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Sites sacrés et religieux à Téhéran et ses environs
Iran possède de nombreux sites et sanctuaires religieux qui attirent chaque année des centaines de milliers de pèlerins chiites iraniens, mais également d’Irak, du Pakistan, d’Arabie Saoudite et des pays du Golfe persique et a favorisé depuis déjà plusieurs siècles le développement de ce que l’on pourrait appeler un “tourisme religieux”
Il existe de nombreux Imâmzâdeh dans tout l’Iran, mais également en Irak et en Afghanistan. Le nombre exact de sanctuaires de ce type en Iran varie selon les sources, les estimations allant de 800 à plus de 1000 – l’authenticité et l’origine de certain restant discuté. La plupart de ces lieux de pèlerinage sont gérés par l’organisation des Owghâf.
La province de Téhéran, avec toute sa foule trépidante, possède de belles structures religieuses. Chacune dans un coin de la ville, qui peut atténuer une partie des turbulences de cette jolie ville d’Iran.
Téhéran et ses environs compte près de 330 Imâmzâdeh dont la plupart ont été rénovés après la Révolution islamique. La ville de Rey située au sud de Téhéran abrite le lieu de pèlerinage le plus important de la province, l’Imâmzâdeh ’Abdol-’Azim, dont le sanctuaire contient également les tombeaux des Imâmzâdeh Zâher et Hamzeh. La plupart sont des enfants de l’Imâm Moussâ Kâzem. Les Imâmzâdeh comprennent également des tombeaux de femmes, dont les deux principaux de Téhéran sont ceux de Haft Dokhtar (“sept jeunes filles”) et Seyyed Malek Khâtoun à l’est de Téhéran, et ceux de Bibi Zobaydeh, Bibi Shahrbânou, Roqayyeh et Seh Dokhtarân à Rey. De nombreux autres mausolées se trouvent dans les villes alentour, dont Karaj et Shahriyâr.
La ville même de Téhéran comprend 32 Imâmzâdeh répartis dans l’ensemble de la capitale. Au nord et ouest de la ville, nous pouvons citer les Imâmzâdeh Hassan, Seyyed Nasroddin ; à l’ouest, les Imâmzâdeh Yahyâ, Mohammad, et Seyyed Malek Khâtoun ; au sud l’Imâmzâdeh Zayd, Seyyed Esmâ’il, Seyyed Vali ; et au nord, les Imâmzâdeh Sâleh et Dâvoud.
Dans cet article, nous vous présenterons quelques lieux de pèlerinage de Téhéran et de ses environs écrit par Djamileh Zia
La Fondation d’iranologie a publié récemment un livre sur 118 lieux de pèlerinage situés à Téhéran et ses environs. [1] Ces lieux très anciens – l’un d’eux date même de l’époque sassanide – ne sont pas laissés à l’abandon ; ils sont régulièrement visités par des pèlerins, et les constructions sont entretenues grâce à des donations publiques et privées. Chacun peut trouver un lieu de pèlerinage à son goût : très luxueux ou très simple, incrusté dans le tissu de la ville de Téhéran ou isolé dans une montagne.
Ce livre est le fruit de deux années de travail sur le terrain d’un groupe de chercheurs en sciences humaines, qui a visité toutes les sépultures devenues des lieux de pèlerinage à Téhéran et ses environs, puis a complété son étude par des recherches de documents dans des bibliothèques. La première partie du livre comprend la description détaillée de 105 lieux de pèlerinage. Chaque chapitre, consacré à un lieu, comprend des informations sur la personne inhumée dont la sépulture est devenue lieu de pèlerinage, la description détaillée du monument funéraire et des structures annexes, l’histoire de la construction
Quelques données historiques
La plupart de ces lieux de pèlerinage sont la tombe de l’un des descendants d’un Imâm des chi’ites. Ces hommes ont quitté l’Arabie ou l’Irak et se sont réfugiés en Iran, pour fuir l’oppression des califes de la dynastie omeyyade ou abbasside. En Iran, ces hommes étaient respectés par la population parce qu’ils appartenaient à la famille du Prophète, et parce qu’ils prônaient des idées de justice et de liberté. Aller sur la tombe des personnes célèbres ou respectables, même s’ils ne sont pas des proches, est une tradition iranienne. Il était donc naturel que les lieux d’inhumation des descendants du Prophète soient visités par les Iraniens. Au début, il n’existait apparemment qu’un parasol rudimentaire au-dessus de la tombe, pour qu’elle soit à l’ombre. Plus tard, un bâtiment fut construit autour de la sépulture, avec un toit en forme de simple dôme. C’est à partir du IIIe siècle de l’Hégire (IXe siècle de l’ère chrétienne), quand les chiites prirent le pouvoir dans les provinces iraniennes du bord de la mer Caspienne, que l’on commença à construire des monuments funéraires sur la tombe des descendants du Prophète inhumés en Iran. Un siècle plus tard, Madjd-ol-molk, un vizir chi’ite des Seldjoukides, entreprit la construction de plusieurs mausolées, dont celui de Hazrat Abdol ’Azim, à Rey. En 1968, une porte datant de 480 à 490 de l’Hégire fut d’ailleurs découverte à côté de la porte d’entrée actuelle de ce lieu. La construction de mausolées pour les sépultures des descendants du Prophète prit de l’essor à l’époque safavide, quand le chiisme devint religion d’Etat en Iran. On connaît, grâce à des manuscrits anciens, le nom de quelques personnes croyantes et riches, qui firent à l’époque des donations pour la construction de ces bâtiments. Les rois qâdjârs, plus particulièrement Fathali Shâh et Nassereddin Shâh, entreprirent eux aussi des démarches dans ce sens.
pour la plupart- qui ont cours à côté du lieu de pèlerinage. Chaque chapitre est illustré par des photos récentes ou anciennes. La deuxième partie comprend la description de 13 autres lieux, dont l’appartenance de la sépulture à une personne précise n’est pas certifiée.
Les caractéristiques architecturales
L’architecture de ces lieux est inspirée des mausolées des Imâms chi’ites inhumés en Iran et en Irak, et des mosquées. La première construction entrant dans la composition du monument funéraire fut une pièce cubique ou hexagonale, avec un toit en forme de dôme simple. C’est cette pièce, élément principal du monument funéraire, qui est appelée haram. La sépulture est placée au milieu de cette pièce, ou parfois au sous-sol. Des sanitaires et un lieu pour les ablutions furent construits d’emblée à côté de ce bâtiment principal. Une école coranique comportant des classes, la pièce de résidence du professeur, les chambres des étudiants, une bibliothèque, une salle de bain et une cuisine, fut ajoutée à la plupart de ces lieux de pèlerinage dès les premiers siècles de l’Hégire. Souvent, un cimetière fut également créé à côté du lieu de pèlerinage.
De nos jours, d’autres constructions -un gîte pour les pèlerins, un musée, un atelier de restauration des bâtiments anciens, un centre informatique- sont ajoutées pour répondre aux nouveaux besoins des pèlerins. Les ornementations du haram sont considérées comme des éléments inséparables de l’architecture. Des miroirs, des lustres, des moulures, des céramiques, entrent très souvent dans la composition de ces ornementations, et l’on utilise souvent les couleurs turquoise, verte et dorée ; mais tous les lieux de pèlerinage de Téhéran et de ses environs ne sont pas ornementés.
Certains de ces lieux sont même des bâtiments très simples, composés du strict minimum. L’architecture de ces lieux de pèlerinage oriente étape par étape le visiteur, de l’extérieur c’est-à-dire un espace ouvert, vers l’intérieur c’est-à-dire un espace progressivement de plus en plus fermé quand on s’approche de la sépulture elle-même. Cette caractéristique architecturale est respectée dans tous les lieux de pèlerinage présentés dans le livre, du plus simple au plus luxueux ; elle permet d’accompagner le mouvement psychique du pèlerin vers un état de calme et de concentration.
Des lieux de pèlerinage intégrés dans le tissu des villes et la vie des habitants
Il existe des dizaines de lieux de pèlerinages parsemés dans les vieux quartiers de Téhéran, tant au sud qu’au nord de la ville. Au sein du bazar et dans les rues avoisinantes, les pèlerins avisés trouvent quelques lieux de recueillement. Les vieux quartiers incrustés dans les parties modernes de la ville ne sont pas en reste : Tajrish, Lavizân, Evin, Tchizar, ont leur lieu de pèlerinage. Imâmzâdeh Sâleh, situé sur la place Tajrish, est l’un des plus célèbres d’entre eux. Il y a aussi des lieux de pèlerinage d’accès difficile, placés sur une montagne ou dans un village éloigné. Imâmzâdeh Dâvoud est le plus célèbre d’entre eux ; y accéder requière une préparation préalable et un effort physique. Autrefois, quand les routes et les transports n’étaient pas aussi développés qu’aujourd’hui, aller à Imâmzâdeh Dâvoud était toute une expédition qui durait plusieurs jours. Quelques uns des lieux de pèlerinage présentés dans ce livre sont le tombeau d’une personne qui n’était pas un descendant du Prophète, mais qui était respecté de son vivant pour son statut religieux. Il existe également des lieux de pèlerinage où la tombe placée dans le haram est celle d’une femme.
Le plus grand et le plus ancien lieu de pèlerinage présenté dans ce livre est indéniablement Hazrat Abdol ’Azim, à Rey, qui regroupe en fait la tombe de trois descendants du Prophète. Ce lieu, entretenu régulièrement depuis des siècles par les rois d’Iran jusqu’en 1979, et par le Guide de la Révolution islamique depuis trente ans, était et reste très fréquenté. Nâssereddin Shâh, roi de la dynastie qâdjâre, y allait régulièrement. L’une des raisons de ses visites régulières était le fait que son épouse préférée et le fils qu’il avait eu d’elle étaient enterrés dans le cimetière situé à côté du haram. Nâssereddin Shâh fut assassiné à Hazrat Abdol ’Azim lors de l’une de ses visites et y fut enterré. Plusieurs autres personnalités politiques de l’époque qâdjâre et pahlavi – dont Sattâr Khân, figure de la révolution constitutionnelle de 1906 – sont eux également inhumées dans ce lieu. Hazrat Abdol ’Azim est un lieu important dans la vie culturelle et sociale des habitants de la ville de Rey, du fait des activités annexes qui y ont été développées. Les activités artisanales nécessaires à la restauration régulière des bâtiments, une faculté des sciences des hadiths construite il y a une dizaine d’années, des salles de conférence, un dispensaire, un musée, une mosquée, une école coranique, une bibliothèque, un hôtel, un centre culturel pour les jeunes du quartier en font partie. Plusieurs magasins situés dans le bazar de la ville appartiennent également à ce lieu de pèlerinage.
Il existe plusieurs autres lieux de pèlerinage célèbres à Rey. L’un d’eux, visité surtout pour son cimetière où reposent quelques célébrités, est Ebn-e Babouyeh, tombeau de Sheikh Sadough, un théologien chiite, auteur de plusieurs livres, qui décéda à Rey en 381 de l’Hégire (902 de l’ère chrétienne). Un autre lieu de pèlerinage très célèbre placé sur une montagne des environs de Rey est Bibi Shahrbânou. Les recherches n’ont pas permis de savoir qui était la personne ensevelie dans ce lieu. Selon une légende, Bibi Shahrbânou, fille de Yazdgard III (dernier empereur sassanide) qui épousa Imâm Hossein (le troisième Imâm chi’ite) après avoir été déportée à Médine en tant que prisonnière de guerre, y serait inhumée. Mais il ne s’agit que d’une légende, car Bibi Shahrbânou est vraisemblablement enterrée à Médine où elle est décédée lors de la naissance de son fils, Imâm Zeynol’âbedin. Ce lieu très ancien date en fait de l’époque sassanide ; il était un temple de feu (âtashkadeh) à l’époque préislamique. Il a été utilisé comme cimetière à partir du IVe siècle de l’Hégire (Xe siècle de l’ère chrétienne). Bibi Shahrbânou est l’un des lieux de pèlerinage les plus visités de Téhéran et ses environs, tant par des croyants que par des touristes, en raison des légendes qui l’entourent et de son ancienneté. Le coffre placé actuellement sur la tombe centrale date de 900 ans ; il est l’un des plus anciens parmi ceux qui sont décrits dans ce livre. De plus, Bibi Shahrbânou est l’un des rares lieux de pèlerinage ayant un dôme en pierre.
Dans l’introduction du livre, il est précisé que connaître l’histoire des personnes inhumées dans ces lieux de pèlerinage contribue à sauvegarder le lien des Iraniens avec leur passé historique et culturel. C’est pour cette raison que la Fondation d’iranologie a décidé de publier cet ouvrage. La description minutieuse de chacun des lieux de pèlerinage de Téhéran et de ses environs fait de ce livre un document unique. Le lecteur y trouvera des informations précieuses sur l’histoire et l’architecture de ces lieux.
Notes
[1] Habibi, Hassan (sous la direction de), Emâmzâdeh-hâ va torbat-e barkhi az pâkân va nikân (Les Imâmzâdeh et la tombe de quelques personnalités religieuses), vol. 1 (consacré à Téhéran, Shemirân et Rey), Ed. Bonyâd-e iran-shenâssi (Fondation d’iranologie), Téhéran, 2009.