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Marzieh Khazâï
La question de l’attente est aussi ancienne que l’homme lui-même. Des études étymologiques ont montré qu’en tant que signifiant, cette notion a des signifiés communs avec le terme “espoir”. En outre, ce mot, quelle que soit la langue dans laquelle il est exprimé, recouvre deux sens distincts : l’immobilité d’un côté, et l’espérance, et donc un certain mouvement, de l’autre. Dans le domaine religieux, ce dernier sens suggère la venue d’un sauveur et d’une finalité paradisiaque pour l’homme. Dans cet article, nous tenterons d’analyser la notion d’attente dans l’une des religions de l’ancienne Perse, le zoroastrisme, au travers des questions suivantes : que signifie l’attente ? Quelle est l’origine du zoroastrisme, en tant que religion de l’ancienne Perse ? Et enfin, quels sont le but eschatologique, et l’origine du messianisme dans cette religion ?
La définition de l’attente
L’attente est un substantif féminin issu du verbe attendre ; elle signifie également la confiance et l’espoir. [1] Ce terme est aussi utilisé pour parler d’une personne que l’on attend, et, dans le christianisme, il évoque le retour du Messie. [2] « Jésus-Christ que les deux Testaments regardent : l’ancien comme attente, le nouveau comme son modèle, tous les deux comme leur centre (Pascal) ; ce mot est aussi synonyme d’espérance, utopie, espoir (…). »
[3] Ainsi, l’attente évoque l’espoir de la venue d’une personne qui rétablira un monde idéal où règneront paix et justice, et où tout le monde vivrait dans la félicité. Ainsi, cette personne, que l’on trouve sous diverses appellations dans les différentes religions, est au cœur de l’idée de messianisme. En tant que religion monothéiste, le zoroastrisme la définit comme attente du “Saoshyant”. Avant de traiter cet aspect plus en détail, il est nécessaire de préciser les origines de cette religion.
Le zoroastrisme : la religion de l’ancienne Perse
Le mazdéisme, qui est par définition la religion d’Ahourâ Mazdâ [4] “le Seigneur Sage”, est la religion traditionnelle de l’ancienne Perse issue d’une révolution voulue par son fondateur, Zoroastre. [5] Étant donné que les anciens Perses ont reçu cette religion de ce prophète, nous appelons le mazdéisme, le zoroastrisme, qui est l’un des premiers monothéistes du monde. Il promet aussi pour la première fois dans l’Histoire humaine, l’éternité de l’âme sous réserve du jugement dernier.
[6] Zoroastre vient révéler l’existence d’un Dieu unique, Ahourâ Mazdâ, et les révélations de Zoroastre sont compilées dans l’Avesta [7].
Y est décrite la lutte entre le royaume de la Lumière et celui des Ténèbres. [8] En outre, le feu est pour les zoroastriens le symbole de la sacralité rayonnante du Seigneur Sage qui assure la rénovation purificatrice à la fin des temps. Par ailleurs, l’un des thèmes importants du zoroastrisme est la promesse d’une vie éternelle après la mort, où les âmes seront ressuscitées. La notion de résurrection existe donc, et aura lieu à la fin des temps avec l’avènement du Saoshyant, attendu par les zoroastriens, et qui est celui qui rétablira la justice à travers la réforme du monde.
L’attente chez les zoroastriens
Comme nous l’avons évoqué, dans le domaine religieux, l’attente implique la venue d’un Messie considéré comme libérateur, désigné et envoyé par Dieu. Dans le zoroastrisme, les interprétations concernant le Saoshyant (“messie”) sont nombreuses. Cependant, les spécialistes suggèrent que les Saoshyants seraient en réalité au nombre de trois, dont le plus important serait Astvat-Arta. Ils seraient apparus durant une période de trois mille ans, chacun durant un millénaire.
Selon le zoroastrisme, Soashyant est le dernier sauveur du monde. [9] De surcroît, il aurait été choisi par Ahourâ Mazdâ pour raviver son culte. [10] Il est aussi considéré comme le fils de Zoroastre.
[11] Il naîtra lorsqu’une vierge, Eredat-fedhri, se baignera et sera fécondée dans le lac Kansoaya par la semence de Zoroastre, préservée depuis longtemps dans une vague et gardée par une légion de Fravartis (anges). [12] Le zoroastrisme annonce aussi qu’à la fin du monde se déroulera une guerre destructrice entre le Bien et le Mal, les forces du Mal agissant sous la direction d’Ahriman, mais que finalement, le règne du Bien adviendra grâce à la venue du Messie.
[13] Après cette transfiguration se déroulera le Jugement d’Ahourâ Mazdâ, suite auquel les pécheurs seront envoyés en Enfer et les belles âmes au Paradis. [14] Il existe par ailleurs une coutume zoroastrienne selon laquelle chaque année, des prêtres se rendent sur une montagne se trouvant à la frontière de l’Iran et de l’Afghanistan. Ils y utilisent des procédés préconisés par les mages astrologues pour prédire l’arrivée de l’étoile annonçant la naissance du Messie. [15] Encore aujourd’hui, l’attente est donc inhérente au zoroastrisme, comme celle du Douzième Imâm au chiisme, avec cependant des différences de doctrine substantielles.
Sources :
Abdol-Hâdi, Alfazli, En attendant l’Imâm Mahdî (Dar Entezâr-e Emâm Mahdî), (traduit en persan par Mohammad Amini et en français par l’auteur du mémoire), Téhéran, Institut d’Imâm Mahdi, Institut Be’sat, 1982.
– Corbin, Henry, En Islam iranien, tome II, Paris, Gallimard, 1971.
– Corbin, Henry, Histoire de la philosophie islamique, Paris, Gallimard, 1986.
– Etymologique et historique du français, (sous la dir. de Jean Dubois, Henri Mitterrand et Albert Dauzat), Paris, Larousse, 2006.
– Grand Larousse de la langue française, tome I, (sous la dir. de Louis Guilbert, René Lagan et Georges Niobey), Paris, Librairie Larousse, 1971.
Lowell Rubenstien, Richard, L’imagination religieuse Théologie juive et psychanalyse, Paris, Gallimard, 1971.
Khoury, Fauzy, Le Messianisme dans les trois religions monothéistes : Judaïsme, christianisme, Islam, (sous la dir. de Michel Melin), Paris 4, soutenue 1986.
Michaud, Yves, Qu’est-ce que la culture ?, vol VI, (Université de tous les savoirs sous la dir. d’Yves Michaud), Paris, édition Odile Jacob, 2001.
Monnot, « Abu Qurra et la pluralité des religions », in : Revue de l’histoire des religions, no. 1, vol 208, 1991.
Robert, Paul, Le Nouveau Petit Robert, (sous la dir. de Josetts, Rey-Debove et Alain Rey), Paris, Nouvelle édition Millésime, 2010.
Shayegan, Darius, Henry Corbin, La topographie spirituelle de l’Islam iranien, Paris, édition de la Différence, 1990.
Varenne, Jean, Zarathushtra, Paris, Seuil, 2006.
– Varenne, Jean, Zoroastre le prophète de l’Iran, Paris, dernière édition, édition Dervy, 1996, 2006, 2012.
http://www.herodote.net/660_av_J_C_-synthese-248.php, page consultée le 12/06/2016
Notes
[1] Etymologique et historique du français, (sous la dir. de Jean Dubois, Henri Mitterrand et Albert Dauzat), Paris, Larousse, 2006, p. 54.
[2] Grand Larousse de la langue française, tome I, (sous la dir. de Louis Guilbert, René Lagan et Georges Niobey), Paris, Librairie Larousse, 1971, p. 297.
[3] Ibid.
[4] Guy Monnot, « Abu Qurra et la pluralité des religions », in : Revue de l’histoire des religions, no. 1, vol 208, 1991, p. 54.
[5] Jean Varenne, Zoroastre le prophète de l’Iran, Paris, édition Dervy, 1996, 2006, 2012, p. 17.
[6] http://www.herdote.net/660_av_J_C_-synthese-248.php, page consultée le 12/06/2016
[7] Jean Varenne, Zoroastre le prophète de l’Iran, op. cit., p. 11.
[8] Jean Varenne, Zarathushtra, Paris, Seuil, 2006, pp. 104-106 et p. 127.
[9] Henry Corbin, En Islam iranien, tome II, Paris, Gallimard, 1971, p. 168.
[10] Jean Varenne, Zoroastre le prophète de l’Iran, op. cit., p. 83.
[11] Darius Shayegan, Henry Corbin, op. cit., p. 108.
[12] Ibid
[13] Jean Varenne, Zarathushtra, op. cit., pp. 112-113.
[14] Ibid., p. 136.
[15] Ibid., p. 39.