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Écrit par L’Allameh Seyed Mohammad Hossein Tabatabaï
Muawiya avait transformé le califat islamique en une monarchie despotique et héréditaire, et il avait désigné son fils, Yazid, comme son successeur.
Or, Yazid n’avait aucune qualité religieuse – ni même en apparence– et se comportait comme un hypocrite. En réalité, le fils de Muawiya passait le clair de son temps à s’amuser avec la musique, boire du vin, s’occuper des femmes et regarder les jongleurs faisant danser les singes. Yazid n’avait aucun respect pour les principes et les lois de la religion. En outre, il n’avait aucune croyance en Dieu ou en la religion. Selon les récits historiques, le jour où la caravane des prisonniers de la sainte famille du Prophète, l’Ahlul-Bayt _que le salut de Dieu soit sur eux_ et des têtes coupées des martyrs de Karbala, est arrivée à Damas, le siège des Omeyyades, Yazid et les siens étaient sortis de leur palais, pour regarder les prisonniers. Alors Yazid a entendu le bruit des corbeaux, et il a dit :
نعب الغراب فقلت قل او لا تقل
فقد اقتضيت من الرسول ديونى
Quand ses hommes ont conduit auprès de lui les prisonniers de l’Ahlul-Bayt et la tête coupée du vénéré Imam Hossein, le prince des martyrs _ que Dieu le bénisse_, Yazid a dit :
لعبت هاشم بالملك فلا
خبر جاء و لا وحى نزل
Le règne de Yazid était, en réalité, la continuation des politiques de son père, Muawiya. Par conséquent, ce qu’il entendait faire avec l’Islam et avec les Musulmans, était tout à fait évident. En outre, il était clair, dès le départ, que la politique de Yazid, comme celle de son père, consistait à essayer de couper les liens entre les membres de la sainte famille du Prophète, et les musulmans, surtout leurs amis, c’est-à-dire les Chiites, afin de jeter aux oubliettes le nom de l’Ahlul-Bayt.
Dans un tel contexte, aux yeux de Yazid et des Omeyyades, la voie la plus efficace, et d’ailleurs la seule, qui existait pour entraîner la chute définitive des descendants du vénéré Prophète de l’Islam, et pour mettre fin au chemin de la justesse et de la vérité, consistait à obliger le vénéré Imam Hossein, le prince des martyrs, à prêter un serment d’allégeance avec Yazid, reconnaissant ainsi son statut, en tant que calife et successeur du vénéré Prophète de l’Islam (que la paix divine soit sur lui et sur ses proches).
Le vénéré Imam Hossein _béni soit-il_ et l’idée d’allégeance à Yazid :
En tant que le vrai guide des musulmans, le vénéré Imam Hossein ne pouvait pas accepter l’idée de prêter un serment d’allégeance à Yazid. En réalité, il savait parfaitement qu’en franchissant un tel pas, il bafouerait la vérité et la religion. Ceci étant dit, le vénéré Imam Hossein n’avait d’autre choix que de refuser l’allégeance à Zazid, car c’était la chose que Dieu lui demandait.
Les conséquences du refus de l’allégeance à Yazid :
Cependant, le refus de prêter le serment d’allégeance avec Yazid aurait de lourdes conséquences amères et tragiques. En réalité, Yazid était le représentant d’un immense pouvoir effrayant et intense, et il avait déployé tous ses moyens pour obtenir ou bien l’allégeance du vénéré Imam Hossein _béni soit-il_ ou bien sa tête. Yazid n’avait admis aucune autre solution intermédiaire. Par conséquent, il était clair, dès le début, qu’en refusant de prêter un serment d’allégeance à Yazid, l’Imam Hossein, le prince des martyrs, risquerait sa vie.
En donnant la priorité aux intérêts de l’Islam et des musulmans, le prince des martyrs a définitivement décidé d’insister sur le refus de prêter le serment demandé par Yazid, en préférant la mort à une telle vie. En réalité, il savait que son devoir envers le Seigneur consistait à faire ce choix difficile : rejeter le serment d’allégeance et être martyrisé. Certains récits nous relatent que le vénéré Imam Hossein avait vu dans son rêve, le vénéré Messager de Dieu, lui disant : « Dieu veut voir ton martyr dans le chemin de l’islam. » En effet, à ceux qui lui demandaient de ne pas se soulever contre Yazid, le vénéré Prince des martyrs avait répondu : « Dieu veut me voir martyrisé dans son chemin. » En tout état de cause, ce qui est en jeu ici, c’est la providence divine, c’est-à-dire le sage gouvernement de Dieu. Mais ici, cette providence intervient sous sa forme législative, et non pas sous sa forme créative. Car, comme nous l’avons déjà démontré, la providence créative de Dieu n’intervient pas directement dans ce qui est lié à la volonté et aux actions des créatures.
Préférer la mort à la vie :
Oui, le Prince des martyrs était fermement décidé à refuser la prestation de l’allégeance à Yazid, et par conséquent, d’être tué, en préférant la mort à la vie. D’ailleurs, le cours des événements a montré plus tard qu’il avait entièrement raison dans son choix. En réalité, le martyre, les supplices et l’oppression qu’il a subis ont prouvé la justesse des descendants du vénéré Prophète, l’ l’Ahlul-Bayt. Par ailleurs, après le martyre du vénéré Imam Hossein, les soulèvements et les conflits ont duré pendant douze ans. Après cette période difficile, la situation a changé : la maison du vénéré Imam Baqer _béni soit-il_ qui était inconnue de tout le monde, est devenue le centre des rassemblements des chiites, venant de différents territoires islamiques pour le rencontrer. Le nombre des Chiites a augmenté de jour en jour, car les gens avaient de plus en plus pris conscience de la justesse de l’Ahlul-Bayt _que la paix soit avec eux_. La lumière de l’Ahlul-Bayt se propageait dans les quatre coins du monde, et les populations comprenaient que les descendants infaillibles du Prophète étaient soumis à une oppression injuste. Certes, le vénéré Imam Hossein _béni soit-il_ a été le pionnier de cette voie. Une comparaison entre la situation de la sainte famille du prophète à l’époque du martyre du vénéré Imam Hossein, et la situation de l’Ahlul-Bayt, quatorze siècle après le martyre de l’Imam Hossein, nous prouve que le Prince des martyrs avait exactement fait le bon choix. Selon certains récits, le vénéré Imam Hossein avait dit :
و ما ان طبنا جبن و لكن
منايانا و دولة آخرينا
C’est la raison pour laquelle, Muawiya avait conseillé à son fils Yazid de ne pas trop insister, au cas où le vénéré Imam Hossein refuserait de lui prêter le serment d’allégeance. Il avait demandé à son fils de ne pas obliger l’Imam Hossein de lui prêter son allégeance. Certes, ce conseil de Muawiya ne provenait pas de sa sympathie pour l’Imam Hossein, mais des discernements politiques, car il savait que le vénéré Hossein, fils de l’Imam Ali, n’accepterait pas de donner son allégeance à Yazid. Il savait que si l’Imam Hossein était tué par les Omeyyades, ce serait très préjudiciable pour le pouvoir omeyyade, et en même temps, cela serait le meilleur moyen de propagande et du progrès pour l’Ahlul-Bayt _que la paix soit avec eux_.
Les indices donnés par l’Imam Hossein à propos de sa mission :
Le vénéré Prince des martyrs connaissait parfaitement la nature de sa mission divine de refuser de prêter son allégeance à Yazid. En outre, il connaissait mieux que quiconque la puissance irrésistible des Omeyyades, ainsi que l’esprit et la mentalité de Yazid. Il savait donc que son refus de prêter l’allégeance à Yazid finirait par causer sa mort par les soldats de Yazid. Le vénéré Imam Hossein _béni soit-il_ savait que pour accomplir sa mission divine, il devait être prêt à mourir. Dans ses propos, le vénéré Imam Hossein a donné donc des indices qui montrent cette prise de conscience.
A titre d’exemple, au gouverneur de Médine, qui lui avait demandé de prêter serment d’allégeance à Yazid, le vénéré Prince des martyrs avait dit : « Un homme comme moi ne prêtera pas son allégeance à un homme comme Yazid. »
La nuit où il quittait Médine, il a cité un hadith de son grand-père, le vénéré Prophète, qui lui avait dit dans son rêve : « Dieu veut te voir martyrisé (en accomplissant ton devoir divin, dans le chemin de l’islam) ».
Plus tard, quand le vénéré Imam Hossein quittait la ville sainte de la Mecque, il a prononcé un sermon, et en réponse aux gens qui voulaient le dissuader de quitter la Mecque pour l’Irak, il a répété ce qu’il avait dit au gouverneur de Médine.
Sur sa route vers l’Irak, de nombreuses personnalités arabes de différentes villes lui ont demandé de ne pas se rendre à Koufa, au risque d’être tué par les soldats de Yazid. Le vénéré Imam Hossein leur a répondu : « Cette vérité ne m’est pas cachée, mais ils ne me laisseront pas tranquille. Où que j’aille et où que je sois, ils me chercheront et me tueront. »
Certains de ces récits ne sont peut-être pas assez fortement confirmés par les documents historiques, mais dans tous les cas, il faut admettre que la situation qui prévalait à l’époque, et l’analyse du contexte historique du mouvement du Prince des Martyrs, confirme en général leur contenu.
Les changements tactiques de l’Imam Hossein, pendant les différentes étapes de son mouvement d’insurrection :
Lorsque nous disons que le martyre était la finalité de la révolte de l’Imam Hossein _béni soit-il_ et que Dieu voulait son martyre, cela ne signifie pas du tout que le Seigneur lui avait demandé de refuser de prêter son serment d’allégeance à Yazid, et de se croiser ensuite les bras pour permettre aux soldats de Yazid de l’assassiner. En réalité, si le vénéré Imam Hossein avait entrepris une telle démarche, nous n’aurions pas pu dire aujourd’hui qu’il s’était révolté contre l’injustice.
Par contre, la mission divine du vénéré Imam Hossein consistait à se soulever activement contre le néfaste califat de Yazid, à refuser de lui prêter son allégeance – ce qui aboutirait certainement à son martyre – et à utiliser tous les moyens possibles pour faire avancer ce mouvement de révolte.
En réalité, nous pouvons voir clairement qu’aux différentes étapes de son mouvement, et en fonction de la situation et des évolutions, le vénéré Imam Hossein _béni soit-il_ adoptaient des méthodes et des tactiques différentes :
Au début de son soulèvement, lorsqu’il se trouvait sous les pressions intenses du gouverneur de la ville de Médine, le vénéré Imam Hossein a préféré quitter cette ville pour se rendre à la Mecque, qui était selon la religion l’endroit le plus sûr pour tous les musulmans. Ainsi, l’Imam et les siens ont passé plusieurs mois dans la ville sainte de la Mecque.
Mais pendant son séjour à la Mecque, le vénéré Imam Hossein a été constamment sous la surveillance des agents secrets du calife omeyyade. Ces derniers avaient décidé d’envoyer un groupe de leurs mercenaires à la Mecque pendant les cérémonies du pèlerinage annuel, le hadj, pour assassiner l’Imam Hossein, ou de l’arrêter et l’expédier vers Damas. Dans le même temps, le vénéré Imam Hossein recevait des milliers de lettres de la part des habitants de la ville de Koufa en Irak, lui promettant leur soutien. Après avoir reçu la dernière lettre de soutien de la part des habitants de Koufa, qui constituait en quelque sorte l’annonce d’un soutien total – ce qui est d’ailleurs confirmé par les historiens – le vénéré Imam Hossein a décidé de se mettre en route et d’entamer son mouvement d’insurrection, qui l’a conduit finalement vers le martyre.
En tant que dernier argument, le vénéré Prince des martyrs a envoyé son cousin, Moslem ibn Aqil, à Koufa. Quelque temps plus tard, l’Imam Hossein a reçu une lettre de Moslem ibn Aqil, confirmant que la situation de Koufa était favorable à ce que le soulèvement soit poursuivi et développé dans cette ville.
Ces deux facteurs c’est-à-dire l’arrivée des agents secrets de Damas à la Mecque pour assassiner ou arrêter l’Imam Hossein, malgré le respect de la Maison de Dieu en tant d’endroit sûr, et la situation favorable de Koufa pour le soulèvement contre les Omeyyades, ont favorisé la décision du vénéré Imam Hossein pour se rendre finalement à Koufa, en Irak.
Le vénéré Imam Hossein était sur la route vers l’Irak, lorsqu’il a reçu la nouvelle de l’assassinat violent et brutal de Moslem ibn Aqil et de Hani, à Koufa. A partir de ce moment, il a décidé de changer de tactique pour remplacer son mouvement offensif par un mouvement défensif. C’est la raison pour laquelle il a décidé de demander aux gens qui l’accompagnaient de le quitter et de renter chez eux, et il n’a gardé que ceux qui voulaient rester à tout prix avec lui pour le soutenir, en sacrifiant la dernière goutte de leur sang.