’est-à-dire une terre conquise sans combat-, soit une terre destinée à être conquise ultérieurement, tels les territoires perse et romain, comme l’affirment les livres d’exégèse. Si nous adoptons la première supposition dans l’interprétation de cette phrase -comme c’est le cas apparemment puisque le Verset indique qu’elle a été effectivement rendue comme héritage des Musulmans- cela traduit une sorte de butin dont la propriété revient à Allah et au Prophète (saw), et non pas aux Musulmans. Auquel cas nous avons là une présomption en faveur de la thèse selon laquelle « l’héritage de ces choses pour les Musulmans » est le transfert du contrôle et de la mainmise vers eux, et non pas le transfert de la propriété au sens juridique ; auquel cas il n’y a pas dans le Verset d’indication concernant le type de propriété de la terre.
Si nous adoptons la seconde hypothèse dans l’interprétation de cette phrase, celle-ci devient une présomption indiquant que le Verset ne visait pas seulement les contemporains de sa Révélation, mais la Ummah dans toute son étendue temporelle, car les contemporains de la Descente de ce Verset pourraient ne pas assister à la conquête de nouveaux territoires à la suite de batailles futures, en tant qu’individus, mais seulement en tant qu’expression de la Ummah dans son étendue historique. Dans cette hypothèse, l’héritage de la terre -mentionné dans le Verset- concorde avec la propriété publique des Musulmans. Quant à se fonder sur l’unité de contexte pour établir que ceux qui possèdent la terre sont ceux-là mêmes qui possèdent les biens -c’est-à-dire exclusivement les combattants- cela n’est pas pertinent, car cela conduirait à considérer que le Verset est adressé exclusivement aux combattants, alors que le sens apparent dudit Verset vise toute la Communauté musulmane contemporaine. Il est donc indispensable de conférer à l’héritage un sens autre que la possession, dans son sens littéral, qui consacre les biens pris en butin de guerre, propriété particulière des combattants. Cet autre sens, c’est leur contrôle de ces biens, ou l’entrée de ces biens en leur possession en tant que propriété privée ou publique. Auquel cas le Noble Verset pourrait être formulé comme suit : «Nous vous avons donné pouvoir sur leur terre et sur leurs biens» ou encore : «Nous avons mis la propriété de leur terre et de leurs biens en votre possession», et par conséquent rien dans ledit Verset n’indique alors que le propriétaire -au sens littéral du terme- est le même en ce qui concerne les biens et en ce qui concerne les terres.
La conclusion que nous tirons de tout ce qui précède est que la terre conquise devient propriété publique des Musulmans si elle était exploitable lors de la conquête(3). Et en tant que propriété publique de la Ummah, et consacrée à ses intérêts généraux, cette terre n’est pas soumise aux statuts de l’héritage, et la part que l’individu musulman en possède -en tant que membre de la Ummah- n’est pas transmissible à ses héritiers. Tout Musulman y a un droit uniquement en tant que Musulman. De même que la terre « kharâjite » n’est pas transmissible par héritage, de même elle ne saurait être vendue -car il n’est pas permis de vendre un bien de mainmorte. En effet, le Chaykh al-Tûsî a écrit dans « al-Mabsût » : «Il n’est pas correct de prendre l’initiative d’y effectuer une opération de vente et d’achat, de don et de compensation, d’appropriation, de louage, d’héritage.» Et selon Mâlik : «La terre ne peut pas être partagée. Elle est bien de mainmorte, dont le kharâj est dépensé dans l’intérêt des Musulmans : les allocations des combattants, la construction de canaux et de Mosquées, et d’autres bonnes œuvres.»
Lorsque la terre est livrée aux cultivateurs en vue de son exploitation, ceux-ci n’acquièrent pas un droit personnel fixe dans la raqabah de la terre, et ils n’y sont que des locataires qui cultivent la terre et paient en échange le loyer ou le kharâj, selon les conditions convenues dans le contrat. Et lorsque la période prévue pour le louage expire, leur lien avec la terre est interrompu ; ils ne peuvent l’exploiter ni la mettre à leur disposition que s’ils renouvellent le contrat et concluent de nouveau un accord avec le Tuteur.
Cela est nettement confirmé par le faqîh al-Isfahânî dans son commentaire sur les grains, où il dénie la possibilité pour l’individu d’acquérir dans la terre kharâjite tout droit personnel dépassant les limites de l’autorisation accordée par le Tuteur dans le contrat de louage en vue de l’utilisation et de l’exploitation de la terre contre un loyer pendant une période déterminée.
Si la terre kharâjite est négligée jusqu’à ce qu’elle soit tombée en ruine et que sa mise en valeur disparaisse, elle ne perdra pas pour autant sa qualité de propriété publique de la Ummah. Aussi ne permet-on pas à un individu de la remettre en valeur, à moins qu’il n’obtienne une autorisation de la part du Tuteur, auquel cas la remise en valeur de la terre par cet individu ne lui confère pas un droit privé sur la raqabah de la terre, car le droit privé dû à la mise en valeur est acquis seulement dans les terres d’Etat dont nous parlerons par la suite, et non pas dans les terres kharâjites que la Ummah possède en propriété publique, comme l’a affirmé l’auteur d’al-Bolghah dans son livre.
Donc, les superficies ruinées des terres kharâjites demeurent kharâjites et propriété des Musulmans, et ne deviennent pas une propriété privée de l’individu du fait de sa mise en valeur et de son exploitation de ces terres.
Nous pouvons tirer de cet exposé la conclusion suivante : les terres annexées au Dâr-ul-Islam(4) par le Jihâd, et qui sont exploitables grâce à des efforts humains antérieurs à la conquête, sont soumises aux statuts légaux suivants :
1- Elles deviennent propriété publique de la Ummah, et personne n’a le droit de se les approprier ni de se les réserver exclusivement.
2- Tout Musulman a un droit sur ces terres, en sa qualité de membre de la Ummah. Mais il n’en perçoit pas la part de ses proches par héritage.
3- Les individus n’ont pas le droit de conclure sur la terre elle-même des contrats de vente, de don, etc.
4- Le Tuteur est responsable de la conservation et de l’exploitation de ces terres ; de même, il lui incombe la responsabilité d’imposer le montant du kharâj lorsqu’il les confie à des cultivateurs.
5- Le kharâj que le cultivateur paie au Tuteur a le même statut de propriété que la terre. Il est donc propriété de la Ummah, comme la terre elle-même.
6- Le lien du locataire avec la terre est interrompu lors de l’expiration de la période de louage, au-delà de laquelle il n’a pas le droit de l’accaparer.
7- Si la terre kharâjite perd sa mise en valeur et devient terre morte, elle ne perd pas pour autant sa qualité de propriété publique ; et nul n’a le droit de se l’approprier par remise en valeur et restauration.
8- L’exploitabilité de la terre résultant des efforts de ses anciens habitants -lors de la conquête islamique- est une condition essentielle de la propriété publique et des statuts précités. Si donc la terre n’avait pas été mise en valeur par un effort humain précis, elle n’est pas soumise auxdits statuts.
C’est pour toutes ces raisons que nous avons besoin aujourd’hui, dans le domaine de l’application, de nombreux renseignements historiques sur la terre islamique et le degré de sa mise en valeur, afin de pouvoir distinguer, à leur lumière, les endroits valorisés lors de la conquête, des autres endroits restés incultes. Compte tenu de la difficulté d’obtenir des renseignements déterminants à cet égard, nombre de faqîh se sont contentés de suppositions. Ainsi, toute terre dont on croit qu’elle était probablement mise en valeur lors de la conquête islamique est-elle considérée comme propriété des Musulmans.
Prenons, à titre d’exemple, les tentatives de certains faqîh en vue de déterminer le statut de la terre kharâjite possédée en propriété publique sur le territoire iraqien conquis pendant la deuxième décennie de l’Hégire. En effet, dans son livre « Al-Muntahâ », al-‘Allâmah al-Hillî écrit : «La terre de Sawâd est la terre conquise sur les Perses par ‘Omar ibn al-Kattâb. Elle est le Sawâd de l’Iraq, et s’étend, en largeur, de l’extrémité des montagnes à Halwân, jusqu’à la bordure de Qâdiciyyah, reliée au ‘Othayb du territoire arabe, et en longueur depuis les limites de Mouçil jusqu’à la côte de la mer dans le pays d’Abâdân, à l’est du Tigre. Quant à l’ouest du Tigre, qui est suivi par Baçrah, il est islamique, comme le fleuve de ‘Amr ibn al-‘Aç… Et toute cette terre ainsi délimitée a été conquise de force par ‘Omar ibn al-Khattâb qui y a envoyé par la suite trois personnes : ‘Ammâr ibn Yâsir, imam de Prière, Ibn Mas’ûd, juge et responsable du Trésor Public, ‘Othmân ibn Honayf, responsable de l’arpentage de la terre. Il leur a alloué (comme impôt prélevé sur les habitants de la terre conquise) une brebis par jour, dont une part avec les parties superflues à ‘Ammâr, et l’autre part aux autres, en disant : « Je ne crois pas qu’on puisse prélever dans un village chaque jour une brebis sans qu’il connaisse rapidement la ruine. »»
Dans le livre « Al-Ahkâm al-Sultâniyyah » d’Abî Ya’lî, il est écrit : «La frontière de Sawâd est, en longueur de Hadithah de Mouçil jusqu’à Abâdân, et en largeur de ‘Othayb d’al-Qâdiciyyah jusqu’à Halwân. Sawâd est ainsi long de cent soixante farsakh, et large de quatre-vingt farsakh, mis à part les villages -nommés par Ahmad et mentionnés par Abû ‘Obayd, à savoir al-Hirah, Yaneqyâ, la terre de Banî Salûbâ et un autre village- qui étaient entrés en Islam par traité de réconciliation.»
‘Omar, cité par Abû Bakr, écrit : «Allah -IL est Puissant et Glorifié- a permis la conquête du territoire s’étendant entre al-‘Othayb et Halwân.
«Quant à l’Iraq, il comprend, en largeur, la largeur -reconnue par la norme- de Sawâd, et sa largeur est plus courte que sa longueur, car il commence à l’est du Tigre à « al-‘Alth » et à l’ouest du Tigre à « Harbi », puis il s’étend jusqu’aux prolongements de Baçrah dans l’île de Abâdân. Il est donc long de cent vingt-cinq farsakh -soit trente-cinq farsakh de moins que la longueur de Sawâd- et large de quatre-vingt farsakh, soit aussi large que le Sawâd.
«Qodâmah ibn Ja’far écrit : « Le total en est de dix mille farsakh, et la longueur de chaque farsakh étant de douze mille bras étendus, cela fait neuf « mille bras de superficie », soit vingt-deux mille et cinq cents jarid, si on le multiplie par le même nombre, c’est-à-dire si on multiplie un farsakh par un farsakh. Et si on multiplie ce nombre par le nombre de farsakh, soit dix mille farsakh, le résultat est de deux cent mille milliers et vingt-cinq mille milliers de jarid, dont on soustrait par forfait les lieux des collines et les plaines de terres, de broussailles, les terres salines, les chemins délaissés et les grandes routes (mahâj), les cours d’eau, les terrains non construits des villes et des villages, les emplacements des moulins et des lacs, des ponts, des fontaines, des fermes, des dépôts de roseaux, des fours à briques, etc. soit soixante quinze mille milliers de jarid, le reste constituant la superficie de l’Iraq, soit mille milliers de jarid et cinquante mille milliers de jarid, dont il faut soustraire la moitié, et l’autre moitié est donc cultivée, avec tout ce qu’elle comprend de dattiers, de vignes et d’arbres. » Et si vous ajoutez à ce qu’a mentionné Qodâmah concernant la superficie de l’Iraq, à savoir le reste de Sawâd -soit trente-cinq farsakh- la superficie supplémentaire qu’il faut ajouter à celle de l’Iraq est son quart, et c’est ce nombre qui constitue la superficie de toute la terre de Sawâd qui est apte à la culture et à la plantation, et il est possible qu’une partie illimitée de cette superficie cultivée devienne improductive à cause d’accidents et d’événements.»
La terre morte lors de la conquête
Si la terre n’était déjà exploitable ni naturellement, ni par suite d’un effort humain lors de son entrée en Islam, elle est propriété de l’Imam -et c’est ce que nous appelons « propriété de l’Etat »- et elle n’entre pas dans le cadre de la propriété privée. Aussi a-t-elle ceci de commun avec la terre kharâjite qu’elle n’est pas soumise au principe de la propriété privée, tout en s’en différenciant toutefois quant à la forme de sa propriété. En effet, la terre exploitable lors de la conquête est considérée comme propriété publique de la Ummah lorsqu’elle entre en la possession de l’Islam, alors que la terre morte est considérée comme propriété de l’Etat lors de son entrée dans le Dâr-ul-Islam.
Les preuves de la propriété par l’Etat de la terre morte
La preuve juridique de la propriété par l’Etat de la terre morte lors de la conquête, est qu’elle fait partie des butins, comme en témoigne le Hadith. Les butins sont en effet un groupe de richesses que la Charî’ah a déclarées propriété de l’Etat, puisqu’Allah dit : «Ils t’interrogent au sujet du butin. Dis : « Le butin appartient à Allah et à Son Prophète. Craignez Allah ! Maintenez la concorde entre vous. Obéissez à Allah et à Son Prophète, si vous êtes Croyants !» (Sourate al-Anfâl, 8 : 1)
Selon al-Chaykh al-Tûsî, commentant dans son livre « al-Tah-thîb » les circonstances de la Descente de ce Verset, lorsque d’aucuns demandèrent au Prophète (saw) de leur donner une partie du butin, ledit Verset descendit pour confirmer le principe de la propriété de l’Etat et récuser le partage du butin entre les individus selon le principe de la propriété privée.
La possession du butin par le Prophète (saw) traduit la possession de ce butin par la fonction Divine de l’Etat. C’est pourquoi la possession du butin par l’Etat continuera et s’étendra au long de l’étendue de l’Imamat après le Prophète (saw), comme l’affirme ce hadith attribué à l’Imam ‘Alî (S) : «Celui qui se charge des affaires des Musulmans a la charge du butin qui appartenait au Messager d’Allah, puisqu’Allah dit : « Ils t’interrogent au sujet du butin. Dis : Le butin appartient à Allah et à Son Prophète. » Or ce qui appartient à Allah et à Son Messager appartient aussi à l’Imam.» (5) Ainsi, si le butin est une propriété de l’Etat -comme le décide le Saint Coran- et que la terre non vivante lors de la conquête fait partie du butin, il est naturel qu’elle soit classée dans le cadre de la propriété de l’Etat. C’est sur cette base que l’Imam al-Sâdiq (S) a dit, à propos de la détermination de la propriété de l’Etat (c’est-à-dire la propriété de l’Imam) : «Toutes les terres mortes lui appartiennent, conformément à la Parole d’Allah : « Ils t’interrogent au sujet du butin [ils te demandent de leur en donner une part]. Dis : le butin appartient à Allah et à Son Prophète. »»
Un autre indice de la propriété de l’Etat sur les terres mortes est ce hadith attribué au Saint Prophète (saw) : «L’homme n’a que ce qui contente l’âme de son Imam.» Abû Hanîfah a déduit de ce hadith qu’il n’est pas permis de mettre en valeur ni de donner en propriété privée les terres mortes sans l’autorisation de l’Imam» (6), ce qui est tout à fait conforme à l’appartenance des terres mortes à l’Imam, ou en d’autres termes à l’Etat(7).
Un autre indice encore, c’est la parole du Prophète (saw) rapportée par Ibn Tâwûs (citant son père) et cité dans « Kitâb al-Amwâl » d’Abî ‘Obayd : «Le Prophète a dit : « L’ordinaire de la terre appartient à Allah et à Son Prophète, puis il est à vous. »» Ce texte stipule l’appropriation par le Prophète (saw) de l’ordinaire de la terre. La dernière partie de la phrase « puis il est à vous » énonce le droit de la mise en valeur dont nous parlerons plus loin.
Il est écrit dans « Kitâb al-Amwâl » : «La terre ordinaire est toute terre qui avait un habitant dans les époques reculées et qui, n’en ayant plus, revient à l’Imam. Il en va de même de toute terre morte que personne n’a mise en valeur et qui n’est possédée ni par un Musulman ni par un allié.»
Selon Ibn ‘Abbâs, cité dans « Kitâb al-Amwâl » également, lorsque le Messager d’Allah (saw) est venu à Médine, on lui a donné toutes les terres auxquelles l’eau était inaccessible, afin qu’il en dispose à sa guise. Or ce texte ne confirme pas seulement le principe de la possession par l’Etat des terres mortes éloignées de l’eau, mais il confirme aussi l’application de ce principe à l’époque du Prophète (saw). Il y a dans, d’autres références, des textes affirmant que le Prophète (saw) pratiquait le contrôle effectif des terres mortes, ce qui peut être considéré comme une application pratique du principe de la possession par l’Etat de ces terres. En effet, il est écrit dans le livre de l’imam al-Châfi’î que «Lorsque le Prophète est venu à Médine, il a donné les maisons aux gens. Un groupe de membres des Banî Zohrah, dénommés les Banû ‘Abd ibn Zohrah, dirent : « Le Prophète nous a négligés. » Le Prophète répliqua : « Pourquoi Allah m’a-t-IL donc envoyé ? Allah ne sanctifie pas une nation dans laquelle on n’obtient pas pour le faible son droit. »». Al-Châfi’î a commenté ce hadith de la façon suivante : «Il y a là une indication que les terrains proches de la terre vivante et interférés avec elle, ou loin des terres mortes n’ont pas de propriétaire et doivent être accordés par le Gouvernant aux Musulmans qui lui en font la demande.» (8)
Ainsi, les deux catégories de terres -la terre exploitable et la terre morte, parmi les terres de conquête- sont soumises à l’application de deux formes juridiques parmi les formes de la propriété. Ce sont : la propriété publique de la terre exploitable et la propriété de l’Etat sur les terres mortes.
Conséquence de la différence entre les deux formes de propriété
Ces deux propriétés -la propriété publique de la Ummah et la propriété de l’Etat-, bien que concordantes dans leur signification sociale, constituent deux formes juridiques différentes, car dans l’une c’est la Ummah qui est le propriétaire, alors que dans l’autre le propriétaire est la Fonction chargée par Allah de gouverner la Ummah. La différence entre les deux formes est reflétée dans les points suivants.
1- La façon d’exploiter chacune de ces deux propriétés, et le rôle qu’elles jouent pour contribuer à la construction de la société islamique. Ainsi, les terres et les richesses possédées en propriété publique par l’ensemble de la Ummah doivent être exploitées par le Tuteur pour contribuer à la satisfaction des besoins de l’ensemble de la Ummah et réaliser ses intérêts -qui sont attachés à elle en tant qu’un tout- tels que la construction d’hôpitaux, la préparation des exigences de l’enseignement, ainsi que tous autres établissements sociaux publics qui servent l’ensemble de la Ummah. Il n’est pas permis de se servir de la propriété publique dans l’intérêt d’une partie particulière de la Ummah si son intérêt n’est pas lié à celui de l’ensemble. Il n’est pas permis par exemple d’accorder à certains pauvres des capitaux provenant de la fructification de ladite propriété, si cela ne constitue pas un intérêt et un besoin pour l’ensemble de la Ummah, comme dans le cas où la sauvegarde de l’équilibre social dépendrait de l’utilisation de la propriété publique dans ce sens. De même, il n’est pas permis de dépenser les bénéfices de la propriété publique de la Ummah dans les domaines qui relèvent de la responsabilité du Tuteur et concernant la vie des citoyens de la société islamique. Quant aux propriétés de l’Etat, de même qu’elles peuvent être exploitées dans le domaine des intérêts généraux de l’ensemble de la Ummah, de même elles peuvent être exploitées au bénéfice d’un intérêt particulier légal, tel que la fourniture de capitaux pour ceux, parmi les membres de la société islamique, qui en ont besoin, ainsi que tout autre intérêt parmi ceux dont le Tuteur a la charge.
2- La propriété publique ne permet pas à l’individu l’acquisition d’un droit privé. En effet, nous avons vu précédemment que la terre conquise par la force et dont la propriété appartient à la Ummah n’autorise pas l’individu à y acquérir un droit privé, même s’il y pratique l’opération de la mise en valeur, et ce à la différence de la propriété de l’Etat dans laquelle l’individu peut acquérir un droit privé sur la base du travail si l’Etat l’y autorise. Ainsi, si quelqu’un met en valeur une terre morte de l’Etat, avec l’autorisation de l’Imam, il y acquiert un droit privé, bien qu’il n’en possède pas la raqabah mais seulement un droit qui lui donne la priorité sur les autres, la raqabah restant propriété de l’Etat pour l’avenir.
3- Le Tuteur, ès qualité, n’a pas le droit de transférer aux individus, par vente, don ou autrement, ce qui fait partie de la propriété publique de la Ummah, et ce à la différence de ce qui fait partie de la propriété de l’Etat -dans laquelle un tel transfert est possible lorsque l’Imam y voit un intérêt général. Cette différence entre les deux propriétés rapproche ces deux expressions juridiques de celles des « biens privés de l’Etat » et des « biens publics de l’Etat » utilisées dans le Droit moderne. Ainsi, ce que nous appelons « propriété de l’Etat » correspond de ce côté à ce que l’on appelle dans le langage juridique « les biens privés de l’Etat », alors que la « propriété publique de la Ummah » correspond à ce que le Droit désigne sous l’appellation de « biens publics de l’Etat ». Toutefois, l’expression « propriété publique de la Ummah » se distingue de celle de « biens publics de l’Etat » en ceci que le texte laisse entrevoir que les biens publics qu’il comprend sont la propriété de la Ummah et que le rôle de l’Etat y est celui d’un gardien honnête, alors que l’expression juridique de « biens publics de l’Etat » peut désigner aussi bien cette même signification que le fait que ces biens sont la propriété de l’Etat lui-même.
Notes:
1-Fixe : l’obligation de payer le Khoms sur ce bien est établie.
2-Avec « al-Chaq » et « al-Nat’ah »
3-Voir Annexe 1, dans l’édition arabe.
4-Ici, le territoire islamique.
5-Cf. « Al-Mahalli », d’ibn Hazm, tome VIII, p. 234.
6-« Al-Wasâ’il », par le Chaykh al-Hor al-‘Amilî Muhammad ibn al-Hassan, tome VI, p. 270
7-Voir édition arabe, annexe 2.
8-« Al-Om », tome IV, p. 50.