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La journée nationale du grand érudit Mulla Sadra.
Le 1er Khordad du calendrier iranien (qui tombe cette année le 21 mai 2024) a été désigné comme Journée nationale du grand érudit Mulla Sadra Shirazi, l’un des grands érudits de la philosophie islamique et l’un des plus grands scientifiques du monde.
Abstrait:
Entre les années 979 et 1045 AH (soit 1571-1635 après JC), vivait un philosophe dont le nom était Sadr al-Din Muhammad, connu sous le nom de Mulla Sadra, et plus tard il reçut le titre de Sadr al-Mutalahin (chef du Divin Philosophes) et son école de philosophie s’appelait Hikmat al-Muti’aliyyah.
Mulla Sadra était un philosophe qui maîtrisait complètement toutes les écoles philosophiques, mystiques et théologiques de son temps, et d’autre part, comme il était un grand commentateur et un érudit chevronné en hadith, il maîtrisait également le Coran, les hadiths et la tradition du Prophète (PSL).
Élève notamment de Mir Damad, il met au point son grand ouvrage, les Asfar, à Kahak, puis enseigne la philosophie à la madrasa de Chiraz. C’est là que se développe l’« école de Chiraz », continuatrice de l’« école d’Ispahan ».
L’œuvre de Sadra est une synthèse monumentale de toutes les sources et traditions grecques, iraniennes et islamiques. Partant de la tradition aristotélicienne, des philosophes (Farabi, Avicenne), il intègre la « Sagesse orientale » de Sohrawardi et la gnose d’Ibn Arabi dans sa propre philosophie qu’il nomme Hikmat al-Muti’aliyyah.
Biographie
Naissance et sa Jeunesse
Nous pouvons diviser la vie de Mollâ Sadrâ Shirâzi en trois périodes, en commençant par son enfance et les débuts de sa formation.
Molla Sadra est né à Chiraz, en 1571-72 ( le 9 Jumada al-Awwal l’an 979 du calendrier musulman). Son nom complet est Sadr al-Din Muhammad ibn Ibrahim ibn Yahya al-Qawami al-Shirazi, mais la postérité a retenu le nom de Molla Sadra. Molla est un titre d’honneur, le désignant comme un savant. Il est l’un des plus grands penseurs de l’Islam. Il vécut en Iran à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle, sous le règne de Shâh ‘Abbâs Ier.
Ce que nous savons avec certitude à son sujet, c’est qu’il est né à Chiraz, d’un père vertueux nommé Ibrahim bin Yahya Qawami, il était un notable de la ville de Shirâz. Il a été dit : Ibrahim était l’un des ministres du gouvernement persan basé à Shiraz et issu d’une respectable famille Qawami. , et il n’aurait donc pas d’enfant mâle. Il a juré d’aider beaucoup les pauvres et les gens de science si le Dieu Tout-Puissant lui donne un fils juste et uni. Son souhait s’est réalisé en présence de Mahomet. Cet enfant a été éduqué dans les bras de son père dans le respect et la dignité, et son père l’a encouragé à acquérir des connaissances.
Son père avait assez de moyens pour pouvoir assurer une très bonne éducation à son fils. D’ailleurs, dès les premières années de sa vie, Mollâ Sadrâ a prouvé qu’il avait des dons ainsi que de très bonnes capacités intellectuelles pour réussir dans ses études.
A l’âge de six ans, Mollâ Sadrâ et ses parents s’installent à Ghazvin, alors capitale iranienne, où son père accompagne Shâh Mohammad Khodâbandeh. C’est dans cette ville qu’il poursuit son éducation et rencontre des années plus tard d’éminents penseurs de l’époque, dont Sheykh Bahâ’i et Mirdâmâd, qui deviennent ses maîtres. Et ensuite à Ispahan en 1598, lorsque le roi safavide Shâh Abbâs Ier transfère sa capitale de Ghazvin à Ispahan et fait de cette ville un véritable centre intellectuel. Sheykh Bahâ’i, Mirdâmâd et leurs étudiants s’y établissent.
A cette époque-là, la ville d’Ispahan était la capitale politique de l’empire des Safavides. Ispahan était également le centre principal des arts et des sciences de l’Iran. De nombreuses grandes écoles furent ainsi fondées au sein de la capitale, dont certaines existent encore aujourd’hui. Les plus grands maîtres de l’époque enseignaient dans les grandes écoles d’Ispahan spécialisées dans différentes disciplines. Il était donc tout à fait naturel qu’Ibrâhim, le père du jeune Sadreddin, décide d’envoyer son fils à Ispahan pour continuer ses études.
A Ispahan, Mollâ Sadrâ eut la chance de participer aux cours de trois grands maîtres : Sheikh Bahâ’i, Mirdâmâd, et Mir Fendereski.
Il étudia alors la philosophie et la théologie auprès de Mir Damad et de Sheikh Bahai.
Avec Mir Damad, il approfondit surtout les œuvres d’Avicenne et de Sohrawardi ainsi que le texte tiré des Ennéades de Plotin intitulé faussement Théologie d’Aristote ; avec Sheikh Bahai, il se consacra aux enseignements islamiques traditionnels, notamment la jurisprudence islamique (fiqh) les hadiths chiites، et l’exégèse du Coran et des hadiths.
Il s’intéressa aussi très tôt au soufisme, notamment à la poésie soufie, mais ne semble pas avoir appartenu à un ordre soufi : cette pratique était extrêmement controversée en Iran à l’époque.
Après quelques années, Sheikh Bahaï autorisa officiellement Mollâ Sadrâ à enseigner les mêmes cours. Sheikh Bahaï était un ami de longue date d’un autre grand maître de l’époque, Mirdâmâd, que ses élèves surnommaient le « Troisième maître » (après Aristote et Fârâbi). A l’instar de Sohrawardi, ce célèbre philosophe de l’époque safavide croyait que la vraie philosophie était celle qui conduirait à une expérience gnostique et théosophique. Mirdâmâd devint le principal maître de Sadreddin Shirâzi en philosophie.
Certains documents confirment que Mollâ Sadrâ participa également aux cours d’une personnalité plus ou moins mystérieuse de l’Ispahan des Safavides : Mir Fendereski. Ce dernier voyageait souvent entre l’Iran et l’Inde, où de nombreux philosophes et penseurs iraniens adeptes de la théosophie orientale (hikmat al-ishrâq) de Sohrawardi s’étaient réfugiés à la cour de l’empereur mongol Akbar Shâh. Mir Fendereski contribua activement au mouvement de la traduction d’œuvres sanscrites en persan, mouvement qui eut une influence considérable sur la vie intellectuelle et culturelle de l’Iran aux XVIe et XVIIe siècles.
Alors âgé de 27 ans, il pose les prémisses de sa doctrine philosophique, la hekmat-e moteâlieh (la haute théologie). Sa pensée est basée sur la notion d’existence (vodjoud) comme constituant la réalité profonde de toute chose, et son rejet de la quiddité (mâhiyat) en une vue de l’esprit. Si l’existence, le fait qu’une chose “soit” et ait une réalité concrète est saisie de façon intuitive, l’esprit a ensuite tendance à considérer comme réelles les essences multiples des choses, en oubliant qu’un principe unique les réunit, et qu’elles se rejoignent toutes dans le fait qu’elles “sont”. La pensée de Mollâ Sadrâ est fondée sur l’idée d’une Réalité unique (wahdat al-vodjoud) à la source et comme constituant l’ensemble du réel : les essences, les causes, etc. ne sont que différentes manifestations de l’Existence selon des degrés multiples de plus ou moins grande intensité.
La seconde étape principale de l’existence de Sadreddin Shirâzi.
Après ces années d’études à Ispahan commence la seconde étape principale de l’existence de Sadreddin Shirâzi.
Après la mort de son père en 1601-02, il rentra à Chiraz et se mit à y enseigner, mais l’atmosphère n’était guère propice à la philosophie à l’époque dans cette ville. Peu de temps après, il effectua une retraite (khalwat) Il quitta la grande capitale de l’Empire et se réfugia dans un petit village, Kahak, situé à trente kilomètres au sud-est de Qom. Ce village isolé et lointain a pourtant une valeur symbolique en raison de sa situation géographique : il se trouve près de Jamkarân, un lieu saint situé au cœur du désert central de la Perse, dédié au dernier Imam des chiites duodécimains, le vénéré Mahdi dont les chiites attendent depuis des siècles la parousie.
Mollâ Sadrâ vécut pendant onze ans à Kahak où il se donna entièrement à la découverte des vérités spirituelles. Il profita de ce long recueillement pour se plonger dans de profondes méditations et contemplations. Pendant cette période, Mollâ Sadrâ arriva à la conviction que sans méditation et intuition, la philosophie ne reste qu’un effort mental stérile. Pendant son séjour à Kahak, Sadreddin fit tout pour rester sous le couvert de l’anonymat, mais ses disciples finirent par retrouver sa trace. Ils furent alors nombreux à se rendre au petit village et formèrent un cercle autour de leur maître.
Ensuite il partagea sa vie entre Qom, où il enseigna, Ispahan, où il rendait visite à son maître (morched) Mir Damad, avec qui il resta en relations constantes jusqu’à sa mort en 1630-31, et Chiraz, où il se retirait périodiquement dans la maison familiale. Il eut à Qom des élèves qui furent ensuite des hommes éminents, comme Mohsen Fayz Kashani et Abd al-Razzaq Lahiji, qui devinrent tous deux ses gendres. Marié sans doute à Chiraz, Molla Sadra eut six enfants (trois filles et trois garçons) entre 1610 et 1624.
La troisième période de sa vie.
Commence alors la troisième période de sa vie. En 1632, Mollâ Sadrâ revient dans sa ville natale de Shirâz, sur l’invitation du gouverneur de Fârs, Allâhverdi-Khân, pour assurer la direction d’une école. Commence alors la période la plus fructueuse de sa vie, durant laquelle il enseigne à un auditoire de plus en plus vaste.
La nouvelle du retour de Mollâ Sadrâ à Shirâz et des cours qu’il donnait à l’école du Khân transforma Shirâz en une nouvelle cité des sciences. Pendant ces années, Sadreddin Shirâzi se consacra entièrement à l’enseignement et à la rédaction de nouvelles œuvres dont certaines restèrent malheureusement inachevées. La première leçon qu’il donnait à ses élèves était composée de quatre conseils : « se désintéresser de la fortune, dédaigner les ambitions, repousser l’imitation aveugle, et s’abstenir de commettre des péchés. »
Pendant les soixante-dix ans de sa vie, et malgré toutes ses occupations, Mollâ Sadrâ réussit à faire sept fois le pèlerinage obligatoire à La Mecque (hajj). Il décéda en 1640 dans la ville de Bassora (sud d’Irak) où il fut inhumé, alors qu’il revenait de son septième pèlerinage.
Après cette présentation, la vie scientifique de Molla Sadra peut être résumée en trois étapes:
La première étape: est son apprentissage qui est la période de discussion et d’examen des théories des orateurs et des philosophes et de leurs conversations.
La deuxième étape: est la période d’isolement et d’éloignement des gens et de recours au culte et à la discipline dans certaines des montagnes lointaines situées à Kahek, l’un des villages de Qom. Cette réclusion dura quinze ans.
La troisième étape: est l’étape de création de preuves précieuses, d’œuvres mystiques et coraniques. Le livre “Esfar” est le premier et le plus précieux produit de cette période et contient toutes les nouvelles pensées, théories et révélations mystiques de Mulla Sadra et constitue la base de ses autres écrits.
Sa philosophie
Conception de la philosophie
Ṣadr ad-Din Muḥammad Shirazi était un philosophe et théologien iranien qui a été le fer de lance de la renaissance culturelle iranienne au XVIIe siècle. Selon Oliver Leaman, Molla Sadra est probablement le philosophe le plus important et le plus influent du monde musulman au cours des quatre cents dernières années.
Bien que n’étant pas son fondateur, il est considéré comme le maître des Illuminationistes ou de l’école de philosophie Ishraghi ou Ishraqi, une figure clé qui a synthétisé les nombreux traits de la philosophie islamique de l’âge d’or dans ce qu’il a appelé la théosophie transcendante ou al-Hikmah al -muta’liyah.
Molla Sadra a apporté “une nouvelle perspicacité philosophique dans le traitement de la nature de la réalité” et a créé “un changement majeur de l’essentialisme à l’existentialisme” dans la philosophie islamique, bien que son existentialisme ne doive pas être trop facilement comparé à l’existentialisme occidental. C’était une question sur cosmologie existentialiste en ce qui concerne Dieu, et se distingue ainsi nettement des questions de l’individu, de la morale et/ou de la société au cœur de l’existentialisme russe, français, allemand ou américain.
La pensée de Molla Sadra s’inscrit fondamentalement dans la tradition du néoplatonisme[1]. Pour lui, la philosophie est tout autant et indissolublement perfectionnement de l’âme[2] par le moyen d’exercices spirituels[3]. et investigation proprement intellectuelle par argumentation logique. Les deux aspects sont inséparables, car c’est par la connaissance de la vraie nature de la réalité que l’âme se purifie et s’élève à des degrés plus intenses de la vie spirituelle. L’amour de la connaissance, la pratique de la discipline intellectuelle, conduisent à une ascèse toujours plus profonde, à une purification de l’âme, et s’identifient avec la piété religieuse. La « philosophie » est un mode de vie global, intégrant vertus et réalisation de soi.
La démarche philosophique comprend à la fois un aspect discursif et argumentatif, s’appuyant sur la science aristotélicienne de la démonstration (apodeixis), mais aussi, nécessairement, un aspect intuitif, de « révélation intérieure » (mukashafat batiniyya), de « contemplation secrète » (mushahadat sirriyya), d’« investigation existentielle » (mu’ayanat wujudiyya). En dehors de ce second aspect, le développement de doctrines discursives ne peut conduire à aucune connaissance véritable. Dans la lignée de Sohrawardi[4], Molla Sadra insiste aussi sur le fait que la philosophie est un mode de révélation prophétique transmis depuis la Création par une chaîne initiatique reliant Adam, Seth, Hermès Trismégiste, Noé, Abraham, etc., et plus tard en Grèce Thalès, Pythagore et les autres philosophes. Les deux aspects de la démarche philosophique, le discursif et l’intuitif, sont inséparables l’un de l’autre et aucun des deux n’a la priorité sur l’autre. La vraie philosophie s’oppose aux savoirs sans contenu rationnel simplement reçus (comme la grammaire des langues), à l’adhésion purement extérieure aux autorités du passé (comme le recours à l’argument d’autorité), à toutes les formes de la rhétorique (c’est-à-dire l’argumentation purement verbale).
Métaphysique
Molla Sadra est considéré comme un penseur très original à cause de sa métaphysique centrée sur la notion d’existence (en rupture sur ce point avec la pensée d’Avicenne, qui est une métaphysique des essences). Pour Molla Sadra, l’existence est le premier principe ontologique, une réalité unique qui se déploie en degrés d’intensité. Elle ne saurait faire l’objet d’aucune définition ou description : elle ne peut qu’être saisie immédiatement et intuitivement, par une faculté innée de l’esprit. Elle est indépendante de toute essence figée, et ne saurait (comme le dit déjà Avicenne) en être déduite analytiquement. Ultimement, les essences ne sont que des « êtres de raison », qui « n’ont jamais respiré le parfum de l’être », selon la formule d’Ibn Arabi. Dieu est dénué d’essence ; son lien causal avec le monde ne peut donc être qu’existentiel, sans quoi la nature divine serait contaminée par les essences particulières et multiples. « Le simple est toute chose » (Basiṭ al-ḥaqiqa koll al-ašya) : Dieu, l’Un, est simple, pur Être, et comme tel il est l’Existence en elle-même.
L’existence est une réalité singulière, et l’expérience phénoménale de l’existence comme multiple est illusoire. Les différents existants de ce monde sont différents degrés d’intensité d’un même principe. Il n’est pas question de substances stables, comme chez Aristote. Les degrés d’intensité de l’être rendent compte, non seulement de ce qui est commun entre les existants, mais aussi des variances et distinctions, par intensification et perte d’intensité. Ainsi, l’être est à la fois un et multiple. Une entité existante n’est pas une substance stable avec des modifications qui sont de l’ordre des accidents : les changements sont substantiels et existentiels (le jeune Zayd et le vieux Zayd ne sont, au sens le plus littéral, pas le même existant). À chaque instant du temps, toute existence est nouvelle, et la création est continue. Il faut en fait tenir compte à la fois du principe interne de transformation des choses, appelé « nature » (tabi’ah), et de l’acte perpétuel de création, une causalité horizontale et une causalité verticale.
Il y a une connexion intime entre l’existence, l’intellect et l’âme comme aspects concret, intellectuel et psychique de l’être. Cette pensée est un « pan-psychisme » : tous les existants sont des êtres sensibles qui aspirent à un plus haut degré d’intensité dans l’existence ; l’âme humaine elle-même a son origine dans le corps. La connaissance est une relation existentielle d’identité entre l’esprit connaissant et l’objet connu. Il existe un stade intermédiaire entre la réalité intelligible et la réalité sensible qui s’appelle la réalité « imaginale » (methāli) : en effet, l’imagination, puissance créatrice, est une faculté indépendante du corps physique, comme l’intellect, représentant un niveau propre de réalité, et chaque existant a deux corps aussi réels, le corps physique et le corps « imaginal ».
La métaphysique de l’être
Molla Sadra est souvent décrit comme un révolutionnaire métaphysique en raison de sa doctrine unique de l’existence. Son analyse de l’existence commence par la distinction ontologique entre le Nécessaire (le principe, Dieu) et le contingent. Dieu est l’existence pure sans essence, qualité ou propriété qui subit un changement ou un mouvement. Les origines de cette doctrine se trouvent dans l’idée d’Avicenne sur la contingence radicale qui considère que la distinction entre le nécessaire et le contingent est fondée sur la simplicité de l’existence du nécessaire produisant la complexité de l’existence et de l’essence du contingent, où le contingent est un existant auquel se rapportent des accidents regroupés dans ce qu’on appelle leur “essence”. Les contingents sont conceptuellement des dyades d’existence (le fait qu’ils sont) et d’essence (des paquets de propriétés qui définissent ce qu’ils sont[5].
Puisque Dieu accorde l’existence aux contingents, ou plutôt parce que les contingents causaux tirent leur existence de leur principe, l’existence est ontologiquement antérieure à l’essence. Analytiquement, il peut nous sembler que l’inverse est vrai, car notre rencontre avec les choses et les événements prend la forme phénoménale d’une connaissance de la forme et de l’essence de cette chose d’abord. Les substances ne sont pas le sens premier de l’existence mais plutôt des “actes d’existence” ou des processus. En cela, et dans sa doctrine du mouvement substantiel, on peut voir un rejet systématique de la théorie aristotélicienne des catégories[6].
L’existence est:
Un concept qui est saisi de façon innée et immédiate dans l’esprit ; elle ne nécessite ni définition (ta’rif) ni description (rasm) d’aucune sorte. L’existence est un concept simple qui n’a pas de partie analytiquement distincte et qui ne se prête donc pas à une définition. On définit et on connaît les choses à travers leurs essences, mais l’existence n’a pas d’essence qui soit singulière à travers ses différents référents et manifestations.
En tant que concept, c’est un intelligible secondaire. Les intelligibles primaires sont des noms qui se réfèrent à des essences possédant des référents concrets dans le monde, comme “l’humanité”. Les intelligibles secondaires, par contre, sont des concepts logiques, des notions abstraites, des concepts basés sur des essences dérivées. En tant que tel, l’être en tant qu’intelligible secondaire est un concept attaché à une essence qui existe dans la réalité extra-mentale.
Il existe de nombreuses choses dans le monde qui sont qualitativement et quantitativement distinctes, mais à toutes s’applique le terme ” existence “. Bien sûr, la vraie question est de savoir si l’existence est simplement un mot partagé comme l’est le terme “pôle”. L’existence constitue un cas particulier de mot partagé que Molla Sadra appelle tashkik, un terme déjà utilisé par Avicenne pour rendre le tertium quid des philosophes de l’antiquité. Molla Sadra affirme que les propriétés clés du tashkik sont “la différence entre les existences” par la “préséance et la priorité ” (al-awlawiyya wa-l- awwaliyya), et “en étant plus antérieur et plus intense” (al-aqdamiyya wa-l-ashaddiyya).
L’existence est un prédicat réel (et non pas seulement logique ou grammatical) car ” X existe ” est vrai pour Molla Sadra si et seulement si ” X ” y fait référence. De même, si l’existence n’était pas un prédicat, nous ne pourrions pas parler utilement d’essences qui n’ont pas de référence directe dans la réalité[7].
Décès
Du point de vue historique Mulla Sadra, il est mort en 1050 année lunaire (1640 après JC), mais selon les notes de son petit-fils nommé Muhammad Alam Al-Hadi (fils de Faiz Kashani), l’année correcte de sa mort était 1045 année lunaire ( 1635 après JC), et la rupture soudaine et le caractère incomplet de certains de ses écrits. Comme l’interprétation du Coran et l’explication des principes de Kafi par (Cheikh Kalini) vers l’an 1044 année lunaire (1634 après JC), le confirment. réclamer.
Mulla Sadra est mort à Bassora, mais selon la tradition chiite, ils l’ont emmené à Najaf et selon son petit-fils, Alam Al-Hadi, il a été enterré sur le côté gauche de la cour du sanctuaire d’Ali bin Abi Talib.
Un regard sur les œuvres de Mulla Sadra
Mollâ Sadrâ est l’auteur d’une œuvre gigantesque : quarante volumes dont certains de cent pages et d’autres de plusieurs centaines de pages. Dans ses livres et essais, Mollâ Sadrâ aborde pratiquement tous les thèmes de la philosophie islamique. Plusieurs ouvrages de Mollâ Sadrâ réunissent ses idées personnelles et les résultats de ses recherches et méditations, tandis que d’autres sont des commentaires et interprétations d’ouvrages d’autres auteurs.
Son œuvre y est considérée, aujourd’hui encore, comme le système complet des sciences philosophiques et elle occupe une place centrale dans l’enseignement de la sagesse spirituelle.
Œuvres principales de Mollâ Sadrâ Shîrâzî
Son œuvre comprend plus de 45 titres d’une étendue parfois considérable, parmi lesquels :
Les quatre voyages de l’esprit (al-Hikma al-muta‘aliya fi-l-asfar al-‘aqliyya al-arba‘a), œuvre majeure de Sadra Shirazi, commencée à Kahak en 1606, continuée jusqu’à la fin de sa vie. Large compendium philosophique, non pas selon la division traditionnelle (logique, physique, métaphysique…), mais en filant la métaphore du voyage de l’âme. 1er voyage : de ce monde à Dieu (principes de base de la philosophie et signification de la métaphysique, question de l’être) ; 2e voyage : en Dieu (la nature divine, les attributs divins) ; 3e voyage : de Dieu à ce monde (relations entre Dieu et le monde, nature, temps, création, catégories ontologiques en ce monde) ; 4e voyage : en ce monde avec Dieu (« psychologie » humaine centrée sur la sotériologie et l’eschatologie). Puissante synthèse des pensées d’Avicenne, Sohrawardi et Ibn Arabi. Traduction anglaise partielle : L. Peerwani : Spiritual Psychology: The Fourth Intellectual Journey (London: ICAS Press).
Le Livre des pénétrations métaphysiques (Kitab al-Masha’ir), introduction et traduction de Henry Corbin, Téhéran, Maisonneuve, 1964, rééd. Verdier, 1988, (ISBN 2-86432-070-3). Épitomé très dense de la doctrine de l’être telle qu’elle est exposée dans le 1er voyage.
Traité de la résurrection (Risalat al-hashr, trad. C. Jambet, Fata Morgana, 2000, (ISBN 2851945068).
Sohrawardi, Le Livre de la Sagesse Orientale, commentaires de Qotboddin Shirazi et Molla Sadra Shirazi, traduction et présentation de Henry Corbin, Paris, Fayard, 1986, p. 439-669.
Commentaire du Verset de la Lumière, Les Belles Lettres, 2009, (ISBN 9782251800035).
Le livre de la sagesse du trône (al-Hikma al-‘arshiyya), tr. A. Yousef & P. Moulinet, (Paris: Bouraq).
Notes:
1-Le néoplatonisme est une doctrine philosophique, élaborée par des platoniciens de l’Antiquité tardive à la suite du médio-platonisme. Philon d’Alexandrie est le précurseur de ce mouvement vers 40, puis il se développe à Rome à partir de 232 par Ammonios Saccas, maître de Plotin, et les élèves de ce dernier, Porphyre et Jamblique. Le néoplatonisme est une école très influente dans l’Antiquité, avec de grands continuateurs comme Proclus, jusqu’à l’exil de ses derniers représentants comme Damascios et Simplicios de Cilicie en 529, à la suite de la fermeture des écoles et lieux de culte païens par l’empereur Justinien.
2-L’âme (du latin anima, « souffle, respiration ») est à la fois le principe vital et spirituel, immanent ou transcendant, qui animerait le corps d’un être vivant (humain, animal ou même végétal). Par métonymie le mot « âme » désigne couramment l’être vivant lui-même, animé par ce principe. On retrouve un emploi similaire avec le mot vie : la vie (principe vital) et une vie (être vivant).
Les représentations symboliques de l’âme sont nombreuses, ainsi que les croyances à son sujet. On en trouve dans la plupart des civilisations à travers des conceptions religieuses, philosophiques, psychologiques ou populaires. Le terme « âme » est souvent employé comme synonyme d’« esprit ».
3-Un exercice spirituel est une notion philosophique ou religieuse qui désigne une pratique ayant une finalité morale ou salvatrice. L’exercice spirituel fait partie d’une ascèse, d’une organisation de la vie, il consiste en une série d’actes répétés qui nous amènent à mériter le salut et à nous transformer nous-mêmes. Ignace de Loyola a mis par écrit ses Exercices spirituels dans un cadre religieux. Le philosophe Pierre Hadot a repris le terme pour l’infléchir dans un sens philosophique et il est le spécialiste contemporain de cette notion.
4-Shihab od-Din Yahya Sohrawardi (prononcer « Sohravardi » est un philosophe et mystique persan, fondateur de la philosophie « illuminative », né en 1155 à Sohrevard (en) en Iran, et mort le 29 juillet 1191 à Alep en Syrie. Son nom signifie « habitant de Sohrevard » ou « celui qui est de Sohrevard ». Son nom complet est Shihab od-Dîn Yahyâ ibn Habbash ibn Amîrak abû-l Futuh. On le surnomme aussi Cheikh al-Ishrâq (« Maître de l’illumination »).
5-Sajjad Rizvi, « Mulla Sadra », dans The Stanford Encyclopedia of Philosophy, Metaphysics Research Lab, Stanford University, 2021
6-Sajjad Rizvi, « Mulla Sadra », dans The Stanford Encyclopedia of Philosophy, Metaphysics Research Lab, Stanford University, 2021
7-Sajjad Rizvi, « Mulla Sadra », dans The Stanford Encyclopedia of Philosophy, Metaphysics Research Lab, Stanford University, 2021