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– Soldats de Yazid! Je suis venu vous demander si vous me connaissez.
L’Imam al-Hussein, qui avait revêtu la tunique et le turban de son grand-père, le Messager de Dieu, faisait face, seul, aux cinq mille hommes de l’armée omayyade.
– Soldats de Yazid ! Pour ceux d’entre vous qui ne me connaîtraient pas, je suis al-Hussein, le petit-fils du Prophète Mohammad, que vous reconnaissez comme le Prophète de l’Islam! Je suis le fils de Fatima, la fille du Prophète, et d’Ali, le cousin du Prophète. Je suis le dernier des cinq personnes à propos desquelles le Prophète a parlé maintes et maintes fois.
Nombreux sont ceux parmi vous qui ont vu et entendu le Prophète. A ceux-là, je demande s’ils ne se souviennent pas avoir vu le Prophète me porter sur ses épaules, en même temps que mon frère Hassan, quand nous étions enfants? N’ont-ils pas entendu le Prophète dire que j’étais le plus cher de ses enfants? N’ont-ils jamais vu les yeux du Prophète mouillés de larmes lorsque j’avais la moindre peine, le moindre chagrin? Le Prophète n’est plus, mais moi je suis ici devant vous! Vous avez blessé mon cœur en massacrant sans pitié mes fils, mes frères, mes neveux, mes fidèles compagnons. Vous n’avez pas épargné mon fils Abdallah, pauvre nourrisson innocent qui ne vous avait fait aucun mal!
Chacun d’eux a été tué alors qu’il souffrait de la faim et de la soif et depuis plus de trois jours vous avez refusé à toute ma Famille la moindre parcelle de nourriture, la moindre goutte d’eau, malgré la chaleur étouffante qui règne dans cette plaine. Au Nom de Dieu, je vous demande ce que je vous ai fait pour mériter un tel traitement?
-Omar fils de Saad répondit à l’Imam al-Hussein:
Hussein, tu nous fatigues avec tes discours! Nous t’avons laissé la possibilité de reconnaître le Calife Yazid comme ton Maître spirituel et ton Chef politique, et te soumettre à ses lois et à sa volonté dans tous les domaines. Reconnais-le comme Commandeur des Croyants et Successeur du Prophète! Tu sauveras ta vie, et tu épargneras souffrances et humiliations à ta famille. Tu n’as pas d’autre choix!
– Omar fils de Saad ! Ton père était un Compagnon du Prophète. Toi-même tu as été témoin de ce que j’ai dit car tu accompagnais souvent ton père quand il rendait visite à mon grand-père.
Crois-tu que je vais reconnaître un débauché comme mon Maître spirituel et comme le Successeur du Prophète? Crois-tu que je vais accepter les changements et les déviations qu’il veut introduire dans la Religion sans rien dire? Crois-tu que je me soumettrais à une telle abjection pour sauver ma vie et épargner souffrances et humiliations aux femmes et aux enfants de la Maison du Prophète ? Si l’abandon des Principes de l’Islam et des Enseignements du Coran est le prix que tu demandes pour ma vie et l’honneur de ma Famille, sache que je rejette ton offre méprisable!
– Cela suffit, al-Hussein ! Tu refuses la seule et unique chose que nous te demandons reconnaître autorité religieuse du Calife Yazid, et le droit pour qui de décider ce qu’il veut dans toutes les questions religieuses. Tu ne discutes avec nous que pour gagner du temps. Nous savons bien que tu n’as aucune chance contre toute notre armée. Dans l’état où tu es même le plus faible de mes soldats te vaincrait sans effort…
L’insulte proférée par Omar fit bouillonner le sang de l’Imam al-Hussein. Lui, le fils du Lion de Dieu mit la main au fourreau, sortit son glaive et rugit, d’une voix puissante:
– Omar fils de Saad ! Je propose le combat en duel non seulement au plus fort et au plus courageux de tes hommes, mais encore à tous ceux que tu voudras envoyer me combattre, l’un après l’autre!
Comme un serpent glacé et hideux, la peur s’insinua dans les veines, se lova dans le cœur des cinq mille hommes massés en face de l’Imam al-Hussein. Tous se souvinrent d’Ali, le père d’al-Hussein, qui avait de la sorte provoqué et défait tant et tant d’adversaires autrement courageux qu’eux ! Aucun n’eut le courage de relever le défi lancé par cet homme âgé de près de soixante ans, couvert de blessures, épuisé, affamé, à moitié mort de soif ! Omar fils de Saad ordonna à ses archers de lancer une volée de flèches vers l’Imam al-Hussein, à sa cavalerie et à son infanterie de manœuvrer pour l’encercler.
L’Imam al-Hussein lança son cheval contre ceux qui se préparaient à l’attaquer. Son épée fauchait tous ceux qui étaient à sa portée. Comme une flèche, il traversa l’aile gauche de l’armée omayyade, décrivit un cercle pour aller mettre l’aile droite en déroute, revint semer la confusion en plein cœur de la horde épouvantée. Tous ces lâches ne pensaient qu’à sauver leur vie méprisable pour jouir des récompenses que Yazid leur avait promises en contrepartie de la tête de l’Imam al-Hussein. Ceux qui voyaient le petit-fils du Prophète fondre sur eux suppliaient à genoux qu’il leur laisse la vie sauve. Les autres fuyaient dans toutes les directions.
Le champ de bataille avait été nettoyé de tous ces couards. Le soleil venait de se coucher. L’Imam al-Hussein pensa ,qu’il avait le temps d’accomplir la Prière du Maghreb. Il remit son arme au fourreau, descendit de monture.Omar qui l’observait de loin pensa que c’était le moment de l’attaquer. Mais personne ne voulant se risquer à approcher le Saint Imam, Omar ordonna de l’ensevelir sous une pluie de flèche, de pierres, de morceaux de bitume enflammé. L’Imam al-Hussein, qui était déjà couvert de blessures de la tête aux pieds, reçut ainsi plusieurs coups mortels, l’un après l’autre. Il perdait son sang en abondance. Il décida de prier immédiatement. Ne pouvant aller jusqu’au fleuve pour faire ses ablutions, il se servit du sable brûlant, et entra en Prière.
Omar fils de Saad appela ses soldats pour aller trancher la tête de l’Imam al-Hussein pendant qu’il était en train de prier. Mais personne n’osait approcher le héros moribond.
Des promesses mirobolantes décidèrent finalement Chamir le Maudit, accompagné par Omar en personne, à sauter sur le dos de l’Imam al-Hussein alors que celui-ci achevait de prier. Chamir leva son sabre, évaluant son coup.
L’Imam al-Hussein était trop faible maintenant pour relever seulement la tête. Il la tourna un peu sur le côté. Il aperçut Chamir. D’une voix faible, presque inaudible, il demanda:
– Chamir, j’ai soif ! Avant d’accomplir ce que tu veux faire, donne-moi un peu à boire!
Pour toute réponse, Chamir frappa, de toutes ses forces.