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Plainte auprès du Calife contre Khâlid
Les gens de Médine qui s’étaient opposés une première fois à la marche de Khâlid vers Banî Yerbi’, et qui lui avaient fait des remontrances par la suite lors de l’exécution de Mâlik étaient choqués par le sort cruel qui lui avait été réservé et éprouvaient du mépris pour sa conduite après ce meurtre. Abû Qatada jura qu’il ne servirait plus jamais sous sa bannière. Aussi quitta-t-il le camp et partit tout de suite à Médine en compagnie de Motammim, le frère de Mâlik, qui déposa une plainte formelle auprès du Calife. ‘Omar ayant entendu de Qatada et d’autres, tout sur cette affaire, défendit la cause du chef assassiné. Il demanda à Abû Bakr de faire lapider Khâlid jusqu’à la mort pour adultère ou de le faire exécuter pour l’assassinat d’un Musulman.(1) Mais Abû Bakr n’ayant pas accepté ces propositions, ‘Omar lui suggéra alors que l’offenseur fût dégradé et enchaîné, faisant valoir qu’une épée trempée dans la violence et l’outrage doit être rengainée. Mais Abû Bakr fit remarquer que Khâlid avait péché plus par erreur qu’intentionnellement. Il observa également que Wahchî, qui avait tué Hamzah, l’oncle du Prophète, fut pardonné par celui-ci. Néanmoins, il somma Khâlid de justifier les charges qui pesaient sur lui.
Le Jugement d’Abû Bakr
Khâlid revint à Médine et, alors qu’il se rendait chez le Calife dans son habit de champ de bataille, le turban enroulé grossièrement autour de la tête et orné d’une flèche représentant son grade de général, il rencontra ‘Omar qui le réprimanda, le traita de meurtrier, d’adultère, et arrachant la flèche de son turban, la brisa sur ses genoux. Khâlid ne sachant pas s’il allait être reçu par le Calife de la même façon, garda son calme et poursuivit son chemin vers Abû Bakr. Il glissa deux dinars au portier et lui demanda de l’introduire chez le Calife lorsqu’il serait seul et de bonne humeur. (2)
Une fois chez le Calife, il lui fit son récit des événements, qui fut accepté par Abû Bakr. Il le blâma seulement pour avoir épousé la veuve de sa victime sur le champ de bataille et dans des circonstances que répugnaient aux coutumes et aux sentiments des Arabes. Lorsqu’il sortit de chez le Calife, il montra à ‘Omar par son attitude qu’il avait été disculpé. ‘Omar garda le silence, mais sans croire à son innocence. Il n’oubliera ni ne pardonnera son atrocité. Lorsqu’il accédera au pouvoir, la révocation de Khâlid de son poste sera le premier ordre qu’il donnera.
Fujâ’ah al-Salmî
Fujâ’ah al-Salznî, un chef des Banî Solaym (et selon Ariza-i-Khawar et Tahthib-al-Matn, un Compagnon du Prophète qui avait participé à la Bataille de Badr) se présenta devant Abû Bakr et lui offrit ses services pour soumettre les tribus avoisinantes déloyales. Il demanda pour ce faire qu’on lui fournisse les armes et les équipements nécessaires à ses partisans. Une fois équipé par le Calife, il abusa, dit-on, de la confiance qui avait été mise en lui, en organisant des expéditions de pillage contre quiconque présentait pour lui une chance de pouvoir être pillé, sans chercher à savoir s’il s’agissait de tribus loyales ou déloyales. Le Calife ayant appris ce qui se passait, envoya Târiqah B. Hâjiz pour le ramener à la raison. Fujâ’ah défia son adversaire d’engager des pourparlers, et affirma qu’il avait lui-même reçu du Calife une mission similaire à la sienne. Ils finirent par se mettre d’accord pour comparaître devant le Calife pour s’expliquer.
Ainsi, mettant de côté ses armes, Fujâ’ah partit pour Médine avec Târiqah. Mais à peine s’était-il présenté devant le Calife, qu’il fut arrêté pour être brûlé vif. Il fut conduit immédiatement à Baqî’ où on alluma un grand feu et on l’y jeta. (3) Abû Bakr, dont on dit qu’il avait un coeur tendre, et qu’il était modéré dans ses jugements et généreux avec un ennemi désarmé, regrettera par la suite cet acte de sauvagerie qu’il avait commis. C’était là l’une des trois choses qui le hantèrent le plus vers la fin de sa vie et dont il disait souvent: «J’aurais voulu ne l’avoir pas fait». (4)
La Rébellion à Hadhramawt, Conduite par Ach’ath B. Qays
Ziyâd B. Labîd, le Gouverneur de Hadhramawt, suscita la haine des Banî Kinda par son âpreté dans le recouvrement de la Zakât. Un jour il mit la main sur un chameau appartenant à un certain Yazîd B. Mu’âwiyeh al-Qorê, et refusa de le rendre en échange d’un meilleur chameau que Yazîd avait offert. Ce dernier fit alors appel à Hârith B. Sorâqah, un notable puissant de la région. Celui-ci prit parti pour Yâzid et demanda à Ziyâd de restituer le chameau en échange d’un autre. Ziyâd persista toutefois dans son refus, ce qui exaspéra Hârith et le poussa à le retirer lui-même du hangar où les chameaux étaient gardés, et à déclarer sans détours: «Tant que le Prophète vivait, nous lui avons obéi. Maintenant qu’il est mort, nous ne sommes enclins à obéir qu’à son successeur, issu de sa propre famille. Le fils d’Abû Qohâfah n’a pas le droit de nous gouverner. Nous n’avons rien à faire avec lui».
Il composa un poème dans lequel il louait la famille du Prophète et critiquait Abû Bakr, et il l’envoya à Ziyâd. Ayant remarqué le mépris qu’éprouvaient les gens à son égard, Ziyâd fuit pour sauver sa vie et chercha refuge chez les Banî Zobayd, une tribu voisine. Mais ceux-ci le reçurent froidement et exprimèrent leur sympathie pour les vues de Hârith. Ils dirent que les Muhâjirîn et les Ançâr avaient privé l’héritier légal du Prophète de ses droits parce qu’ils étaient jaloux de la supériorité des Hâchimites, et qu’il était improbable que le Prophète n’est pas désigné un successeur parmi sa propre famille. Estimant qu’il n’était pas en sécurité avec de telles gens, Ziyâd fuit à nouveau pour chercher refuge chez d’autres tribus, mais partout il eut droit au même traitement. A la fin, il prit le chemin de Médine où il fit un rapport détaillé au Calife sur ce qui se passait. Abû Bakr, alarmé par ce rapport, mit à sa disposition quatre mille combattants pour subjuguer les tribus révoltées.
Ziyâd retourna ainsi à Hadhramawt et essaya pendant longtemps, mais en vain, de récupérer les gens et le pays. Ach’ath Ibn Qays, le Chef des Banî Kindah, lui opposa une résistance acharnée. Il est à noter que ce même Ach’ath avait embrassé l’Islam et prêté allégeance au Prophète en l’an 10 H. et qu’en outre il était fiancé avec la soeur d’Abû Bakr, Om Farwah. Ayant été mis au courant des difficultés dans lesquelles se trouvait Ziyâd, Abû Bakr ordonna à Mohâjir B. Abî Omayyah et à ‘Ikrimah B. Abû Jahl de partir tout de suite respectivement de Çan’â’ et d’Aden pour porter secours à Ziyâd.
Entouré par l’ennemi, Ziyâd envoya un appel urgent à Mohâjir pour venir le délivrer. Entre-temps Mohâjir et ‘Ikrimah, partant respectivement de Çan’â’ et d’Aden, firent leurjonction à Marab, et étaient en train de traverser le désert sablonneux de Sayhad qui les séparait de Hadhramawt. Prévenu de la situation critique de Ziyâd, Mohâjir se mit en route précipitamment à la tête d’un escadron mobile; et ayant rejoint Ziyâd, il se trouva nez à nez avec Ach’ ath qui se réfugia dans le fort de Nojayr que Mohâjir investit immédiatement. ‘Ikrimah le rejoignit rapidement avec le corps principal de l’armée.
Les deux forces constituèrent une armée suffisamment puissante dans la région avoisinante. Piquée au vif par la crainte d’être témoin de la ruine des proches, et préférant la mort au déshonneur, la garnison se mit en route et combattit chaque jour autour de la forteresse. Après une lutte désespérée dans laquelle toutes les voies d’accès à la ville furent jonchées de morts, la garnison fut refoulée. Entre-temps, Abû Bakr ayant reçu les nouvelles de la résistance obstinée des rebelles, donna l’ordre de leur infliger une punition exemplaire et de ne pas faire de quartier.
La malheureuse garnison, se trouvant face à un ennemi dont le nombre ne cessait de s’accroître, et alors qu’elle ne voyait aucune perspective de secours pour elle, fut prise de désespoir. Le rusé Ach’ath, ayant constaté la situation désespérée, prit contact avec ‘Ikrimah et proposa perfidement de lui livrer la forteresse s’il acceptait d’épargner la vie de neuf personnes. Les soldats du Calife entrèrent ainsi dans la ville assiégée, tuèrent les combattants, et prirent les femmes comme captives. Ach’ath présenta la liste des neuf personnes à épargner: «Ton nom n’y figure pas!» dit Mohâjir à Ach’ath, qui avait oublié, dans sa précipitation, d’inscrire son propre nom sur la liste. «Dieu soit loué, Qui t’a fait condamner par ta propre bouche», lui dit Mohâjir.
Après l’avoir enchaîné et alors qu’il (Mohâjir) était sur le point de donner l’ordre de son exécution, ‘Ikrimah s’interposa et le persuada, à contrecur, de soumettre son cas à Abû Bakr. Les pleurs des femmes captives voyant le massacre de leurs fils et de leurs maris accablèrent le traître, qui passait par là, de malédictions. (Un millier de femmes furent capturées dans la forteresse. Elles criaient au visage de Ach’ath, à son passage: «Il sent le feu» (c’est-à-dire, c’est un traître).
Abû Bakr Juge Ach’ath
«Une fois Ach’ath conduit à Médine, Abû Bakr le traita de pauvre pusillanime qui n’avait ni la force de diriger, ni même le courage de défendre son peuple et le menaça de mort. Mais finalement, tenant compte des accords conclus avec ‘Ikrimah, et touché par ses serments que désormais il défendrait courageusement sa Religion, Abû Bakr non seulement lui pardonna, mais l’autorisa à se marier avec sa sur (Om Farwah). Ach’ath resta pendant un certain temps désuvré à Médine. On entendit un jour Abû Bakr dire que l’une des trois choses qu’il regrettait d’avoir faites pendant son Califat, c’était d’avoir épargné la vie de ce rebelle». (“Annals of the Early Caliphate” de W. Muir, p. 57)
«Om Farwah donna à Ach’ath une fille et trois fils. La fille (Jo’dah) empoisonnera al-Hassan fils de ‘Alî, qui mourra des suites de cet empoisonnement. Deux de ses fils, Mohammad et Is-Hâq figureront contre al-Hussayn Ibn ‘Alî et ses compagnons à Karbalâ’. Mohammad sera tué par la suite lors de la bataille opposant l’armée de Moç’ab à celle d’al-Mukhtâr qui voulait venger l’assassinat d’al-Hussayn». (5)
Expéditions vers des Pays Etrangers
Les apostats ayant été soumis et récupérés, et les révoltes écrasées, on put songer à la conquête de pays étrangers et des expéditions furent ainsi organisées contre la Syrie et l’Irak. Les Romains furent défaits à la bataille de Yarmûk, au terme de laquelle une grande partie de la Syrie fut mise sous domination musulmane, pendant les années 12-13 H. A la même période une grande progression fut réalisée vers les frontières de la Perse.
La Nomination de Yazîd
Vers la fin de l’année 12 H. (printemps de 634 ap. J. -C.), Yazîd, fils du tristement célèbre chef des Omayyades, Abû Sufiyân, fut envoyé en Syrie, à la tête d’un bataillon constitué après une grande levée à la Mecque, dans laquelle furent enrôlés beaucoup d’Omayyades et de célèbres notables de Quraych. Son frère Mu’âwiyeh, le rejoignit peu après avec son père Abû Sufiyân et sa sur Howayriyyah ainsi que d’autres membres de la famille.
Il ne serait pas déplacé de noter ici que la suprématie sur les Hâchimites, tant désirée par les Omayyades durant des générations et déjà presque réalisée après la mort d’Abû Tâlib avait été enrayée par le Prophète après la conquête de la Mecque. A présent, Abû Bakr, retournant la situation, offrit aux Omayyades une chance de regagner leurs positions en nommant Yazîd fils de Abû Sufiyân, Général de Division de ses forces armées, ce qui donna aux Omayyades une excellente occasion de rétablir leur pouvoir, une occasion trop belle pour ne pas être avidement saisie par eux, et un pouvoir trop longtemps désiré pour être relâché une fois qu’ils l’auront détenu.
Ainsi, très vite, Yazîd s’assurera la haute position du Gouverneur de Damas (14 H., soit l’été de 634 ap. J. -C.), sous le Califat de ‘Omar. Quelques quatre ans plus tard (18 H., automne 639 ap. J. -C.) lorsque Yazîd ainsi que le Commandant en chef de Syrie, Abû ‘Obaydah, périront par la peste, «’Omar nommera Mu’âwiyeh, fils d’Abû Sufiyân et frère de Yazîd, le Chef Commandant de la Syrie, et posera ainsi les fondations de la dynastie Omayyade». (6)
Abû Bakr, ne voyant que ses propres intérêts immédiats dans cette nomination, ne tint aucun compte de ses conséquences déterminantes en défaveur des Hâchimites, les descendants du Prophète, et Omar, en encourageant la cause des Omayyades, négligea la rivalité traditionnelle et ignora délibérément la haine profonde ressentie par les Omayyades envers les Hâchimites après la bataille de Badr dans laquelle ‘Otbah, Chaybah et Walîd, les grands-pères de Yazîd et Mu’âwiyeh, ainsi que les éminents dirigeants de Quraych tombèrent sous les coups de sabres des Hâchimites. Le résultat de l’ascension des Omayyades sera, très évidemment, comme l’avait prévu et souligné Hobâb lors de l’élection de Saqîfah, la destruction de ceux qui avaient tué les Quraychites. Mu’âwiyeh établira très habilement son autorité, grâce à des manuvres à long terme, sur toute l’Arabie.
Après sa mort, son fils Yazîd vengera ses proches tués, et collectera les dettes de sang – qui seront restées impayées pendant deux générations – chez les descendants du Prophète à Karbalâ’.
La Connaissance du Coran par Abû Bakr
Abû ‘Obaydah, citant Ibrâhîm al-Taymî relate qu’Abû Bakr avait été questionné à propos de la Parole du Très-Haut: «Des vignes et des légumes» (Sourate ‘Abasa, verset 28), et qu’il répondit: «Quel ciel me couvrirait de ses ombres, et quelle terre me nourrirait, si je disais ce que je ne sais pas du Livre de Dieu». (M. Jarret, “History of Califat” d’al-Suyûti, op. cit.)
«Al-Bayhaqî et d’autres, citant Abû Bakr, relatent qu’on l’avait interrogé un jour sur le sens d’al-Kalâlah (Sourate al-Nisâ’, verset 175), et qu’il répondit: Je vais vous donner une opinion concernant ce mot. Si elle est juste, elle est de Dieu, mais si elle est erronée, elle est de moi et de l’Esprit malin. Je pense que ce mot signifie “manque de parent et de descendant”. Lorsque ‘Omar fut devenu Calife, il dit: “Je me garde de rejeter ce qu’Abû Bakr a dit. Al-Zamakh-charî donne à ce mot trois sens dans son grand Commentaire: l. Quelqu’un qui n’a ni fils ni père vivant; 2. Quelqu’un qui n’a ni père vivant ni aucun descendant; 3. Quelqu’un qui n’a aucun proche vivant de ligne parentale directe, ni à travers ses proches enfants. (Voir, “History of Califat” de Major Jarret d’al-Suyûtî, op. cit.)
Al-Lalakai (Abul-Qâcim Hibat-Ullâh B. Hassan B. Manthur al-Radhî) relate dans sa “Sunnah”, en citant Ibn ‘Omar, qu’un homme était venu voir un jour Abû Bakr et lui dit: «Ne penses-tu pas que la fomication est prédestinée chez l’homme?» «Si», répondit-il. L’homme dit alors: «Donc, si Dieu l’a prédestinée chez moi, va-t-IL m’en punir cependant ?» «Oui, tu es fils d’une femme incirconcise, et par Allâh, s’il y avait un homme à côté de moi, je lui commanderais de te ramener à la raison». (Ibid.)
Mâlik et al-Dâr Qutnî, citant al-Qâcim B. Mohammad, relatent que deux grand-mères, la mère d’une mère et la mère d’un père, étaient allées voir Abû Bakr pour réclamer leur héritage, et qu’Abû Bakr accorda l’héritage à la mère du père. Sur ce, Abdul-Rahmân B. Sahel, un Ançârî qui avait combattu à Badr et qui était un associé des Banî Hârith, lui dit: «Ô Calife du Prophète de Dieu! Ne l’accordes-tu pas à celle dont on ne pourra hériter lorsqu’elle mourra?» (Selon la Loi musulmane un petit-fils n’hérite pas de sa grand-mère maternelle). Ainsi, il divisa l’héritage entre les deux grand-mères. (Ibid.)
Quelques Récits Concernant Abû Bakr
Al-Bazzâr (As-Sirar) relate la tradition suivante: Lorsque ce verset: «N’élevez pas la voix au-dessus de celle du Prophète» (Sourate al-Hujurât, 49: 2) fut révélé, Abû Bakr dit: «Ô Messager de Dieu! Je ne m’adressai à toi qu’avec une voix de décrépit». (Ce verset a été révélé après qu’Abû Bakr et ‘Omar avaient élevé la voix si haut en parlant au Prophète à propos de la nomination d’un gouverneur, que leur attitude nécessita qu’elle fût dorénavant déclarée inadmissible – Sale).
Al-Dâr Qutnî relate qu’Abû Bakr embrassa une fois la Pierre Noire et dit: «Si je n’avais pas vu le Messager de Dieu t’embrasser, je ne t’aurais pas embrassée». (Ibid.)
Ahmad, dans le Zohd, citant Abû Imrân al-Juni, rapporte qu’Abû Bakr al-Çiddîq dit: «J’aurais voulu être un cheveu dans le corps d’un serviteur, d’un vrai Croyant». (Ibid.)
Le Prophète dit à Abû Bakr: «Le scepticisme (Chirk) s’émeut plus furtivement parmi vous que le grimpement d’une fourmi». (“Izâlat al-Khifâ” (en urdu), vol. II, p. 214)
La Maladie d’Abû Bakr. La Nomination de son Successeur
Au mois de Jamâdî II de l’an 13 H. (634 ap. J. -C.), Abû Bakr, ayant pris imprudemment un bain alors qu’il faisait très froid, attrapa la fièvre. Après une maladie d’une quinzaine de jours, lorsqu’il se sentit trop faible et épuisé, il perdit tout espoir de se rétablir, et exprima sa volonté de nommer ‘Omar comme successeur pour lui éviter tout risque de perdre l’élection. Pour ne pas brusquer les gens avec cette décision, il la divulgua d’abord au cours d’une sorte de consultation avec ‘Abdul-Rahmân qui, en apprenant la nouvelle, fit l’éloge de ‘Omar pour ajouter tout de suite que celui-ci était trop dur. Puis il consulta ‘Othmân qui dit: «’Omar a un fond meilleur que ses apparences». Sur ce, Abû Bakr dit: «Que Dieu te bénisse, Ô ‘Othmân! Si je n’avais pas choisi ‘Omar, je ne t’aurais pas enjambé».
Mis au courant de cette décision (selon “Târîkh al-Khamîs” et “Rawdhal al-Çafâ”), Talhah et beaucoup d’autres Compagnons du Prophète abordèrent Abû Bakr et protestèrent contre cette nomination. Talhah le blâma dans ces termes: «Comment répondras-tu à ton Seigneur pour avoir laissé Son peuple à la merci d’un maître aussi sévère que ‘Omar». Abû Bakr fut excédé par ces propos et s’écria: «Relevez-moi!» Et appelant ‘Othmân, il lui dicta sur-le-champ une ordonnance comme suit: «Moi, Abû Bakr, fils d’Abû Quhâfah, à la veille de l’approche de ma fin, fais la déclaration suivante de ma volonté aux Musulmans. Je nomme comme successeur…». Avant de pouvoir terminer la phrase, Abû Bakr s’évanouit.
‘Othmân qui connaissait le nom qu’Abû Bakr prononcerait, ajouta à la phrasé le nom de “‘Omar B. al-Khattâb”. Lorsqu’Abû Bakr reprit conscience, il demanda à ‘Othmân le nom du successeur qu’il avait écrit dans l’ordonnance, et dit: «Allâh-u-Akbar! Que Dieu te bénisse pour ta prévenance. Si j’étais mort dans mon évanouissement, les gens auraient été laissés dans le noir sans le rajout que tu as fait». Puis il continua à dicter: «Ecoutez-le et obéissez-lui: car il gouvernera avec justice, sinon, Dieu qui connaît tous les secrets, le traitera de la même façon. Je veux dire que tour ira bien, mais que je ne connais pas les secrets cachés dans les coeur s. Adieu».
L’ordonnance ayant été scellée avec son cachet, le Calife demanda qu’elle fût lue aux gens dans la mosquée. ‘Omar lui-même fut présent lors de la lecture. Il faisait taire les bruits et réduisait les gens au silence afin qu’ils puissent entendre l’ordonnance.
Ibn Qotaybay écrit dans son livre, “Imâmat”:(7) «Quand l’ordonnance eut été prise par Chahîd, un serviteur d’Abû Bakr, pour être lue aux gens, quelqu’un demanda à ‘Omar qui accompagnait le porteur: “De quoi s’agit-il?” ‘Omar répondit qu’il n’en savait rien, mais qu’elle (l’ordonnance) le concernait plus que tout autre. L’homme lui dit: “Si tu ne le sais pas, je sais qu’auparavant tu as fait Abû Bakr Calife, et maintenant, à son tour, il te fait Calife à sa place”».
«On dit à Abû Bakr pendant sa maladie: “Que diras-tu à ton Seigneur, maintenant que tu as désigné ‘Omar pour gouverner ?” Il répondit: “Je Lui dirai que j’ai nommé le meilleur d’entre eux pour gouverner sur eux”. (“Ibn Sa’d”; “History of Caifat”, p. 122, trad. par M. Jarret de “Târîkh al-Kholafâ'” d’al-Suyûtî)
Abû Bakr al-Çiddîq dit un jour: “Il n’y a pas à la surface de la terre un homme qui ait, plus de valeur que ‘Omar”». (Ibid.)
Le Lit de Mort d’Abû Bakr
Pendant sa maladie Abû Bakr exprima avec amertume son regret pour trois de ses actes: «J’aurais aimé ne les avoir pas faits». (8) Ce sont:
- La rafle dans la maison de Fâtimah malgré les conspirations dont il dit avoir été l’objet;
- Le fait d’avoir fait brûler vivant Fujâ’ah al-Salmî. Il dit à ce propos que cet homme aurait dû être soit relâché soit passé par le sabre, mais non pas brûlé;
- Le fait d’avoir épargné le rebelle Ach’ath à qui il maria par la suite sa sur Om Farwah. Cet homme, dit-il, avançait toujours dans la bassesse.
«Al-Nasâ’î, citant Aslam, écrit que ‘Omar entendit Abû Bakr lâcher ces mots: “C’est cela qui m’avait amené à ce à quoi je suis arrivé”». (“Al-Suyûtî”, tradu. de M. Jarret, p. 104)
Quelque temps avant sa mort, Abû Bakr avait demandé: «Quel jour le Prophète est-il mort?», et on lui avait répondu qu’il était mort un lundi.
La Mort d’Abû Bakr
Abû Bakr mourut à l’âge de 63 ans, le mardi 22 Jamâdî II, de 1 an 13 H., soit le 22 août 634 ap. J. -C., après avoir gouverné pendant deux ans, trois mois et dix jours. (9) Sa femme Asmâ’ Bint ‘Omays, aidée de son fils ‘Abdul-Rahmân, lui fit son dernier bain. ‘Omar lut les prières en récitant le Tabkîr quatre fois. Une tombe fut creusée pour lui à côté de celle du Prophète, et la niche de sa tombe touchait celle du Messager de Dieu. II fut enterré en ayant la tête posée au niveau de l’épaule du Prophète.
Abû Bakr et les Rapports de sa Famille avec Celle du Prophète
Abû Bakr avait quatre femmes, dont une était morte de son vivant. Les descendants de chacune de ses femmes figurent dans le tableau suivant:
Les femmes mariées avec Abû Bakr avant sa conversion à l’Islam
- Qutaylah, fille de ‘Abdul-‘Uzza:
– Asmâ’ (morte 76 H.), femme de Zobayr B. al- ‘Awwâm (mort 36 H.)
– ‘Abdullâh (mort 64 H.)
– ‘Abdul-Rahmân (mort 53 H.), son nom d’origine était ‘Abd al-‘Uzza. Il embrassa l’Islam après le Traité de Hudaybiyyah.
- Om Roman, fille de Hârith (morte 7 H.)
– ‘Ayechah (morte 58 H.)
Les femmes mariées avec lui après sa conversion à l’Islam
- Habîbah, fille de Kharja Ançar
– Om Kulthûm, femme de Talhah (mort 36 H.), cousin d’Abû Bakr et fils de ‘Obaydullâh
– Muhammad (mort 36 H.)
- Asmâ’, fille de ‘Omays
– Mohammad (né 10 H., mort 38 H.)
Après la mort d’Abû Bakr, ‘Alî épousa Asmâ’, donc Mohammad fut élevé par ‘Alî.
L’histoire montre qu’Abû Bakr lui-même ainsi que toute sa famille (sauf Asmâ’ et son fils Mohammad) étaient hostiles à la famille du Prophète, en totale désobéissance avec ce que le Coran avait ordonné et avec ce que le Prophète avait dit concernant le respect et l’amour dus à sa famille. Ci-après la liste de ceux d’entre la famille de Abû Bakr, dont l’hostilité envers celle du Prophète fut particulièrement évidente:
- Lors de son accession au Califat, Abû Bakr envoya ‘Omar à la maison de Fâtimah pour obliger ‘Alî à venir lui prêter serment d’allégeance par force. ‘Omar menaça de brûler la maison avec Fâtimah à l’intérieur, et emmena ‘Alî sous escorte chez Abû Bakr, où il fut si humilié et insulté qu’il pleura amèrement sur la tombe du Prophète pour se plaindre du mauvais traitement qu’il avait reçu. Par la suite Fâtimah fut tellement attristée par l’attitude d’Abû Bakr qu’aussi longtemps qu’elle survécut à son père, elle ne lui adressa plus jamais la parole, et que de son lit de mort, elle interdit qu’il assistât à ses funérailles.
- La fille d’Abû Bakr, ‘Âyechah, se révoltera contre ‘Alî, le Calife en titre, et elle le combattra, à la tête de trente mille soldats, dans la bataille d’al-Jamal. Mais elle fut défaite après avoir subi de lourdes pertes.
- Le fils d’Abû Bakr, ‘Abdul-Rahmân, combattra pour la cause de sa sur dans la même bataille.
- Le gendre d’Abû Bakr, Zobayr B. al-‘Awwâm, le mari de Asmâ’, la fille la plus âgée d’Abû Bakr, fut le commandant des armées de ‘Âyechah. En pleine mêlée, il se retira et prit le chemin de la Mecque, mais il fut tué à une courte distance du champ de bataille.
- Le petit-fils d’Abû Bakr, ‘Abdullâh, le fils de Zobayr et d’Asmâ’, fut le commandant de l’infanterie de ‘Âyechah. Il était le fils adoptif de ‘Âyechah. Après la bataille, il fut retiré d’un amas de tués jonchant le champ de bataille.
- Le cousin d’Abû Bakr et mari de sa fille Om Kalthûm, Talhah, était le commandant des troupes de ‘Âyechah. Au plus chaud de la bataille, Marwân (le Secrétaire et le génie malfaisant du Calife ‘Othmân), officier dans la même armée, voyant Talhah engagé avec trop de zèle, dit à son serviteur: «Il y a seulement quelques jours que Talhah incitait avec tant de zèle à l’assassinat de ‘Othmân, et le voilà maintenant qui se montre si zélé de demander de venger son sang. Quelle hypocrisie pour gagner de la grandeur dans ce monde!» Ce disant, il tira une flèche qui perça la jambe de Talhah et effraya son cheval qui s’enfuit sauvagement et fit tomber Talhah par terre. Celui-ci fut tout de suite emmené à Bassorah où il mourut peu de temps après.
- Le cousin d’Abû Bakr, ‘Abdul-Rahmân, frère de Talhan tomba lui aussi en combattant dans cette bataille.
- Mohammad, fils de Talhah, tomba lui également dans cette bataille.
- Jo’dah Bint Ach’ath, fille de la sur d’Abû Bakr, Om Farwah, empoisonna al-Hassan, fils de ‘Alî (Ibn Abî Tâlib). Elle avait été subornée, pour commettre cette bassesse, par Yazîd, fils de Mu’âwiyeh, ou par celui-ci lui-même.
- Is-hâq, le fils de la soeur d’Abd Bakr, Om Farwah, et de Ach’ath, ainsi que son frère, figurèrent dans l’armée de Yazîd combattant contre al-Hussayn, fils de ‘Alî, lors de la tragédie de Karbalâ’.
Plus tard, le premier sera tué en combattant al-Mukhtâr dans la bataille qu’il engagera pour venger l’assassinat d’al-Hussayn, le second, qui avait arraché du cadavre d’al-Hussayn quelques vêtements, fut déchiqueté jusqu’à la mort par des morsures de chiens.
- Moç’ab, fils de Zubayr, le fils adoptif d’Abû Bakr, combattit contre al-Mukhtâr, qui fut tué alors qu’il se battait pour venger le meurtre d’al-Hussayn.
Notes:
1- “Al-Sîrah” d’al-Halabiyyah”; “Osd al-Ghâbah”; “Târîkh” d’al-Khamîs, etc.
2- “History of Califat”, p. 33, de la traduc. de Major Jarret de “Târîkh al-Kholafâ'” d’al-Suyûtî.
3- Id. Ibid.
4- Id. Ibid.
5- “Al-Istî’âb”.
6- «Ali persévéra à emboîter le pas au Saint Prophète durant toute son enfance, dit le célèbre historien, al-‘Allamah al-Mas’ûdî. Si le fait d’avoir le titre glorieux de premier Musulman, si le fait d’être le camarade du Prophète pendant son exil, son associé intime dans la vie, son parent, si le fait de connaître véritablement l’esprit des enseignements de Mohammad et du Livre si le fait d’incarner l’abnégation et de pratiquer la justice, si l’honnêteté, la pureté et l’amour de la vérité, si la connaissance de la loi et de la science, constituent le signe d’une prééminence, alors tout le monde doit reconnaître qu’il est vain de rechercher toutes ses qualités autant parmi ses prédécesseurs que parmi ses successeurs». (Extrait de “Rationalité de l’Islam”, Publication du Séminaire Islamique)
7-“Ibn Athîr”; “Al-abarî”; “Al-Sîrah al-Halabiyyah”.
8- Gibbon par W. Smith, p. 458 (anglais).
9- “Al-Tabarî”; “Ibn Athîr”; “Abul-Fidâ'”.