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L’anniversaire de la bataille de Jamal
Bataille de Jamal (10 Jumâdâ ath-Thânî[1] ou 15 Jumâdâ ath-Thânî[2] ou 10 Jumâdâ al-Ûlâ, l’an 36 H)[3] l’anniversaire de la bataille de Jamal (du Chameau)
La bataille du Chameau“, est la première bataille durant le califat de l’Imam Ali (a). Elle a été organisée par Aïcha, l’épouse du Prophète (s), ainsi que Talha et Zubayr, contre l’Imam Ali et a eu lieu en l’an 36 H/656 aux alentours de Bassora. Prétendant que l’Imam Ali (a) avait participé à l’assassinat de ‘Uthman, ils démarrèrent ce combat pour venger sa mort. . Dans l’histoire, cette bataille fut appelée “La Bataille du Chameau”, en raison de la présence de la bête étrange sur laquelle était montée Aïcha[4] , et ce, bien qu’elle fût livrée à Khoraybah, près de Basrah.
Le motif de cette bataille
L’opinion de l’Imam Ali (a)
Selon les paroles de l’Imam Ali (a), on peut citer deux causes pour lesquelles ce combat eut lieu:
Talha et Zubayr étaient à la recherche de l’autorité[5]
La rancune
D’après l’Imam Ali (a), ils avaient une rancune envers lui pour quatre raisons:
Le Prophète (s) l’a préféré au père d’Aiche (Abu bakr).
Le Prophète (s) considérait lui et personne d’autre, comme son frère.
Le Prophète (a) ferma toutes les portes qui ouvraient sur la mosquée y compris la porte de la maison d’Abu Bakr, seule la porte de la maison de l’Imam Ali (a) resta ouverte sur la mosquée (le récit de Sadd al-Abwâb).
Suite à la défaite de certains compagnons comme Abu Bakr et ‘Umar, durant la bataille de Khaybar, le Prophète (s) décida de confier le drapeau à Ali (a) et ce dernier gagna. [6]
Rajoutons également que Talha et Zubayr se voyaient au même niveau que l’Imam Ali (a). Ils pensaient alors avoir un mérite pour le califat comme l’Imam Ali (a) et espéraient que ce dernier les consulte dans des sujets différents. Lorsqu’ils virent qu’ils n’ont rien obtenu, ils décidèrent de combattre l’émir des croyants (a).
L’opinion des commandeurs des infidèles (Nakithîn)
Dans un discours à Bassora, Talha dit:
« Je fais ce combat contre Ali, pour corriger les défauts de la communauté du Prophète (s) et inciter les gens à obéir à Allah ».[7]
Ils prétendaient que l’Imam Ali (a) avait participé à l’assassinat de ‘Uthman et défendait ses assassins. Alors, ils voulurent venger ‘Uthman en combattant l’Imam Ali (a).
L’Imam Ali (a) dit:
« Ils ont commencé ce combat en prétendant venger la mort de ‘Uthman pour que personne ne les en accuse ». [8]
Alors qu’en vérité, lorsque ‘Uthman était en vie, Aïcha elle-même n’avait pas une bonne relation avec lui.
L’opinion des Mu’tazilites
Certains savants mu’tazilites croient qu’Aiche et ses partisans ne voulaient que commander le bien et interdire le mal. [9] Cependant Ibn Abi Al-Hadid Al-Mu’tazili a dit:
« Les gens qui commencèrent ce combat ne seront pas heureux dans l’au-delà, sauf Aïcha, Talha et Zubayr. Car ces derniers demandèrent le pardon à Allah. Sans se repentir, ils ne seraient point heureux ».[10]
Le manquement à la parole
En l’an 35 H/655, les gens de la communauté musulmane (Muhajirun et Al-Ansar) beaucoup insistèrent à élire l’Imam Ali (a) comme leur calife. Talha et Zubayr demandèrent à l’Imam de leur confier le califat de Bassora et celui de Koufa (ou Irak et Yémén)[11] mais l’Imam ne les en vit pas méritant et ne l’accepta pas.[12]
N’ayant eu ni le califat ni le gouvernement d’une province, Talha et Zubayr demandèrent à l’Imam l’autorisation d’aller à la Mecque. Mais l’Imam savait qu’ils étaient en train d’user de ruse contre lui.[13]
En justifiant le manquement à leur parole et à leur allégeance, Talha et Zubayr disaient qu’ils avaient prêté allégeance avec l’Imam Ali (a) sous la force et la crainte.[14]
L’alliance de Talha et Zubayr avec Aïcha
Talha et Zubayr partirent alors à la Mecque et rencontrèrent Aïcha. Ils lui demandèrent de se soulever contre l’Imam Ali (a) en prétendant qu’il (a) avait tué ‘Uthman; ils se montrèrent désireux de venger la mort de ce dernier. Aïcha accepta, quelques temps plus tard, leur demande. [15] L’Imam Ali (a) parle de ce fait dans un de ses discours et dit: « Ils sont partis et ont emmené la femme (haram) du Prophète partout avec eux, comme on fait avec une esclave ».[16]
Zubayr fut le cousin du Prophète (fils de la tante du Prophète (s)) et de l’Imam Ali (a) ainsi que le mari de la sœur de Aïcha. Son fils Abd Allah avait un rôle très important notamment pour joindre Aïcha à son père et à Talha et pour commencer le combat.[17] De plus, Aïcha aussi, avait une rancune envers l’Imam Ali (a), c’est pourquoi elle accepta leur demande.[18] Tous les trois préparèrent alors ensemble une armée.[19]
La rencontre des révolutionnaires à Bassora
Aïcha croyait qu’il fallait aller vers Médine et y commencer le combat. Mais ils se mirent finalement d’accord pour aller à Bassora car ils n’avaient pas la capacité de confronter et combattre les gens de Médine. En plus, Talha, Zubayr et Abd Allah b. ‘Âmir avaient des partisans à Bassora. Ils purent enfin réunir 3000 soldats dont 900 qui étaient des gens de Médine et de la Mecque.[20] Sur la route, Aïcha questionnait à propos des noms de chacun des lieux par lesquels ils passaient. Lorsqu’ils arrivèrent à Hawab, elle décida de se séparer de l’armée et de rentrer à la Mecque.[21] Car le Prophète lui avait dit: « Quand les chiens de Hawab t’ont attaqué, sache que tu es sur un chemin faux ».[22]
Ensuite, Abd Allah b. Zubayr et 50 autres personnes vinrent auprès d’elle et jurèrent que cet endroit ne s’appelait pas Hawab et ainsi, ils réussirent à la dissuader.[23] Cette narration est rapportée dans les sources sunnites[24] et certaines l’ont considérée comme étant authentique (Sahih). [25] D’après la demande de Aïcha, Abd Allah b. ‘Âmir envoya une lettre aux chefs de Bassora et y entra secrètement.[26] En entendant cette nouvelle, Othman b. Hunayf (le gouverneur de Bassora, élu par l’Imam) envoya ‘Îmrân b. Hussayn et Abu Al-Aswad Al-Du’âli auprès de Aïcha pour lui demander la raison pour laquelle elle y est venue.
Aïcha leur répondit:
« Les racailles ont attaqué le sanctuaire du Prophète (s), ont tué injustement le commandeur des musulmans, ‘Uthman, se sont emparés des biens des gens et ont violé le respect de la ville sacrée ainsi que ce du mois sacré. Je suis venue pour avertir les musulmans de leurs actes et dire ce qu’on devrait faire pour améliorer cette situation».
Les envoyés de ‘Uthman b. Hunayf lui dirent que selon l’ordre divin, elle doit rester chez elle, tout comme les autres femmes du Prophète (s).[27]
Le lendemain matin, tôt, le vendredi 16 Jamâdî II de l’an 36 H. (Nov., 656 ap. J. -C.), ‘Âyechah entra dans le champ de bataille, assise dans une litière sur son grand chameau, al-‘Askar. Elle fit l’inspection de ses troupes, qu’elle animait par sa présence et par sa voix. Dans l’histoire, cette bataille fut appelée “La Bataille du Chameau”, en raison de la présence de la bête étrange sur laquelle était montée ‘Âyechah, et ce, bien qu’elle fût livrée à Khoraybah, près de Basrah.
L’armée de ‘Alî faisait face à l’ennemi en ordre de bataille, mais le Calife avait ordonné à ses combattants de ne charger que si l’ennemi les attaquait le premier. En outre, il leur donna l’ordre strict de ne jamais achever un blessé, de ne jamais poursuivre un fuyard, de ne pas s’emparer de butin et de ne jamais violer une maison. Et alors qu’une pluie de flèches lancées par l’ennemi tombait sur les troupes de ‘Alî, celui-ci ordonna à ses soldats de ne pas répondre au tir et d’attendre.
«Jusqu’au dernier moment ‘Alî fit preuve d’une répugnance implacable à l’effusion du sang de Musulmans, et juste avant la bataille il s’efforçait encore d’obtenir l’allégeance de l’adversaire par un appel solennel au Coran. Une personne, nommée Muslim, s’avança alors immédiatement, levant un exemplaire du Coran dans sa main droite. Muslim se mit à fustiger l’ennemi pour l’amener à renoncer à ses desseins injustifiés. Mais la main qui portait le Livre Sacré fut coupée par un soldat de l’armée ennemie. Il porta alors le Coran dans sa main gauche, mais celle-ci fut à son tour coupée par un autre cimeterre. L’homme ne fut pas pour autant décourager, et il sera le Coran contre sa poitrine avec ses bras mutilés, continuant ses exhortations jusqu’à ce qu’il fût achevé par les sabres de l’ennemi. Son corps fut par la suite récupéré par ses amis et des prières furent faites sur lui par ‘Alî lui-même. Le Calife ramassa ensuite une poignée de sable, la lança en direction des insurgés, invoquant contre eux la vengeance de Dieu. En même temps, l’impétuosité des hommes de ‘Alî ne pouvait être retenue plus longtemps. Tirant leurs sabres et pointant leurs lances, ils se lancèrent vaillamment dans le combat qui fut livré de tous côtés avec une férocité et une animosité extraordinaires». (“Mohammadan History” de M. Price, cité par S. Ockley, op. cit., p. 308).
Le Sort de Talhah
Alors que la bataille faisait rage et que la victoire commençait à pencher du côté de ‘Alî, Marwân Ibn al-Hakm (le Secrétaire Particulier du précédent Calife, ‘Othmân), l’un des officiers de l’armée de ‘Âyechah, remarqua que Talhah incitait ses troupes à se battre vaillamment.( 28) «Voyez ce traître! dit-il à son serviteur. Tout récemment encore, il était l’un des assassins du vieux Calife. Et le voilà qui prétend être le vengeur de son sang. Quelle plaisanterie!» Ce disant, il tira dans un accès de haine et de furie une flèche qui perça sa jambe droite et la traversa pour toucher son cheval qui se cabra et jeta le cavalier par terre.
En ce moment d’angoisse, Talhah s’écria: «Ô mon Dieu! Venge ‘Othmân sur moi selon Ta Volonté», avant d’appeler au secours. Constatant que ses chaussures ruisselaient de sang, il demanda à l’un de ses hommes de le ramasser, de le faire monter sur son cheval, derrière lui, et de le convoyer à Basrah. Et sentant sa fin proche, il appela l’un des hommes de ‘Alî qui se trouvait là par hasard: «Donne-moi ta main, dit le mourant repentant, afin que j’y pose la mienne en guise de renouvellement de mon serment d’allégeance à ‘Alî». Talhah rendit son dernier soupir en prononçant ces mots de repentir.
Lorsque ‘Alî entendit le récit de sa mort, son cœur généreux fut touché, et il dit: «Allâh ne voulait pas l’appeler au Ciel avant d’effacer sa première violation de serment par ce dernier serment de fidélité». Le fils de Talhah, Mohammad, fut lui aussi tué dans cette bataille.
Le Sort de Zubayr
Les remords et la componction avaient envahi le cœur de Zubayr après avoir écouté le rappel par ‘Alî de la prédiction du Prophète. Il ne fait pas de doute qu’il avait participé à la bataille sur l’instance de ‘Âyechah et de son fils et à contrecœur. Par la suite, il avait vu ‘Ammâr Ibn Yâcir,( 29) le vénérable et vieux Compagnon du Prophète, connu pour sa probité et son intégrité, être un Général dans l’armée de ‘Alî. Il s’était rappelé alors avoir entendu de la bouche du Prophète que ‘Ammâr serait toujours du côté des partisans de la justice et du bon droit et qu’il tomberait sous les sabres de mauvais rebelles. Tout avait semblé donc être de mauvais augure pour participer à cette bataille. Aussi se retira-t-il du champ de bataille et prit-il le chemin de la Mecque tout seul.
Lorsqu’il arriva à la vallée traversée par le ruisseau de Saba, où Ahnaf Ibn Qays avait campé avec une horde d’Arabes dans l’attente de l’issue du combat, il fut reconnu de loin par Ahnaf. «Personne ne peut-il m’apporter des nouvelles de Zubayr?» dit-il à l’adresse de ses hommes. L’un de ceux-ci, ‘Amr Ibn Jarmuz, comprit l’insinuation et se mit en route. Zubayr voyant cet homme s’approcher, le soupçonna de mauvaises intentions à son égard. Aussi lui ordonna-t-il de rester à distance. Mais après avoir échangé quelques paroles, ils devinrent amis et tous deux descendirent de leurs chevaux pour faire la Prière, étant donné qu’il en était l’heure. Lorsque Zubayr se prosterna en accomplissant sa Prière, ‘Amr saisit l’occasion et coupa sa tête avec son cimeterre.
Il apporta sa tête à ‘Alî qui pleura à la vue de cette tête. Car il s’agissait de la tête de quelqu’un qui avait été son ami. Se tournant vers l’homme qui lui avait apporté ce cadeau macabre, il s’écria, indigné: «Va-t-en maudit. Apporte tes nouvelles à Ibn Safiyah en enfer». Cette malédiction inattendue enragea le misérable qui s’attendait plutôt à une récompense, et il proféra une bordée d’injures à l’adresse de ‘Alî. Puis, dans un accès de désespoir, il dégaina son sabre et l’enfonça dans son propre cœur.
La Défaite de ‘Âyechah
Tel fut donc le sort des deux grands dirigeants des rebelles. Quant à ‘Âyechah, l’implacable âme de la révolte, la femme de guerre, elle continua à hurler inlassablement de sa voix stridente: «Tuez les assassins de ‘Othmân», incitant ses hommes à se battre. Mais les troupes, privées de leurs dirigeants, s’étaient senties déjà démoralisées et avaient commencé à retourner à la ville.
Toutefois, voyant que ‘Âyechah était en danger, ses partisans arrêtèrent leur fuite et revinrent à son secours. Se rassemblant autour de son chameau, ils essayèrent l’un après l’autre d’en saisir la bride et de prendre l’etendard, mais ils furent abattus à tour de rôle. Ainsi soixante-dix hommes périrent par la bride de cet animal maudit. La litière de ‘Âyechah, en tôle d’acier et construite comme une cage, était hérissée de dards et de flèches, et sur la bosse de l’énorme bête, elle ressemblait à un hérisson effrayant et en colère.
«Convaincu que la bataille ne pourrait être interrompue aussi longtemps que le chameau continuerait à s’amuser de la sorte avec les défenseurs de ‘Âyechah, ‘Alî exprima aux hommes qui l’entouraient son désir de les voir s’efforcer de terrasser l’animal. Après plusieurs assauts désespérants, Mâlik al-Achtar réussit enfin à forcer un passage et à casser l’une des pattes du chameau. Mais malgré cela, l’animal resta debout et impassible, et persévéra dans son attitude. Une autre patte fut brisée, mais sans résultat. Mâlik al-Achtar, étonné et terrifié par le comportement du chameau ne savait pas s’il devait continuer ou non. ‘Alî s’approcha et lui demanda de frapper sans hésitation même si l’animal paraissait bénéficier du soutien d’un agent surnaturel. Stimulé, Mâlik frappa la troisième patte et l’animal fut immédiatement terrassé.
»La litière de ‘Âyechah étant maintenant à terre, ‘Alî ordonna à Mohammad, fils d’Abû Bakr, de se charger de sa sœur et de la protéger des flèches qui continuaient à tomber de partout. Mohammad s’exécuta, s’approcha de la litière, et y introduisant sa main qui toucha par hasard celle de ‘Âyechah, il entendit cette dernière l’accabler d’insultes et crier, interrogative, quel vaurien osait toucher sa main que personne d’autre que le Prophète n’avait l’autorisation de toucher. Mohammad répondit que bien que cette main fût celle de la personne la plus proche d’elle par le sang, elle était aussi celle de son pire ennemi. Reconnaissant alors la voix bien connue de son frère, ‘Âyechah se défit rapidement de ses appréhensions». (“Mohammadan History” de M. Price, cité par S. Ockley, op. cit., p. 310).
La Magnanimité de ‘Alî envers l’ennemi
«’Âyechah pouvait s’attendre logiquement à un traitement sévère de la part de ‘Alî, étant donné qu’elle était son ennemie vindicative et acharnée, mais ‘Alî était trop magnanime pour se venger d’un adversaire vaincu». (“Successors of Mohammad” de W. Irving, p. 179).
Une fois que toutes les confusions liées à la bataille se furent estompées, ‘Alî vint voir ‘Âyechah et lui demanda comment elle allait. Ayant constaté qu’elle allait bien et qu’elle avait été sauvée sans subir aucun mal, il lui dit sur un ton de reproche: «Le Prophète aurait-il accepté que tu agisses ainsi?» Elle répondit: «Tu es victorieux. Sois donc bon envers ton adversaire vaincu». ‘Alî ne lui fit plus de reproches et ordonna à son frère Mohammad d’emmener sa sur à la maison de ‘Abdullâh Ibn Khalaf, un Khozâ’ite, notable citoyen de Basrah, tué alors qu’il combattait pour ‘Âyechah. Celle-ci demanda à son frère de chercher les traces de ‘Abdullâh, fils de Zubayr, qu’on trouvera par la suite, blessé, parmi les morts et les blessés qui jonchaient le champ de bataille.
Selon le désir de ‘Âyechah il fut amené devant ‘Alî pour obtenir son pardon. Le très généreux vainqueur promulgua alors avec magnanimité une amnistie générale pour tous les rebelles et leurs alliés, y compris ‘Abdullâh Ibn Zubayr. Malgré toutes ces mesures de clémence, Marwân et les Omayyades s’enfuirent chez Mu’âwiyeh en Syrie, ou à la Mecque.
Le Carnage dans la Bataille
Les pertes dans cette bataille furent très lourdes. Certains historiens(30) avancent le chiffre de seize mille sept cent quatre-vingt-seize tués parmi les hommes de ‘Âyechah et de mille soixante-dix parmi ceux de ‘Alî. D’autres(31) parlent de dix mille tués parmi les partisans de ‘Âyechah et cinq mille parmi ceux de ‘Alî. En tout état de cause, les cadavres jonchaient le champ de bataille. Une fosse fut creusée dans laquelle furent enterrés sur ordre du Calife aussi bien les partisans que les adversaires tués dans les combats.
La Retraite de ‘Âyechah
Lorsque le calme fut revenu, ‘Alî envoya ‘Abdullâh Ibn ‘Abbâs pour demander à ‘Âyechah de partir pour Médine,( 32) mais elle déclina l’offre, insistant sur le fait qu’elle ne voulait pas aller dans un endroit où il y avait des Hâchimites. Quelques propos de reproches furent échangés entre l’émissaire de ‘Alî et ‘Âyechah, et le premier revint auprès du Calife pour lui signifier son refus. Mâlik al-Achtar fut envoyé alors avec la même mission, mais il échoua lui aussi dans sa tentative de la persuader d’accepter l’offre du Calife. Puis ‘Alî lui-même alla la voir et lui dit qu’elle avait le devoir de rester tranquille à sa maison où elle devait aller maintenant afin de retrouver le gîte dans lequel le Prophète l’avait laissée, et d’oublier le passé. «Que Dieu te pardonne, ajouta-t-il, pour ce que tu as fait, et qu’IL te couvre de Sa Clémence». Mais ‘Âyechah ne prêta pas attention à la parole de ‘Alî.
Ce dernier lui envoya enfin, son fils al-Hassan(33) pour l’avertir que si elle persistait dans son refus de regagner son foyer à Médine, elle serait traitée de la façon qu’elle connaissait bien. Lorsqu’al-Hassan arriva, elle était en train de se coiffer, mais ayant entendu le message, elle fut si embarrassée qu’elle laissa ses cheveux à moitié coiffés, se leva tout de suite et donna l’ordre de se préparer immédiatement en vue de voyager. Après le départ d’al-Hassan les dames de la maison lui demandèrent ce que ce garçon avait de particulier qui l’avait mise si mal à l’aise alors qu’elle n’avait pas hésité auparavant à repousser la proposition de Ibn ‘Abbâs, Mâlik al-Achtar et même de ‘Alî lui-même. ‘Âyechah raconta alors comment le Prophète avait donné à ‘Alî le pouvoir de prononcer lui-même le divorce des femmes du Prophète aussi bien de son vivant qu’après sa mort.
«Al-Hassan, dit-elle, était porteur de ce message d’avertissement de ‘Alî» qui lui faisait valoir son autorité, ce qui l’avait mise si mal à l’aise. ‘Alî fit alors les arrangements convenables pour le voyage de ‘Âyechah et ordonna à ses deux fils, al-Hassan et al-Hussayn, de l’escorter pendant une étape, et il l’accompagna lui-même jusqu’à une certaine distance.
»Sur ordre de ‘Alî, ‘Âyechah fut escortée par une suite de femmes (quarante ou soixante-dix), déguisées en hommes, dont l’approche familière fit l’objet de plaintes constantes. Mais une fois arrivée à Médine, ‘Âyechah découvrit la délicatesse de la ruse et devint aussi généreuse, dans sa reconnaissance, qu’elle l’avait été auparavant dans ses reproches». (“Mohammadan History” de Price, cité par S. Ockley, op. cit., p. 310).
Les Butins de Guerre
Comme il a été mentionné plus haut, ‘Alî avait interdit à ses armées tout pillage.
«Ainsi, les ordres de ‘Alî concernant l’interdiction du pillage avaient été respectés avec un tel scrupule que tout ce qu’on avait trouvé sur le champ de bataille ou dans le camp de l’ennemi fut rassemblé dans la grande mosquée, de sorte que chacun pouvait réclamer la restitution de son bien. Aux mécontents qui se plaignaient de n’avoir pas la permission de puiser dans le butin, ‘Alî répondit que les droits de la guerre avaient duré aussi longtemps que les rangs étaient en ordre de bataille, les uns face aux autres, et que tout de suite après leur soumission, les insurgés avaient recouvré leurs droits et privilèges de frères Musulmans. Une fois entré dans la ville, il divisa le contenu du trésor parmi les troupes qui avaient combattu pour lui, tout en leur promettant une récompense encore plus grande lorsque Dieu aurait fait délivrer la Syrie». (“Annals of the Early Caliphate” de W. Muir, p. 366).
Notes:
1- Mas’ûdî, Ali b. Husayn, Murawwij adh-Dhahab wa Ma’âdin al-Jawâhir, vol 3, p 113
2- Tabarî, Muhammad b. Jarîr, Târîkh Tabarî, vol 4, p 501
3- Ya’qûbî, Ahmad b. Ish’âq, Târikh Ya’qûî, vol 2, p 182
4-Tarikh Al-Tabari, v 4 p 452, 456, 507
5-Nahj Al-Balagha, traduction Shahidi, sermon 148
6-Al-Jamal wa Al-Nusra li Sayed Al-Îtra, Chaykh Al-Môfid, p 409
7- Al-Jamal wa Al-Nusra li Sayed Al-Îtra, Chaykh Al-Môfid, p 304
8-Nahj Al-Balagha, p 134 et 250
9-Al-Jamal wa Al-Nusra li Sayed Al-Îtra, Chaykh Al-Môfid, p 64
10-Sharh Nahj Al-Balagha, Ibn Abi Al-Hadid, v 1 p 9
11-Nahj Al-Balagha, sermon 148
12-Tarikh Tabari, v 4 p 429-438
13-Ansab Al-Ashrâf, Baladhuri, v 2 p 158
14-Ansab Al-Ashrâf, Baladhuri, v 2 p 158
15-Ansab Al-Ashrâf, Baladhuri, v 2 p 159, Akhbar Al-Tîwal, Dinwari, p 144
16-Nahj Al-Balagha, sermon 172
17-‘Usd Al-Ghaba fi ma’rîfat Al-Sahaba, Ibn Athir, v 2 p 249-250 et v 3 p 242-243
18-Nahj Al-Balagha, sermon 156, Tarikh Al-Tabari, v 4 p 544
19-Tarikh Al-Tabari, v 4 p 450-451
20-Ansab Al-Ashrâf, Baladhuri, v 2 p 157-159 et Al-Fôtouh, Ibn A’tham Kufi, v 2 p 453
21-Musnad Ahmad b. Hanbal, v 6 p 52 hadith 24299
22-Al-Mahasin wa Al-Masaoui, Bayhaqi, v 1 p 43
23-Al-Mahasin wa Al-Masaoui, Bayhaqi, v 1 p 43
24-Al-Musannaf, Ibn Abi Shayba, v 7 p 536 hadith 37771 et Musnad Ishâq b. Rahwayh, v 3 p 891 hadith 1569 et Al-Mustadrak Ala Al-Sahihayn v 6 p 129
25-Siyar A’lâm Al-Nubala’, Al-Dhahabi, v 2 p 178. Al-Bidaya wa Al-Nihaya, Ibn Kathir, v 6 p 212
26-Ansab Al-Ashrâf, Baladhuri, v 2 p 160
27-Ansab Al-Ashrâf, Baladhuri, v 2 p 160, Tarikh Al-Tabari, v 4 p 461
28- “Tafsîr al-Durr al-Manthûr”; “Al-Sîrah al-Muhammadiyyah”; “Al-Sîr al-Halabiyyah”; Târîkh al-Khamîs”; Rawdhat al-Ahbâb”.
29- “Abul-Fidâ'”; “Habîb al-Sayyâr”; “Al-Tabarî”.
30- “Ibn Sa’d”: “Ibn Hajar”; “Ibn Monda”.
31- “Çahîh al-Bokhârî”.
32- Mo’attah: le fils d’un cousin maternel d’Abû Bakr, Zayd Ibn Rifâ’ah; Hamna Bint Johach et ‘Abdullâh Ibn Obay, accusèrent ‘Âyechah de libertinage, et le poète Hassan, récita des épigrammes contre elle. ‘Abdullâh Ibn Obay fut le premier à soulever le scandale et à l’attiser au maximum par haine contre Mohammad.
33- “Ibn Athîr”; “Izâlalat al-Khifâ”; “Madârij al-Nubuwwah”; “Habîb al-Sayyâr”; “Rawdhat al-Ahbâb”.