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La philosophie de l’Imâmat chez Mollâ Sadrâ
Dans l’étape des êtres inertes, comme l’être est de faible intensité, les effets et concomitants sont également faibles, de telle sorte que leur vie ou leur conscience deviennent imperceptibles pour nous.
Mais chez l’animal et chez l’homme, comme le degré d’être est élevé et puissant, les effets et les concomitants de l’être comme le sens, la motion, la volonté et l’activité sont plus forts et donc plus évidents.
Ces idées peuvent être considérées comme caractéristiques de la philosophie de Mollâ Sadrâ. Ce dernier a également considéré qu’Avicenne et ses partisans étaient dans l’incapacité de les comprendre, mais il admet en même temps que les mystiques ont montré un intérêt pour cette question(1) .
Même les objectifs et les objets d’amour dépendent en intensité de leur degré d’être et sont donc inégaux et variés pour cette même raison (2) . Pour les mystiques aussi, comme l’univers entier et tous les êtres qui y vivent ou s’y trouvent sont les lieux de manifestation de Dieu, chaque phénomène est à sa mesure le lieu de manifestation des qualités et des perfections de Dieu.
Hasti be sefâti ke dar û bovad nahân
Dârad sarayân dar hameh a’yân-e jahân
Har vasf ze ‘eyni ke bovad qâbel-e ân
Bar qadr-e qabûl-e ‘eyn gashte ast ayân
Sous la forme des qualités qui sont cachées en lui
L’être se répand dans toutes les essences de l’univers
Chaque épithète possède une essence qui lui sert de réceptacle
C’est à la mesure de la réceptivité de l’essence qu’il se manifeste. (3)
Par conséquent, chaque espèce parmi les espèces qui participent à l’univers de l’être jouit des effets et des qualités en proportion du niveau dont il jouit des perfections existentielles. Comme le sens, le mouvement et leur manifestation dans l’étape des animaux, ou la perception des idées générales, se réalisent dans le statut humain.
C’est pour cette raison que la capacité d’agir avec un pouvoir divin n’a été donnée qu’aux êtres immatériels, dépouillés de leurs corps. En outre, les corps ainsi que les âmes qui dépendent des corps et qui n’ont pas atteint un degré spécifique de dépouillement sont considérés comme incapables d’agir comme Dieu.
Dans ses œuvres, Avicenne a discuté de l’impossibilité de la causalité d’un corps sur un autre corps, et l’a démontré de façon absolue. Cela veut dire que la capacité d’agir avec un pouvoir divin et ressembler à Dieu n’a pas la possibilité de se réaliser au niveau existentiel des corps. Le corps ne peut être considéré que comme terrain et prédisposition. Les âmes aussi, dans les degrés inférieurs des perfections, ne peuvent intervenir que comme agent naturel.
Néanmoins, dans les degrés supérieurs, elles peuvent recevoir le don d’agir avec la permission divine et conformément à la Volonté de Dieu, comme cela a été affirmé clairement par les mystiques et les philosophes. Dans le chapitre d’Isaac (4)de son Fusûs al-Hikam, Ibn ‘Arabî écrit à ce sujet :
« Tout homme crée par l’illusion contenue dans la puissance de son imagination ce qui, sans elle, n’aurait aucune existence ; cela, c’est le cas du commun. Le Connaissant, quant à lui, crée par l’énergie spirituelle ce qui peut avoir une réalisation extérieure au siège de son aspiration. Son énergie préserve alors en permanence (la subsistance de) cette réalité, sans que cette préservation « l’affecte » en aucune manière. Si quelque incident survient, et que le Connaissant néglige d’assurer cette sauvegarde, ce qu’il a créé s’évanouit aussitôt… » (5)
Pour le Shaykh al-Ishrâq(6), les hommes parvenus à un degré exceptionnel de dépouillement (tajarrod), sont capables de créer une « substance imaginale ». Ce degré est appelé par lui, la station de « sois ! » (kon !) (7).
L’ordre « sois ! » est une allusion au verset 82 de la sourate 36 (Yâ Sîn) : « Son ordre quand Il veut une chose est de lui dire “Sois !”, et elle est ! » (8) . Dans cette station, le connaissant acquiert aussi ce pouvoir, celui d’agir à l’image de Dieu, avec la permission divine.
Avicenne aussi admet comme corollaire nécessaire des âmes des prophètes la possibilité de l’action sur la nature, dans le sens où les âmes humaines touchant à la perfection acquièrent le pouvoir de « disposer à leur guise » (tasarrof) de la nature. Ceci intervient quand l’âme humaine ayant atteint un degré de perfection et de dépouillement outrepasse les limites du corps, devient capable d’influer aussi sur les autres corps et possède la puissance de transformer les éléments et d’influer sur les évènements. De façon générale, sa volonté se réalise dans le monde de la nature (9) . De même, les autres qualités, comme par exemple la science et la volonté, varieront en fonction des degrés de l’être.
Pour le Shaykh al-Ishrâq, l’acquisition des connaissances relatives à la sagesse est impossible sans l’obtention préalable de la capacité de quitter volontairement et temporairement son corps. Il rejoint en cela al-Ghazzâli pour qui la connaissance gnostique exige une transformation intérieure. (10)
De son côté, Mowlânâ Rûmî est revenu sur ce point à maintes reprises dans son œuvre. Il emploie des expressions comme :
Jân shô o, az râh-e jân, jân râ shenâs
Deviens une âme et, par le moyen de l’âme, connais l’âme
(Mathnawî Ma’nawî ; Cahier 3 : Section 155, vers 19)
Ou :
Az jamâdî dar jahân-e jân ravîd…
De l’état inerte dans ce monde, allez au monde des âmes !
(Mathnawî Ma’nawî ; Cahier 3 : Section 41, vers 51)
Ou :
Pas qiyâmat shô qiyâmat râ bebîn
Dîdan-e har chîz râ shart ast în
Deviens la résurrection, et vois la résurrection :
C’est la première condition pour « voir » toute chose
(Mathnawî Ma’nawî ; Cahier 6 : Section 23, vers 34)
Bahmanyâr (11)s’appuie sur Aristote pour dire que parvenir à la sagesse et comprendre la métaphysique équivaut à naître une seconde fois.
Mollâ Hâdî Sabzevârî (12) , discutant de la puissance de Dieu, affirme que l’existentiation (îjâd) est la résultante et la dérivée de l’être et dit :
« De même que les possibles sont dotés d’un degré faible d’être, ils sont aussi dotés d’un degré faible de volonté et (de pouvoir) d’existentiation. »
En tenant compte des notions préliminaires déjà évoquées, dans l’existence humaine, qui est appelée un « être total » (kawn-e jâme’ ou microscome), la démarcation entre l’immatériel et le matériel se rompt. Cela signifie qu’au travers du parcours de l’homme, la matière devient progressivement immatérielle. Ainsi, toutes les étapes de l’existence humaine, des étapes les plus faibles du monde de la matière aux étapes les plus élevées du monde immatériel, deviennent susceptibles d’être réalisées.
Un tel arc de la remontée n’est pas facile à démontrer ou à justifier, même en se fondant sur la possibilité de la graduation dans la substance. Mais l’acceptation du mouvement dans la substance (al-harikat al-jawhariyya) et de la gradation dans l’être (tashkîk al-wujûd) rend aisée cette explication et cette justification.
En tenant compte des points qui ont été évoqués jusqu’ici, les qualités, les spécificités et les effets de tous les degrés et étapes de l’être ont la possibilité de se manifester dans l’existence d’un individu parmi les individus du genre humain. Sur la base de sa qualité d’être complet ou totalisant (kawn-e jâme’) et du mouvement intra-substantiel, chaque individu de l’espèce humaine, embrasse et domine en son être tous les degrés et étapes, depuis les plus bas jusqu’aux plus élevés.
Nous en concluons que tous les phénomènes survenant au cœur de l’être se trouvent sur la voie de la perfection. Mais cette perfection ne peut être atteinte que dans l’existence de l’homme, par un état de « séparation » ou d’immatérialité, c’est l’actualité absolue.
- L’atteinte de l’immatérialité, but ultime du mouvement
Comme sur la base du mouvement intra-substantiel, l’ensemble du monde matériel est en mouvement, que tout mouvement nécessite également une sorte d’intensité et de perfection, et que le principe du mouvement est de sortir de l’état potentiel à l’état actuel, il s’ensuit que le but ultime du mouvement est de parvenir à l’actualité qui consiste justement dans le dépouillement de la matière ou l’immatérialité (tajarrod).
C’est pourquoi l’ensemble du monde matériel se dirige en direction de la « séparation ». Cependant, ce devenir n’aboutit à l’immatérialité qu’au travers du parcours existentiel de l’homme. Les autres êtres ne peuvent participer à cela qu’au travers de leur mort et du transfert de leurs réalités existentielles dans le domaine d’existence de l’homme – lorsque l’homme mange telle plante ou tel animal, par exemple. En réalité, le but du mouvement de toutes les autres espèces est de parvenir au degré de l’homme, alors que le but de l’existence humaine est de parvenir à la pure spiritualisation, au dépouillement total, de façon à retourner à Dieu.
Le Shaykh al-Ishrâq rapporte également des paroles de Bouddha et des anciens sages de l’Orient selon lesquels l’apparition de l’âme et de la vie n’était possible qu’en l’homme. La vie est passée de l’homme aux autres espèces par transmigration (tanâsokh). (13)
C’est sans doute cette particularité qui a conféré une sacralité spéciale à la vie humaine. Tuer tout animal relevant de chacune des espèces du monde matériel n’a pas la même gravité que celle de tuer un être humain.
Par conséquent, l’homme, bien qu’étant un être matériel, possède aussi la capacité de traverser la frontière de la matière. Car dans l’existence humaine, il est possible de naître deux fois. Du ventre de la mère, un être nu vient au monde, et avec cette naissance, le mouvement permanent de la matière parvient à un résultat. Si nous considérons ce résultat, nous verrons que si le mouvement prenait son élan de la nature, il serait un mouvement vain et sans but. Et lorsque cette deuxième naissance se réalisera, l’homme aura en réalité traversé la frontière de la matière. Une telle chose est possible pour tous les êtres humains quand ils remplissent certaines conditions nécessaires. Cela signifie que « tous les corps sont (rendus) enceints des âmes.. »
Rûmî dit :
Tan hamcho Maryam ast o har yeki ‘Isâ-yi dârim, agar mâ râ dard peydâ shavad,‘Isâ-ye mâ bezâyad.
Le corps est pareil à Marie, et chacun de nous possède en lui un Jésus. Si nous éprouvons en nous cette douleur, notre Jésus naîtra.
(Le Livre du Dedans, section 5, page 47) (14)
Et aussi :
Tan cho mâdar, tefl-e jân ra hâmeleh
Marg, dard-e zâdan ast o zelzeleh
Le corps est comme la mère enceinte de l’enfant de l’âme
La mort, c’est la douleur de l’accouchement et un séisme
(Mathnawî Ma’nawî ; Cahier 1 : Section 165, vers 16)
On a le sentiment que dans sa propre existence, Rûmî a fait l’expérience pratique d’un tel enfantement, car il dit aussi :
Dard chon abestanân mi- giradam
Tefl-e jân andar chaman mi- âyadam
Quand je me roule de douleur, je sens que je vais donner naissance
Et l’enfant de mon âme vient gambadant dans le pré
(Dîvân-e Shams, Ghazaliyât ; 1662 : 3)
Il est évident qu’ici la mort dont il s’agit est la mort volontaire. En termes gnostiques, on l’appelle fanâ’, extinction, et baqâ’, subsistance après l’extinction. Le propos ici est que dans son parcours vers la perfection, l’homme accède à un degré supérieur de l’être. Et comme il pénètre dans une étape supérieure et plus accomplie, il est normal qu’il obtienne des caractères et des effets nouveaux plus appropriés à cette étape.
Chaque fois que le degré d’être sera un degré sortant de l’ordinaire, ses caractéristiques et ses effets seront extraordinaires et miraculeux. Et c’est ici que se conjoignent la connaissance ayant atteint la limite du miracle (l’Inspiration et la révélation), la limite de l’action et de l’impact (par les miracles et les charismes), la limite de la volonté et du comportement (caractère sublime et impeccabilité). Mais cette jonction et cette rencontre ne sont pas un effet subjectif ou métaphorique mais bien une réalité, et un état supérieur de l’être en acte. C’est une unité nouvelle dotée d’une énergie de liaison qui la rend à jamais insécable, et ses composantes indissociables. Elle ne fait pas partie des vœux pieux, elle est bien un être réel ayant une identité propre. Cet être est le fondement philosophique de la liaison qui existe entre les qualités des Imâms (as) avec l’existence de l’Imâm, et aussi le lien entre les qualités elles-mêmes.
Explication philosophique des qualités des Imâms (as)
- Identité de la station de l’Imâmat et des qualités de l’Imâm :
Comme nous l’avons dit précédemment, l’Imâm (a) occupe, dans l’axe de la remontée (qows-e su’ûd), la station la plus élevée et les qualités de l’Imâmat procèdent de ce degré supérieur de l’être.
Etant donné que les perfections de l’être ont une existence extérieure et réelle, l’élection ou l’intronisation de la part des gens ne jouent aucun rôle dans leur réalisation. L’Imâm Rezâ (15) (as) a souligné ce point dans la tradition numéro 518, et c’est dans ce même hadith qu’il a décrit l’Imâmat comme étant bien plus élevé pour que l’Imâm soit élu ou désigné par les suffrages des hommes ordinaires. Le seul devoir des hommes est de connaître les awliyâ, c’est-à-dire ceux que Dieu a désignés pour être leurs chefs. (16)
Rûmî dit :
Dide -yi khâham ke bâshad Shah-shenâs
Tâ shenâsad Shâh râ, dar har lebâs
Je veux un regard qui discerne le Roi
Pour reconnaître le Roi dans toutes Ses apparences
Quelques remarques :
- C’est Dieu qui désigne l’Imâm et le fait connaître, et non pas les hommes. Sur le parcours de la remontée de la procession de l’être, les stations supérieures peuvent connaître les stations inférieures, mais ces dernières n’ont pas la capacité inverse.
Comme le dit Rûmî :
Dar nayâbad hâl-e pokhteh hich khâm
Jamais le cru ne comprendra ce qu’est le cuit
L’inférieur ne connaît pas le supérieur ; non pas au sens de la connaissance purement mentale (conceptuelle) mais de la connaissance vraie, celle dont les gnostiques et même les philosophes ont dit qu’elle entraîne l’unification du connaissant et du connu, où le connaissant devient ce qu’il connaît.
Par conséquent, les êtres des stations inférieures peuvent savoir qu’il existe des stations supérieures, mais ils ne peuvent pas connaître pleinement les détenteurs de ces stations. C’est pourquoi ils sont incapables de savoir quel homme est le meilleur, le plus digne d’occuper la fonction d’Imâm, et encore moins de voter pour ou contre lui. Il s’agit de stations et de fonctions définies par Dieu Lui-même, comme de choisir quel homme devrait être envoyé à tel ou tel peuple. (17)
Si les hommes passent outre ce principe, ils seront induits en erreur ou risqueront d’élire quelqu’un qui serait dépourvu de toute qualité – cela alors que la position de l’Imâm ne peut convenir qu’à l’être méritant, c’est-à-dire à celui qui a atteint le degré de compétence et de perfection lui permettant de mener à bien sa mission.
N’oublions jamais que nous sommes dans le contexte de la révélation et que nous ne parlons pas d’un sujet laïc pouvant être traité indifféremment, selon le bon gré des électeurs. L’Imâm (as) a une fonction à l’égard de la prophétie. Il est le gardien du sens de la révélation. Il ne modifie pas la révélation, mais il en est l’interprète autorisé que Dieu a désigné aux hommes comme référent.
Personne ne peut accéder à cette station même par un effort spirituel, encore moins par une ruse politique. Il ne s’agit pas seulement d’une station spirituelle, ce qu’elle est à l’évidence aussi, mais d’une fonction religieuse que Dieu a instaurée comme complément à la Révélation pour préserver celle-ci.
Le croyant comprend que si Dieu a annoncé la fin du cycle de la prophétie avec le Prophète de l’islam, ce n’est pas pour abandonner les hommes à eux-mêmes, mais pour leur donner la bonne nouvelle de l’avènement de l’Imâmat, qui n’est pas une prophétie mais encore une fois une fonction religieuse de l’herméneutique, c’est-à-dire chargée de maintenir vivant le sens du Coran. Il ne s’agit pas seulement de protéger un livre matériel contre la corruption par les excès des hommes, mais surtout de protéger son sens en le gardant vivant.
Ceux qui nient totalement l’Imâmat s’imaginent que le prophète et les Imâms sont apparemment des humains comme tous les autres et ils ne voient pas de raison de croire en l’existence d’une réalité supérieure spécifique. Par conséquent, l’Imâm doit être désigné nommément par le Prophète lui-même, ou par l’Imâm précédent pour éviter toute contestation ou erreur.
- La fonction d’Imâm est attribuée par Dieu et ne s’obtient pas par le mérite, aussi reconnu qu’il puisse être.
L’homme est un « monde total » (kawn-e jâme’) ; c’est-à-dire que tous les degrés de l’être lui sont potentiellement accessibles. Certains de ces degrés lui sont accordés sans qu’il les ait volontairement cherchés, comme lors de la traversée des étapes végétales et animales.
Mais l’accès aux autres étapes supérieures est tributaire de l’exercice, de l’effort, de la préparation et de l’édification volontaire. Car sans effort et sans peine, la « deuxième naissance » et le transfert des étapes du monde matériel aux stations du monde des esprits séparés qui en sont les corollaires, est impossible. Cela est donc impossible excepté pour les « aimés » (mahbûb) et les « ravis » (majzûb) de Dieu dont le cheminement initiatique ne se base pas sur l’ascèse et l’effort, mais résulte de la bienveillance de Dieu et de Sa saisie (jadhba).
Or, les prophètes et les saints font partie des bien-aimés de Dieu. L’Imâm Rezâ (as) a mis l’accent sur ce point. Et c’est en raison de cette « élection » ou de cette préférence divine dont ils jouissent que les hommes ignorants les ont jalousés. (18)
- Sur la base de cette interprétation, l’explicitation de la fonction d’Imâm, ainsi que celle de la prophétie, il ressort que cette fonction n’est pas conditionnée par l’âge des personnes – il est arrivé au cours de l’histoire que des hommes vieillissants aient invoqué par mépris, le critère de l’âge pour écarter du pouvoir des jeunes plus qualifiés qu’eux pour la gestion des affaires – car l’éveil de l’Imâm et son éducation se font par un secours divin, une bienveillance et une saisie divines, et non par la voie de l’éducation ordinaire et de l’âge. L’Imâm Rezâ (as) a également commenté ce point. (19)
Notes:
2- Ibid.
3- Ce poème figure dans les Tarâyeq al-Haqâyeq, volume 2, p. 179. C’est un ouvrage de spiritualité parsemé de citations de beaux poèmes en persan et de mots de maîtres en persan et en arabe, de l’auteur iranien du XIXe siècle, Ma’sûm ‘Alî-Shâh. Ce dernier ne cite pas toujours ses sources et ne mentionne pas toujours l’auteur des poèmes.
4- (en persan : Fass-e Es’haaqi : فص اسحاقی) le mot fass, au pluriel fusûs, signifie en arabe un chaton, c’est à dire la partie d’une bague où s’enchâsse une pierre précieuse.
5- Gilis, Charles-André, Le Livre des Chatons des Sagesses (Traduction française du Fusûs al-Hikam d’Ibn Arabi) en deux tomes, al-Bouraq, Beyrouth et Paris, 1997. Le passage cité figure dans le tome premier, p. 193.
6- Ce titre désigne, rappelons-le, Sohrawardî d’Alep. Shahâb al-Dîn Yahyâ al-Sohrawardî (en persan : شهاب الدين يحيى سهروردى), grand philosophe de tendance gnostique, est né en 1155 à Sohraward en Iran. Il a été condamné à mort par quelques juristes qui le firent assassiner le 29 juillet 1191 à Alep, en Syrie. Voici d’où vient son surnom : al-Shaykh al-Maqtûl, c’est-à-dire « le Maître assassiné ».
7- Hikmat al-Ishrâq, Œuvres Complètes, Vol. 2, p. 242. Ce livre est traduit en français par Le Livre de la sagesse orientale.
8- Il s’agit de l’impératif divin qui fait sortir les choses du non-être à l’être. Les essences immuables ne sont connues que de Dieu, et Dieu les fait venir à l’être par l’ordre « sois » : (kon) ! Pour Ibn ‘Arabî, cet ordre appartient à Dieu exclusivement. Les hommes pourront créer avec la permission divine par la formule « Bismillâh ! », au Nom de Dieu.
9- (En persan : شفا). Kitâb al-Shifâ, (Partie traitant de la Physique, art numéro 6, proposition 4, section 4). « Le livre de la guérison », ouvrage philosophique d’Avicenne. Il contient une partie dédiée à la “physique” et une partie à la “métaphysique” (elâhiyât), l’ensemble précédé d’un exposé de la logique (mantiq).
10- Al-Munqadh min al-Zalâl, édition du Caire, pp. 58-60. Ce livre est traduit en français par « Erreur et délivrance », par Farid Jabr, Beyrouth, 1959.
11- (En persan : ابوالحسن بهمنیار بن مرزبان (. Il s’agit du disciple d’Avicenne, Abu al-Hassan Bahmanyâr ibn Marzbân, savant iranien, zoroastrien d’Azerbaïdjan, mort en 1067.
12- (En persan : ملا هادی سبزواری) (1797-1873). Henry Corbin a contribué à faire connaître hors des frontières de l’Iran ce philosophe, théologien et poète iranien. Ses œuvres philosophiques sont des manuels dans les universités religieuses d’Iran.
13- (Hikmat al-Ishrâq, Idem, .p. 217). Cela ne signifie pas que Sohravardî admet la thèse de la transmigration des âmes : il met surtout en exergue le fait que d’autres sagesses antérieures avaient entrevu que l’existence humaine est la forme de vie la plus évoluée et la plus achevée de l’être manifesté.
14- Le Livre du Dedans (Fihi mâ fihi), œuvre en prose de Jalâl al-Dîn Rûmî, traduit du persan par Eva de Vitray Meyerovitch, Editions Sindbad, Bibliothèque Persane, Paris, 1976.
15-1 Il s’agit de l’Imâm ‘Alî Ibn Mûsa surnommé al-Ridhâ, avec la lettre arabe Dâd que beaucoup d’orientaux, pas seulement iraniens, prononcent Rezâ. Nous avons conservé cette graphie pour la même raison. Le sanctuaire de l’Imâm Rezâ, le huitième Imâm des chiites, dans le Khorâssân iranien est l’un des hauts lieux de pèlerinage du monde.
16-Al-Usûl min al-Kâfî, précédent, traditions numéros 1181 à 1183.
17- (Idem, voir hadith 518).
18-Idem, traditions numéros 518 et 521.
19- (Idem, 991)