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L’Ancienne et la Nouvelle Arabie
L’Arabie, le lieu de naissance de notre Maître Mohammad, le Prophète d’Allah dont la religion a pour adeptes plus d’un cinquième de la population du monde, est une péninsule située à l’ouest de l’Asie. Elle est limitée par l’Asie Mineure et la Syrie au nord, par l’Euphrate et le Golfe Persique à l’est, par la Mer Arabique au sud, et par la Mer Rouge à l’ouest. Jadis, l’Arabie était divisée en trois régions:
- – l’Arabie Félix ou l’étendue fertile longeant le littoral et comprenant les côtes ouest et sud-ouest;
- – l’Arabie Petraea ou l’étendue rocheuse qui inclut toute la partie nord-ouest;
- – l’Arabie désertique ou le désert sablonneux comprenant tout l’intérieur. Elle est maintenant divisée par les géographes modernes en sept provinces à savoir:
- Le Hijâz (Hidjâz)
- Le Yémen
- Hadhramawt
- Oman ou le Royaume de Muscat
- L’Arabie Centrale ou le Royaume de Najd
- L’Irak, région qui s’étend tout au long de la frontière de la Perse
- Le Bahrein ou les provinces situées au long du Golfe Persique.
La Terre Sainte
La province de Hijâz est connue comme la Terre Sainte ou la Terre de Pèlerinage. Elle doit son importance aux lieux saints qu’elle renferme. La Mecque (ou le Beqâ’ selon les termes du Coran), la principale ville de Hijâz, est la plus ancienne cité, ou de l’aveu général, l’une des plus anciennes cités du monde.
La Mecque est célèbre pour son édifice sacré, la Ka’bah, qui est un lieu de grand rassemblement depuis l’époque d’Ibrâhîm et de son fils Ismâ’îl qui construisirent le Sanctuaire.
Ibrâhîm fut le premier à appeler les gens à visiter la Maison Sacrée. La tradition présente la Mecque comme étant le centre du pèlerinage annuel des gens venant de toute l’Arabie et des pays voisins depuis des époques immémoriales, et probablement depuis l’appel d’Ibrâhîm.
Le Hajj
La Ka’bah a donc toujours été un grand centre religieux. S’y rendre et y accomplir les rites qui lui sont propres a constitué à toutes les époques un devoir sacré. Elle continue encore de nos jours à commander la révérence et la dévotion de toute la Ummah islamique. Le Saint Coran dit:
«Oui, la première maison fondée pour les gens est bien celle de la Mecque: elle est bénie et elle sert de Direction aux mondes. On y trouve des signes évidents et le lieu de station d’Ibrâhîm. Quiconque y pénètre sera en sécurité. Il incombe aux gens, ceux qui en ont les moyens d’aller, pour Allah, en pèlerinage à la Maison». (Sourate Âle ‘Imrân, 3: 96-97).
«Appelle les gens au Pèlerinage: ils viendront par des chemins encaissés». (Sourate al-Hajj, 22: 27)
Le Hajj, accompli au mois de Thilhaj – le dernier mois du calendrier de l’hégire – avec un hajj supplémentaire à ‘Arafât (petite éminence de roches granitiques située dans une vallée à l’intérieur d’une région montagneuse, à une quinzaine de kilomètres à l’est de la Mecque) fut appelé Hajj al-Akbar (le Pèlerinage Majeur) et il est obligatoire pour chaque Musulman, sauf au cas d’excuse légale; alors que celui qu’on accomplit à toutes les autres époques de l’année (sans le pèlerinage de ‘Arafât), fut nommé ‘Omrah ou Hajj al-Açghar (le Pèlerinage Mineur).
La ‘Omrah peut être accomplie valablement à toute période de l’année, mais particulièrement en Rajab, le septième mois de l’année hégirienne, tandis que le Hajj doit être accompli obligatoirement au mois de Thilhaj.
La Mecque doit également sa célébrité au fait qu’elle est le lieu de naissance du Saint Prophète Mohammad, tout comme Médine, l’autre ville principale de la même province, devint la deuxième ville importante, après la Mecque, pour avoir été le lieu de résidence du Prophète et le lieu de son enterrement.
Le Territoire Sacré et les Mois Sacrés
La Mecque, avec le territoire qui l’entoure sur plusieurs kilomètres, tient son caractère sacré de la présence de la Ka’bah. Le territoire sacré fut appelé “Haram”.
Les mois de Zhilqa’d, Thilhaj, Moharram et Rajab furent considérés comme sacrés, sans doute depuis l’époque de la construction de l’édifice: «Oui, le nombre des mois, pour Allah, est de douze mois (inscrits) dans le Livre Allah, depuis le jour où IL créa les cieux et la terre. Quatre d’entre eux sont sacrés». (Sourate al-Tawbah, 9: 36). Durant ces quatre mois, toutes les formes d’hostilité étaient interdites, toutes les activités hostiles et tous les conflits tribaux suspendus, et une amnistie générale prévalait dans toute l’Arabie, alors que les pèlerins affluaient de toutes les régions vers la Mecque.
Ultérieurement une foire établie à ‘Okâdh, dans la banlieue de la Mecque, où avaient lieu toutes sortes de festivités: les poètes récitaient leurs chefs-d’uvre, les marchands négociaient leurs affaires et les athlètes exhibaient leurs exploits, prouesses et tours de force. Les gens qui s’assemblaient à la Mecque en vue du pèlerinage s’intéressaient eux aussi au grand marché de ‘Okâdh, pour profiter des avantages des mois sacrés.
Le Peuple et sa Religion
Les Arabes modernes descendent de deux souches: celle de Qahtân ou Jactân, qui remonte à Nouh et dont les descendants sont appelés les ‘Arab-al-‘Arib, et celle de ‘Adnân, qui remonte à Ismâ’îl, le fils d’Ibrâhîm, et dont les descendants sont appelés les ‘Arab Mostariba.
Ces derniers s’établirent autour de la Ka’bah. Mohammad, le Saint Prophète est issu de cette souche.
Les Arabes croyaient originellement en un Dieu, mais à l’époque où le Prophète Mohammad naquit, leur religion avait tourné en polythéisme, culte des étoiles et fétichisme. Ils adoraient de nombreuses divinités. Chaque secte ou tribu avait son propre dieu particulier. Les idoles se trouvaient dans chaque maison et on leur rendait hommage pour s’assurer leur contentement et prévenir leur colère. Néanmoins, ils avaient une vague idée d’un Être Suprême, appelé Allah, qui se trouvait au-dessus de toutes ces divinités. C’est par Allah qu’ils juraient et c’est en Son Nom (Bismuka Allâhumma) qu’ils scellaient leurs conventions et traités, étant donné que les dieux inférieurs appartenaient à une partie et non à l’autre, et qu’il ne convenait donc pas de les invoquer dans de tels cas.
De là, la nécessité d’un Dieu universel. Welhausen dit: «L’adoration Allah venait en dernier lieu. Les dieux préférés furent ceux qui représentaient les intérêts d’un cercle particulier et qui satisfaisaient les désirs de leurs adorateurs».
Ils adoraient aussi les anges, qu’ils appelaient déesses, c’est-à-dire, les femmes ou les filles de Dieu. Ils représentaient leurs images et leur rendaient un hommage divin. Al-Lat, une immense image de granit gris, principale idole de la tribu de Thaqif à Tâ’if, et al-‘Uzza, un bloc de granit, long de quelques six mètres, furent adorées comme les femmes du Dieu Suprême. Hobal, une immense idole de forme humaine, apportée de Syrie et installée avec ostentation dans un haut lieu d’honneur, fut adorée à la Ka’bah où furent consacrées un grand nombre d’idoles et les images d’Ibrâhîm et d’Ismâ’îl portant chacun dans ses mains des flèches divinatoires. Tel était l’état de la religion des Arabes avant que le Prophète Mohammad sorte parmi eux pour prêcher la doctrine du monothéisme, la marche droite et intègre de la vie, et l’idée de la responsabilité à assumer le Jour du Jugement.
L’Époque de l’Ignorance
L’époque du polythéisme, des conflits tribaux, de l’infanticide etc… qui prévalaient tous dans l’ensemble de l’Arabie avant la venue du Prophète Mohammad, fut appelée par ce dernier, l’époque de l’Ignorance.
LES ANCÊTRES DU PROPHÈTE
Etant donné que je dois traiter, à propos de la venue du Prophète Mohammad, de l’histoire de ses ancêtres (les Hâchimites), en particulier, il est convenable de décrire ici, aussi brièvement que possible, leurs origines et leurs antécédents, afin que le lecteur puisse s’en faire une idée.
Les Hâchimites sont connus comme les véritables Isma’îlites, étant la descendance de Kinânah qui fut le 7è descendant en ligne directe de ‘Adnân, lequel est un descendant d’Ismâ’îl, le fils du grand Prophète Ibrâhîm.
Fihr, le grand petit-fils de Kinânah, s’appelait Quraych. La postérité de Quraych (Fihr) forma une vingtaine de familles ou clans dont tous les membres se faisaient appeler Quraychites ou tout simplement Quraych. Pour faciliter la distinction d’une famille ou d’un clan des autres, chaque clan portait le nom de son chef distingué, bien qu’ils soient tous, individuellement et collectivement, des Quraychites. Ainsi, les descendants de Hâchim (un Quraychite de marque), s’appellent les Banî Hâchim, de même que ceux de Ummayyah (le fils du frère jumeau de Hâchim) s’appellent Banî Omayyah.
L’Ascendance du Prophète
Mohammad, le Prophète de l’Islam, appartenait à Banî Hâchim dont la ligne ci-dessous le relie directement à ‘Adnân, un descendant d’Ismâ’îl, le fils béni d’Ibrâhîm: Mohammad Ibn (fils de) ‘Abdullâh, Ibn ‘Abdul-Muttalib, Ibn Hâchim, Ibn ‘Abd-Manâf, Ibn Quçay, Ibn Kelab, Ibn Morrah, Ibn Ka’b, Ibn Lu’ay, Ibn Ghâlib, Ibn Fihr (Quraych), Ibn Mâlik, Ibn Nazâr, Ibn Kinânah, Ibn Khazima, Ibn Modrika, Ibn Ilyâs, Ibn Modhar, Ibn Nazâr, Ibn Ma’d, Ibn Adnân, un descendant d’Ismâ’îl fils d’Ibrâhîm.
Les Antécédents
Quçay, le grand-père de Hâchim et le sixième descendant en ligne directe de Fihr, fut Cheikh de la Mecque et le chef du territoire environnant. Quçay fut investi des cinq privilèges du gardien de la Ka’bah, à savoir:
- Le Hijâbah, c’est-à-dire la possession des clés et du contrôle du Sanctuaire;
- La Siqâyah et la Rifâdah, c’est-à-dire le droit de fournir boisson et nourriture aux pèlerins;
- La Qiyâdah, c’est-à-dire le commandement des troupes en temps de guerre;
- Le Liwâ’, c’est-à-dire le droit d’attacher la bannière à la Hampe et de la présenter au porte-étendard;
- Le Dâr-al-Nadwah, c’est-à-dire la présidence du Conseil.
Ses ordres étaient souverains (éminents). Ultérieurement, ces fonctions furent héritées par les petits-fils de Quçay, en l’occurrence, Hâchim (né en 442 après Jésus Christ), al-Muttalib, Nawfal et ‘Abd Chams.
A Hâchim fut affecté le droit de fournir la boisson et la nourriture aux pèlerins. Il était riche et en position de s’acquitter de sa tâche avec une munificence princière et d’entretenir les pèlerins royalement. Son hospitalité princière le fit entourer, aux yeux de toute l’Arabie, d’un halo particulier de gloire. Sa charité dévouée au bien public, pendant la famine qui dura trois ans à la Mecque, accrut encore plus sa popularité. Hâchim organisait les expéditions commerciales de son peuple de sorte qu’à chaque hiver une caravane partait pour le Yémen et l’Ethiopie, alors qu’une seconde prenait la route de Ghaza et d’Angora et d’autres centres commerciaux de la Syrie, en été.(1)
La Jalousie de Omayyah
La renommée et les succès de Hâchim, sans cesse croissants dans tout ce qu’il avait entrepris, suscitèrent la jalousie de son frère jumeau, ‘Abd Chams et du fils de ce dernier, Ommayyah.(2) Certes ceux-ci étaient sans doute riches, mais au lieu de dépenser leur argent dans une entreprise utile, ils s’efforçaient de se montrer trop généreux devant leurs proches, et finirent par paraître ridicules aux yeux des Quraych qui observaient leurs vains efforts avec mépris. Omayyah devint, à la longue, si enragé qu’il défia ouvertement Hâchim de se soumettre à une épreuve de supériorité. Hâchim voulut éviter de se mesurer à quelqu’un de si inférieur à lui, à la fois en âge et en dignité; mais les Quraych qui aimaient de tels duels, ne le laissèrent pas s’esquiver. Aussi accepta-t-il le défi, mais à condition que le perdant offre cinquante chameaux aux yeux noirs et qu’il s’exile de la Mecque pendant dix ans. Un devin Khozâïte fut désigné arbitre. Ayant écouté les prétentions des deux parties, il déclara Hâchim vainqueur. Celui-ci prit les cinquante chameaux, les abattit et nourrit de leur viande toutes les personnes présentes. Omayyah partit donc pour la Syrie et s’y exila pendant dix ans comme convenu. Telle est donc l’origine de la rivalité et du conflit entre les Omayyades et les Hâchimites, qui feront, après plusieurs générations des ravages parmi les Hâchimites, c’est-à-dire, les descendants du Prophète en particulier, et leurs partisans en général.
Comment Chayba al-Hamd fut appelé ‘Abdul- Muttalib
A l’époque où mourut Hâchim (environ 510 après J. C.), son fils était un petit garçon et se trouvait au loin, à Médine, avec sa mère Salma Bint (fille de) ‘Amr, une dame distinguée des Banî Najjâr, un clan de la tribu de Khazrah. Hâchim confia les fonctions dont il avait la charge à son frère al-Muttalib (à ne pas confondre avec ‘Abdul-Muttalib), en lui laissant des instructions précises pour qu’il les transmette à son fils. Al-Muttalib mena l’entretien des pèlerins d’une façon si splendide qu’il mérita le qualificatif d’al-Faydh (le Munificent). Entre temps, son petit neveu, Chayba al-Hamd (appelé ainsi parce que sa tête enfantine était couverte de cheveux blancs) grandissait sous les soins de sa mère veuve à Médine. Les Mecquois, ayant remarqué le beau jeune homme avec lui, présumèrent qu’il était son esclave et dirent à al-Muttalib: «Quelle belle affaire tu as faite!». Al-Muttalib, les informa, toutefois que ce garçon était son neveu Chayba, le fils de Hâchim. Ils scrutèrent minutieusement ses traits et jurèrent qu’il était le portrait de Hâchim. C’est cet incident qui fut à l’origine de son nom ‘Abdul-Muttalib (l’esclave de Muttalib) et c’est à partir de là que le fils de Hâchim prit définitivement ce nom.(3)
L’Usurpation des Droits de ‘Abdul-Muttalib
L’incident suivant offre un autre exemple des mauvais sentiments d’Omayyah envers les Hâchimites.
Al-Muttalib(4) transféra les fonctions du défunt Hâchim, à son fils conformément à sa volonté, tout en continuant à administrer les affaires lui-même. Mais al-Muttalib ne tarda pas de mourir. Le jeune ‘Abdul-Muttalib avait deux oncles – ‘Abd Chams et Nawfal. La mauvaise disposition du premier à son égard était évidente. Les quatre fils de ‘Abd Manâf furent divisés en deux parties opposées l’une à l’autre. Hâchim et al-Muttalib formaient une partie, alors que ‘Abd Chams et Nawfal constituaient la seconde partie. Nawfal, profitant de la faiblesse du jeune homme, le priva de ses droits à l’instigation de ‘Abd Chams (le père d’Omayyah), et les usurpa pour lui-même, mais il fut contraint de reculer après l’intervention des proches parents maternels de ‘Abdul-Muttalib qui leur demanda de venir de Médine pour l’aider.
Le Vu de ‘Abdul-Muttalib. Le Puits de Zam-Zam
Ainsi, installé dans sa fonction d’entretien des pèlerins, ‘Abdul-Muttalib accomplit sa tâche pendant des années. Mais il était dépourvu de force et d’influence et, n’ayant qu’un fils pour l’assister, il lui fut difficile de venir à bout de la faction contestataire des Quraych. Il sentait si profondément sa faiblesse et son infériorité par rapport aux familles puissantes et nombreuses de ses opposants qu’il fit le vu de sacrifier un fils à la Divinité. Sa prière fut entendue et il commença à avoir un fils après un autre. En même temps la fortune lui sourit. Il reçut en vision l’ordre divin de creuser le puits de Zam-Zam qui était comblé depuis des siècles et dont on ne se souvenait même pas de l’emplacement exact. Il fit des recherches diligentes pour le site du puits dans la proximité de la Ka’bah et il finit par retrouver les traces des travaux de sa maçonnerie. Aidé de son fils Hârith, le seul à être déjà grand, ‘Abdul-Muttalib creusa de plus en plus profondément, malgré l’opposition des Quraych, jusqu’à ce qu’il trouvât les deux “Ghezalles” dorés, avec les épées et les armures complètes enterrées là depuis plus de trois siècles par le roi ‘Amr Ibn Hârith. Ainsi fut découvert le puits de Zam-Zam.
Le flot d’eau fraîche et abondante qui jaillit du puits fut un triomphe pour ‘Abdul-Muttalib. Jusqu’ici, on se procurait l’eau dans des puits dispersés un peu partout à la Mecque et emmagasinée dans des citernes près de la Ka’bah, pour être mise à la disposition des pèlerins. Mais désormais tous les autres puits furent abandonnés, et seul ce puits-là fut utilisé en raison du bon goût et de la pureté de son eau. L’origine de Zam-Zam reste entourée de mystère. Selon la tradition l’eau se mit à jaillir du sol pour la première fois sous les talons de l’enfant Ismâ’îl dont le père Ibrâhîm avait émigré avec sa mère Hagar dans ce pays inculte. Cette dernière avait continué à courir çà et là avec ardeur, derrière le mirage des sables mouvants, à la recherche de l’eau pour étancher sa soif. De là ce puits devint sacré et par la suite il acquit une sainteté(5) supplémentaire en partageant le caractère sacré de la Ka’bah et de ses rites.
‘Abdul-Muttalib Tient sa Promesse
Les années s’écoulèrent et ‘Abdul-Muttalib(6) se vit enfin entouré du nombre de fils qu’il avait souhaité. Chaque jour qui passait ainsi lui rappelait le vu qu’il avait fait témérairement alors qu’il était seul et troublé. Aussi amena-t-il ses fils à la Ka’bah pour tirer le sort pour chacun d’eux afin de désigner celui d’entre eux qui devait être sacrifié.
Le sort fatal tomba sur ‘Abdullâh qui était le plus beau et le plus honnête parmi la jeunesse de l’Arabie, et le fils le plus chéri de ‘Abdul-Muttalib. Celui-ci fut donc très affligé, mais il savait qu’il n’avait pas le choix, car il devait tenir sa promesse. Comment aurait-il dû accomplir le sacrifice, sinon par le couteau sacrificatoire? Ses six filles pleurèrent à chaudes larmes et s’accrochèrent à ‘Abdul- Muttalib pour le persuader de faire un tirage au sort entre ‘Abdullâh et dix chameaux qui représentaient le rachat courant du sang d’un homme. Si Dieu acceptait ce rachat, le jeune homme serait sauvé. Le sort fut tiré, mais le résultat ne fit que décevoir la famille angoissée. Le tirage au sort fut répété avec dix chameaux supplémentaires. A chaque nouvel essai ‘Abdul-Muttalib rajoutait dix chameaux à la mise, mais Dieu semblait refuser toujours le rachat et exiger le sacrifice du garçon. Au dixième jet où la rançon atteignit cent chameaux, le sort tomba sur les chameaux. Pour mieux s’assurer que cette dernière rançon était bien acceptée par Dieu, il répéta trois fois le tirage au sort, et chaque fois le sort tomba sur les chameaux. Aussi égorgea-t-il joyeusement les cent chameaux entre Çafâ et Marwah et organisa-t-il un festin pour les habitants de la Mecque. C’est ce même ‘Abdullâh qui deviendra le père du Saint Prophète Mohammad. Le sacrifice du père du Prophète et de son ancêtre Ismâ’îl fut annulé, mais pour être remplacé par un plus grand sacrifice, que ferait la postérité du Prophète Mohammad à Karbalâ’.(7)
«Et nous avons racheté son fils par un plus grand sacrifice». (Sourate al-Çaffât, 37: 108)
Désormais le renom et l’influence de ‘Abdul-Muttalib commencèrent à s’établir. Une grande famille de treize fils puissants renforça sa dignité. Il devint, et restera jusqu’à sa mort, le chef virtuel de la Mecque. Les grandes fonctions de Siqâyah et de Rifâdah – c’est-à-dire le privilège exclusif de fournir l’eau et la nourriture – assurèrent aux Hâchimites une influence importante et permanente sous la direction solide de Hâchim, d’al-Muttalib et enfin de ‘Abdul-Muttalib qui fut considéré, tout comme l’avait été son père Hâchim, comme le chef des Cheikhs de la Mecque.
La Jalousie des Omayyades
Mais la branche des ‘Abd Chams, forte de leurs relations nombreuses et puissantes, continua ses manœuvres contre les Hâchimites et s’efforça de crier à l’hérésie et l’impiété pour les évincer de la garde de la Ka’bah. Suivant l’exemple de son père, Harb, fils de Omayyah essaya de déloger ‘Abdul-Muttalib de sa position, en le défiant, pour prouver sa supériorité en vue d’occuper son poste. Mais à sa grande déception, l’arbitre prononça un jugement en faveur de ‘Abdul-Muttalib, le déclarant détenteur légal de ce poste. Harb fut humilié et fuit la société de ses adversaires. Cet incident peut être considéré comme une cause supplémentaire de la haine noire qui agitait l’intérieur des poitrines des Omayyades contre les Hâchimites et, plus tard, d’autres événements plus sérieux contribuèrent à attiser les flammes de cette haine, lorsque les Omayyades se virent suffisamment forts pour se venger. Harb, fils de Omayyah, était le chef des Omayyades à l’époque dont nous parlons. Il détenait déjà le poste de commandant pendant la guerre qui contribua beaucoup à son ascension. En outre, il était un homme d’affaires plein de succès, ce qui le rendait à la fois riche et influent.
Les Changements
Tant qu’il vécut, ‘Abdul-Muttalib fut considéré comme le vrai chef de la Mecque mais, après sa mort, il n’y avait pas un dirigeant puissant parmi les Hâchimites pour le remplacer. Hârith, le fils aîné de ‘Abdul-Muttalib était déjà mort. Zubayr était le plus âgé et ce fut à lui que ‘Abdul-Muttalib légua ses fonctions. Zubayr les transmit à son tour à Abû Tâlib, mais celui-ci était trop pauvre pour assumer la tâche de fournir aux pèlerins l’eau et la nourriture. Aussi abandonna-t-il son droit en faveur de ‘Abbâs qui était plus âgé que Hamzah et plus riche que les autres. Abû Lahab, bien qu’il fût plus âgé que ces deux frères, n’était pas bien disposé envers ses frères, en raison de ses liens étroits avec les Omayyades et de son mariage avec la fille de Harb. Mais al-‘Abbâs aussi s’avéra incapable de s’acquitter des deux tâches du père. Ainsi, alors que la Rifâdah fut passée aux mains des rivaux, al-‘Abbâs se contenta-t-il de la Siqâyah, qui impliquait la responsabilité du puits de Zam-Zam et qu’il détint jusqu’à l’avènement de l’Islam où le Prophète l’y confirma en la transmettant à sa famille. Ainsi, alors que la famille de Hâchim vit sa position se rabaisser, ses rivaux, les Omayyades, qui avaient pour dirigeant Harb, fils de Omayyah, réussirent une longue ascension tant désirée. Cet état de choses dura jusqu’à la conquête de la Mecque par le Prophète, environ cinquante ans plus tard.
Notes:
1- “Ibn Athîr”; “Al-Kâmil”, vol. III, p. 25.
2- “Ibn Qotaybah”; “Ibn Athîr”; “Al-Tabarî”; “Rawdhat a-Çafâ”.
3- «La vengeance était presque un principe religieux parmi les Arabes. Venger un parent tué était un devoir pour sa famille, et ce devoir menait souvent l’honneur de sa tribu en jeu. Et ces dettes de sang demeuraient parfois impayées pendant des générations, provoquant des conflits meurtriers». (W. Irving)
Gibbon fait remarquer que les Arabes menaient une vie marquée par une intention criminelle et par le soupçon, parfois pendant cinquante ans avant que les comptes de la vengeance ne fussent réglés.
4- “Al-Tabarî”; “Ibn Athîr”; “Al-Sîrah al-Halabiyyah”.
5- “Ibn Qotaybah”.
6 – Une première fois, le même jour, Abû Bakr lui avait interdit de haranguer les gens à la porte du Prophète lorsqu’il était mort.
7- “Ibn Qotaybah”; “Rawdhat al-Ahbâb”; “Rawdhat al-Çafâ”.