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Zeinab Golestâni
Ville la plus importante du Khorâssân depuis quatre siècles, Mashhad est depuis 2004 la capitale de la province du Khorâssân-e Razavi, à la suite de la division de la grande province du Khorâssân en trois parties, à savoir le Khorâssân méridional, le Khorâssân septentrional, et le Khorâssân-e Razavi. Cette ville, qui s’est appelée par le passé Sanâbâd et Noghân, a ensuite été rebaptisée Mashhad ou « lieu de martyre », car elle accueille en son sein la sainte sépulture du huitième Imâm chiite. De fait, c’est après le martyre de l’Imâm Rezâ que cette ville auparavant bourgade de ses grandes voisines, commence à devenir le centre de la région. Les informations historiques au sujet de cette ville, datant des époques tahiride, samanide, et ghaznévide (IXe-Xe siècles), se limitent pour l’essentiel à des descriptions du mausolée de l’Imâm. Les premières traces de descriptions plus précises de Mashhad apparaissent dans Kitâb al-buldân (Livre des Pays) d’Al-Yaqubi, rédigé en 891 :
« Les Perses constituent la majorité des habitants de Tous où se trouve le tombeau de l’Emir des croyants [Hâroun ar-Rashid]. C’est là-bas que Rezâ ‘Ali Ibn Mousâ Ibn Dja’far rendit l’âme. » (cité par Heshmati Razavi, 2012 : 24)
Dans son livre intitulé Surat al-Ardh (La configuration de la Terre), Mohammed Abol-Ghâssem ibn Hawqal (Xe siècle), géographe et historien musulman, écrit :
« Le pays de Tous comprend les villes de Râykân, Tabarân, Noghân et Tarughouz. Située à la proximité du tombeau de Hâroun al-Rashid, la sépulture de ‘Ali Ibn Mousâ al-Rezâ se trouve en dehors de la ville de Noghân. Erigé dans le village de Sanâbâd, ce mausolée grandiose entouré par d’épaisses murailles reçoit des gens qui y font une retraite. La montagne de Noghân […] dispose de mines de cuivre, de fer, d’argent, de turquoise, et on dit qu’il y a aussi des mines d’or ; pourtant cela ne vaut pas la peine de les exploiter. » (Ibidem)
Ailleurs, nous lisons dans Hudud al-‘Alam (Les frontières du monde) rédigé en 982 :
« Et Noghân, là se trouve le sanctuaire béni de ‘Ali Ibn Mousâ al-Rezâ où les gens partent en pèlerinage. S’y trouve en outre le tombeau de Hâroun al-Rashid. » (Ibid, 13)
Le Rihla (récits de voyage) d’Ibn Battûta comprend aussi une description de la ville de Mashhad :
« Il s’agit d’une grande ville peuplée… Le mausolée de l’Imâm Rezâ est coiffé d’une immense coupole. La sépulture de l’Imâm se situe dans une cellule à côté de laquelle se trouvent une école et une mosquée. Tous ces monuments sont construits dans un style sobre et élégant, et les murs sont ornés de briques vernies. La sépulture se trouve dans une niche funéraire (zarih) en bois et recouverte de feuilles d’argent. Des luminaires en argent sont suspendus depuis le toit. Le seuil de la coupole est aussi en argent. Un rideau en soie orné de broderie en or recouvre la porte. Divers tapis sont étendus dans le mausolée. Devant la sépulture de l’Imâm se trouve, dans une autre niche funéraire, celle de Hâroun al-Rashid, sur laquelle est disposé un bougeoir. (Ibid, 25)
La ville de Mashhad partage actuellement ses frontières nord et nord-ouest avec les villes de Dargaz et Ghutchân, celle du nord-est avec la ville de Sarakhs et le Turkménistan, sa frontière est avec l’Afghanistan, celle du sud avec les villes de Farimân et Torbat, et sa frontière ouest avec Neyshâbour et le massif de Binâloud.
De fait, Mashhad se situe dans une plaine entre le massif de Binâloud et Hezâr Masdjed, à une altitude de 999 mètres. Les ressources naturelles de ces montagnes fournissent l’eau nécessaire à la ville. Son positionnement géographique, sa terre fertile et les rivières situées à proximité telles que Hariroud, Kashafroud, et Djâm sont à l’origine d’une importante diversité végétale et animale, et de nombreuses cultures dont le blé, l’orge, la betterave sucrière, la pomme de terre, l’oignon, la tomate, la pomme, la cerise, la poire, l’abricot, la pêche, etc. La région est fameuse pour ses berbéris et arbres de Judée. Ces plantes sont utilisées comme matière première pour le tissage d’objets en osier, artisanat qui constitue une source importante de revenus pour les paysans de Mashhad. Des bois de pistache sauvage (Pistacia atlantica) recouvrent certaines montagnes à proximité des villes de Shâh Neshin et Hezâr Masdjed. Ces régions hébergeaient par le passé une grande diversité animale qui est aujourd’hui menacée. Animal très présent dans la région, la gazelle se trouve depuis l’époque de l’Imâm Rezâ à l’origine de diverses histoires orales racontant toutes comment le Huitième Imâm a sauvé l’une d’entre elles des mains d’un chasseur.
En tant que capitale iranienne à l’époque afshâride, Mashhad reçoit une attention particulière de l’Etat. L’histoire de la gestion et de l’amélioration des infrastructures urbaines de cette ville, à savoir la construction d’un réservoir d’eau à Tchahâr Bâgh, la création d’un ruisseau dans le champ de Golestân, et des aménagements à l’intérieur du mausolée de l’Imâm Rezâ, y compris l’installation d’une fontaine sacrée en or, des bassins d’eau, et des minarets dorés, sont mentionnés dans les œuvres telles que Djahân goshâ-ye Nâderi (Les gloires de Nâder Shâh) de Mirzâ Mehdi Khân-e Astar Abâdi, et ‘Alam Ârâ-ye Nâderi (Nâder le démiurge) de Mohammad Kâzem Marvi.
En 1867, à la suite du premier voyage de Nâsseredin Shâh Qâdjâr à Mashhad, ‘Ali Naghi Hakim al-Mamâlek rédige un livre intitulé Rouznâmeh-ye Safar-e Khorâssân (Souvenirs d’un voyage dans le Khorâssân) où il s’efforce de donner une description précise de la ville. Il évoque qu’elle comprenait six quartiers – Arg, Eidgâh, Sarâb, Noghân, Bâlâ Khiyâbân, Pâyin Khiyâbân – et comptait à l’époque 60 000 habitants. Un autre voyage de ce roi qâdjâr à Mashhad en 1882 fait naître une œuvre majeure, Matla’i Shams (Le seuil du soleil) d’E’temâd-od-Doleh. En décrivant les caractéristiques du mausolée de l’Imâm Rezâ, l’auteur évoque les caractéristiques historiques et géographiques de la ville.
George Curzon, homme politique anglais, fait en 1889 un voyage à Mashhad. Ses mémoires sont évoquées dans une œuvre connue, Persia and the Persian Question (La Perse et la question persane). Outre des informations sur l’espace urbain, l’ouvrage fournit des renseignements sur la situation sociale et économique de la ville :
« Comme toutes les métropoles orientales, la ville de Mashhad est entourée par un mur moulé, couronné selon certaines distances par des tourelles de boue. La diagonale de la partie inférieure de la muraille mesure 9 pieds, et celle de la partie supérieure 4 pieds. Il y avait auparavant une forteresse dont la largeur était de un pied, et qui est aujourd’hui détruite… Les gens sont de toutes classes et nationalités. Nous y croisons l’allure élégante de l’homme de religion avec un turban blanc sur la tête, le derviche appartenant à un autre groupe, le commerçant avisé, les pèlerins avec une mine épuisée à la suite de leur voyage et les vêtements déchirés, le Sayed fier avec un turban vert… avec les Afghans noirs, les beaux Uzbeks, les riches Arabes, les autochtones non civilisés, les commerçants indiens, les ascètes caucasiens, les Turcs, les Tatars, les Mongols, les Tadjiks ; en somme, des gens de toutes les races orientales qui parlent des langues diverses. » (Ibid, 29-30)
Aujourd’hui, les chiites duodécimains constituent la majorité des habitants de la ville où habitent aussi des membres d’autres religions tels que les zoroastriens, les juifs, et les chrétiens.
Au VIIe siècle, les Mongols pénètrent dans plusieurs villes du Khorâssân, y compris Noghân. Après la mort de Tamerlan en 1404 son fils, Shâhrokh, règne sur le Khorâssân. C’est à l’époque de Shâhrokh et de son fils, Bâysunghur Ier que Mashhad se propose comme la deuxième capitale iranienne, et cela grâce à l’augmentation du nombre des édifices de cette ville suite à l’émigration des habitants de Tâberân. Tout au long de la dynastie timouride, la ville de Mashhad connait un développement spectaculaire qui se reflète dans la construction de cours supplémentaires au sein du mausolée de l’Imâm Rezâ l’édification de la grande mosquée de Goharshâd, de la mosquée du Shâh, et d’écoles comme Bâlâsar, Parizâd, ou encore Dodar. Durant les trois dernières années de la dynastie timuride, des troupes ouzbèques séjournent dans cette ville et, en 1510, elle est envahie.
C’est sous le règne de Sultan Ibrâhim Mirzâ, neveu de Tahmasp Ier, que Mashhad se transforme une autre fois en un grand atelier artistique où les artistes – poètes, calligraphes, peintres – vivent protégés par la cour. Par ailleurs, Shâh Abbâs Ier accorde, lors de ses séjours à Mashhad, une plus grande attention au développement de la ville, de sorte que Mashhad devient une grande ville iranienne.
Après avoir conquis l’Inde, le Turkestan et Khwarezm, Nâder Shâh revient à Mashhad, offrant au mausolée de l’Imâm une lampe en or et une serrure incrustée. Il nomme ensuite son fils, Nasrollâh Mirzâ, comme gouverneur. Connaissant durant ces années une importante prospérité économique et commerciale, la ville aurait alors compté entre 200 000 et 300 000 habitants. La dynastie afshâride est donc l’une des périodes les plus fastueuses de l’histoire de Mashhad.
Après la Révolution islamique de 1979, le développement de la ville s’accélère et elle se transforme en un lieu de pèlerinage mondial. En outre, une grande partie des produits de cette ville issus des environs comme le safran, le berbéris, le sucre candi, les plantes médicinales, les fruits secs, les pois chiches, mais aussi des artisanats tels que les tissus, les briques émaillées, le misbaha, et la confection de tapis de prière, s’exportent dans les autres villes et à l’étranger. D’ailleurs, l’Âstân-e Ghods-e Razavi (« le seuil sacré de Rezâ ») a non seulement une très grande importance religieuse dans le chiisme, mais il contient aussi de précieux trésors artistiques, culturels et historiques du pays.
Situé au centre de la ville, le mausolée de l’Imâm Rézâ est entouré par des monuments et salles de prières. La cour la plus ancienne se trouve au nord de l’édifice, la plus récente à l’est, le musée à l’ouest et la mosquée de Goharshâd au sud. Construite depuis quelques années seulement, la cour de la République islamique est la plus spacieuse de l’Âstân-e Ghods. Offrant de nombreux services aux habitants de Mashhad, l’Âstân-e Ghods-e Razavi est aussi un acteur important des affaires culturelles, éducatives, artistiques et médicales de la ville.