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La Zone de Domination de ‘Alî
La conspiration de ‘Âyechah, Talhah et Zubayr ayant fait long feu sur le champ de bataille de Khoraybah, ‘Alî jouit d’une victoire qui lui assurait désormais une domination totale sur un territoire s’étendant du Khorâsân à l’est à l’Egypte à l’ouest, à l’exception des provinces situées au nord-ouest de l’Arabie, lesquelles étaient sous l’influence du gouverneur de Syrie, Mu’âwiyeh.
Les Activités Préliminaires de Mu’âwiyeh
Nous avons déjà noté que pendant son séjour à Médine, à l’occasion de sa visite au Calife ‘Othmân, Mu’âwiyeh avait demandé un jour à Ka’b al-Ahbar de prédire comment les troubles actuels contre ‘Othmân se termineraient. Ka’b avait prédit que ‘Othmân serait assassiné et qu’après une longue course la Mule Grise (c’est-à-dire Mu’âwiyeh) réussirait à s’emparer du pouvoir. Confiant dans cette prédiction, Mu’âwiyeh cherchait les occasions susceptibles de le mener à l’autorité suprême et n’omettait jamais de faire le nécessaire pour réaliser cet objectif qu’il ne perdra jamais de vue dans toutes les actions qu’il entreprendra.
Et c’est par rapport à cet objectif qu’il faut comprendre pourquoi Mu’âwiyeh ne s’était pas empressé d’envoyer le secours(1) demandé par ‘Othmân lorsque celui-ci avait été assiégé, pourquoi, une fois ‘Othmân assassiné, il s’était attaché à inciter les Syriens à venger son sang en exhibant du haut de sa chaire la chemise ensanglantée du Calife assassinée, pourquoi il avait retenu pendant longtemps le messager de ‘Alî et évité de donner une réponse définitive à sa demande de lui faire son allégeance, espérant ainsi que l’esprit de révolte ne tarderait pas à se répandre parmi les Syriens, pourquoi il avait rassemblé autour de lui tous les notables en disgrâce, tels que ‘Obaydullâh (le fils du Calife ‘Omar, le meurtrier qui avait fui, de peur d’être traduit en justice devant ‘Alî), (2) ‘Abdullâh Ibn Abî Sarh (l’ex Gouverneur d’Egypte, qui avait été révoqué lorsque ‘Alî avait accédé au Califat), Marwân (le Secrétaire et le mauvais génie du Calife ‘Othmân), ainsi que presque tous les proches partisans de ce Calife, et les Omayyades qui avaient fui chez lui après la défaite de ‘Âyechah à Basrah, pourquoi il s’était assuré l’alliance de ‘Amr Ibn al-‘Âç, le conquérant de l’Egypte et l’ex-Gouverneur de ce pays, maintenant résidant en Palestine en tant que propriétaire, mais aussi en tant que contestataire (ayant obtenu l’assurance de Mu’âwiyeh de reprendre son poste de gouverneur de ce pays en contrepartie de sa coopération en vue de la déposition de ‘Alî, il prêta serment d’allégeance à Mu’âwiyeh, le reconnaissant comme le Calife légal en présence de toute l’armée, laquelle lui emboîta le pas, et fut suivie par le grand public de la Syrie, qui se joignit à cette cérémonie d’acclamation), (3) pourquoi il avait cherché l’allégeance(4) de nombreux Compagnons distingués du Prophète, tels que Sa’d Ibn Abî Waqqâç, ‘Abdullâh Ibn ‘Omar, Osâmah Ibn Zayd, Mohammad Ibn Maslamah qui s’étaient fait remarquer par leur non-prestation de serment d’allégeance à ‘Alî lors de l’inauguration de son Califat, mais qui avaient rejeté également la sollicitation de Mu’âwiyeh et lui avaient écrit des lettres de reproches, choisissant ainsi, de rester à l’écart des deux parties (à cette époque, Abû Horayrah, Abû al-Dardâ’, Abû Osâmah al-Bâhilî et No’mân Ibn Bachîr al-Ançârî étaient les seuls Compagnons du Prophète en service auprès de la Cour de Mu’âwiyeh), pourquoi, étant pendant plus de vingt ans le Gouverneur de cette riche province de Syrie et ayant adopté une politique clairvoyante depuis le tout début, comme nous l’avons déjà noté, il avait amassé un immense trésor et préparé une puissante armée qui lui était totalement inféodée.
Maintenant, les préjugés tendant à impliquer ‘Alî dans l’assassinat de ‘Othmân, qu’il avait inculqués perfidement aux Syriens en général et à l’armée en particulier, militaient en sa faveur. La chemise tachée du sang de ‘Othmân pendait encore sur la chaire dans la grande mosquée de Damas, et les gens, enflammés par la vue de cet objet macabre, sanglotaient à chaudes larmes et criaient vengeance contre les meurtriers et leurs protecteurs. Tel était le terrible adversaire à qui ‘Alî avait affaire après en avoir fini avec ‘Âyechah, Talhah et Zubayr.
La Marche de ‘Alî vers la Frontière Syrienne
Ayant été mis au courant de toutes ces agitations en Syrie, ‘Alî essaya une fois de plus (en Cha’bân 36 H., soit Janvier 657 ap. J. -C.) de recourir aux moyens pacifiques pour régler la situation, en envoyant à Mu’âwiyeh un chef des Banî Bajila , nommé Jarîr, Gouverneur de Hamadân, qui se trouvait à ce moment-là à Kûfa à la suite de la convocation qu’il avait reçue pour prêter serment d’allégeance au nouveau Calife. Il était connu pour ses relations amicales avec Mu’âwiyeh. Son retour à Kûfa se fit attendre avec angoisse. Finalement, il y revint, après trois mois d’absence, porteur d’un message oral de Mu’âwiyeh, selon lequel ce dernier ne pourrait faire son allégeance que si les meurtriers de ‘Othmân étaient punis.
Mâlik al-Achtar accusa le messager d’avoir perdu son temps à prendre du plaisir en compagnie de Mu’âwiyeh, lequel le retint intentionnellement aussi longtemps que possible afin d’achever l’élaboration de ses plans d’hostilité. Prétendant être offensé par cette imputation, Jarîr quitta Kûfa et réjoignit Mu’âwiyeh.
Constatant qu’il n’y avait aucun espoir à ramener Mu’âwiyeh à la raison, ‘Alî se résolut à marcher sur la Syrie sans plus attendre. Au mois de Thilqa’dah, 36 H. (soit en Avril 657 ap. J. -C.) il envoya un détachement comme garde avancée pour le rencontrer à Riqqah, alors qu’il se dirigeait, avec son armée vers Madâ’in. De là, il dépêcha un contingent, et marcha à travers le désert mésopotamien.
La Source Miraculeuse dans le Désert Mésopotamien
Sur sa route, il dut faire halte à un endroit, où il n’y avait pas d’eau disponible, et le manque s’en fit profondément ressentir par l’armée. Un ermite chrétien qui vivait dans une grotte près du campement de l’armée fut appelé, et on lui demanda de trouver un puits. Il assura à ‘Alî qu’il n’y avait pas de puits à proximité, mais un simple réservoir ne contenant pas plus de trois seaux d’eau de pluie.
‘Alî lui dit alors: «Je sais pourtant que certains des Prophètes de Banî Isrâ’îl des époques reculées ont fixé leur demeure à cet endroit, et creusé un puits pour leur réserve d’eau». L’ermite répondit que lui aussi en avait entendu parler, mais que le puits avait été rebouché depuis bien longtemps, qu’il n’en restait aucune trace, et que selon une vieille tradition, personne si ce n’était un prophète ou quelqu’un d’envoyé par un prophète, ne le découvrirait ni ne l’ouvrirait.
«Puis, dit la tradition arabe, il présenta un rouleau de parchemin sur lequel Simeon Ibn Çafâ (Simon Cephos), l’un des plus grands apôtres de Jésus-Christ, avait écrit la prédiction de la venue de Mohammad, le dernier des Prophètes, et la découverte et la réouverture de ce puits par son héritier et successeur légal. (5) ‘Alî écouta attentivement cette prédiction, puis se tournant vers ses accompagnateurs et pointant son doigt sur un endroit précis, leur dit: “Creusez ici”. Ils s’exécutèrent et après quelque temps de creusement ils heurtèrent une énorme pierre qu’ils déplacèrent avec beaucoup de difficultés pour découvrir le puits miraculeux qui fournit à l’armée une provision bien opportune, ainsi que la preuve de la légitimité du Califat de ‘Alî. Le vénérable ermite fut complètement convaincu, se jeta aux pieds de ‘Alî et embrassa ses genoux, et il ne le quitta plus jamais à l’avenir». (“Successors of Mohammad” de W. Irving, p. 180).
Après avoir remercié Dieu et pris suffisamment d’eau pour l’année, ‘Alî se remit en route. Traversant le désert mésopotamien, il arriva à Riqqah, aux bords de l’Euphrate. Un pont de bateaux fut installé et l’armée traversa le fleuve, puis s’avança vers l’ouest où elle rencontra l’avant-poste syrien à Sour-al-Rûm. Après quelques escarmouches entre les avant-gardes des deux armées, l’ennemi prit la fuite et l’armée de ‘Alî poursuivit son avance pour arriver à un point où elle était en vue du principal corps des forces de Mu’âwiyeh, déjà stationnées à Çiffîn. (Mois de Thilhaj, 36 H., soit Mai 657 ap. J. -C.).
Le Campement de ‘Alî à Çiffîn
Dans les lignes suivantes, le Major Price nous relate les circonstances du début de la guerre opposant Mu’âwiyeh au Calife ‘Alî:
«Etant donné que Çiffîn commandait, jusqu’à une longue distance, le seul accès à l’eau de l’Euphrate, Mu’âwiyeh avait placé Abul-Awr, l’un de ses Généraux, à la tête de dix mille combattants, à cet endroit, afin de fermer cet accès aux troupes de ‘Alî. Pas très longtemps après l’occupation par l’armée rebelle de cette position avantageuse, ‘Alî arriva au même endroit et fit camper son année à proximité. Ses hommes découvrirent rapidement que la source prévue de leur approvisionnement en eau leur était interdite d’accès.
»’Alî envoya alors une délégation à Mu’âwiyeh pour lui demander de renoncer à un avantage inadmissible entre gens liés par des liens de parenté, même lorsqu’ils se trouvaient en état d’hostilités, lui assurant que s’il avait eu lui-même cet accès sous son contrôle, il l’aurait mis à la disposition des deux armées sur un pied d’égalité. Mu’âwiyeh fit connaître immédiatement le contenu du message à ses courtisans dont la plupart dirent qu’étant donné que les meurtriers de ‘Othmân avait coupé tous les approvisionnements en eau du palais de ‘Othmân, ce ne serait que justice, s’ils subissaient maintenant le même traitement.
»’Amr Ibn al-‘Âç était toutefois d’un avis différent, déclarant que ‘Alî, de toute façon ne laisserait pas mourir de soif son armée alors qu’il avait derrière lui les légions de guerriers de l’Irak et devant lui l’eau de l’Euphrate, et ajoutant, pour conclure, qu’en fin de compte, on n’était pas là pour se battre pour une outre d’eau, mais pour le Califat. Cependant le premier avis l’emporta et la délégation fut renvoyée avec le message suivant: “Mu’âwiyeh était résolu à ne pas renoncer à ce qu’il considérait comme étant la garantie de la future victoire”.
»Cet interdiction d’accès à l’eau vexa beaucoup ‘Alî et le laissa perplexe quant à la mesure à entreprendre, et ce jusqu’à ce que la privation d’eau devint insupportable et que Mâlik al-Achtar et Ach’ath, fils de Qays le prièrent de les autoriser à ouvrir la voie d’accès à l’eau par la force. Cette autorisation ayant été donnée et une proclamation dans ce sens ayant été faite dans le camp, dix mille hommes se rassemblèrent en moins d’une heure derrière l’étendard de Mâlik al-Achtar, et dix mille autres autour de la tente d’al-Ach’ath.
»Disposant leurs troupes respectives dans un ordre convenable, les deux commandants conduisirent leurs deux armées en direction du lit de l’Euphrate et, après avoir averti vainement Abul-Awr de la nécessité de dégager la rive du fleuve, Mâlik, à la tête de la cavalerie, et Ach’ath à la tête de l’infanterie, se refermèrent sur l’ennemi. Pendant l’action qui suivit, Mâlik était presque exténué par la soif et l’effort, lorsqu’un soldat qui se trouvait à côté de lui, le pria d’accepter de lui une gorgée d’eau. Mais le généreux guerrier refusa de s’abreuver avant d’avoir soulagé les souffrances de ses hommes. En même temps, étant attaqué par l’ennemi, il tua sept de ses plus courageux soldats. Mais la soif épuisante de Mâlik et de ses troupes devint à la longue insupportable. Aussi ordonna-t-il à tous ceux qui portaient des outres à eau de le suivre à travers les rangs de l’ennemi et de ne le quitter qu’une fois qu’ils auraient rempli leurs récipients. Perçant la ligne de l’adversaire, Mâlik se dirigea directement vers le fleuve, où ceux qui le suivaient s’approvisionnèrent en eau.
»Dans le fit de l’Euphrate une bataille fit rage, et Abul-Awr, constatant que ses troupes fuyaient devant l’attaque irrésistible de leurs assaillants, et ayant perdu sa position, dépêcha un messager à Mu’âwiyeh, lequel envoya immédiatement à son secours ‘Amr Ibn al-‘Âç avec trois mille cavaliers. L’arrivée de ce général semble cependant avoir rendu la victoire de Mâlik plus proche. En effet, dès que ce dernier eut appris l’approche de ‘Amr, il se couvrit de son bouclier et poussa son cheval vers lui avec une impétuosité irrésistible. ‘Amr ne put esquiver la fureur de son adversaire qu’en se retirant vers les rangs des Syriens. Mais beaucoup de ceux-ci furent soumis à l’épée et un grand nombre d’entre eux furent jetés dans le fleuve, alors que le reste fuyait pour chercher refuge dans le camp de Mu’âwiyeh.
»Les troupes de ‘Alî ayant réussi à déloger l’ennemi, s’installèrent tranquillement dans cette ville d’eau et dans ses environs. Avalant amèrement les reproches de ‘Amr, Mu’âwiyeh se trouvait à présent réduit à solliciter l’indulgence de son adversaire à qui il avait tout récemment refusé la sienne propre. Mais ‘Alî, avec sa générosité de coeur et la magnanimité inhérentes à son caractère, garantit volontiers à ses troupes l’accès à l’Euphrate. A partir de ce moment-là les combattants des deux armées purent aller et venir au fleuve avec une confiance et une liberté égales». (“History of the Saracens” de S. Ockley, p. 312)
Des Combats sans suite pendant un Mois
‘Alî divisa ses forces, dont le nombre s’élevait à quatre-vingt-six mille hommes, en sept colonnes, dont chacune était commandée par un Compagnon du Prophète ou par un chef de grand renom. Les Commandants étaient: ‘Ammâr Ibn Yâcir, ‘Abdullâh Ibn ‘Abbâs, Qays Ibn Sa’d Ibn ‘Obâdah, ‘Abdullâh Ibn Ja’far, Mâlik al-Achtar, Ach’ath Ibn Qays al-Kindi et Sa’îd Ibn Qays Hamadânî.
Similairement, Mu’âwiyeh répartit ses combattants dont le nombre (cent vingt mille) dépassait de loin celui des partisans de ‘Alî, en sept colonnes (ou huit) sous le commandement des généraux suivants: ‘Amr Ibn al-‘Âç, ‘Abdullâh Ibn ‘Amr Ibn al-‘Âç, ‘Obaydullâh Ibn ‘Omar, Abul-Awr, Thul Kala’ Homayri, ‘Abdul-Rahmân Ibn Khâlid Ibn al-Walîd et Habîb Ibn Maslamah.
Chacune des colonnes des deux armées avançait à tour de rôle vers le champ de bataille, s’engageait dans des combats en tirailleurs ou singuliers, au cours desquels un seul héros de chaque camp se battait jusqu’à ce que la chaleur devienne insupportable. Ainsi, les combats se prolongèrent pendant tout le mois de Thilhaj, et cela était dû surtout au désir de ‘Alî d’éviter un grand nombre de pertes parmi les Musulmans dans une bataille générale et décisive.
L’année suivante (37 H.) ayant débuté au mois de Moharram pendant lequel le combat était interdit, les deux armées campèrent l’une en vue de l’autre sans se livrer pratiquement à aucun mouvement ou activité belliqueux. Pendant ce mois de trêve, ‘Alî désira sérieusement se réconcilier avec Mu’âwiyeh pour prévenir une crise imminente, et il réussit à réengager des négociations. Tout le mois s’écoula pour ‘Alî en envoyant ou en recevant des délégations, mais sans que cela n’aboutisse à rien. ‘Alî fit savoir clairement qu’en sa qualité de Calife il était prêt à appliquer la Loi Divine contre les assassins de ‘Othmân, si Mu’âwiyeh pouvait seulement les désigner.
Mais Mu’âwiyeh, qui entretenait des intentions ambitieuses pour le Califat sous le couvert de la prétendue volonté de venger le sang de ‘Othmân, prétexte qui était de loin son point le plus fort et qui lui avait permis de constituer une si grande armée, ne voulait entendre parler d’aucun accord avant que tous les assassins de ‘Othmân ne fussent exterminés.
Des Combats Féroces à Çiffîn
Les hostilités furent reprises au début du mois suivant (Çafar 37 H.). Pendant une semaine les combats firent rage, avec une férocité toujours plus grande, depuis le matin et jusqu’à ce que le coucher du soleil séparât les belligérants. Chaque jour la bataille devenait plus sévère et plus affligeante. La deuxième semaine, ‘Alî décida d’engager un combat décisif. Les récits rapportés par Price décrivent très minutieusement les différents combats singuliers qui eurent lieu pendant cette campagne qui traîna en longueur.
«Dans beaucoup de ces combats singuliers, ‘Alî était personnellement engagé, mais sa force et son habileté extraordinaires étaient si connues et si redoutées par l’adversaire qu’il était souvent obligé de se masquer pour qu’un combattant de l’ennemi veuille bien l’attaquer. A une occasion, alors qu’il était monté sur le cheval de l’un de ses généraux et revêtu de son armure, il fut attaqué par un guerrier de l’armée de Mu’âwiyeh, dont il sépara la partie supérieure de la partie inférieure du corps, d’un coup terrible de cimeterre. On dit aussi que l’acuité et la dureté de la lame étaient telles, et que le coup fut si rapide et si précis, que l’homme ainsi coupé en deux continua à rester fixé sur la selle, au point que l’on crut un moment que ‘Alî avait manqué son coup, et ce jusqu’à ce que le cheval bougea pour laisser tomber par terre les deux moitiés du corps». (“Histry of the Saracens” de S. Ockley, p. 314)
‘Ammâr Tombe dans la Bataille
Les pertes en vies humaines, principalement dans les rangs de l’armée de Mu’âwiyeh, étaient très lourdes dans ces combats. Dans l’armée de ‘Alî on enregistra notamment la perte de certains Compagnons distingués du Prophète, perte regrettée aussi bien par les partisans que par l’ennemi.
‘Ammâr Ibn Yâcir était grièvement blessé lorsque Hâchim Ibn ‘Otbah, le héros de Qâdiciyyah, tomba à côté de lui en combattant. En voyant Hâchim tomber, il s’écria en direction de ses compagnons: «Ô Hâchim, en ce moment-même, je vois le Ciel ouvert et les vierges aux yeux noirs, vêtues de robes de mariées, t’étreignant de leurs baisers affectueux». En chantant ainsi, il se rafraîchit avec sa gorgée favorite de lait coupé d’eau, et le vieux guerrier se battit à nouveau avec l’ardeur d’un jeune homme, attaquant les rangs de l’ennemi avant de tomber et de rencontrer le sort tant envié.
Pendant longtemps, on put entendre sur les lèvres de tout un chacun, aussi bien dans la ville que dans le camp, ce que le Prophète avait dit un jour à ‘Ammâr: «Tu seras tué un jour par la partie rebelle et déviée, Ô ‘Ammâr!». En d’autres termes, on interpréta la prédiction du Prophète comme voulant dire que ‘Ammâr serait tué alors qu’il combattait du côté de la bonne cause.
Ainsi sa mort était la condamnation nette de la partie contre laquelle il avait combattu, et sema la discorde dans les rangs de l’armée de Mu’âwiyeh. Lorsque ‘Amr Ibn al-‘Âç apprit la mort de ‘Ammâr, il tenta d’innocenter son camp en disant: «Et qui d’autre a tué ‘Ammâr, si ce n’est ‘Alî, le rebelle, en l’amenant ici?». Cette répartie intelligente courut à travers les rangs de l’armée syrienne et effaça tout de suite le mauvais présage dû à la mort de ‘Ammâr. (“Annals of the Early Caiphate” de W. Muir, p. 382).
Selon d’autres versions, les dernières paroles de ‘Ammâr furent les suivantes: «L’homme assoiffé désirait ardemment de l’eau, et tout près de lui une source jaillit, il descend dans la source et boit. C’est le jour joyeux de la rencontre avec les amis, avec Muhammad et ses Compagnons». (Al-Wâqidî, cité par W. Muir, dans son “Annals of ….”, p. 382).
«Par Allâh! Je ne connais pas d’action qui fasse plus plaisir à Dieu que de guerroyer contre les vagabonds hors-la-loi. Je voudrais combattre même si j’étais sûr d’être emporté par une lance, car mourir en martyr et l’assurance d’aller au Paradis de cette façon ne peuvent être acquis que dans les rangs de ‘Alî. Quel que soit le courage avec lequel les ennemis peuvent se battre, la justice restera de notre côté. Ils ne veulent pas vraiment venger la mort de ‘Othmân, mais c’est l’ambition qui les conduit à la rébellion. Suivez-moi, Ô Compagnons du Prophète! Les portes des Cieux sont ouvertes et les houris attendent de nous accueillir. Triomphons ici, ou rencontrons Muhammad et ses amis au Paradis!» Prononçant ces mots, il brandit son arme et plongea avec une violence désespérée dans le combat jusqu’à ce qu’il fût finalement cerné par les Syriens et tombât sacrifié par son propre courage. Sa mort incita les troupes de ‘Alî à le venger alors que même les Syriens regrettèrent sa perte en raison de la haute estime dans laquelle le Prophète l’avait tenu». (Weil, “Geschicte der Chalifen”, cité dans “History of the Saracens” de S. Ockley, p. 314).
Voyant ‘Ammâr tomber, Mu’âwiyeh s’écria à l’adresse de ‘Amr Ibn al-‘Âç qui était assis à côté de lui: «Vois-tu quelles précieuses vies sont perdues à cause de nos dissensions?» «Oui, je vois, répondit ‘Amr. J’aurais voulu que Dieu ne me laissât pas vivre jusqu’à ce que j’assiste à une pareille catastrophe».
‘Ammâr Ibn Yâcir, le patriarche de la chevalerie musulmane, était âgé de quatre-vingt-treize ans. Il avait combattu sous les ordres du Prophète à Badr et dans beaucoup d’autres batailles. II était dans cette dernière bataille le Commandant de la Cavalerie de l’armée de ‘Alî. Il avait été révéré de son vivant et il fut pleuré après sa mort par tout le monde. Ayant été blessé mortellement par la lance de Jowayr Oskoni, il fut ramené à sa tente où se trouvait ‘Alî qui le prit dans son giron, versa des larmes de deuil et pria sur lui.
Le Piètre État de ‘Amr Ibn al-‘Âç
‘Amr Ibn al-‘Âç ne semble pas en tout cas avoir montré beaucoup plus de valeur personnelle que Mu’âwiyeh à cette occasion. Price nous dit que peu après, ‘Alî ayant changé à nouveau son armure pour se déguiser et rentrer en lice, ‘Amr Ibn al-‘Âç, ignorant son identité, fit quelques pas en avant, et ‘Alî feignant d’appréhender un peu, l’encouragea à avancer encore plus. Tous les deux étaient montés à cheval, et comme ‘Amr s’approchait un peu plus de son adversaire il récita quelques vers de vantardise voulant dire qu’il entendait faire des ravages dans l’armée ennemie et la réduire à la déconfiture même si elle comptait dans ses rangs un millier d’hommes comme ‘Alî.
‘Alî répondit avec des mots qui laissèrent apparaître d’une façon inattendue son identité. ‘Amr s’éloigna sans perdre une seconde, fouettant et éperonnant son cheval pour le faire courir le plus rapidement possible, tandis que ‘Alî se mettait à sa poursuite avec la plus grande ardeur. Il fit un bon plongeon direct qui permit à la pointe de sa lance de passer à travers les bordures de la cotte de mailles de ‘Amr et de le jeter par terre, la tête précédant le corps.
Malheureusement (ou plutôt heureusement) ‘Amr, ne portant pas de sous-vêtements, et ses pieds étant en l’air, les parties intimes de son corps furent exposées à la vue de tout le monde. Le voyant dans cet état, ‘Alî renonça à lui faire plus de mal et lui permit de s’enfuir avec la remarque méprisante qu’il ne devait plus oublier les circonstances auxquelles il devait la vie sauve.
Ci-après nous reproduisons un récit plein d’humour qui a été tiré de la conversation s’étant ensuivie entre ‘Amr et Mu’âwiyeh lors de leur prochain entretien:
Mu’âwiyeh: «Je te fais crédit pour ton ingéniosité, Ô ‘Amr, et je crois que tu es le premier guerrier qui ait échappé à l’épée par un si scandaleux dévoilement. Tu dois être reconnaissant envers ces organes (que tu as exposés) jusqu’au jour de ta mort».
‘Amr Ibn al-‘Âç: «Cesse de te moquer de moi, Ô Mu’âwiyeh! Si tu avais été à ma place, ton orgueil aurait été complètement rabaissé et tes femmes et enfants auraient été respectivement veuves et orphelins.
Mu’âwiyeh: «De grâce, ‘Amr! Comment respirais-tu avec tes jambes suspendues en l’air? Si tu avais su comment tu allais être déshonoré, tu aurais sûrement porté un caleçon».
‘Amr Ibn al-‘Âç: «Je me suis seulement retiré devant la force supérieure de mon ennemi».
Mu’âwiyeh: «Je ne considère pas comme déshonorant le fait de te soumettre à ‘Alî, mais je maintiens qu’il était scandaleux de faire de tes jambes un mât de drapeau et de t’exposer si honteusement devant ‘Alî et devant tout le monde».
‘Amr Ibn al-‘Âç: «Je n’exclurais pas que ‘Alî m’ait épargné parce qu’il se serait rappelé que je suis le fils de son oncle».
Mu’âwiyeh: «Non! ‘Amr! (6) C’est trop arrogant de ta part. Le Prophète avait déclaré que ‘Alî était de la même ascendance que lui, et nous savons tous que son père était un chef de l’illustre race de Hâchim, tandis que le tien était un simple boucher de la tribu de Quraych».
‘Amr Ibn al-‘Âç: «Grand Dieu! Tes remarques sont pires que les épées et les flèches de l’ennemi. Si je ne m’étais pas impliqué dans ta querelle, ni je n’avais troqué mon bien-être éternel contre le profit de ce bas-monde, je n’aurais pas été obligé de supporter de tels propos, ni d’endurer un tel fardeau de peine et d’angoisse».
Une Bataille Férocement Livrée
«Un jour, alors que la campagne semblait proche, ‘Alî se prépara à la bataille avec une solennité inhabituelle. Vêtu de la cotte de mailles et du turban du Prophète, et montant sur le cheval du Prophète, Riyâh, il sortit le vieux et vénérable étendard de Mohammad. L’apparition de cette relique sacrée, maintenant déchirée en lambeaux, fit sangloter les illustres Compagnons qui avaient si souvent combattu et conquis à son ombre, et incita les troupes enthousiastes à s’empresser dans une formidable démonstration de force sous la bannière sacrée. Mu’âwiyeh avait rassemblé douze mille parmi les meilleurs guerriers de Syrie, lorsque ‘Alî, épée à la main, à la tête de ses vétérans impétueux, les attaqua avec le cri d’ “Allâh-û-Akbar” et les mit immédiatement dans la confusion générale. Les Syriens purent finalement se remettre de leur désordre.
»La tribu de Awk du côté de Mu’âwiyeh et celle de Hamandites du côté de ‘Alî firent chacun de son côté le vu solennel de ne jamais quitter le champ de bataille tant qu’un seul de la partie adverse y demeurait pour le disputer. Il en résulta un carnage terrible parmi les plus braves des deux armées. Des têtes roulaient sur le sol, et des flots de sang coulaient dans toutes les directions. Mais l’issue de la bataille fut fatale pour les Syriens qui subirent une défaite totale et se retirèrent dans la plus grande confusion». (“Mohammadan History” de M. Price, cité de S. Ockley dans son “History of Saracens”, p. 315)
Des Combats Décisifs à Çiffîn ; Le Combat Vateureux de Mâlik al-Achtar
La Bataille de Çiffin fut enfin livrée désespérément les 11, 12 et 13 Çafar, 37 H. La guerre continua à faire rage pendant la riuit éclairée par la pleine lune du 13 Çafar, beaucoup plus que pendant la journée. Pareille à la nuit du champ de bataille de Qadiciyyah, cette nuit-là fut appelé une seconde Laylat al-Harir (la nuit des sons métalliques). Mâlik al-Achtar montait un cheval pie, et maniant un sabre large à double tranchant, il criait sans cesse: «Allâho Akbar». A chaque coup de son terrible cimeterre, un guerrier tombait, fendu. L’histoire nous dit qu’il répéta ce cri redoutable au moins quatre cents fois durant la nuit. Le héros de la bataille, résolu à obtenir la victoire, lançait ses attaques avec une vigueur soutenue et beaucoup de pugnacité.
Le jour se leva et parut très désavantageux pour les Syriens qui étaient repoussés vers leur campement par la charge de leurs courageux assaillants. Mu’âwiyeh, qui observait le champ de bataille avec angoisse, devint de plus en plus nerveux lorsque les rangs de ses gardes du corps furent taillés en pièces. Alors qu’il songeait avec désespoir à prendre la fuite, et qu’il avait même demandé qu’on préparât son cheval, ‘Amr Ibn al-‘Âç, qui se trouvait près de lui, lui dit: «Courage, Mu’âwiyeh! Ne te démoralise pas! J’ai imaginé le moyen de prévenir la crise. Appelle l’ennemi à la Parole de Dieu en levant haut le Livre Sacré. S’il accepte, cela te mènera à la victoire, et s’il refuse de subir l’épreuve, la discorde sévira dans ses rangs».
Une Supercherie pour Détourner la Crise
Mu’âwiyeh s’accrocha ardemment à ces paroles, et peu après cinq cents copies du Coran furent levées haut, accrochées à la pointe des lances. «Regardez!» s’écrièrent les porteurs du Coran à l’intention de l’armée adverse. «Laissons au Livre de Dieu le soin de décider de nos différends». (7)
Ce stratagème produisit un effet magique sur Ach’ath Ibn Qays(8) et ses partisans ainsi que sur certains Kûfites. On eût dit qu’ils attendaient avec angoisse cet artifice. Ils bondirent en avant tout de suite, et d’une seule voix retentissante ils crièrent: «Oui, le Livre de Dieu! Laissons-le décider de nos différends», tout en déposant leurs armes. Entendant le tumulte, ‘Ali fit quelques pas en avant et les admonesta: «C’est une supercherie, leur dit-il. Craignant la défaite, ces hommes malveillants ont trouvé cette astuce de sauvetage». «Quoi!» s’écrièrent les hommes dupés par la ruse de Mu’âwiyeh. «Est-ce que tu refuses de te soumettre à la décision du Coran auquel ils t’appellent?» «Mais c’est pour les amener au Coran que je les ai combattus si longuement. Ce sont des rebelles. Allez donc combattre votre ennemi. Je connais Mu’âwiyeh, ‘Amr Ibn al-‘Âç, Ibn Abî Sarh, Habib et Dhohâk mieux que vous. Ils n’ont pas d’égard pour la religion ni pour le Coran». (9) «Quoi qu’il en soit, persistèrent-ils, nous sommes à présent appelés au Coran et nous ne devons pas décliner cet appel».
Ainsi ils ne voulaient entendre aucun argument. Et finalement, avec une attitude de révolte, ils menacèrent le Calife que s’il refusait l’appel, ils l’abandonneraient tous ou même ils le livreraient à son ennemi, ou lui réserveraient le même traitement qu’avait subi ‘Othmân.
‘Alî constata qu’il était inutile d’essayer encore de convaincre ces soldats séduits définitivement par l’astuce de Mu’awiyeh, et leur dit alors: «Arrêtez d’user de ce langage véhément et traître et obéissez-moi en reprenant le combat. Mais si vous êtes déterminés à me désobéir, faites comme vous voulez». Ils refusèrent de lui obéir et le pressèrent de faire sortir Mâlik al-Achtar du champ de bataille (ces hommes devinrent très sectaires et ils seront désignés dans l’histoire par le terme de “Khârijite” – sécessionnistes).
Mâlik al-Achtar, sommé de revenir, refusa tout d’abord en disant: «Je ne peux pas quitter le champ de bataille. La victoire est à la portée de la main». Devant cette réponse, le tumulte des Khârijites se fit plus fort, et ils insistèrent auprès de ‘Alî pour qu’il le fasse ramener immédiatement. ‘Alî envoya un autre message à Mâlik al-Achtar pour lui dire: «A quoi sert la victoire lorsque la trahison sévit à l’intérieur de mon propre camp. Reviens tout de suite avant que je sois tué ou livré à mes ennemis».
Mâlik al-Achtar cessa le combat à contre-coeur et accourut auprès du Calife.
«Une vive dispute éclata entre lui et les soldats en colère: “Vous combattiez, leur dit-il, jusqu’à hier encore pour Dieu et les plus élus d’entre vous y ont laissé leur vie. Cela signifie-t-il que vous reconnaissez maintenant que vous êtes dans l’erreur et que vos martyrs sont allés en enfer ?”. “Non! Ce n’est pas ainsi, répliquèrent-ils. Hier nous combattions pour le Seigneur, et aujourd’hui c’est pour le Seigneur aussi que nous arrêtons le combat”. A cette réponse, Mâlik al-Achtar les traita de traîtres, de lèches, d’hypocrites et de mécréants. Ils ripostèrent en l’injuriant et frappèrent son cheval avec leurs fouets. ‘Alî s’interposa. Le tumulte s’apaisa». (“Annals of …” de W. Muir, p. 382)
Des Propositions d’Arbitrage
Ach’ath(10)Ibn Qays al-Kindî, sortant des rangs des Khârijites, s’approcha de ‘Alî et lui demanda la permission d’aller voir Mu’âwiyeh pour savoir quelle était la signification précise de son action de lever haut le Coran. La permission lui fut donnée et il se rendit chez Mu’âwiyeh, et à son retour il dit que Mu’âwiyeh et son parti désiraient que les différends soient soumis à l’arbitrage de deux juges qui émettraient leurs verdicts conformément au vrai sens du Coran, que chaque partie devrait nommer un juge, et que le verdict des juges serait définitif.
«Ach’ath, le fils de Qays, l’un de ceux qui jouissaient d’un énorme crédit et d’influence parmi les soldats irakiens, mais qui fut soupçonné(11) d’avoir été suborné par Mu’âwiyeh, demanda à ‘Alî comment il considérait cet expédient. ‘Alî lui répondit froidement que “Celui qui n’est pas libre ne peut donner son avis. Il vous appartient donc de régler cette affaire de la manière que vous estimerez convenable vous-mêmes». (“History of the Saracens” de S. Ockley, p. 317).
En tout cas l’armée étant résolue à accepter la proposition désigna comme arbitre, Abû Mûsâ al-Ach’ari le dernier Gouverneur de Kûfa, déposé par ‘Alî pour sa déloyauté, comme cela a été souligné précédemment. «Cet homme – dit ‘Alî, surpris par cette désignation – nous a déjà quittés, et il ne combat pas actuellement avec nous. Il est préférable de choisir à sa place le fils de l’oncle du Prophète, c’est-à-dire ‘Abdullâh Ibn ‘Abbâs». «Et pourquoi ne pas te nommer toi-même au lieu de ton cousin?» dirent ironiquement ses détracteurs. Ils affirmèrent qu’ils ne voulaient désigner que quelqu’un qui puisse être également impartial vis-à-vis de lui et de Mu’âwiyeh.
‘Alî proposa alors Mâlik al-Achtar, mais ils le forcèrent obstinément à ne choisir qu’Abû Mûsâ comme son représentant.
«C’était le choix le plus amer pour ‘Alî, mais il n’avait pas d’alternative. Abû Mûsâ s’était mis à l’écart de la bataille, mais il devait se trouver dans les parages. Lorsq’on lui parla de l’arbitrage, il s’exclama: “Dieu soit loué pour avoir mis fin au combat!”. “Mais tu es nommé l’arbitre qui nous représente”, lui dit-on. “Hélas! Hélas!” s’écria-t-il avant de se rendre avec beaucoup d’excitation au camp de Alî. Ahnaf Ibn Qays demanda à être nommé juge conjointement avec Abû Mûsâ dont il dit qu’il n’était pas homme à pouvoir juger tout seul ni n’ayant suffisamment de tact ni d’esprit pour être à la hauteur de cette tâche. “Il n’y a pas de nud qu’Abû Mûsâ puisse nouer sans que je ne puisse le dénouer, ni de nud qu’il puisse dénouer sans que j’en trouve un encore plus dur à défaire”. C’était tout à fait vrai, mais l’armée était d’une humeur insolente et perverse, et né voulait entendre parler de personne d’autre qu’Abû Mûsâ. L’arbitre syrien était ‘Amr Ibn al-‘Âç, devant les moyens profonds et astucieux duquel Abû Mûsâ ne pesait guère” (“Annals of …” de W. Muir, p. 385).
L’Acte d’Arbitrage
Les deux arbitres (Abû Mûsâ et ‘Amr Ibn al-‘Âç) s’étant présentés dans le camp de ‘Alî, un accord de trêve fut rédigé. (12) Dicté par ‘Alî, il commençait ainsi: «Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux. Voici ce qui a été agréé entre le Commandeur des Croyants, ‘Alî, et … ». ‘Amr Ibn al-‘Âç objecta à cette formule et dit: «’Alî est votre Commandeur, pas le nôtre. Il faut écrire tout simplement: “entre ‘Alî et Mu’âwiyeh”».
A ce moment, ‘Alî, se rappelant la prophétie prononcée par le Messager de Dieu à Hudaybiyyah, dit aux gens qui l’entouraient: «Lorsqu’une objection similaire avait été soulevée par Quraych afin de supprimer la formule “Le Messager de Dieu” rattachée au nom du Prophète dans le traité, le Prophète avait cédé et effacé de ses propres mains les mots contestés en me voyant hésiter à le faire, avait prédit alors qu’un jour viendrait où je devrais céder moi aussi et faire une semblable concession».
Entendant ces propos, ‘Amr Ibn al-‘Âç s’écria: «Est-ce que tu nous compares aux Arabes païens bien que nous soyons de bons Croyants!». «Et quand a-t-on vu qu’un fils de mauvaise naissance ne fût pas l’ami des méchants et l’ennemi des gens intègres?». Sur ce, ‘Amr jura qu’il ne voudrait plus jamais se trouver en compagnie de ‘Alî, et ‘Alî dit qu’il souhaitait que Dieu le préservât d’un tel compagnon. Cependant ‘Alî n’avait d’autre choix que de céder, et l’accord de trêve fut écrit avec les noms simples de ‘Alî et de Mu’âwiyeh – et signé.
Par cet accord les parties contractantes s’engageaient à ratifier et à confirmer la décision des juges, décision qui devrait intervenir quelques six ou huit mois plus tard, quelque part à mi-distance entre Kûfa et Damas. Les juges jurent qu’ils jugeraient avec intégrité, conformément au Livre Sacré et sans aucune partialité. Cet Acte d’arbitrage eut lieu le Mercredi 13 Çafar 37 H, soit le 31 Juillet 657 du calendrier chrétien.
Notes:
1- “Ibn Athîr”; “Rawdhal al-Ahbâb”; “Habîb al-Sayyâr”; “Ibn Hichâm”.
2- “Abul-Fidâ'”; “Habîb al-Sayyâr”; “Ibn Jâbir”.
3- “Al-Tabarî”; “Ibn Athîr”; “Ibn Hichâm”.
4- “Abul-Fidâ'”.
5- “Habîb al-Sayyâr”; “Târîkh al-Kirâm”.
6- “Ibn Athîr”; “Tathkirah”.
7- “Al-Tabarî”; “Ibn Athîr”; “Rawdhat al-Ahbâb”.
8- “Habîb al-Sayyâr”; “Takhkirat al-Kirâm”.
9- “Târîkh al-Khamîs”; “Habîb al-Sayyâr”; “Al-Tabarî”.
10- “Al-Tabarî”; “Al-Sîrah al-Muhammadiyyah”; “Rawdhat al-Ahbâb”; “Târîkh al-Khamîs”.
11- “Al-Tabarî”; “Al-Sîrah al-Muhammadiyyah”.
12- “Al-Wâdiqî”; “Al-Bokhârî”; “Ahmad Ibn Hanbal”; Al-Nasâ’î”; “Al-tabarî”; “Ibn al-Athîr”; “Al-Suyûtî”.