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De l’Imamat: Recherches dans l’Ecole des califes
La terminologie de cette recherche
2)- L’argument de la bay’ah (l’allégeance)
Nous avons vu que la bay’ah est un acte qui ne s’accomplit – comme le contrat de vente – que par consentement mutuel et non par l’épée et la coercition.
– Qu’il n’y a pas de bay’ah dans le péché
– Ni allant à l’encontre des injonctions d’Allah
– Ni au profit de quelqu’un qui désobéit à Allah.
Nous avons vu aussi que la première bay’ah qui fut contractée était celle prêtée à Abû Bakr. Sur sa validité, repose la bay’ah de ‘Umar qui a été effectuée sur ordre d’Abû Bakr. De même sur la validité de la bay’ah du calife ‘Umar repose celle du calife ‘Uthmân à qui on prêta serment d’allégeance sur ordre du calife ‘Umar qui, après avoir désigné six candidats au poste de calife successeur, leur enjoignit de prêter serment d’allégeance à celui d’entre eux que ‘Abder-Rahmân b ‘Awf aurait désigné et de tuer celui qui s’y opposerait.
Nous avons vu aussi comment le serment d’allégeance fut prêté à Abû Bakr au préau (la Saqîfah) de Banî Sâ’idah, comment l’aide apportée par la tribu “Aslam” dont les membres remplirent les rues de Médine, était décisive, comment le feu fut porté jusqu’à la maison de Fatima (a. s.) la fille du Prophète (SAW), parce que chez elle s’étaient retranchés les récalcitrants à la bay’ah d’Abû Bakr, comment les Banî Hâchim refusaient de prêter serment d’allégeance à Abû Bakr durant la vie de la fille du Prophète (SAW) et comment Sa’d b. ‘Ubâdah qui avait refusé de prêter serment d’allégeance à Abû Bakr fut tué par deux flèches tirées par les “djinns“!
C’était ainsi que la bay’ah se déroulait à Médine. Ailleurs, ceux qui refusèrent de prêter serment d’allégeance à Abû Bakr ou de verser la zakât (l’aumône légale) à ses percepteurs, furent tués, leurs femmes tombées en captivité et leurs biens confisqués.
Citons à ce propos l’exemple de Mâlik b. Nuwayrah, Compagnon et gouverneur du Messager (SAW), et de sa famille appartenant à la tribu de Tamîm. Pendant la nuit, l’armée de Khâlid b. al- Walîd les envahit. Ils prirent alors leurs armes. Les envahisseurs leur disent: «Nous sommes des musulmans». Les compagnons de Mâlik dirent: «Et nous sommes des Musulmans». Les guerriers de Khâlid leur dirent: «Si vous êtes comme vous dites, déposez alors les armes». Ils les déposèrent et firent ensuite la prière (commune) avec les guerriers de Khâlid. Par après ceux-ci les capturèrent et les conduisirent devant Khâlid b. al-Walîd qui ordonna de couper la tête à Mâlik. Celui-ci regarda vers son épouse – qui était très belle – et dit à Khâlid: «C’est celle-ci qui m’a tué» (c’est à cause d’elle que je vais être exécuté). Khâlid lui dit: «C’est Allah Qui te tue à cause de ton reniement de l’Islam». Mâlik dit: «Nous sommes dans l’Islam (toujours musulmans)». Après qu’on l’a tué, Khâlid ordonna de se servir de sa tête comme trépied à leur marmite. Pendant cette nuit même et avant que Mâlik ne fût enterré, Khâlid épousa sa veuve(1) (sans attendre l’écoulement Shar’î de la retraite légale exigée par le Sait Coran, abstraction faite des circonstances de l’affaire).
On peut citer aussi l’exemple des tribus de Kindah. Ziyâd b. Labîd le percepteur d’Abû Bakr s’empara d’une chamelle appartenant à un jeune homme de Kindah. Celui-ci lui demanda d’en prendre une autre. Ziyâd refusa la proposition sous prétexté qu’il avait (déjà) marqué la chamelle par la marque de la Zaqât (l’aumône légale). Le jeune homme alla voir Hârithah b. Surâqah, un notable de Kindah et lui raconta ce qui s’était passé, en ajoutant qu’il était très attaché à cette chamelle et qu’il aimerait bien voir sa chamelle détachée et remplacée par une autre de son troupeau. Quand Hârithah parla à Ziyâd, intercédant en faveur du jeune homme et que Ziyâd refusa son offre avec véhémence, Hârithah alla lui-même dans le troupeau de la zakât, sortit la chamelle en question et dit au jeune homme: «Prends la et si quelqu’un t’interpelle, je lui casserai le nez par l’épée». Hârithah dit aussi: «Quand le Messager d’Allah (SAW) était vivant, nous lui avons obéi. Si un homme de sa propre famille (Ahlu Baytihi) avait pris sa place, nous lui aurions obéi également. Quant à Ibn Abî Quhâfah (Abû Bakr), je jure par Allah que nous ne lui devons ni obéissance ni allégeance». Ensuite, il a donné des vers de poésie dont celui-ci:
Nous avons obéi au Messager d’Allah
Quand il était parmi nous,
Ô combien m’étonnent ceux qui
Obéissent à Abû Bakr!
Al-Hârith, un autre notable de la tribu Kindah dit à Ziyâd: «Tu invites à obéir à un homme à qui on n’a pas été engagé. Ni à nous, ni à vous, aucune stipulation n’a été notifiée à son sujet!». Ziyâd lui dit: «Tu dis vrai mais nous l’avons choisi pour ce poste». Al-Hârith demanda alors: «Dis-moi pourquoi vous en avez écarté les siens (la famille du Prophète SAW) alors qu’ils sont, parmi les gens, les plus dignes de ce poste puisque Allah – gloire à Lui – dit: «D’après le Livre d’Allah, la parenté a la priorité sur les liens existant entre les croyants et entre les émigrés (Muhâjirîne)». (V. 6/XXXIII)
Ziyâd répondit ainsi: – Les Muhâjirîne et les Ançars connaissent mieux que toi leurs intérêts.
– Non par Allah, répliqua Al-Hârith, vous n’avez écarté le califat de ses ayants droit que par envie de votre part. Moi, je ne peux croire que le Messager d’Allah (SAW) a quitté ce bas-monde sans avoir établi aux gens le guide qu’ils devraient suivre. Comme ce que tu dis est inacceptable, je te demande de décamper d’ici». Ensuite Al-Hârith dit: C’est le Messager qui était obéi.
Voilà qu’il est parti
Qu’Allah prie sur lui
Il n’a pas été remplacé
Ziyâd détacha alors les chameaux de la zakât et se dirigea vers Médine. Là il informa Abû Bakr de ce qui s’était passé. Le calife le dota alors de quatre mille guerriers. En chemin vers Hadramawt, Ziyâd attaqua à l’improviste, ici et là, certaines tribus de Kindah, tuant des hommes et faisant des prisonniers. Ainsi Banû Hind furent conquis par Ziyâd qui tua des hommes parmi eux et s’empara de leurs femmes et enfants. Arrivé à la contrée de Banîl-‘Aqil (de Kindah) il les prit à l’improviste, les combattit quelque temps, leur infligea la défaite et s’empara de leurs femmes et de leurs biens.
Par surprise, ses cavaliers envahirent aussi, au milieu de la nuit, la contrée de Banî Hujr (de Kindah), en tuèrent deux cents, en firent cinquante prisonniers et s’emparèrent des femmes et des enfants.
Ensuite Al-Ash’ath b. Qays combattit Ziyâd et l’assiégea dans la ville de Taym, récupéra les biens et les enfants qu’il rendit à leurs familles. Pour le contenter, le calife envoya une missive à Al-Ash’ath b. Qays qui répliqua en disant à l’émissaire: «Abû Bakr, ton compagnon, nous prend pour incrédules si nous nous opposons à lui et ne fait pas de même vis-à-vis de son compagnon (Ziyâd) que tua mon peuple et mes cousins ». L’émissaire lui dit: «Oui, ô Al-Ash’ath! L’incrédulité s’applique effectivement à toi parce qu’Allah – gloire à Lui – te la flanque en raison de ton opposition à la communauté des Musulmans». Un jeune cousin d’Al-Ash’ath frappa alors l’émissaire de son épée et le tua. Comme Al-Ash’ath approuva l’acte du jeune homme, la plupart de ses compagnons se fâchèrent contre lui à tel point qu’il ne resta avec lui qu’environ deux mille hommes. Ziyâd écrivit alors à Abû Bakr pour l’informer de l’exécution de l’émissaire et du siège dont ils furent l’objet. Quand le calife consulta les musulmans sur la décision qu’il devrait prendre, Abû Ayyub Ançârî lui dit: «Ces gens comptent un grand nombre de guerriers et ils peuvent en réunir davantage. Je propose que tu en fasses reculer ton expédition le long de cette année dans l’espoir qu’ils t’apporteront leur zakât, de bon gré, l’année prochaine!!»
Abû Bakr dit alors: «Par Allah, s’ils me refusent un licou (attache de bête) de ce que le Prophète leur avait imposé, je me verrai dans le droit de les combattre jusqu’à ce qu’ils reviennent vers le vrai (dans la légalité)». Ensuite, le calife écrivit à ‘Ikrimah b. Abî Jahl, lui ordonnant d’aller avec les fidèles parmi les Mecquois à la rencontre de Ziyâd, en emmenant avec lui ceux qu’il pourrait mobiliser dans les contrées avoisinantes.
‘Ikrimah partit avec deux mille cavaliers pour “Ma’rib”. Les habitants de Dubâ décidèrent de les combattre pour les empêcher d’aller faire la guerre à leurs cousins de Kindah. Ils commencèrent par chasser le gouverneur nommé par Abû Bakr. ‘Ikrimah reçut alors l’ordre de leur faire la guerre, de ne pas les ménager et de lui envoyer les prisonniers. Quand ‘Ikrimah les eut assiégés, ils demandèrent à signer la paix et à verser la zakât mais il n’accepta de leur part que la capitulation. Quand ils se sont rendus, ‘Ikrimah entra dans leur fort, tua leurs notables, réduisit leurs femmes et leurs enfants en captivité, s’empara de leurs biens et en envoya d’autres à Abû Bakr.
Quand celui-ci voulut tuer les hommes et partager les femmes et les enfants, ‘Umar lui dit: «Ô calife du Messager d’Allah! Ces gens sont musulmans et jurent fort qu’ils n’ont pas renié l’Islam …». Abû Bakr les mit alors en prison où ils resteraient jusqu’après sa mort. ‘Umar les libéra.
Quand ‘Ikrimah rejoignit Ziyâd et qu’Al-Ash’ath en prit connaissance, il se réfugia dans le fort d’An-Nagîr où il mit à l’abri ses femmes et celles de sa tribu. Ceux parmi les hommes de Kindah qui avaient quitté Al-Ash’ath lorsqu’il cautionna l’assassinat de l’émissaire d’Abû Bakr, regrettèrent d’avoir abandonné les leurs et décidèrent d’aller combattre Ziyâd. Celui-ci s’en effraya et dit à ‘Ikrimah: «A mon avis, tu maintiendras le siège de ce fort et moi j’irai à la rencontre des autres». Ziyâd acquiesça en disant: «Très bien mais si tu as la victoire sur eux, ne range ton épée qu’après l’extermination du dernier homme parmi eux!». Je ferai ce que je pourrai, répondit ‘Ikrimah.
Ce dernier rencontra les renforts d’Al-Ash’ath et se livrèrent une guerre où, dans les deux camps, les succès alternèrent avec les échecs. Al-Ash’ath qui n’en a pas été informé, qui supporta mal l’état de siège, la faim et la soif, demanda à Ziyâd de lui accorder la vie sauve ainsi qu’à sa famille et à une dizaine de ses hommes.
Le traité de paix fut écrit et envoyé par Ziyâd à ‘Ikrimah qui le montra aux tribus de Kindah (ne voyant plus de raison pour continuer la guerre), elles cessèrent le combat et s’en allèrent. Ziyâd entra alors dans le fort et, (faisant fi du traité signé avec Al- Ash’ath!), commença par couper les têtes des guerriers. Par après, Abû Bakr ordonna, par écrit, à ‘Ikrimah de lui envoyer les captifs à Médine. Ceux qui sont restés en vue furent donc enchaînés et expédiés à Médine. (2)
C’est ainsi que s’accomplit l’allégeance d’Abû Bakr, qualifiée de brusque par le calife ‘Umar et légitimant le califat d’Abû Bakr, de ‘Umar et de ‘Uthmân. C’est cette allégeance qu’on érige en argument (pour fonder l’établissement du califat).
3)- Le troisième argument: Les actes des Compagnons
Arguer des actes des Compagnons serait valable si leur conduite (sîrah) faisait partie des sources de la législation islamique au même titre que le Livre et la Sunnah ou si la Révélation recommandait de les suivre comme elle l’avait fait pour le compte du Messager d’Allah (SAW):
«Vous avez, dans le Messager d’Allah, un bel exemple …». (V. 21/XXXIII)
«Prenez ce que le Messager vous donne et abstenez-vous de ce qu’il vous interdit». (V. 7/LIX)
Sans cela, nous ne sommes pas tenus d’invoquer les actes des Compagnons comme arguments.
En outre, nous ne savons pas qui des Compagnons nous devons prendre comme exemple alors que les actes et les propos des uns s’opposent à ceux des autres. D’où les divergences dans les positions des ‘ulémas (savants) quant à la façon d’établir le califat: suffit-il qu’un seul homme prête serment d’allégeance à un autre pour que ce dernier soit nommé calife? D’aucuns l’affirment parce qu’Al-‘Abbâs, l’oncle du Prophète (SAW) dit à ‘Ali (a.s): «Tends la main que je te prête serment d’allégeance. Si je le fais les gens le feront après moi».
Ou bien faut-il s’inspirer des propos de ‘Umar pour qui l’allégeance d’Abû Bakr était brusque? Ou encore de la conduite de Mu’âwiyah qui brandit l’épée contre le calife légitime de l’époque, (l’Imam ‘Ali (a. s.)?
Nul besoin, après ce que nous avons étayé, de discuter tous ces points de vue. Reste l’argument selon lequel l’Imam ‘Ali (a. s.) dans Nahjul-Balâghah, se basa sur la validité de la Shûrâ, de l’allégeance et des actes des Compagnons.
La discussion de cet argument
D’aucuns arguent du récit rapporté par Ash-Sharîfur-Radîy à partir de l’Imam ‘Ali (a. s) (Nahjul-Balâghah, les lettres de l’Imam dont-celle-ci adressée à Mu’âwiyah):
«Ceux qui avaient prêté serment d’allégeance à Abû Bakr, ‘Umar et ‘Uthmân viennent d’en faire autant pour moi, dans les mêmes conditions et pour les mêmes causes. Aucune contestation n’était acceptable ni pour ceux qui y avaient pris part ni pour ceux qui y étaient absents. Car la délibération y était aussi bien l’affaire des Muhâjirîne que celle d’Al-Ançars. Si l’unanimité se réalise sur le choix d’un dirigeant (Imam, calife), ce choix est satisfaisant (agréé par Allah?). S’il arrive que par contestation de ce choix ou par hérésie, quelqu’un rompe avec la volonté de la nation on tâche de le persuader d’y retourner. En cas de refus, il sera combattu, pour s’être écarté de la volonté (du chemin) des Croyants. Ensuite Allah le chargera de ce dont il se sera chargé …» (3)
Dans cette lettre, l’Imam fonde son argumentation à l’encontre de Mu’âwiyah sur l’allégeance, la délibération et l’unanimité des Muhâjirîne et d’Al- Ançars. Ce qui veut dire pour certains que l’Imam est d’avis que le califat établi sur ces fondements est valide. En fait Ash-Sharîfur-Radîy (le compilateur de Nahjul-Balâghah) choisissait parfois des passages extraits des lettres et des sermons de l’Imam, qu’il jugeait d’une rhétorique sans égal et délaissait le reste comme il fit avec la lettre en question, dont l’intégralité se trouve dans le livre de Nasr b. Muzâhim çaffîne. En voici le texte:
«Au Nom d’Allah, le Clément le Miséricordieux.
»Ensuite sache que tu es tenu en Syrie de respecter l’allégeance qui me fut accordée à Médine car ceux qui avaient prêté serment d’allégeance à Abû Bakr, ‘Umar et Uthmân ont fait autant pour moi, dans les mêmes conditions et pour les mêmes causes. Aucune contestation n’était acceptable ni pour ceux qui y avaient pris part ni pour ceux qui y étaient absents. Car la délibération y était aussi bien l’affaire des Muhâjirîne que celle d’al-Ançars. Si l’unanimité se réalise sur le choix d’un dirigeant (Imam, calife), ce choix sera satisfaisant. S’il arrive que par contestation de ce choix ou par convoitise, quelqu’un rompt avec cette volonté, il y sera ramené par la persuasion. En cas de refus, il sera combattu pour s’être écarté de la volonté (du chemin) des Croyants. Ensuite Allah le chargera de ce dont il se sera chargé et lui fera affronter la Géhenne et quel détestable “devenir”! Talhah et Az-Zubayr m’ont prêté serment d’allégeance puis se sont parjurés. Leur parjure ayant été l’équivalent de la contestation, je les ai combattus pour cela jusqu’à ce vînt la Vérité et qu’apparût l’Ordre d’Allah en dépit de leur aversion. Rejoins alors dans cette affaire les Musulmans qui t’ont précédé et sache qu’à ton sujet, l’état sauf est ce que j’aime le plus à moins que tu t’exposes à la tentation. Si tu le fais, je te combattrai en implorant l’aide d’Allah contre toi. Pour ce qui est des meurtriers de ‘Uthmân dont tu as trop parlé, rejoins d’abord les Musulmans dans leur unité, ensuite si tu les cites (ces meurtriers) à comparaître devant moi, je statuerai entre vous selon le Livre d’Allah. Quant à l’affaire à laquelle tu aspires, ce n’est en fait qu’une tromperie à la manière de celle qu’on inflige à l’enfant pour le sevrer. Ô Mu’âwiyah! de par ma vie, si tu jugeais raisonnablement et en l’absence de tout caprice, tu te rendrais compte que je suis plus que quiconque, innocent de l’assassinat de ‘Uthmân. Sache aussi que tu fais partie des affranchis de la Mecque, qui n’ont droit ni au califat ni à la délibération. A toi et à ton voisinage, j’ai envoyé mon représentant, Jarîr b. ‘Abdullah un homme de foi et un Muhâjir, pour que tu prêtes auprès de lui ton serment d’allégeance et nulle puissance que par Allah». (4)
A la lecture de cette lettre, il devient clair que l’Imam ‘Ali fit valoir contre Mu’âwiyah l’argument qu’ils se sont engagés de considérer – l’Imam dit à Mu’âwiyah: «tu es tenu en Syrie de respecter l’allégeance qui me fut accordée à Médine, comme c’était le cas avec ‘Uthmân qui reçut à Médine l’allégeance que tu étais tenu, en Syrie, de respecter. Tes semblables vivant à l’extérieur de Médine sont tenus également de se plier à l’allégeance qui me fut accordée à l’intérieur de Médine, comme cela s’était passé à l’époque de ‘Umar».
C’est ainsi qu’agissent les hommes raisonnables dans leur argumentation: ils n’avancent à l’encontre de l’adversaire que ce qu’il est tenu de considérer comme arguments.
D’autre part dans cette lettre ou bien l’Imam a dit: «… ce choix sera satisfaisant (comme l’avait rapporté Nasr b. Muzâhim) ou bien la même phrase avec cet ajout “pour Allah”.
Selon la première version quand l’unanimité des Croyants se réalise sur le choix d’un dirigeant, cela sera satisfaisant pour eux à condition qu’ils n’aient pas prêté serment d’allégeance sous la contrainte et la menace de l’épée.
Si l’on suppose que c’est la deuxième version qui correspond à ce que dit l’Imam, cela revient au même car l’unanimité d’al-Muhâjirîne et d’al-Ançars y compris l’Imam ‘Ali et les petits-fils du Messager, Hassan et Hussayn aurait fait sûrement l’objet d’une satisfaction divine.
Enfin je ne sais pas pourquoi ces auteurs arguent de cette lettre figurant dans Nahjul-Balâghah et oublient ou font semblant d’oublier les autres propos de l’Imam contenus dans le même livre. En voici un exemple (chap.: “Des pensées de l’Imam, de sa sagesse”):
«Quand le “Prince des Croyants” fut informé de ce qui s’était passé à la Saqîfah, après la mort du Messager d’Allah, il dit: «Qu’avaient dit al-Ançar?».
– De nous un prince et de vous un prince», lui répond-on. Pourquoi n’avez-vous pas argué à leur encontre que le Messager d’Allah (SAW) avait commandé qu’on fît du bien aux bienfaiteurs parmi eux et qu’on pardonnât au fautif? Y a-t-il là un argument valable à leur encontre?, lui demanda-t-on.
– Oui, puisque si c’était à eux que devrait échoir le califat, il serait inopportun de commander quoi que ce fût à leur profit!
Ensuite, l’Imam (a. s.) demanda: «Qu’avait dit Quraysh alors?»
– Elle (la tribu) argua qu’elle était l’arbre du Messager (SAW), lui répondit-on. Ils (les Quraychites) arguèrent de l’arbre et en perdirent le fruit.
Dans un contexte, l’Imam (a. s.) dit: «Comme c’est étonnant! Que le califat s’établit par la compagnie (du Prophète) et non par la compagnie et la parenté ensemble!»
Ar-Radîy rapporte dans ce sens des vers de poésie attribués à l’Imam (a. s.): si c’est par le principe de la délibération.
Que tu as pris possession de leurs affaires,
Comment était-ce possible alors que
Les délibérants étaient absents?
Si par contre, c’est par la parenté que tu as évincé l’adversaire,
Comment était-ce et d’autres sont plus dignes du Prophète et plus proches?
Mais le discours de l’Imam (a. s), le plus complet relativement à cette affaire se trouve dans son fameux sermon appelé Ash-Shiqshiqiyyah dans lequel il dit:
«Par Allah! un tel se l’est appropriée (la succession) alors qu’il savait que ma place est celle du pôle des dirigeants … Comme c’est étonnant! Tandis qu’il cherchait à s’en démettre de sa vie, il l’assigna à un autre après sa mort … Pourtant j’ai gardé patience malgré la longueur de la durée et la dureté de l’épreuve. Avant de s’en aller (mourir), l’autre désigna pour le califat un groupe de candidats, prétendant que je serai l’un d’entre eux! Depuis quand doutait-on de ma priorité face au premier qui se l’est appropriée pour qu’on me joigne après à ces comparables?!».
Ils (les partisans de l’Ecole des califes) ont oublié ou feint d’oublier tous ces propos de l’Imam ‘Ali (a. s.) pour ne s’en tenir qu’au propos dans lequel l’Imam ne fit qu’avancer des arguments admis par Mu’âwiyah et les autres adversaires.
4)- L’établissement du califat par la force et la coercition Discussion de cet argument.
Quiconque explore l’histoire de l’Islam trouve que depuis le début jusqu’à l’époque des califes-ottomans, le califat reposait sur la coercition exception faite du califat de l’Imam ‘Ali (a. s). Cette donnée historique est vraie et indiscutable.
Voici leur propos (de partisans de l’Ecole des califes) selon lequel: «Quiconque devient calife et se nomme “prince des croyants” après avoir remporté la victoire par l’épée sur ces concurrents se trouve (légitimement établi) de telle façon qu’il est illicite pour tout musulman qui croit en Allah et au Jugement dernier de passer une nuit sans le considérer comme Imam, peu importe que cet homme soit vertueux ou libertin». (5)
Je ne sais de quoi parlent ces excellences! De l’application de la loi d’Allah pour l’établissement du pouvoir politique dans la société islamique ou de la loi de la jungle, propice aux lions et aux léopards?!
Mais pour qu’on ne nous reproche pas de citer les propos des Anciens et passer sous silence ceux des contemporains qui ne partagent pas leurs idées et leurs croyances et pour qu’on ne dise pas «qu’on soit dans le présent de l’Islam», (6) nous citons le titre d’un livre publié à l’intention des écoles d’un pays où se trouvent la Ka’bah, la Maison Sacrée et la Mosquée du Messager des croyants: «Vérités sur le prince des croyants Yazîd b. Mu’âwiyah», publié par le ministre d’al-Ma’ârif et diffusé dans les deux lieux sacrés (à la Mecque et Médine). Ce livre vante les mérites de Yazîd et rapporte des hadîths faisant son éloge. C’est ce Yazîd qui donna l’ordre de catapulter la Ka’bah et de livrer pendant trois jours la Mosquée du Messager et son enceinte sacrée à son armée qui, à Médine tua les hommes et viola les femmes.
5)- L’obligation d’obéir à l’imam (au calife) quand bien même il désobéit au Messager (SAW).
Muslim rapporte dans son sahîh, à partir de Hudhayfah: le Messager d’Allah dit: «Après moi viendront des imams qui ne suivront pas ma guidance et ne s’inspireront pas de ma sunnah; des hommes ayant des curs sataniques dans des corps humains». Hudhayfah demanda : «Que ferais-je alors ô Messager d’Allah! Si j’y étais présent?». Le Prophète répondit: «Tu écoutes et tu obéis au prince quand bien même il frappe ton dos et s’empare de tes biens. Ecoute et obéis».
Ibn ‘Abbâs rapporte que le Messager d’Allah dit: «Que celui qui désapprouve ou déteste quelque acte de son imam fasse preuve de patience car celui qui meurt, après avoir quitté d’un empan la communauté (musulmane), fait une mort jâhiliyyah (mort en impie). (7)
Dans son commentaire du Sahîh de Muslim, An-Nawawî dit (chap., “L’obligation d’obéir aux princes quand il ne s’agit pas de perpétrer un péché”):
«La totalité des partisans de la sunnah, jurisconsultes, traditionalistes et théologiens affirment que l’imam (le calife) ne doit pas abdiquer pour prévarication, injustice ou abolition des droits, ni être démis de ses fonctions. Il n’est pas permis non plus de se soulever contre lui. Il faut plutôt l’exhorter et l’inciter à la crainte (d’Allah) en raison des hadîths relatifs à ce sujet».
Avant ce passage, An-Nawawî dit dans le même sens:
«Quant à la rébellion et à la lutte armée contre eux (les califes), elles sont illicites de par le consensus des Musulmans quand bien même ils (ces princes) sont prévaricateurs et injustes. Les hadiths rapportés concordent sur ce point. Les gens de la sunnah sont unanimes à dire que le sultan n’abdique pas pour cause de prévarication». (8)
Ainsi l’Ecole des califes rapporte des récits selon lesquels le Messager d’Allah (SAW) aurait prohibé le soulèvement contre le prince injuste et infidèle à la sunnah du Messager (SAW) et prescrit l’obéissance à son égard.
Quant à l’Ecole d’Ahlul-Bayt (a. s) elle rapporte à partir du Messager d’Allah (SAW) des récits opposés comme celui de l’Imam Al-Hussayn (a. s), petit fis du Messager d’Allah (SAW): «Si quelqu’un voit un prince injuste, profanant le sacré d’Allah, parjurant Son pacte, opposé à la sunnah du Messager d’Allah (SAW) et abusant des créatures d’Allah par le péché et l’agressivité et qu’il n’essaie de changer cet état de chose ni par une parole ni par un acte, Allah sera dans le droit de lui réserver le même sort que lui (l’injuste)». (9)
De la comparaison des récits rapportés par l’une ou l’autre Ecole, on comprend que ce que l’Ecole des califes a rapporté se situe dans le cadre des intérêts recherchés (par les narrateurs) et du soutien apporté aux autorités en place. Cela se passait au début de l’époque Umayyade. Ensuite, ces récits furent notés au temps de la compilation des recueils des hadîths au début du IIème siècle de l’hégire. Comme on qualifiait ces récits d’authentiques, l’unanimité s’est faite autour d’eux. La mise en application de ces récits et les études qu’on leur consacrait amenaient les savants des palais, traditionnistes, magistrats, orateurs, imams des Vendredis et leurs semblables à s’y accrocher avec insistance à travers les siècles et partout dans le monde (islamique) et ce, depuis le califat umayyade en Syrie et en Andalousie en passant par les ‘Abbassides de Bagdad, les Ottomans de Turquie, les Mamâlîk d’Egypte, les Saljuqides, les Ghaznawiyyîne d’Iran et les Kurdes de Syrie. Les Autorités les comblaient alors de prestige, de fortune et des autres faveurs du palais. Leurs partisans qui en profitaient aussi les suivirent…
Ainsi les Musulmans se sont divisés en deux Ecoles: celle des califes dont les patrons comblaient de biens, de prestige, de fonctions et de faveurs les personnes qui en diffusaient les idées, et l’Ecole d’Ahlul-Bayt (a. s.) qui résista à ces idées et aux récits rapportés dans le but de soutenir les Autorités en place et leurs thèses. Le pouvoir gouvernant réserva alors à cette Ecole toute une gamme d’assassinat, d’incarcération de persécution, de campagnes d’extermination, d’incinération des livres et des bibliothèques afin d’écarter de la société et de cacher aux yeux des Musulmans, ses idées qui garantissent la sauvegarde de la sunnah du Messager (SAW).
Après tout cela, quelle quantité de vérités peut-elle parvenir à cette époque?
Notes:
- Abûl-Fidâ, Târîkh, p.158. Voir aussi notre livre ‘Abdullah b. Saba’, 1/185-191
- C’est le résumé du récit rapporté par Al-Balâdhurî dans Futûhul-Buldân, chap. “L’apostasie de Banî Walya’ah” (et Al- Ash’ath b. Qays al-Kindî, pp. 122-123 du 1er tome de notre livre Ma’âlimul-Madrassatayn); Al-Hamawî, Mu’jamul-Buldân; terme: Hadramawt. Ibn A’tham, Futûn, 1/57, 85
- Ibn Abî-l-Hadid, “Nahj al-Balâghah wa Charhih”, al-Kitâb al-Sâdis min bâb al-Mukh-târ min Kutubi Mawlânâ Amîr al-Mu’minîn.
- L’Imam ‘Ali, Nahjul-Balâghah, “Lettres choisies”.
- Abû Ya’lâ al-Farrâ ‘Al-Hanbalî, Al-Ahkâmus – Sultâniyyah
- Revue d’Al-Azhar, tom. 32, l’an 1380 h., pp.150151, (critique de notre livre ‘Abdullah b. Saba’)
- Muslim, Sahîh, 6/20-22, “L’ordre de rester dans la Communauté”.
- An-Nawawî, Commentaire de Muslim, 12/229; Al-Bayhaqî, Sunan, 8/158-159
- Extrait du sermon de l’Imam Al-Hussayn (a. s.) devant l’armée d’Al-Hurr b. yazîd Arrihâhî. Voir: At-Tabarî, Târikh; Ibn Al-Athîr, Al-Kâmil; Al-Khawârizmî, Maqtal, … etc.