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5-Les combats :
Les combats, à proprement parler, engagés entre combattants lors de la bataille de Siffin durèrent quarante jours. Cependant il y’eut entre-temps, après un mois de combat, une trêve pendant le mois sacré de Mouharram.
L’armée du Calife comptait quatre vingt six mille hommes répartis sur plusieurs colonnes commandées par Ammâr Ibn Yâcir, ‘Abdullâh Ibn Abbâs, Qays Ibn Sa’d Ibn Obâdah, Abdullah Ibn Ja’far, Mâlik al-Achtar, Ach’ath Ibn Qays al-Kindi, Sa’îd Ibn Qays Hamadânî, Ibn Hânî, Muhammad Ibn Abû Bakr et Al-Hassan Ibn Ali.
Les hommes de Mu’âwiyah, au nombre de cent vingt mille, étaient également disposés en colonnes commandées par Amr Ibn al-Âç, Obaydullâh Ibn ‘Umar, Abul Awar, Thul Kala Homayri, Abdul-Râhman Ibn Khâlid Ibn WAlid, Habîb Ibn Maslamah, Bisr Ibn Artâ-âta et Yâzid al-Abassî.
Les hommes des deux camps s’engagèrent pendant le premier mois, Thul-Hijja an 36 A.H., dans des combats singuliers presque, pourrait-on dire, ordonnés, d’où leur durée. Ali (Psl) tenait au début à ce qu’il y ait le moins de victimes possibles, espérant toujours un règlement par le retour à la sagesse de Mu’âwiyah.
Après la trêve du mois de Mouharram pendant lequel le combat était interdit, les hostilités reprirent de plus belle. Pendant la première semaine du mois de Safar de l’an 37 A.H. (on venait d’entrer dans un nouvel an musulman) les combats firent beaucoup plus de victimes que d’habitude. Ali (Psl) décida alors de précipiter la fin de cette guerre en s’impliquant personnellement dans l’assaut final.
Nous vous signalerons deux événements, l’un majeur et tragique l’autre comique, qui s’étaient déroulés lors de cette attaque.
C’est d’abord la mort au combat du patriarche Ammâr Ibn Yâcir, celui-là à qui le Prophète avait dit :
« Tu seras tué un jour par la partie rebelle et déviée, Ô Ammâr ! »
La mort de Ammâr, héros de la bataille de Badr et Compagnon favori du Prophète, était regrettée tant du côté des partisans d’Ali (Psl) que de celui des rebelles. Elle fut provoquée par la lance assassine de Jowayr Oskoni un guerrier de Mu’âwiyah.
A présent que Ammâr était mort et qu’on savait qui l’avait tué et qu’on se rappelait ce que le Prophète avait dit de ceux qui le tueront, il devenait évident, tout au moins aux yeux des hommes d’Ali (Psl), que la partie rebelle et déviée était bien celle de Mu’âwiyah.
Comme il fallait s’y attendre, le doute s’empara des guerriers de Mu’âwiyah et la discorde s’installa. Et comme un soldat ne doit pas douter devant l’ennemi, Amr Ibn Al-Âç le rusé conseiller de Mu’âwiyah renversa intelligemment le sens de l’accusation en disant :
« Et qui d’autre a tué Ammâr, si ce n’est Ali (Psl), le rebelle, en l’amenant ici ? »
Ali (Psl) répliquera à ceux qui lui rapportèrent ces paroles de Amr : « Si ce qu’il dit pouvait être vrai alors on aurait pu également dire que c’est le Prophète (Pslf) qui a tué Hamzâ à Ohod pour l’y avoir amené »
Un adage dit : « Cheytan (Satan) n’a pas dit la vérité mais il a semé le doute dans les esprits. » L’argutie était certes tordue mais elle eut un effet positif dans les rangs de l’armée Syrienne. Cette répartie facile fit le tour de l’armée et sembla convaincre les soldats.
L’autre événement quasi-comique mais important pour mieux éclairer le lecteur sur les qualités extraordinaires de l’Imam Ali (Psl), se déroula entre deux acteurs : Ali (Psl) et Amr Ibn al-Âç. Le premier était souvent amené à se déguiser afin de pouvoir avoir des candidats qui accepteraient de se battre contre lui. On dit même qu’il se déguisa plus de soixante dix fois ! Une fois, Amr Ibn al-Âç, s’étant assuré qu’Ali (Psl) n’était pas dans le groupe qu’il voulait attaquer, s’enhardit en lançant des paroles défiantes envers le Calife.
Quand il se rapprocha de l’Imam Ali (Psl) et que celui-ci lui répondit par des mots qui l’identifièrent, Amr fit un volte-face fulgurant et détala de toute la force de son cheval lequel souffra le martyre sous les coups de fouet et d’éperon de son maître apeuré. Ali (Psl) se mit à sa poursuite et, dés qu’il l’atteignit, le fit tomber de cheval avec la pointe de sa lance. Amr chuta, et dévoila ses parties intimes pour obliger Ali (Psl) à se détourner de lui.
Devant un spectacle aussi humiliant et profane, Ali (Psl) eut la magnanimité (encore une fois) de laisser la vie sauve à son ennemi tout en lui faisant observer qu’il ne devait plus oublier les circonstances honteuses auxquelles il devait la vie sauve.
Amr fera l’objet de moqueries succulentes de la part de Mu’âwiyah à qui il répondit d’ailleurs qu’il n’avait pas plus de mérite que lui Amr.
La finale de la bataille de Siffin eut lieu les 11, 12 et 13 Safar de l’an 37 A.H. Les forces d’Ali (Psl) s’étaient lancés dans la bataille de façon décisive. Ils attaquèrent à outrance et sans répit avec l’objectif d’en finir avec l’ennemi. La pleine lune du 13 Safar permit aux combattants d’Ali (Psl), notamment à Mâlik Al-Achtar le héros de cette guerre, de faire une véritable razzia sur l’armée des rebelles. Au matin du lendemain, les Syriens constatèrent avec désarroi leur repli forcé et les pertes énormes que les loyalistes leur avaient infligées.
Mu’âwiyah était sur le point de capituler (par la fuite) lorsque le rusé Amr Ibn al-Âç lui proposa une issue de secours très habile mais combien malhonnête. Amr expliqua sa ruse :
« Courage, Mu’âwiyah ! Ne te décourage pas ! J’ai imaginé le moyen de prévenir la crise. Appelle l’ennemi à la Parole de Dieu en levant haut le Livre Sacré. S’il accepte, cela te mènera à la victoire, et s’il refuse de subir l’épreuve, la discorde sévira dans ses rangs. »
6-La supercherie pour éviter la capitulation :
Mu’âwiyah n’avait plus le choix. C’était soit s’enfuir (son cheval était déjà prêt) soit tenter la ruse de Amr. Il choisit la deuxième alternative. Ainsi ses partisans levèrent plus de cinq cents exemplaires du Coran accrochés à la pointe de leur lance et, les montrant à leurs adversaires, crièrent :
« Laissons au Livre de Dieu le soin de décider de nos différends »
Les partisans d’Ali (Psl), Ach’ath Ibn Qays en tête, n’hésitèrent pas une seconde, obnubilés qu’ils étaient par la crainte de ne pas répondre à une telle épreuve qu’ils croyaient sincère. Ils déposèrent leurs armes et répondirent comme un seul homme : « Oui, le Livre de Dieu ! Laissons-le décider de nos différends »
Ali (Psl) s’opposa avec toute la véhémence possible à la proposition de l’adversaire et tenta d’en éloigner ses soldats : « C’est une supercherie, leur lança-t-il. Craignant la défaite, ces hommes malveillants ont trouvé cette astuce de sauvetage » Puis, lorsqu’on lui reprocha de refuser de se soumettre à la décision du Coran auquel l’appelaient ses ennemis, il ajouta :
« C’est pour les amener au Coran que je les ai combattus si longuement. Ce sont des rebelles. Allez donc combattre votre ennemi. Je connais Mu’âwiyah, Amr Ibn al-Âç, Ibn Abî Sarh, Habîb et Dhohâk mieux que vous. Ils n’ont pas d’égard ni pour la religion ni pour le Coran »
Malheureusement, ses hommes avaient déjà fait leur choix et menacèrent même leur Calife au cas où il refuserait l’appel des rebelles.
L’intransigeance incompréhensible de ces hommes fit d’eux, dans l’histoire, les khawârij (khâridjites) c’est-à-dire les sécessionnistes.
Devant le refus de Mâlik Al-Achtar de revenir du champ de bataille où il tenait à continuer le travail commencé, ils exigèrent d’Ali (Psl) qu’il le fasse revenir. Ce qu’Ali (Psl) fit au grand désarroi de son chef de guerre intrépide. Il lui lança ce message pathétique :
« A quoi sert la victoire lorsque la trahison sévit à l’intérieur de mon propre camp. Reviens tout de suite avant que je sois tué ou livré à mes ennemis »
Mâlik cracha à la face des khawârij son mécontentement et la lâcheté de leur décision. Ceux-ci ripostèrent par des insultes et Ali (Psl) dût intervenir pour calmer les nerfs.
7-Le traité d’arbitrage :
Ach’ath Ibn Qays, qui s’était fait remarquer parmi les khawârij, obtint d’Ali (Psl) la permission d’aller prendre auprès de Mu’âwiyah la signification précise de l’acte de ses soldats. A son retour, il leur apprit que Mu’âwiyah et ses hommes proposaient qu’un juge soit nommé de part et d’autre et que leur différend leur soit soumis. Le verdict conforme au Coran que ces deux juges donneront sera alors définitivement appliqué à tous. On demanda l’avis d’Ali (Psl) qui s’en abstint en disant simplement que celui qui n’est pas libre ne peut donner son avis. Ali (Psl) leur suggéra de « régler l’affaire de la manière qu’ils estimaient convenable pour eux-mêmes ».
Abû Moûssâ al-Acharî, l’ex-gouverneur de Kûfa qui n’avait pas pris part aux combats, fut choisi par les Khawârij comme le juge du camp des loyalistes. Ali (Psl) suggéra à sa place Abdullâh Ibn Abbâs le cousin du Prophète (Pslf) car Abû Moûssâ n’avait pas participé aux combats et en plus avait été destitué par lui. Les khawârij tournèrent en dérision ce choix du Calife et maintinrent le leur.
Du côté des Syriens, le choix de Amr Ibn al-Âç s’imposait bien évidemment au vu de sa roublardise inouïe mais aussi du fait qu’il était l’initiateur de ce plan diabolique.
Les deux juges se présentèrent dans le camp d’Ali (Psl) pour la rédaction de l’acte d’arbitrage. Un premier désaccord apparut dés le début. Sous la dictée d’Ali (Psl), l’acte commençait par :
« Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux. Voici ce qui a été agréé entre le Commandeur des Croyants, Ali (Psl), et … »
Amr Ibn al-Âç objecta qu’Ali (Psl) n’était pas leur Commandeur à eux les Syriens et qu’il fallait s’en tenir à « Ali (Psl) et Mu’âwiyah ». Ali (Psl) se rappela la prophétie du Prophète (Pslf) qui lui avait dit qu’il viendra un jour où il aura à faire la même concession qu’il venait de faire ce jour-là. C’était lors de la signature du traité de Hudaybiyyah entre le Prophète (Pslf) et les arabes païens. C’était à propos de la fréquentation de la Kaaba par les deux groupes. Les Quraych s’étaient opposés à ce qu’on ajoute au nom du Prophète (Pslf) son titre de « Messager de Dieu ».
Ali accepta finalement d’enlever son titre du texte après toutefois ce rappel important. Il tenait à leur montrer que ceux qui avaient lutté contre le Prophète (Pslf) (Abû Sofian, Abû Jahl, Abû Lahâb, etc.) avait laissé derrière eux une descendance qui assurait la continuité de leur action contre la famille du Prophète (Pslf) porte-flambeau de la pureté des enseignements de Dieu et de Son illustre Envoyé.
L’acte d’arbitrage fut signé le Mercredi 13 Safar de l’an 37 A.H. (31 Juillet 657 A.J.C.) par Ali (Psl) et Mu’âwiyah.
Les juges prêtèrent le serment de juger en étroite conformité avec le Coran et en toute impartialité dans un endroit situé à égale distance de Kûfa et de Damas. Les deux parties, quant à elles, s’engagèrent à appliquer la décision des juges, laquelle décision devait intervenir sept mois plus tard. Pendant ce temps une trêve devait être observée.
Ainsi Ali (Psl) et Mu’âwiyah suivis de leurs partisans rentrèrent respectivement à Kûfa et à Damas.
8-Le bilan de la bataille de Siffin :
Selon Abul Fidâ, quatre vingt dix batailles avaient été livrées à Siffin. Pour la plupart des historiens soixante dix mille hommes y perdirent la vie dans les deux camps dont quarante cinq mille Syriens (de Damas et Mu’âwiyah) et vingt cinq mille Irakiens (Kûfites d’Ali).
Du côté d’Ali les chefs qui disparurent lors de cette bataille sont : Ammâr Ibn Yâcir, Hâchim Ibn Otbah, Khazimah Ibn Thâbit, Abdullâh Ibn Boydal et Abdul Hâthîm Ibn Tayhân. Chez Mu’âwiyah les « illustres » disparus étaient Thul-Kala, Homayrî, Obaydullâh Ibn ‘Umar, Hochâb Ibn Thil-Zalim et Habîb Ibn Sa’d al-Tay.