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Maktabat Amir al-Mo’menin à Nadjaf : l’une des bibliothèques spécialisées les plus prestigieuses du monde chiiteBabak Ershadi
Abdul Hossein Amini, également connu sous le nom d’Allâmeh Amini (1902-1970), est un célèbre savant chiite et auteur de l’encyclopédie chiite Al-Qadir. Il naquit à Sardhâ, un village près de Sarâb (Azerbaïdjan de l’Est), dans une famille connue à Tabriz dans le domaine des sciences religieuses. Son grand-père, Mollâ Najaf-Ali, portait le titre d’Amin-al-Shar’ (« gardien de la loi »), et son père, Ahmad Amini, faisait partie des religieux les plus respectés de Tabriz, chef-lieu de la province de l’Azerbaïdjan de l’Est.
Après avoir terminé ses premières études à Tabriz, Abdul Hossein Amini se rendit à Nadjaf (Irak) pour y étudier auprès d’éminents professeurs de l’école théologique chiite de Nadjaf. Il obtint des certificats d’ijtihâd des plus grands savants religieux chiites de l’époque : l’Ayatollah Mirza Mohammad-Hossein Naïni (1860-1936), l’Ayatollah Abdul-Karim Haéri (1859-1937), fondateur de l’école théologique de Qom, et Mohammad Hossein Kompani (1879-1942).
Après la fin de ses études, Abdul Hossein Amini retourna à Tabriz, mais très vite, il décida de retourner s’installer définitivement à Nadjaf, car il préférait l’atmosphère savante de l’école théologique de ce grand centre religieux chiite.
Une fois rentré de manière définitive à Nadjaf, Abdul Hossein Amini se consacra à des recherches dans le domaine religieux, et principalement à l’étude des traditions et paroles du Prophète et des Imams chiites. L’ensemble des œuvres d’Amini fut marqué par un grand intérêt pour le concept chiite de « wilaya ».
Qu’est-ce que la wilaya ?
Wilaya signifie pouvoir, autorité ou droit. Dans la théologie chiite, la wilaya est l’autorité investie en la personne du Prophète et des Imams (Ahl al-Bayt) en tant que représentants de Dieu sur la terre. Selon Mortéza Motahhari, la wilaya a quatre dimensions :
-Le droit à l’amour et à la dévotion, plaçant les musulmans dans l’obligation d’aimer les Ahl al-Bayt.
-L’autorité dans l’orientation spirituelle, qui reflète le pouvoir et l’autorité des Ahl al-Bayt pour guider leurs disciples dans les affaires spirituelles.
-L’autorité dans l’orientation sociopolitique qui reflète le droit qu’ont les Ahl al-Bayt de diriger les musulmans dans les aspects sociaux et politiques de la vie.
-L’autorité universelle reflétant le pouvoir sur l’univers tout entier, dont le Prophète et les Ahl al-Bayt ont été investis par la grâce de Dieu.
Son premier livre, Martyrs de la foi (Shohada’ al-Fazila, en arabe) fut publié à Najaf en 1936. Le livre fut apprécié par les oulémas chiites qui commencèrent à l’appeler, alors qu’il n’avait que 35 ans, par le titre honorifique d’Allâmeh qui signifie polymathe, et désigne une personne possédant des connaissances profondes sur un grand nombre de sujets différents.
Mais l’œuvre qui occupa plus de quarante ans de sa vie et assura définitivement sa renommée fut Al-Qadir, une analyse monumentale de la tradition du Prophète et des Ahl ul-Bayt, dans la croyance chiite, de la désignation par le Prophète de l’Imam Ali comme son successeur immédiat.
S’appuyant sur l’ensemble du corpus de la littérature islamique, à la fois chiite et sunnite, ainsi que sur une grande variété de sources historiques et religieuses, Allâmeh Amini réussit à présenter le statut et l’importance de la succession de l’Imam Ali et, au-delà, du statut éminent de toute la famille du Prophète, en tant que concept fondateur et fédérateur de l’histoire de l’islam et de la communauté musulmane.
Son travail fut bien reçu dans les milieux sunnites et chiites, et servit aux divers efforts dans le sens du rapprochement parmi les deux grandes écoles islamiques.
Les neuf premiers des vingt volumes d’Al-Qadir furent publiés à Nadjaf entre 1945 et 1952. Une nouvelle édition, embrassant les onze premiers volumes, fut publiée à Beyrouth en 1953. Une première traduction persane des deux premiers volumes parut à Téhéran en 1961.
Au cours de la collecte de documents pour son ouvrage Al-Qadir, Allâmeh Amini voyagea beaucoup, non seulement en Iran et dans les pays arabes, mais aussi en Inde. Au cours de ses voyages, Allâmeh Amini a également rassemblé un grand nombre de livres, imprimés et manuscrits. Ces livres formèrent le noyau de la bibliothèque qu’il fonda à Nadjaf : Maktabat Amir al-Moʾmenin.
Tombant malade en 1968, il se rendit à Téhéran pour un traitement médical et y resta jusqu’à sa mort le 3 juillet 1970. Sa dépouille fut inhumée dans l’enceinte de la bibliothèque qu’il avait fondée à Nadjaf.
La bibliothèque publique Maktabat Amir al-Moʾmenin à Nadjaf
La bibliothèque publique Maktabat Amir al-Moʾmenin (Bibliothèque de l’Émir des croyants, en arabe) fut fondée en 1954 par Allâmeh Amini dans le quartier al-Huwaish, l’un des quatre quartiers historiques de Nadjaf. La bibliothèque fut inaugurée officiellement deux ans plus tard.
De nombreuses bibliothèques existaient déjà dans la ville de Nadjaf, centre important de la théologie chiite, depuis des siècles. Mais en fondant la bibliothèque publique Maktabat Amir al-Moʾmenin, Allâmeh Amini a eu l’intention de créer dans cette ville une bibliothèque spécialisée qui est aujourd’hui l’un des foyers de recherches et d’études théologiques les plus importants de l’école théologique de Nadjaf.
Allâmeh Amini et un cercle restreint de ses élèves et disciples réussirent ainsi à faire de cette petite bibliothèque l’un des centres les plus actifs de l’école théologique de Nadjaf et du monde chiite.
Allâmeh Amini joua un rôle central dans la collecte et le choix des livres réunis en ce lieu. Dans ce sens, il établit des liens avec des centres de recherches et d’études islamiques à travers le monde. Allâmeh Amini et ses collaborateurs réussirent à réunir à la bibliothèque Maktabat Amir al-Moʾmenin une collection de très grande valeur scientifique de manuscrits et de livres imprimés qu’ils ont choisis et sélectionnés un à un.
Des livres en arabe, en persan ou en d’autres langues islamiques sont naturellement plus nombreux, mais la bibliothèque a aussi des collections importantes en d’autres langues. La bibliothèque a développé d’ailleurs ses activités et elle est devenue aussi un centre de publication de livres et de magazines spécialisés.
Dès sa fondation, la bibliothèque publique Maktabat Amir al-Moʾmenin a eu l’ambition de devenir un centre de recherches religieux. En effet, le public de cette bibliothèque est essentiellement composé de chercheurs chiites ou sunnites, musulmans ou non musulmans à travers le monde. La bibliothèque octroie aussi des fonds aux projets de recherche et soutient les jeunes chercheurs dans les pays musulmans et à travers le monde.
Les livres qu’Allâmeh Amini avait acquis pendant ses voyages et ses contacts avec les bibliothèques des pays musulmans font partie aujourd’hui de l’une des collections les plus prestigieuses du monde chiite avec de nombreux exemplaires uniques.
La collection des livres en arabe constitue la partie principale de la bibliothèque Maktabat Amir al-Moʾmenin. Cette collection est conservée sur quatre étages du bâtiment. La salle de lecture principale se situe à côté de cette partie. Les livres sont catalogués et classifiés selon leurs thèmes. Parmi ces livres, certains sont des exemplaires rares imprimés dans des pays arabes ou européens il y a plus de cent ans.
La collection des livres étrangers comprend des ouvrages en persan, en ourdou, en français, en anglais, en espagnol, en russe ou en allemand. Elle contient de nombreux exemplaires rares. Certains de ces livres datent d’il y a plus de 15 siècles.
La collection Youssef al-Hares est conservée séparément des autres collections de la bibliothèque Maktabat Amir al-Moʾmenin. Cette collection est constituée de livres donnés par Youssef al-Hares, un ancien directeur de la bibliothèque. Elle compte de nombreux ouvrages historiques et littéraires.
Le magasin des manuscrits conserve des milliers d’ouvrages de grande valeur, dont certains sont des exemplaires originaux rédigés par les auteurs eux-mêmes ou copiés de leur vivant. La plupart de ces manuscrits sont des œuvres religieuses, cependant, il y a aussi une collection d’œuvres royales (appartenant surtout aux rois ou aux princes de la dynastie iranienne des Qâdjârs) ou des œuvres enluminées avec des miniatures ou des calligraphies de haute qualité. Les archives de documents conservent surtout des documents irakiens en arabe.
Le petit musée de la bibliothèque Maktabat Amir al-Moʾmenin conserve des pièces historiques et artistiques, dont des tableaux et des tapis.
Depuis sa fondation, la bibliothèque publique Maktabat Amir al-Moʾmenin a établi des liens durables avec d’importants centres scientifiques et de recherche à travers le monde. Elle entretient aussi des relations avec de grandes bibliothèques du monde pour la commande et l’échange de livres et de documents.
Depuis de longues années, la Bibliothèque Maktabat Amir al-Moʾmenin coopère avec des bibliothèques, des universités et des centres de recherche dans les pays musulmans, mais aussi en Europe, en Amérique du Nord, en Afrique et en Asie.