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Les différents aspects du monothéisme dans la religion musulmane
Le monothéisme est le principal dogme de l’Islam. La croyance en l’unité divine et le rejet du polythéisme sous toutes ses formes fait l’unanimité de toutes les écoles de l’Islam. L’appel au monothéisme et le rejet de l’associationnisme est le leitmotiv de toutes les missions des prophètes de Dieu. Le Coran dit : « Aussi bien avons-Nous mandé à chaque nation un envoyé : “Adorez Dieu, éloignez-vous de l’idole’ “». (An-Nahl (Les abeilles) ; 16 : 35). En d’autres endroits, le Coran rappelle que les prophètes comme Noé, Hud, Sâlih, Shu’ayb, ont commencé leur prédication par cet appel : « O mon peuple, adorez Dieu, sans avoir d’autre dieu que Lui… ». (Al-A’râf ; 7 : 59, 65, 73, 85)
Quand il aborde la philosophie qui sous-tend le missionnement des prophètes, L’Emir des croyants ‘Alî (as) a rappelé que comme la plupart des hommes ont changé le pacte primordial qui les liaient à Dieu et n’observent plus les droits que Dieu leur a prescrit, à savoir Le connaître et L’adorer, qu’ils se sont choisi des idoles qu’ils considèrent comme des égaux de Dieu, Dieu a envoyé ses messagers afin de leur rappeler le pacte primordial qu’ils avaient engagé envers Lui et de leur enseigner de nouveau à méditer les signes de la puissance divine. Ainsi, les intelligences des hommes se mettront de nouveau sous le rayonnement du monothéisme, du culte du Dieu unique et ils se mettront de nouveau à méditer sur les signes de la Puissance et de la Sagesse de Dieu (Nahj al-Balâgha, premier sermon).
Le Prophète de Dieu (s) considérait la connaissance de Dieu et la connaissance de Son unicité comme la condition sine qua non même de toute connaissance vraie.
Le Shaykh Sadûq a rapporté une tradition d’Ibn Abbâs qui a dit qu’un jour, un bédouin vint auprès de l’Envoyé de Dieu (s) et lui dit : « Apprends-moi quelque chose qui soit une science rare et étrange ! ». Le Prophète (s) lui répondit : « Qu’as-tu acquis des préliminaires de la science pour que tu en demandes des choses étranges ? » Le bédouin demanda : « O Envoyé de Dieu, qu’est donc le commencement de la science ? » Le Prophète répondit : « La connaissance de Dieu d’une connaissance vraie, comme il se doit » L’Arabe dit : « En quoi consiste cette connaissance vraie ? » L’Envoyé de Dieu (s) lui répondit : « Que tu Le connaisses sans modèle et sans pareil, ni égal et qu’Il est Un (wâhid) et Unique (Ahad), l’Apparent, le Caché, le Premier, le Dernier, sans adjoint pour Le seconder, ni pareil : tel est en quoi consiste Sa connaissance vraie ! » (Bihâr al-anwâr, volume 3, page 269)
Dans l’histoire de la philosophie mais aussi de la théologie, la question de l’unité de Dieu, comme celle de l’associationnisme (shirk), font partie de celles qui ont été le plus discutées. La question a été si importante qu’elle est étudiée séparément sous une rubrique spéciale, bien que l’unité divine relève aussi des attributs divins. On l’a séparée de la problématique des attributs pour l’étudier comme une discipline indépendante. Dans cette étude, on a distingué différentes sections. En face de chaque section, on devine aussi qu’il se trouve une section correspondante dans l’étude de l’associationnisme.
Ces sections sont les suivantes :
- L’unité de l’Essence ou monothéisme essentiel
- L’unité des attributs, unité relative
- L’unité des actes ou unité opérative
- L’unité de l’adoration ou unité religieuse
Parfois, au lieu d’unité opérative, on parle d’unité dans la création ou d’unité seigneuriale. Parfois, certains parlent de l’unité divine au lieu de l’unité essentielle.
L’Unité de l’Essence
Par unité essentielle, on entend le fait que l’Essence de Dieu n’admet ni égal ni semblable. C’est-à-dire qu’un Être nécessaire par Essence et qui ne nécessite rien dans son être et dans ses perfections ne peut pas être autre que Dieu Lui-même. Tous les êtres – excepté Dieu – ont une existence possible par essence qui n’est rendue nécessaire que par Dieu. Tout être dont l’existence est possible est un être composé, que ce soit une composition d’éléments mentaux ou d’éléments organiques ou autres. C’est cette clause qui explique que l’être nécessaire par essence est unique, et c’est un être simple, non composé de quelque sorte de composition que ce soit. Ces deux notions se retrouvent dans les paroles des Imâms de la famille du Prophète (s) de façon répétée. L’Imâm ‘Alî (as) a prononcé à ce sujet des paroles intéressantes : un homme interrogeait l’Imâm au sujet de l’unicité de Dieu. L’Imâm lui a répondu en ces termes : « L’unicité possède différentes significations. Parfois le sens visé est celui de l’unité numérique ou unité multiple (comme lorsqu’on dit que l’homme est une espèce du genre animal par exemple). Ce concept n’est pas celui qui est visé par l’unité divine, parce que Dieu est en contradiction avec la multiplicité et le nombre. Le sens de l’unicité divine est donc celui de l’Un absolu qui ne tolère ni multiplicité, ni partie, ni semblable, ni modèle, etc.
L’unité des attributs
On a vu que les attributs de l’Essence comme la science, la Puissance et la Vie ne se distinguent au point de vue de la réalité et ne présentent aucune différence ni multiplicité au point de vue du critère qui les rend vrais, à savoir l’Essence simple de Dieu. S’il en allait autrement, la multiplicité s’immiscerait dans l’Essence divine, ce qui serait en contradiction avec l’unité de l’Essence. Par conséquent, l’unité des attributs est concomitante de l’unité de l’Essence. En d’autres termes, si les attributs essentiels de Dieu n’étaient pas Son Essence même, en plus de la nécessité d’une différence et d’une multiplicité dans l’Essence divine, cela entraînerait aussi l’existence d’une multiplicité des êtres nécessaires. On ne saurait donc considérer les attributs de Dieu comme des êtres possibles, non nécessaires, car la possibilité a pour concomitant la dépendance à autrui. Et si les attributs de Dieu ont un être possible, la possibilité et la dépendance entreraient dans l’Essence divine.
Pour l’Imâm ‘Alî (as), la négation des attributs qui s’ajoutent à l’Essence (c’est-à-dire qui sont originairement séparés, disjoints d’elle) est un signe de la perfection de l’Unité. Il a dit : « L’unification parfaite est la sincérité envers Lui et la perfection de la sincérité envers Lui est la négation de (la réalité des) attributs… celui qui décrit Dieu Le compare ; qui le compare L’a doublé et qui L’a doublé distingue des parties en Lui et celui qui voit des parties en Lui, L’a ignoré. » (Nahj al-Balâgha)
Unité divine, créativité et seigneurie
Dans la fonction créative et seigneuriale, l’unité divine désigne le fait que le Créateur et le Seigneur n’est rien d’autre que Dieu. Pour créer et ordonnancer l’univers, Dieu n’a pas d’associé ni d’aucun autre besoin. Le système de l’univers de la création est certes fondé sur la causalité, c’est-à-dire un ensemble de causes et d’effets, mais cette causalité – aussi bien dans le monde physique que métaphysique – n’est pourvue d’aucune autonomie fermée : elle est soumise à la volonté, à la puissance et à la force de Dieu. Ce thème fait l’objet de deux séries de versets coraniques. Une série comprend les versets qui proclament que la seigneurie et la créativité appartiennent exclusivement à Dieu, tandis qu’une autre série comprend les versets qui attribuent les effets et les actes à des êtres naturels et métaphysiques, parmi lesquels figure l’homme. Comme dans une autre série, il y a des versets qui attribuent un acte aussi bien à Dieu qu’aux autres êtres créés. Par exemple, l’action de prendre l’âme au moment de la mort est attribuée à Dieu dans un verset : «Dieu recouvre les âmes au moment de leur mort… » (Az-Zumar (Les groupes) ; 39 : 42) et à l’ange de la mort dans un autre verset : « Dis : “ L’Ange de la mort qui est chargé de vous, vous fera mourir. Ensuite, vous serez ramenés vers Votre Seigneur ”.» (As-Sajda (La prosternation) ; 32 : 11), et à des anges, au pluriel, dans un autre verset : « Et lorsque la mort atteint l’un de vous, Nos messagers (les Anges) enlèvent son âme sans aucune négligence. » (Al-An’âm (Les bestiaux); 6 : 61).
L’unité divine dans l’adoration :
Personne, hormis Dieu, n’est digne d’adoration.
L’adoration est le fait de se soumettre à un Être en ayant foi que cet Être possède le degré de la divinité (ulûhiyyat), c’est-à-dire jouit d’une autonomie complète dans son Essence, ses attributs et ses actes. Cela revient à dire que cette station de divinité revient spécifiquement à Dieu seul. Dès lors, toute adoration d’un être autre que Lui sera considérée comme associationnisme (shirk). Il va de soi que se soumettre et s’incliner devant un être autre que Dieu pour motif de respect sans avoir attribué en notre esprit à cet être la qualité de divinité ne sera pas considéré comme associationnisme, même quand il s’agit de la forme la plus évidente de soumission qui est la prosternation (sajda). Le Coran parle en effet de la prosternation des anges devant Adam, comme il le dit dans le verset suivant : « Lors Nous dîmes aux anges : ” Prosternez-vous devant Adam “. Ils le firent, à l’exception d’Iblîs. » (Al-Baqara (La vache) ; 2 : 34). Il parle aussi de la prosternation de Jacob, de son épouse et de ses enfants devant Joseph, dans le verset suivant : « Il les éleva sur le trône, mais tous devant lui tombèrent prosternés. “O mon père, dit-il, voilà mise en œuvre ma vision ancienne… » (Yûsuf (Joseph) ; 12 : 100)
La prosternation des anges a eu lieu suite à un ordre divin tandis que Jacob était préservé du péché, en particulier du péché d’associationnisme. Ainsi, la prosternation des frères de Joseph n’est pas accompagnée de blâme pour montrer qu’il s’agit de quelque chose qui n’est cependant pas courant. D’autre part, l’associationnisme est une grave injustice. Dieu dit dans le Coran : « … Ô mon fils, n’associe à Dieu personne. Lui associer quiconque est iniquité… » (Luqmân ; 31 : 13). L’iniquité a une laideur essentielle et Dieu n’ordonne jamais d’accomplir un acte laid. Comme le dit le Coran : « … Dis : ” Quant à Dieu, Il ne prescrit pas la turpitude ! Imputez-vous à Dieu ce que vous ne savez pas ? “ » (Al-A’râf ; 7 : 28)
Par conséquent, il résulte des versets concernant la prosternation des anges devant Adam ainsi que de la prosternation de Jacob et de ses enfants devant Joseph que la prosternation, lorsqu’elle n’est pas accomplie dans l’intention d’adoration mais uniquement pour exprimer la vénération et l’immense respect envers quelqu’un, n’est ni de l’associationniste ni un péché. Mais il n’est pas impossible, à en juger par les apparences de la religion, que la prosternation devant autre que Dieu, ne soit rendue interdite aux yeux de la Loi Islamique. C’est ici que l’on peut comprendre l’erreur de la croyance des wahhabites qui considèrent la demande d’intercession auprès des Prophètes et des Amis de Dieu (= les saints et les saintes), et le fait de chercher la bénédiction par des visites sur leurs tombes ou leurs reliques, comme de l’associationnisme. La raison en est que les musulmans qui accomplissent ces actes ne sont pas motivés par le désir d’adoration et ils ne professent pas que les prophètes et les saints possèdent une station divine. Ils ne cherchent qu’à exprimer leur reconnaissance à ces grands hommes qui sont constamment dans la présence divine.
L’unité divine et la dévotion
- L’unité divine peut donc se prouver par la voie rationnelle, comme on vient de le voir. Mais elle peut aussi être prouvée par la voie des pratiques de dévotion. La démonstration de la Loi s’arrête à la démonstration de l’existence d’un Créateur Savant et Sage, qu’il soit un ou multiple. Comme les prophètes divins rapportent qu’il existe une seule divinité et rejettent l’existence de plusieurs dieux, comme ils sont sincères dans leurs paroles et qu’ils sont préservés de toute erreur tout en inspirant confiance, leur discours sera reçu comme un argument décisif pour l’humanité. Dans les versets coraniques de la sourate de l’unicité divine (al-tawhîd), les deux dimensions de l’unité sont évoquées : celle du rejet de la composition et du rejet de l’association. Le Coran dit : « Dis : ” Il est Dieu, Il est Un. Dieu de plénitude, qui n’engendra ni ne fut engendré, et de qui n’est l’égal pas un ” ». (Al-Ikhlâs (Le monothéisme pur) ; 112 : 1-4). Il dit aussi : « Rien n’est à Sa semblance… » (Ash-Shûrâ (La consultation) ; 42 : 11). Ou encore : « Dieu est un dieu unique. » (An-Nisâ’ (Les femmes) ; 4 : 171).
Le Coran et les arguments de l’unité divine
Le Coran a apporté des arguments à l’appui de l’unité divine. L’un d’entre eux est celui de l’impossibilité de la multiplicité. Il dit : « S’il y avait aux cieux et sur la terre des dieux et non Dieu seul, tous deux seraient certes dans le désordre. » (Al-Anbiyâ’ (Les prophètes); 21 : 22). Quel que soit le sens et l’interprétation que nous faisons du désordre sur terre et dans les cieux et du déséquilibre qui les frapperait, cela constitue un argument en faveur de l’unité dans la Seigneurie.
Mais si nous l’interprétons comme une non-réalisation de la création du ciel et de la terre, cela se rapporte à l’unité dans la créativité. Quoiqu’il en soit, la négation de la possibilité de l’existence de deux ordonnateurs et de deux créateurs implique donc que l’Ordonnateur et Créateur est unique, autonome par essence. L’emploi du mot ilâh, – dieu en minuscule, comme nom commun – à la place de Créateur, de Seigneur et d’Ordonnateur, confirme aussi ce point de discussion. Cette démonstration est effectuée par une autre voie dans un autre verset : « Dieu ne s’est pas donné de progéniture ; il n’y a pas avec Lui d’autre dieu. Sans quoi chaque dieu accaparerait sa création, l’un cherchant à surpasser l’autre… » (Al-Mû’minûn (Les croyants) ; 23 : 91) Dans ce verset, le segment ” sans quoi chaque dieu accaparerait sa création ” exprime l’argument de l’exclusion réciproque (tamânu’). Cela veut dire que le sens de la divinité pour chacun des deux dieux supposés serait propriétaire de la partie de la création qui lui reviendrait. Cela entraînerait nécessairement soit la non-création de l’univers, soit un déséquilibre dans le système de l’Être. Et le segment ” l’un cherchant à surpasser l’autre ” est un autre exemple d’argument en faveur de l’unité de la fonction divine, à savoir qu’un dieu serait un être ayant une puissance infinie. Dans ce cas, rien ne saurait évaluer sa puissance, alors que dans l’hypothèse de l’existence de deux êtres dotés de cette qualité spécifique (puissance infinie), chacun des deux serait dominateur et dominé, vainqueur et vaincu, car la concomitance de la puissance absolue de chacun d’eux est que le domaine de l’autre soit inclus dans le sien, et comme cette inclusion est bipartite, chacun des deux exercerait sur l’autre domination et supériorité.