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Les valeurs de dialogue et de coexistence dans la conception culturelle islamique
Cheikh Mohamad Ali Taskhiri(*)
De la conception culturelle islamique
Constructive, la conception culturelle islamique a pour fondement une vision sacrée de la vie islamique qui la façonne et lui donne un contenu particulier. Cette conception se trouve à la base de l’ensemble des tendances fondamentales du processus de mutation sociale globale ; elle est en effet le cadre qui abrite en son sein les différents domaines qui sont appelés à subir des changements. Quelles que soient les différences d’opinion qui existent entre les spécialistes en sociologie, en psychologie, en anthropologie et en information dans la définition de la notion de culture ou de la conception culturelle, ils sont, cependant, unanimes quant à son rôle dans la détermination des différents aspects de la vie de la société et de l’individu et des modes de cette vie. Elle est en d’autres termes cet élément complexe qui détermine les idées, les comportements et les phénomènes sociaux. Elle est, selon l’Imam Khomeyni “le moule qui façonne l’Homme” et “la voie de la réforme de la société” (1), ou selon les termes de Malik Ibn Nabi “Le code indispensable pour la vie en général, avec toute la différence qu’elle comporte au niveau des modes de pensée et toute la diversité sociale qu’elle induit “(2).
La conception islamique se résume de ce fait dans la conception que se fait l’Islam de la vie, ou autrement dit, elle représente ” l’Islam quand il devient la vie même ” selon l’expression consacrée par ” La Stratégie culturelle du Monde islamique “(3).
Cette conception dispose d’un référentiel qui lui garantit sa légitimité, son contenu et sa méthodologie dans l’adaptation de la vie aux exigences de l’Islam. Ce référentiel n’est autre que le saint Coran et la Sunna qui sont le réceptacle des vérités afférentes à la Création et à l’Univers qui constituent une source de connaissance en perpétuel changement. Afin que cette conception puisse atteindre les objectifs assignés et aboutir à l’ultime finalité de construire la vie islamique, la responsabilité de définir son discours moderne et sa méthodologie en a été confiée aux hommes de l’art, c’est-à-dire les docteurs de la loi, les penseurs et les intellectuels musulmans, responsabilité qu’ils doivent assumer en se basant sur des principes scientifiques qui marient authenticité et modernité de manière à ce que l’époque que vivent les nouvelles sociétés soit étroitement liée à l’Islam et à sa conception culturelle.
Cette conception ne peut en effet être définie et remise en question de manière permanente sans l’intervention des esprits libérés des carcans de l’immobilisme et capables d’assimiler la situation et sans une atmosphère où règnent la critique constructive et le dialogue positif suscités par un climat de liberté de pensée équilibrée.
De ce fait, le dialogue et la coexistence dans la conception culturelle islamique sont régis par les valeurs référentielles islamiques indiscutables (Le Saint Coran et la Sunna) dont les valeurs religieuses, rationnelles et morales sont les mêmes valeurs prônées par la religion ou les valeurs universelles de portée générale compatibles avec la religion.
De l’importance du dialogue :
La différence est une règle universelle qui a donné lieu à différents modes de pensée et de comportement et qui a érigé la diversité des opinions et des visions des individus en règle générale, dès lors que l’humanité ne constituait plus une nation seule et unique : “Les gens ne formaient (à l’origine ) qu’une seule communauté, puis ils divergèrent”(4). Cette divergence est due à la différence dans les facteurs héréditaires, l’éducation, la formation, les expériences, les penchants, etc. Il est en réalité inconcevable que deux personnes puissent être parfaitement identiques, comme il est impossible qu’elles soient complètement différentes, la ressemblance et la dissemblance étant des notions relatives. Cela n’implique pas pour autant l’inexistence de la vérité absolue, cette vérité dont l’essence est déterminée par Dieu Tout-Puissant uniquement et par ceux à qui Il confère ce privilège : les prophètes et les anges.
L’innéité (Fitra) est ainsi une voie qui mène vers l’appréhension de la vérité. De même, cette divergence n’implique pas l’égalité dans les droits entre ceux qui divergent dans leur attachement à la vérité. La différence est en fait un référentiel absolu et non le produit de ceux qui divergent. Dieu a dit : “C’est vers Allah qu’est votre retour à tous ; alors Il vous informera de ce en quoi vous divergiez “(5), “Allah apprécie ce en quoi ils divergent”(6), ce qui rend caduque la notion de multiplicité dans le référentiel de divergence en ce qui concerne les musulmans.
Ainsi, intervient le dialogue pour donner à la différence une dimension humaine qui la met dans son cadre naturel et empêche qu’elle ne se transforme en force destructrice. Le dialogue permet en réalité d’en atténuer les aspects négatifs et d’en ressortir les aspects positifs, de manière à ce que la différence soit une bénédiction et une source de bien-être, qui incite à se perfectionner à se remettre en question en permanence. Le dialogue se voit ainsi doté d’un contenu décisif et d’un impact stratégique, dans le but de préserver la stabilité de la vie et de maintenir l’espèce humaine au même degré de raison et de capacité à réfléchir et à choisir dont elle a été dotée par Dieu.
Le dialogue est en fait un moyen de révéler au grand jour les vérités et les choses inconnues, à travers lequel de nombreuses interrogations et problématiques en suspens trouvent leurs réponses. De même, le dialogue peut renforcer les convictions personnelles et permettre de révéler les contrevérités, de les rejeter et de mettre à nu les facteurs et les arguments qui prouvent l’existence de ces contrevérités. En somme, le dialogue permet aux idées et aux décisions d’aboutir à un stade de maturité. S’agissant du domaine culturel, à titre d’exemple, le dialogue développe et approfondit les idées. Il permet d’une part d’exclure les impuretés, l’immobilisme et les errements qui peuvent caractériser ces idées et de conduire d’autre part l’esprit vers des horizons de créativité, de renouveau et de liberté, dans les limites imposées par le référentiel de la différence. Par ailleurs, le dialogue au niveau politique et social remplit le même rôle consistant à faire mûrir les orientations sociales et politiques et à sensibiliser les autres à leur responsabilité et à la prépondérance de la place qu’ils occupent. Le dialogue peut même être considéré, sous certaines de ses formes, comme une méthode de consultation ” shoura ” chez les musulmans.
Le dialogue en Islam est ainsi l’expression d’un patrimoine civilisationnel, puisqu’il a été l’instrument utilisé par les prophètes dans la propagation de leur message et dans la Dawa (prédication). En effet, l’Islam s’est propagé grâce au dialogue, à la bonne parole, à l’argumentation et à la sagesse. C’est le dialogue qui a fait que l’Islam est présent dans les régions les plus reculées du monde, notamment en Afrique, en Asie de l’Est et en Amérique. Ces pays peuplés de millions d’habitants ont accédé à l’Islam grâce au dialogue, l’Islam étant par excellence une religion qui est fondée sur l’argumentation et le rejet des contrevérités par la sagesse : “Par la sagesse et la bonne exhortation appelle les gens au sentier de ton Seigneur. Et discute avec eux de la meilleure façon” (7). Il y a lieu de signaler ici que le dialogue ne constitue pas la seule stratégie de propagation de la religion et de la Dawa, bien qu’elle soit une stratégie fondamentale et le principal recours pour les musulmans dans leurs actions. La stratégie à suivre varie au fait en fonction des positions prises par les autres parties.
Des thèmes du dialogue :
Les thèmes du dialogue islamique varient en fonction des parties concernées, des moyens mobilisés et des thèmes retenus pour ce dialogue. Cette diversité peut être appréciée sous différents angles. Elle peut faire l’objet de typologie en fonction des parties concernées par le dialogue :
– dialogue entre individus (le grand public, l’élite, les ouléma, les penseurs, les académiciens, les intellectuels, etc.) ;
– dialogue entre peuples ;
– dialogue entre communautés ;
– dialogue entre rites religieux ;
– dialogue entre gouvernements (bilatéral ou dans le cadre d’organisations et d’institutions) ;
– dialogue entre religions ;
– dialogue entre civilisations.
A l’aune des moyens mobilisés, les genres de dialogue peuvent être classés comme suit :
– le dialogue direct, entrepris entre les parties concernées en présence du grand public ou à travers les moyens d’information, la télévision, la radio, etc. Il s’agit là d’un dialogue direct et ouvert dénommé en règle générale ” débat “. Quant au dialogue direct et fermé, il se déroule à l’abri des tierces personnes et se limite aux interlocuteurs et à certains observateurs.
– Le dialogue indirect, au moyen de la presse, des missives (correspondances) ou par l’intermédiaire d’une tierce personne.
Sous l’angle du thème ou du sujet auquel le dialogue est consacré, le dialogue peut être classé comme suit :
– le dialogue scientifique (religieux, doctrinal ou portant sur les différentes sciences islamiques, humaines ou sociales ou sur les sciences fondamentales ou expérimentales) ;
– le dialogue politique (qui a trait aux affaires politiques, scientifiques ou théoriques) ;
– le dialogue intellectuel, culturel, social, etc.
En faisant état des différents types de dialogue, nous entendons insister sur le fait que chacun des domaines concernés dispose de sa propre méthode, de ses propres usages, de ses règles et de sa propre méthodologie, ce qui entraîne une certaine différence au niveau des principes scientifiques et méthodologiques retenus. Cependant, les principes religieux, éthiques et humains demeurent le point commun entre ces différents types de dialogues. Le référentiel islamique a insisté, à travers les textes, sur ces principes qui ont fait l’objet des explications et des interprétations des Ouléma et des spécialistes du discours ” Al-Kalam “, du hadith et de la morale, chacun dans une optique et selon une approche scientifique différentes. Cependant, l’évolution vertigineuse dans les modes de vie et les modes de dialogue et de discours ont introduit des valeurs qui sont nouvelles dans leur formulation, mais qui sont loin d’être nouvelles dans leur essence. Ce sont ces valeurs qu’il va falloir découvrir, appréhender et islamiser.
Des composantes du dialogue :
Les composantes essentielles du dialogue sont les parties au dialogue, l’objet, la direction et l’arbitrage, le temps, l’espace, la méthodologie, le mode et les résultats du dialogue. L’analyse détaillée de ces composantes nous permettra de dégager la position qu’adopte l’Islam vis-à-vis de chacune d’elles et qui se fixe pour finalité la réalisation des objectifs impartis au dialogue, tel que l’objectif consistant à rationaliser la différence en mettant en exergue ses aspects positifs et en écartant ses aspects négatifs :
1- Les parties au dialogue : elles doivent répondre tant au niveau personnel qu’objectif à un ensemble de caractéristiques qui sont de nature à réunir les conditions du dialogue, à savoir :
A/ Avoir une volonté égale à entamer le dialogue et disposer des mêmes latitudes pour poser les problèmes. Aucune des parties ne devrait en effet être astreinte à ouvrir le dialogue ni se voir contrainte d’y adhérer sous l’effet des pressions et des menaces de nature sociale ou politique ou sous l’effet des menaces d’emprisonnement, de mort, d’éviction ou d’accusations à tort. Un tel dialogue, quels qu’en soient les résultats, ne revêt aucune valeur scientifique, religieuse ou morale du fait qu’il manque aux règles et aux usages du dialogue réel dans leur plus simple expression, les parties étant loin de disposer des mêmes capacités et des mêmes libertés, car l’une se trouve dans une position de force et de domination et l’autre dans une position de faiblesse et d’oppression. Il existe en effet une grande différence entre le dialogue culturel, intellectuel et politique engagé d’égal à égal et le dialogue entre l’agresseur (militaire, culturel et politique) et le vaincu ou celui qui se cantonne dans des positions de défense. Le dialogue culturel et civilisationnel réel doit se dérouler dans un climat de contact et d’échange culturel, alors que le dialogue imposé par la force perd tout son sens, puisque l’agresseur culturel détruit tous les aspects positifs du dialogue qui peut être noué par ailleurs même dans des conditions de guerre réelle ou culturelle et politique dans le but de convaincre l’adversaire par les arguments, mais à condition toutefois qu’il réponde à la condition d’égalité dans la liberté d’opinion et qu’il ne soit pas à sens unique. L’histoire islamique ne tarit pas à cet égard d’exemples où il a été question d’engager le dialogue pendant la guerre en vue de convaincre l’adversaire par l’argument pour tenter d’éviter aux musulmans les affres de la guerre.
B/ Engager le dialogue en étant armée de savoir et de connaissance, c’est là une condition essentielle pour l’aboutissement objectif du dialogue : “Vous avez bel et bien discuté à propos d’une chose dont vous avez connaissance. Mais pourquoi discutez-vous des choses dont vous n’avez pas connaissance”(8). Le véritable dialogue doit être précédé par la définition de postulats objectifs et se dérouler selon des principes scientifiques, conditions qui ne peuvent être réunies que si les parties au dialogue font du thème objet de dialogue leur domaine de spécialité et en maîtrisent suffisamment les tenants et aboutissants. A cet égard, Dieu Tout Puissant cite l’exemple de ceux qui débattent du sujet de l’existence de Dieu et de l’unicité sans en connaître les rudiments, en disant dans Son Livre Saint : ” Or, il y a des gens qui discutent au sujet d’Allah sans aucune science, ni guide, ni Livre pour les éclairer “(9). Dans de telles conditions, le tort se trouve toujours du côté de la partie qui fait preuve de faiblesse de connaissance et d’ignorance, ce qui pourrait transformer le tort en raison et aurait pour effet de falsifier la réalité et d’influencer faussement les attitudes des gens. D’ailleurs, si la finalité du dialogue est d’aboutir à un résultat ayant un intérêt scientifique, les parties au dialogue se doivent d’être parfaitement instruites dans le domaine qui fait l’objet du dialogue. Al-Ghazali insiste à cet effet sur la nécessité que la partie au dialogue doit, ” si elle est vraiment en quête de vérité, débattre avec ceux qui jouissent d’une parfaite maîtrise du savoir, et ce afin d’en tirer le plus grand bénéfice “(10).
C/ Adopter une conduite correcte, car faire preuve de colère et d’irritation, gesticuler, se comporter avec traîtrise, se glorifier de l’appui apporté par les autres et se détourner de la vérité sont autant de comportements qui ôtent au dialogue toute valeur et le font basculer dans le domaine du conflit. Alors qu’un caractère empreint de sérénité, de prudence, de maîtrise de soi et de flexibilité et en règle générale le tempérament équilibré, ne manquent pas de rehausser le niveau du dialogue, de le mener à bien et de réaliser les meilleurs résultats.
Dieu Tout-Puissant a dit en s’adressant à Son prophète pour illustrer l’importance de cette règle générale de conduite que constituent la flexibilité et la tolérance dans le dialogue avec les autres : “Mais si tu étais rude, au coeur dur, ils se seraient enfuis de ton entourage. Pardonne-leur donc, et implore pour eux le pardon (d’Allah). Et consulte-les.”(11). Dieu ordonne ainsi son prophète paix et salut soient sur lui de consulter ceux-là même qui lui ont porté préjudice après leur avoir pardonné et imploré pour eux le pardon, comme Il a auparavant adressé Son commandement à Moïse et Aaron, paix et salut soient sur eux en ces termes : ” Rendez-vous auprès de Pharaon, car il se comporte en tyran, et adressez-vous à lui avec amabilité, peut-être se rappellera-t-il ou (Me) craindra-t-il.”(12). Dans le même sens, Al-Moufaddal, un des disciples de l’Imam Jaâfar Assadik, paix soit sur lui, a rapporté un événement qui renferme une profonde signification à cet égard : Lors d’une séance de débats avec un hérétique, la discussion a dégénéré au point de provoquer la colère d’Al-Moufaddal, mais l’hérétique lui dit : “Si vous êtes un disciple de Jaâfar Ibn Mohammad Assadik, telle n’est pas la manière dont il s’adresse à nous et dont il nous expose ses arguments. Il a plus écouté (nos arguments) que parlé, et il n’a pas outrepassé les règles de bienséance en s’adressant à nous ni fait preuve d’agressivité. Il s’est en effet comporté en homme magnanime, serein, raisonnable et sage qui ne fait preuve d’aucun excès de tempérament et ne perd pas contenance. Il écoute et prête une oreille attentive à ce que nous avons à dire et prend connaissance de nos arguments, jusqu’à ce que l’on finisse (notre discours) et que l’on croit l’avoir convaincu et vaincu, pour réfuter nos arguments en tenant un discours lapidaire, persuasif et irréfutable et qu’on ne peut rétorquer. Alors, si vous êtes un de ses disciples, adressez-vous à nous comme lui il s’adresse à nous.” (13).
2- L’objet du dialogue : Avant d’entamer le dialogue, il y a lieu de déterminer les points ambigus qui créent le désaccord ainsi que les aspects qui feront l’objet du dialogue, de manière à ce qu’il soit délimité et clair, car il y a risque de se fourvoyer et par conséquent de perdre un temps précieux lorsqu’il s’avère que les parties au dialogue ne discutent pas du même sujet. Cette démarche a été désignée par l’expression “dégagement de l’objet du litige” conasacrée par les anciens Ouléma qui ont souligné la nécessité de circonscrire les dimensions du litige afin que le processus d’argumentation soit fructueux, le diagnostic étant une condition logique puisqu’il n’y a pas lieu qu’il fasse objet d’argumentation(14). Il y a lieu également de faire le tour de tous les aspects liés au sujet, du fait que certains aspects peuvent échapper à l’observation bien qu’ils aient des incidences sur les résultats.
3- Les objectifs du dialogue : La valeur du dialogue réside dans sa finalité même, à savoir aboutir à la vérité, l’appréhender et définir sa forme et son contenu, puisque ” la sagesse est le but ultime du croyant “. Cet objectif donne tout leur sens aux principes d’abstraction, d’intégrité et d’objectivité pendant le dialogue et qui ont été illustrés par le messager de Dieu (PSL) lorsque Dieu dit dans le saint Coran : ” C’est nous ou bien vous qui sommes certes sur la bonne voie ou dans un égarement manifeste”(15). En revanche, le dialogue qui ne se fixe pas un objectif précis ne peut aboutir à un résultat scientifique ou intellectuel et demeure sans valeur et sans aucune utilité. Cette règle s’applique également aux dialogues engagés sur des questions hypothétiques, imaginaires ou n’ayant aucun lien avec la réalité(16). La méthodologie du dialogue varie selon les objectifs qui lui sont assignés. Elle peut en effet être critique, c’est-à-dire insister sur la correction par l’une des parties des pratiques et des idées de l’autre partie au moyen de la formulation de critiques. Mais la critique doit, dans le cadre de ses règles et conditions propres, rester dans les limites légales et raisonnables et conserver l’esprit de liberté, de redressement, d’examen et de critique constructive. Le dialogue peut également prendre la forme particulière de débats dont l’objectif est centré uniquement sur le sujet et qui ne poursuivent pas un but particulier ou objectif et par conséquent ne tendent pas à aboutir à des conclusions convenues à l’avance, sachant que les parties à ce genre de dialogue ne se basent pas dans leurs débats sur des jugements définitifs préétablis. Quant à la controverse, qui est un dialogue argumenté ayant pour but de convaincre l’interlocuteur, elle tend à réfuter les points de vue de l’autre partie pour tenter de la contenir, la rallier et l’éclairer ou pour adresser un message à autrui, attirer son attention et l’éclairer.
4- La direction, le contrôle et l’arbitrage : Cet élément important est indispensable pour améliorer la performance du dialogue et garantir la réalisation de ses objectifs et l’aboutissement à des résultats concrets. La direction ne peut être partie prenante au dialogue. Son rôle se limite à organiser et contrôler le déroulement du dialogue, à veiller à l’égalité des opportunités pour les parties, à contrôler leurs approches et à assurer le rôle d’arbitrage dans des cas précis. Pour remplir ce rôle, cet élément doit répondre à un profil et à des conditions particuliers. Il doit en effet recueillir l’adhésion de l’ensemble des partenaires, faire preuve de neutralité, d’objectivité et d’abstraction, calculer les résultats avec précision et s’abstenir, sauf dans les limites de l’objectivité, de privilégier une partie au détriment de l’autre. Même si cet organe ou certains de ses membres adoptent des idées, des comportements ou des points de vue qui ne correspondent pas à ceux de l’une des parties, ils ne doivent pas pour autant intervenir au niveau de la direction et de l’arbitrage.
5- Le lieu de déroulement du dialogue : il doit être exempt de toute influence qui pèse sur l’une ou l’ensemble des parties ou sur les observateurs. L’atmosphère peut en effet être empreinte de provocation, d’émotion et de cacophonie ou subir l’ascendant des exagérations oratoires, ce qui a pour effet de mettre les parties au dialogue sous l’effet de la conscience collective. Le sait Coran relate à cet effet un exemple de l’atmosphère d’agitation et de provocation suscitée par les mécréants pour influencer le déroulement du dialogue engagé par le prophète, paix soit sur lui, notamment en l’accusant, ô sacrilège, de déraison. Mais le prophète (PSL) les a invités à renoncer à ces agissements afin de renouer les liens du dialogue dans le cadre de la bonne exhortation : “Dis : ” Je vous exhorte seulement à une chose : que pour Allah vous vous leviez, par deux ou isolément, et qu’ensuite vous réfléchissiez. Votre compagnon (Mohammad) n’est pas possédé “”(17).
Nul doute que le progrès technologique a pour sa part apporté, en parallèle aux effets produits par les hommes sur le lieu du dialogue, d’autres effets auditifs et visuels liés à l’éclairage et à l’ingénierie, qui sont de nature à créer un effet particulier plus important et plus pernicieux et à susciter une pression psychologique considérable sur les parties au dialogue, sur l’assistance ou sur les observateurs.
6- Le facteur temps : c’est un élément important quant au choix de l’objet et des objectifs du dialogue. Pour en fixer la période de déroulement, il y a lieu de prendre en considération les circonstances des partenaires aux niveaux social et psychologique et leur disposition à s’engager dans une telle entreprise, ainsi que les effets que le déroulement du dialogue produit sur autrui et l’importance de l’objet du dialogue dans le contexte temporel. L’objet du dialogue peut en effet revêtir à une période précise une importance particulière qui s’estompe avec le temps.
7- La méthodologie du dialogue : il s’agit ici du déroulement du dialogue selon un ensemble de règles générales(18). Le principe de base qui doit présider à la conduite d’un dialogue scientifique réside dans le fait que sa méthodologie doit être claire et préétablie et que ses règles doivent accueillir l’approbation des partenaires afin que cette méthodologie s’impose à tous, tel que cela est illustré dans le verset suivant : “Allez-vous vous disputer avec moi au sujet de noms que vous et vos ancêtres avez donnés, sans qu’Allah n’y fasse descendre la moindre preuve.”(19). Les mécréants ont entendu imposer ces noms comme faisant partie de la méthode du dialogue, alors même qu’ils ne peuvent engager ceux qui n’y croient pas.
Les critères de base de la méthodologie du dialogue scientifique selon la perception culturelle islamique :
A/ Connaissance mutuelle et oeuvre de sensibilisation : On entend par connaissance mutuelle le fait pour chacune des parties de connaître dans une certaine mesure les réalités, les croyances et les opinions de l’autre partie en se basant sur les informations qu’elle lui fournira elle-même et non sur celles fournies par les autres, notamment ses adversaires, afin que toutes les parties soient tenues par les mêmes engagements et qu’elles se prévalent d’arguments solides. Dans le même sens, les parties doivent dévoiler leurs convictions et leurs points de vue. Dans ce cadre, intervient le principe de sensibilisation. L’Islam est en effet une religion fondée sur la sensibilisation et l’éducation. Partant de sa tendance réaliste et originelle, l’Islam prescrit l’obligation de sensibiliser toute personne avant de tenter de la rallier ou toute société que l’on souhaite qu’elle soit profondément imprégnée des valeurs de l’Islam. C’est en effet un acte par lequel l’Islam dévoile volontiers ses valeurs, car elles ne tardent pas à se révéler au grand jour à tout le monde. D’où le refus de l’Islam de la simulation dans la religion et de la conversion forcée. L’Islam invite ses adeptes à être forts et à agir en connaissance de cause et avec sagesse. C’est ainsi qu’il commande aux musulmans dans le cadre des rapports avec les autres de tenir avant tout un discours clair et transparent(20) : ” Et qui profère plus belles paroles que celui qui appelle à Allah, fait bonne oeuvre et dis : ” je suis du nombre des musulmans “,(21) “Dis : Voici ma voie, j’appelle les gens à (la religion) d’Allah, moi et ceux qui me suivent, nous basant en cela sur une preuve évidente”(22). S’agissant du dialogue avec les non musulmans, il y a lieu d’exposer en premier lieu les réalités et les principes de base du message, avec, à l’appui, les arguments et les preuves mis en évidence dans un cadre d’une discussion logique et bienséante(23). Les livres du Hadith nous enseignent que le prophète, paix sur lui, s’est adressé en ces termes à l’Imam Ali, paix sur lui, lorsqu’il l’a envoyé au Yémen : “Ô Ali, ne livre combat à aucune personne que tu auras exhortée à se convertir à l’Islam. Que Dieu, Tout Puissant, fasse guider un homme à la voie du salut par ton truchement serait plus bénéfique que la conversion éphémère d’une personne à l’Islam”(24).
B/ La clarté : c’est-à-dire user d’une bonne méthodologie de manière claire, exempte d’ambiguïté, d’équivoque et de tromperie et distinguer le vrai d’avec le faux, même si le contraire, la fin justifiant les moyens, aurait pour effet d’accéder à la vérité. Al-Imam Assadik, paix soit sur lui, dit : ” Gardez-vous de mêler le vrai et le faux, car un tant soit peu de vérité est bien plus efficace qu’une masse de contrevérités “. Parmi les méthodes qui rendent un dialogue ambigu figure celle précisée par Al-Imam Aljouini à savoir : “Tromper l’interlocuteur pour le détourner de son objectif et imprimer le caractère d’invraisemblance à son discours “(25). Cela outre la volonté d’induire en erreur et de polémiquer.
C/ L’objectivité : Elle consiste essentiellement pendant le dialogue à faire preuve de neutralité, à éviter les accès de colère, à écarter les certitudes préconçues, les attitudes préalables et les préjugés. En effet, bien que les parties soient absolument attachées à leurs convictions et à leurs opinions, faire preuve de neutralité aura pour effet de créer une atmosphère de sérénité qui permet d’aboutir à la vérité, quelle qu’elle soit, celle-ci étant l’ultime objectif du dialogue. Cet esprit est illustré par le prophète, Paix soit sur lui, en s’adressant aux chrétiens en ces termes : “C’est nous ou bien vous qui sommes sur une bonne voie, ou dans un égarement manifeste”(26). Cet appel fournit l’exemple de la parfaite neutralité et la disposition à accepter les résultats du dialogue, quels qu’ils soient et où qu’ils soient conduits, cela malgré la foi inébranlable du prophète en la véracité de ses croyances. Exposant les conditions du dialogue, Al-Fayd Al-Kashani précise que ” le fait de chercher à tout prix la vérité, d’y aboutir quels que soient les moyens utilisés et de révéler l’exactitude des positions et des opinions exprimées et démontrer la richesse du savoir, sont autant d’artifices blâmables.”, ajoutant que l’interlocuteur doit ” constamment être à la recherche de la vérité et exprimer sa gratitude s’il y aboutit, abstraction faite de celui qui l’a révélée. Il considère son partenaire comme assistant plutôt qu’un adversaire, à qui il exprime sa gratitude s’il lui montre son erreur et révèle la vérité”(27). C’est là la preuve de l’incompatibilité du principe d’objectivité avec la tendance à étaler pendant le dialogue les habiletés scientifiques, à démontrer les capacités à argumenter et à diminuer l’adversaire.
L’objectivité dans le dialogue veut que toute idée ou opinion soit étayée par des preuves qui établissent sa véracité : “Dis: exposez vos preuves, si vous êtes véridiques”(28). Le principe d’objectivité est également conditionné par l’attachement aux vérités et aux idées dont le partenaire est convaincu et par leur exploitation en tant qu’arguments conformément à la règle qui dit : “qu’ils soient tenus (par les règles) qu’ils se sont fixées eux-mêmes “, les arguments ne devant pas être déduits de l’idée que se fait l’interlocuteur de l’autre ou des informations colportées par les adversaires ou les ennemis. Cette condition vient bien entendu en complément au principe de connaissance mutuelle exposé plus haut.
E/ La mise en évidence des points communs : Il y a lieu, au début, de mettre en évidence les réalités et les fondements communs aux parties au dialogue, afin qu’ils constituent une norme et un point de départ pour aboutir à des réalités universelles : “Ô gens du Livre, venez à une parole commune entre nous et vous “(29).
8/ Méthode du dialogue : Il s’agit ici de l’éthique du dialogue et de la conduite des parties au dialogue. Nous avons exposé plus haut certaines conditions liées à la conduite et qui doivent être réunies dans le dialogue, telles que la flexibilité, la retenue, le tempérament mesuré, etc. ainsi que l’ouverture d’esprit calculée vis-à-vis de l’autre et l’engagement du dialogue dans le respect de ses sentiments et convictions et en empruntant la voie de la sagesse et de la bonne exhortation. Ces principes sont suffisants en eux-mêmes pour donner une bonne impression sur la personnalité de l’interlocuteur et sur la nature de ses objectifs et convictions. En revanche, les manières réprouvées, telles que la provocation, l’agitation, la gesticulation, l’agressivité, la colère, l’arrogance, la tromperie et la raillerie sont à exclure des comportement pendant le dialogue et sont interdites par l’Islam : “Et ne discutez que de la meilleure façon avec le gens du Livre”(30) et à plus forte raison lorsqu’il s’agit de dialogue entre musulmans. Le dialogue selon la perception islamique exclut l’agressivité et l’injure compte tenu des conséquences fâcheuses qu’elles entraînent. Dieu dit : “N’injuriez pas ceux qu’ils invoquent, en dehors d’Allah, car ils injurieraient Allah dans leur ignorance”(31).
Dans ce même sens intervient des comportements nuisibles tels que les accusations, la calomnie, l’accusation d’hérésie et d’apostasie, le fait de proférer des menaces d’excommunication, sans pour autant examiner tous les aspects de la question et sans la considérer sous l’angle du dogme islamique et du fikh – l’apostasie et l’excommunication obéissent à des critères et des règles précis qui ont été examinés minutieusement par le fikh islamique – de manière à éviter de dénigrer les droits des autres et de les priver de leurs droits sociaux et humains. Les jugements hâtifs prononcés pour créer une atmosphère subjective sont en contradiction manifeste avec la perception islamique du dialogue, d’autant plus que ces pratiques (notamment les menaces de représailles ou de privation de droits sociaux et l’accusation infondée d’apostasie) aboutissent à une situation inverse caractérisée par des réactions violentes contre la religion, tel que cela fut le cas avec l’Eglise dont les pratiques pendant le moyen âge en Europe a donné lieu à des vagues déferlantes d’athéisme, de déviation, de laïcité et d’extrémisme.
Par ailleurs, l’Islam exhorte à interrompre le dialogue lorsque l’autre partie outrepasse les bons usages et l’éthique du dialogue en ayant recours par exemple à la persécution, aux menaces, à la calomnie et à la plaisanterie : “Voilà ceux dont Allah sait ce qu’ils ont dans leurs cœurs, ignore-les donc”(32), ou bien en s’obstinant à rejeter les arguments même s’ils sont irréfutables : “et nous ne sommes pas disposés à abandonner nos divinités sur ta parole, et nous n’avons pas foi en toi “(33). C’est alors que le dialogue devient absurde, vain et infructueux, comme cela est illustré par le Saint Coran à l’occasion du dialogue du prophète, paix soit sur lui, avec les infidèles : “Mais certes, les infidèles ne croient pas, cela leur est égal, que tu les avertisses ou non : ils ne croient jamais. Allah a scellé leurs cœurs et leurs oreilles; et un voile épais leur couvre la vue”(34).
Il y a lieu par ailleurs que les parties au dialogue conviennent d’un langage de dialogue commun(35) qui soit d’un certain niveau scientifique et intellectuel, afin que s’instaure une parité au niveau de la communication, tel que cela est illustré par le hadith suivant : ” Nous, communauté des prophètes, sommes ordonnés de nous adresser aux gens en fonction de leurs capacités mentales “. En réalité, le langage de dialogue islamique contemporain doit être empreint d’un discours islamique nouveau et évolué, car à chaque étape son propre discours, son langage et ses moyens techniques destinés à faire aboutir le dialogue, sans pour autant se départir des règles constantes du dialogue en Islam. Ce renouveau illustre la dynamique de l’Islam et sa capacité absolue d’assimiler les impératifs dictés par les facteurs temps et espace.
9/ Les résultats du dialogue : Il s’agit ici des réalités et des nouvelles donnes issues du dialogue qui traduisent la supériorité, la victoire ou l’acquittement de l’une des parties et qui font que l’autre partie se réduit à changer partiellement ou totalement d’opinion, à remettre en question ses opinions et ses croyances évincés et à revoir ses méthodes et ses discours. Le dialogue peut, par ailleurs, aboutir à une situation de compréhension mutuelle mettant les parties sur le même pied d’égalité ou les menant à trouver un nouveau terrain d’entente. Mais il est indispensable que toutes les parties au dialogue acceptent les résultats issus du dialogue quelles qu’elles soient et ne s’obstinent pas à rester dans l’erreur. Le rôle de l’organe de direction et d’arbitrage sera à cet égard prépondérant dans l’évaluation des résultats en usant des procédés objectifs cités plus haut.
Il serait à ce stade opportun d’exposer l’expérience de la République islamique d’Iran dans le domaine du dialogue qui est du reste riche à bien des égards. En effet, la République islamique a réussi à faire adopter par les Nations Unies un projet tendant à faire de l’année 2001 l’année du dialogue entre les civilisations, illustrant ainsi la maturité de l’expérience de dialogue qu’elle a capitalisée. Dans ce sens, un centre scientifique spécialisé a été mis en place pour contribuer à mettre en oeuvre le projet du dialogue entre les civilisations. La République islamique avait auparavant mis en avant plusieurs autres projets inédits qui se sont progressivement transformés en institutions et en organes efficients. Parmi ces projets figure le projet de dialogue entre les doctrines islamiques qui a entrepris ses activités depuis le début des années quatre-vingt et qui s’est transformé en Académie mondiale pour le rapprochement entre les doctrines islamiques, la Conférence mondiale annuelle de la pensée islamique et le projet de dialogue entre les civilisations doté d’un secrétariat général permanent qui tient des rencontres et des conférences périodiques. S’agissant de la situation interne de la République, le dialogue permanent et les débats entre groupements politiques et entre courants de pensée et de culture au niveau des moyens d’information, la presse ou les rassemblements et les colloques est le principal animateur de la scène iranienne. En effet, le mécanisme de dialogue instauré dès le début par la révolution islamique iranienne a contribué dans une large mesure à révéler les aspects négatifs et à considérer les problèmes et les obstacles d’un angle objectif et réaliste. Le dialogue et les critiques constructives marquent la manière dont les questions sont traitées d’une flexibilité certaine donnant lieu à des solutions qui interviennent dans le respect de tous les avis.
De la coexistence dans la perception islamique :
Dans un contexte de diversité, la coexistence basée sur le pluralisme telle que prônée par l’Islam constitue l’unique voie à même de prévenir les problèmes issus des conflits et des antagonismes au niveau des visions, des idées et des croyances. La coexistence n’implique pas toutefois l’adoption d’un système de pensée unique et de comportement qui réduit tout le monde au même dénominateur commun. Elle implique encore moins le renoncement au droit ou sa répartition à parts égales entre les partenaires vivant sous le principe de coexistence, conformément à la notion occidentale de pluralisme. Bien au contraire, la coexistence signifie que chaque partie doit conserver son propre statut et exercer ses activités religieuses, confessionnelles, intellectuelles ou politiques dans le cadre éclairé et codifié des droits et libertés publiques garanties par l’Islam qui interdisent à toute partie de spolier les droits d’autrui et de porter préjudice à l’ordre de la société, quel que soit le degré du pouvoir qu’elle détient. Le parfait exemple de la coexistence est illustré par la vie dans la cité, sous l’égide de l’Etat islamique, où juifs, chrétiens et musulmans coexistaient en toute sécurité, où les Abyssins, les Romains et les Persans jouissaient de leurs droits de citoyens au même titre que les populations arabes et où coexistaient réfugiés (Al-Mouhajiroun) et partisans (Al-Ansar), les membres de la tribu Aouss et ceux de la tribu Khazraj. La cité islamique abritait même les adeptes des courants de pensée et de politique qui représentaient l’opposition en quelque sorte, et à leur tête le courant des hypocrites (mounafiquoun) et des infidèles : ” Dis : Ô vous les infidèles ! Je n’adore point ce que vous adorez. Et vous n’êtes pas adorateurs de ce que j’adore. Je n’adorerai point ce que vous adorez. Et vous n’adorerez point ce que j’adore. A vous votre religion, et à moi ma religion”(36). Toutes les communautés étaient au fait de leurs droits et obligations et les exerçaient dans les limites tracées par l’Islam.
La perception islamique en matière de coexistence est fondée sur deux principes fondamentaux :
1- L’intérêt supérieur de l’Islam tel qu’il est défini par la réalité.
2- Les liens et l’indulgence humains et les principes de moralité.
La législation islamique s’inspire largement de ces deux principes qui constituent les sources les plus importantes de la législation islamique dans tous les domaines. S’agissant des éléments fondamentaux qui déterminent la nature des rapports entre les musulmans et les non-musulmans, on peut en citer les plus déterminants à savoir :
1- Le principe de nation (Oumma) modèle : Le Saint Coran qualifie la Oumma islamique de oumma modérée servant de modèle parfait pour l’Homme. Ce principe a pour effet d’inciter à oeuvrer dans le sens de la pérfection, à progresser dans tous les domaines et à tirer avantage des expériences des autres, c’est-à-dire faire preuve d’ouverture dans tous les domaines de la vie et être porteur d’une mission humaine et civilisationnelle majeure.
2- L’idée de principe : c’est-à-dire deux genres de coexistence : la coexistence entre les croyants fondée sur la fraternité et l’égalité entre les individus et la coexistence avec les autres dont la nature est fonction du degré de leur attachement au principe islamique qui détermine le type de coexistence : amicale, solide ou traversée de tensions.
3- Le principe de prééminence des croyants : c’est-à-dire considérer tout comportement ou tout accord impliquant la supériorité des infidèles au détriment des croyants comme nuls et non avenus : “Allah ne donnera point une voie aux mécréants contre les croyants”(37). Il s’agit ici d’une règle importante dans la détermination des deux principes cités ci-dessus et qui ne traduit pas une certaine arrogance mais doit être appliquée dans le respect des critères humains.
4- La sensibilisation et la Dawa : la coexistence n’implique pas le renonciation à la sensibilisation et à la Dawa islamique. La coexistence équilibrée et les rapports normaux entre les différentes catégories de la société présupposent que l’action de sensibilisation doit être menée en usant de sagesse, en prêchant la bonne parole et en tissant les liens du dialogue de la meilleure manière : “Appelle donc (les gens) à cela ; reste droit comme Il t’a commandé et ne suis pas leurs passions “(38).
5- L’équité : ce principe constitue le fondement de la perception islamique de la réalité et un facteur essentiel dans le comportement dans la société : “Ô croyants! Observez strictement les règles de l’équité et soyez des témoins (véridiques) comme Allah l’ordonne”(39). “Et que la haine pour un peuple ne vous incite pas à être inéquitables. Soyez équitables, car l’équité est plus apparentée à la piété”(40). Ce dernier verset exprime sans aucun doute avec précision l’importance de l’équité dans l’équation de la coexistence, même dans les situations de tension qui peuvent inciter à outrepasser les règles d’équité. Le traitement de musulmans réservé aux non musulmans nous révèle en effet la dimension humaine du principe d’équité qui a fait que l’Islam se met du côté des opprimés et des déshérités où qu’ils soient.
6- Le principe de raffermissement des liens (instauration de la zakate au profit des personnes nouvellement converties à l’Islam) : lorsque règne un climat de rapprochement des liens, les esprits sont plus prompts à appréhender la vérité et à s’approcher de la réalité. Le fait d’instaurer la zakate au profit des personnes nouvellement converties ou enclines à se convertir à l’Islam (Almouallafati Qouloubouhoum) a incité à protéger les déshérités, à les défendre et à les engager à embrasser l’Islam et ce, dans le souci de préserver les intérêts supérieurs de l’Islam et d’approfondir les liens de coexistence entre les différentes tendances de la société.
7- Le respect des engagements : c’est-à-dire respecter tous les traités et les accords passés entre les musulmans et les non musulmans : “Et respectez vos engagements, car vous êtes comptables de vos engagements”(41). Certains de ces accords ont été fixés et codifiés par l’Islam, tels que les trêves et les accords de non-agression, alors que d’autres demeurent, lorsqu’ils sont de nature à préserver les intérêts supérieurs de l’Islam, à la discrétion des gouvernants, tels que les accords économiques, militaires, etc.
8- Le principe de réciprocité : il s’agit des principes de parité dans le traitement : le bien rendu par le bien et le mal par le mal. Ce sont deux principes admis par la logique et le comportement au niveau de l’individu et de la société(42), et dont l’objectif est de repousser les agressions et de s’attacher la sympathie d’autrui : “Le Mois sacré pour le mois sacré ! La loi du talion s’applique à toute chose sacrée, donc quiconque vous agresse, rendez-lui la pareille”(43), d’où la règle de réciprocité : ” Allah ne vous défend pas d’être bienveillants et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattu pour la religion et ne vous ont pas chassés de vos demeures “(44).
L’expérience capitalisée en matière de coexistence par la République islamique d’Iran est sans doute l’une des plus importantes sur le plan de la pratique, du fait du caractère pluraliste à bien des égards de l’Iran qui abrite les adeptes de trois religions (le Christianisme, le Judaïsme et le zoroastrisme) vivant en bonne intelligence avec les musulmans ainsi que six communautés (les Persans, les Arabes, les Kurdes, les Turkmènes, les Balouchis) et cinq rites islamiques, outre les communautés et les courants de pensée et politiques qui se sont tous soumis aux règles de la consultation (Shoura) et de la coexistence. C’est en effet une expérience qui mérite d’être étudiée et de faire constamment l’objet de réexamen.
Notes
(*) Président de la Ligue de la culture et des relations islamiques en République islamique d’Iran.
- (1) Les visions culturelles du Imam Khomeyni, élaboré par Kabrasdi.
- (2) Malik Ibn Nabi, Les conditions de la renaissance, p. 130.
- (3) Elaborée par l’Organisation Islamique pour l’Education, les Sciences et la Culture en collaboration avec le Secrétariat général de l’Organisation de la Conférence Islamique et adoptée par la sixième Conférence du Sommet islamique en 1991.
- (1) Sourate de Younès, Verset 19
- (1) Sourate Al-Maida, Verset 48.
- (2) Sourate Al-Zomor, Verset 3.
- (1) Sourate Al-Nahl, verset 125.
- (1) Sourate Al-Imrane, verset 66.
- (1) Sourate Al-Haj, Verset 8.
- (2) Al-Fayd Al-Kashani : Almahaja albayda fi Ihyaa Ouloum Addin Lilghazali, Jass (La voie du salut dans l’interprétation de l’ouvrage d’Al-Ghazali : le renouveau des sciences de la religion).
- (3) Sourate Al-Imrane, versets 158 et 159.
- (4) Sourate Taha, Versets 23 et 24.
- (1) Le livre d’Attaouhid (l’unicité) – Voir également dans le domaine du bon usage en matière de controverses et de débats les faits rapportés sur le Prophète (PSL) et sa famille dans le livre d’alihtijaj de Toubroussi (l’art de l’argumentation).
- (2) Voir Al-Jouini, Al-Kafiah, p. 540 et Saâdi, Lexique de la Charia, Tome 3, p. 6.
- (1) Sourate Sabaa, Verset 24.
- (2) Al-Ghazali dit que les controverses doivent porter sur ” un fait important ou un événement réalisable “, Voir Al-Mahaja Al-Baydaa, Tome 1, p. 100.
- (1) Sourate Sabaa, Verset 46.
- (2) Voir : Assihah Fi Allogha Walouloum (Mouajam wassit), entrée ” Nahaja “.
- (1) Sourate Al-Aaraf, verset 71.
- (2) Du même auteur, Les fondements du régime islamique, p. 127.
- (3) Sourate Foussilat, verset 33.
- (4) Sourate de Youssif, verset 108.
- (5) Assayid Mohammad Baquir Assadr, Notre économie, Tome 1, p. 275.
- (1) Hadith rapporté par Al-Horr Al-Amili dans Alwasail, Tome 11, p. 30.
- (2) Aljouini, Alkafiah, pp. 522 et 539.
- (3) Sourate Sabaa, verset 24.
- (1) Al-Mahaja Al-Baydaa, Tome 1, pages 99 et 100 et Ihyaa Ouloum Addine, Tome 1, p. 13.
- (2) Sourate Al-Baqara, verset 111.
- (3) Sourate Al-Imrane, verset 64.
- (1) Sourate Al-Ankabout, verset 46.
- (2) Sourate Al-Anaam, verset 108.
- (3) Sourate Annisaa, verset 63.
- (4) Sourate Houd, verset 53.
- (5) Sourate Al-Baqara, versets 6 et 7.
- (6) (1) On entend par langage l’aspect technique du langage ou du discours, tel que l’usage de termes de spécialité, l’exploitation du registre scientifique dans la formulation de l’opinion et de certaines connaissances et sciences de spécialité que la partie adverse ne maîtriserai pas nécessairement, ce qui donne lieu à un dialogue de sourds.
- (7) (1) Sourate Al-Kafiroun.
- (8) (2) Sourate Annisaa, verset 141.
- (9) (1) Sourate Achoura, verset 15.
- (10) (2) Sourate Annisaa, verset 135.
- (11) (3) Sourate Almaida, verset 8.
- (12) (1) Sourate Al-Israa, verset 34.
- (13) (2) Voir pour le même auteur, Les fondements du régime islamique, pp. 123-134.
- (14) (3) Sourate Al-Baqara, verset 194.
- (15) (4) Sourate Al-Moumtahana, verset 8.