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La monogamie est la forme la plus naturelle de la vie conjugale. Dans ce système prévaut l’esprit de la possession individuelle et privée -bien que cette sorte de possession diffère de celle de la fortune ou de la propriété matérielle-. Chacun des deux conjoints considère les sentiments et les désirs sexuels de l’autre comme étant sa propriété particulière exclusive.
A l’opposé de la monogamie, il y a la polygamie et le communisme sexuel, ce dernier étant aussi considéré comme une sorte de polygamie.
Le communisme sexuel
Le communisme sexuel signifie qu’il n’y a pas d’exclusivité. Selon cette théorie, aucun homme ne doit appartenir exclusivement à une femme en particulier, ni aucune femme exclusivement à un homme donné. Il équivaut à la négation totale de la famille. L’histoire et les théories relatives aux époques préhistoriques, ne mentionnent aucune période pendant laquelle ait régné un communisme sexuel et une absence totale de vie familiale. Ce que certains ont appelé communisme sexuel, qu’ils ont prétendu avoir prévalu chez certaines populations primitives sauvages, n’était en réalité qu’une étape intermédiaire entre la vie familiale et le communisme sexuel. On dit qu’il arrivait que, parmi certaines tribus sauvages, un nombre de frères épousent collectivement un nombre de surs, et qu’un groupe d’hommes d’une population épousent collectivement un groupe de femmes d’une autre population.
Dans son livre, “Histoire des Civilisations” (vol.I) Will Durant écrit : «Dans certaines régions du monde, le mariage était collectif. (…) Au Tibet, par exemple, la coutume qui prévalait consistait en ceci qu’un certain nombre de frères se mariaient avec un nombre égal de surs, sans qu’aucune de celles-ci ne soit la femme exclusive de l’un de ceux-là. Ils vivaient tous dans une sorte de collectivisme où chaque homme pouvait coucher avec n’importe quelle femme. César, l’empereur de Rome fit état de l’existence d’une coutume similaire chez les anciens Anglais. La coutume qui voulait qu’un homme se mariât avec la femme de son frère défunt, et qui était répandue chez les Juifs et certains peuples anciens, constitue l’un des vestiges de ces coutumes.»
L’opinion de Platon
Il paraît que lors de l’énonciation de sa théorie de “Philosophes-Gouvernants”, Platon suggéra dans son livre “La République” que cette classe mène une vie familiale commune ou socialiste. Beaucoup de dirigeants communistes du XIXe siècle aussi ont fait une suggestion similaire, mais comme le rapporte l’auteur du livre “Freud et la prohibition du mariage consanguin”, après une amère expérience, certains grands pays communistes ont reconnu officiellement la loi de la monogamie en 1938.
La Polyandrie
L’autre forme de la polygamie est la polyandrie, c’est-à-dire, le fait qu’une femme a plus d’un mari à la fois. Selon Will Durant, cette coutume est répandue parmi certaines tribus du Tibet.
Dans son célèbre corpus de Traditions « Sahîh », al-Bukhârî rapporte que Ayechah a dit que, parmi les Arabes de l’époque préislamique, il y avai plusieurs sortes de relation conjugales. L’une d’elles, était celle du mariage pratiqué actuellement. Dans ce type de mariage, un homme demandait la main d’une fille à son père et se mariait avec elle après avoir fixé la dot. Les enfants nés d’un tel mariage ne laissaient place à aucune controverse quant à l’identité de leur père. Il y avait une autre sorte de mariage appelé “Istibdhâ'”, dans lequel, un mari désirant avoir une meilleure qualité de progéniture, choisissait un homme donné et demandait à sa femme d’avoir des rapports sexuels avec lui pendant une période déterminée, et s’écartait lui-même d’elle pendant cette période et ce jusqu’à ce qu’elle tombe enceinte. C’était un mariage dans le mariage, et il avait pour but l’amélioration de la lignée. Selon une autre coutume, un groupe inférieur à dix hommes établissait une liaison avec une femme donnée. Lorsqu’elle tombait enceinte et mettait l’enfant au monde elle les convoquait tous, et aucun d’eux ne pouvait, selon la coutume de l’époque, décliner sa convocation. Elle choisissait alors l’un d’entre eux pour devenir le père de son fils, et il le devenait officiellement et légalement, car il n’avait aucune possibilité de refuser d’assumer la responsabilité de sa paternité.
La quatrième sorte de relation conjugale était appelée “prostitution”. Les prostituées plaçaient un drapeau au-dessus de leurs maisons pour se faire connaître et pour faire connaître leurs marques distinctives. N’importe quel homme pouvait avoir accès à elles. Si l’une d’elles mettait un enfant au monde, elle faisait venir tous ceux qui avaient eu des rapports sexuels avec elle, et, avec le concours d’un physionomiste, elle déterminait le père de son enfant. L’homme qui avait été désigné par le physionomiste devait accepter la décision de ce dernier et la paternité de l’enfant.
Telles étaient les différentes sortes de relations conjugales qui prévalaient en Arabie préislamique. Le Prophète les a toutes abolies, à l’exception de celle qui se pratique aujourd’hui.
Cela montre que la coutume de la polyandrie existait aussi chez les Arabes de l’époque préislamique.
Montesquieu écrit dans son livre “L’Esprit des Lois” que le globe-trotter arabe Abû Dhahîr al-Hassan avait découvert l’existence de cette coutume (la polyandrie) en Inde et en Chine pendant son voyage dans ces pays au IXe siècle, et l’avait considérée comme une sorte de débauche. Il écrit aussi : «Sur les côtes de Malabar vit une tribu dénommée Nâïr, dans laquelle l’homme n’a pas le droit de se marier avec plus d’une femme, alors que l’on autorise les femmes à se marier avec plusieurs hommes à la fois. La raison de cette coutume est probablement que les Nâïr appartiennent à une race de guerriers dont la profession est le combat et la chasse. Tout comme nous décourageons, en Europe, le mariage des soldats, afin que leurs femmes ne constituent pas un obstacle devant leur départ pour la guerre, les tribus de Malabar avaient décidé qu’autant que possible les membres mâles de la tribu de Nâïr seraient dispensés des responsabilités familiales. Et, étant donné qu’à cause du climat tropical de la région il n’était pas possible de bannir totalement le mariage, on avait décidé que plusieurs hommes s’occuperaient d’une seule femme pour qu’ils ne soient pas surchargés de responsabilités familiales et que leur efficacité professionnelle n’en pâtisse pas.»
Les défauts de la polyandrie
Le défaut principal et fondamental du système de la polyandrie est le fait que la paternité des enfants demeure pratiquement incertaine. Dans ce système, les relations entre l’enfant et le père sont indéterminées, de là son échec. Etant donné que le collectivisme sexuel n’a réussi à prendre racine nulle part, ce système n’a été accepté lui non plus par aucune société digne de ce nom. Comme nous l’avons dit précédemment, la vie familiale, l’édification d’un foyer pour la génération future, et la liaison définie entre les générations passées et futures sont quelques-uns des besoins de l’instinct humain. Les cas exceptionnels de la pluralité de maris chez certaines populations humaines ne prouvent pas que le désir de l’individu de former sa propre famille ne soit pas un instinct humain. D’une façon similaire, le célibat perpétuel et l’abstinence totale de toute vie familiale, tels qu’ils sont pratiqués par un certain nombre d’hommes et femmes, ne constituent pas une preuve de la déviation de toute l’humanité ou de sa tendance à renoncer à la vie conjugale et familiale. La polyandrie n’est pas seulement incompatible avec la nature monopolisatrice de l’homme et son amour paternel envers ses enfants, mais elle est opposée à la nature de la femme aussi. Les recherches psychologiques ont démontré que la femme veut la monogamie plus que l’homme.
La Polygamie
L’autre forme de la polygamie(1) est la pluralité des épouses. Elle a été plus courante et pratiquée avec plus de succès que la polyandrie ou le collectivisme sexuel. Elle ne prévalait pas seulement chez les tribus sauvages, mais chez beaucoup de peuples civilisés. Outre les Arabes, les Juifs, les Iraniens de l’époque Sassanide et beaucoup d’autres la pratiquèrent aussi. Montesquieu écrit qu’en Malaisie, il était permis à l’homme d’avoir trois femmes. Il écrit aussi que l’Empereur Romain Valentinien II autorisa, par un édit, les sujets de l’Empire à se marier avec plusieurs femmes, mais étant donné que cette loi ne s’accommodait pas avec le climat européen, elle fut bannie par les autres empereurs romains, tels que Théodore, etc.
L’Islam et la Polygamie
A la différence de ce qu’il a fait avec la polyandrie, l’Islam n’a pas aboli totalement la polygamie, mais il y a mis des restrictions. Ainsi, d’une part, il a fixé à quatre le nombre maximum de femmes avec lesquelles un homme pourrait se marier, et d’autre part, il a posé certaines conditions et imposé certaines exigences à quiconque se propose de se marier avec plus d’une femme, de telle sorte que se marier avec plusieurs femmes n’est pas donné à n’importe qui ni, n’importe comment. Nous traiterons de ces conditions plus loin, et nous expliquerons pourquoi l’Islam n’a pas banni totalement la polygamie.
Il est surprenant qu’au Moyen Age, alors que la propagande antimusulmane était à son paroxysme, les détracteurs de l’Islam aient dit que c’était le Prophète qui avait inventé pour la première fois la coutume de la polygamie. Ils prétendaient que cette coutume était le fondement de l’Islam et la cause principale de sa propagation rapide parmi les différents peuples du monde. En même temps, ils alléguaient que la cause du déclin des peuples orientaux était la polygamie.
Dans son livre “Histoire des Civilisations” (Vol.I) Will Durant écrit : «Les hommes du Clergé du Moyen Age croyaient à tort que la polygamie était une invention du Prophète de l’Islam. Comme nous le savons, la vie matrimoniale de la plupart des sociétés primitives était marquée par la polygamie. Il y a plusieurs causes à son apparition. Dans les sociétés primitives, les hommes étaient pour la plupart occupés à la chasse ou au combat, et le niveau de la mortalité était évidemment très haut parmi eux. Et, étant donné que le nombre de femmes excédait en conséquence celui des hommes, il était inévitable d’adopter ce système. Il n’était pas possible de laisser un grand nombre de femmes dans un état de célibat, car le taux de mortalité étant très élevé dans les sociétés primitives, il fallait que toutes les femmes procréent. Il ne fait pas de doute que ce système s’adaptait à ces sociétés non seulement à cause de l’excédent du nombre de femmes par rapport à celui des hommes, mais aussi parce qu’il renforçait numériquement les hommes. A l’époque moderne, les hommes les plus forts et jouissant d’une très bonne santé se marient habituellement tard et engendrent peu d’enfants. Tandis que dans le passé, les hommes solides pouvaient avoir les meilleures femmes et faire beaucoup d’enfants. C’est pourquoi cette pratique a continué à exister pendant très longtemps, non seulement parmi les peuples primitifs, mais même parmi les peuples civilisés. Ce n’est que récemment qu’elle a commencé à disparaître graduellement dans les pays orientaux. L’agriculture a stabilisé la vie des hommes et réduit les difficultés et les périls des époques anciennes, entraînant l’égalisation approximative du nombre des hommes et des femmes. Maintenant, la polygamie, même dans les sociétés primitives ou sous-développées, est devenue le privilège d’une petite minorité de riches, alors que chez les grandes masses, l’homme doit se contenter d’une seule femme, et peut s’adonner à l’adultère, lorsque cela est possible, pour avoir un peu plus de jouissance.»
Dans son livre “L’Histoire de la Culture”, Gustave Le Bon écrit : «Aucune coutume orientale n’a été diffamée par les Européens autant que la polygamie, et ces derniers ne se sont jamais trompés dans leur jugement autant qu’ils ont mal jugé cette coutume. En effet, les écrivains européens ont considéré la polygamie comme étant la base de la religion musulmane et la cause principale et de la propagation de l’Islam et du sous-développement des peuples musulmans. De plus, ils se sont apitoyés sur le sort des femmes musulmanes. Ils disent, entre-autres, à ce propos, que ces femmes malheureuses sont emprisonnées entre les quatre murs de leurs maisons et à la merci de leurs eunuques, et que le moindre comportement de leur part qui déplairait au maître de la maison pourrait les conduire à une mort sévère. Mais de telles allégations n’ont aucun fondement. Si les lecteurs européens de ce livre se détachent, serait-ce l’espace d’un moment, de leurs préjugés européens, ils comprendront que la polygamie a consolidé les relations familiales et rehaussé la moralité des peuples où cette coutume était répandue. C’est grâce à cette coutume que la femme en Orient a droit à plus de respect qu’en Europe. Avant de démontrer ce point, nous devons bien préciser que cette coutume n’est d’aucune façon une création de l’Islam. Elle était pratiquée bien avant l’Islam par tous les peuples orientaux, y compris les Juifs, les Iraniens, etc. Les peuples qui ont embrassé l’Islam en Orient n’ont aucunement appris la polygamie par l’Islam. De même, aucune des religions qui sont apparues jusqu’à maintenant dans le monde ne semble avoir la capacité de créer ni d’abolir une telle coutume qui est le pur produit du climat oriental et des caractéristiques raciales des peuples orientaux, ainsi que d’autres facteurs intimement liés au mode de vie de l’Orient. La polygamie n’a rien à voir avec la religion. Et bien que le climat, l’eau et l’air de l’Occident ne soient pas particulièrement propices à l’apparition d’une telle coutume, la monogamie n’a d’existence réelle que dans les livres de codes civils. Dans la vie réelle, elle n’a pas de traces. On ne sait pas comment et de quelle façon la polygamie légale qu’on voit en Orient est inférieure à la polygamie clandestine des peuples occidentaux. Il semble même que la première soit plus digne et plus convenable que la seconde sur tous les plans. Lorsque les Orientaux se rendent dans un pays européen et y voient ce qui se passe et ce qui se pratique, ils s’étonnent de la critique européenne de leur coutume et se sentent offensés…»
Il est certain que l’Islam n’a pas inventé la polygamie. Tout ce qu’il a fait, c’est d’y mettre des restrictions. Il lui a prescrit des limites maximales. Il a posé des conditions pour la pratique de la polygamie, laquelle existait chez la plupart des peuples qui ont embrassé l’Islam. Ces peuples ont été seulement contraints de se conformer aux conditions qu’il a posées à sa pratique.
Christenson écrit dans son livre : “L’Iran à l’Epoque Sassanide” : «La polygamie était considérée comme la base de la famille. Le nombre de femmes qu’un homme pouvait avoir dépendait pratiquement de ses moyens. Les gens pauvres n’étaient pas à même d’avoir plus d’une femme en règle générale. Le chef de la famille avait, en tant que tel, des droits spéciaux. L’une des épouses était considérée comme la favorite, et jouissait de pleins droits. D’autres femmes étaient traitées en simples servantes. Les droits légaux de ces deux catégories d’épouses étaient largement différents. Les filles esclaves étaient inclues parmi les femmes servantes. On ne sait pas combien de favorites un seul homme pouvait avoir. Mais d’après les comptes rendus des tribunaux, il y avait des hommes qui avaient plus d’une favorite. Chacune de ces favorites portait le titre de “la maîtresse de la maison”, et possédait une maison indépendante. Le mari avait l’obligation, pendant toute sa vie, de pourvoir aux dépenses de sa favorite et de prendre soin d’elle. Chaque fils [de la favorite] jusqu’à l’âge de la puberté, et chaque fille jusqu’à l’âge du mariage, jouissaient de ces mêmes droits. Quant aux épouses de la catégorie des servantes, seuls leurs fils (et non leurs filles) avaient le droit de vivre à la charge de leur père.»
Saîd Nafîcî écrit, dans son “Histoire sociale de l’Iran depuis la chute des Sassanides jusqu’à la chute des Omayyades” : «Le nombre de femmes avec lesquelles un homme pouvait se marier était illimité, et d’après les documents grecs, il y avait parfois plusieurs centaines de femmes dans la maison d’un homme».
Citant un historien romain, Montesquieu écrit : «Beaucoup de philosophes romains, qui étaient persécutés par les Chrétiens pour leur refus d’embrasser le Christianisme, s’enfuirent de Rome et se réfugièrent chez le Roi iranien Khosrow Parwiz. Là ils furent surpris de voir que non seulement la polygamie était légale dans ce pays, mais que les hommes iraniens avaient aussi des liaisons avec les femmes des autres.»
Il est à préciser que lesdits philosophes romains s’étaient réfugiés en fait au palais du Roi perse Anûchirwân, et non Khosrow Parwiz, comme l’a écrit Montesquieu, à cause d’une méprise sans doute.
Pendant l’ère préislamique, les Arabes pouvaient avoir un nombre illimité de femmes. C’est l’Islam qui en a limité le nombre maximum. Cela a créé évidemment des problèmes pour ceux qui avaient jusqu’à dix femmes et qui, en embrassant l’Islam, étaient contraints de se séparer de six d’entre elles.
Il ressort clairement de ce qui précède que la polygamie n’est nullement une invention de l’Islam. L’Islam n’a fait que la restreindre. En tout cas, il ne l’a pas abolie totalement. Dans les chapitres suivants, nous discuterons des causes des facteurs qui ont concouru à la naissance de cette coutume, et nous expliquerons pourquoi l’Islam ne l’a pas abolie. Nous discuterons également des raisons qui ont conduit à la fois les hommes et les femmes à s’opposer à la polygamie.
Les causes historiques de la polygamie
Quelles sont les causes historiques et sociales de la polygamie ? Pourquoi de nombreuses nations dans le monde, notamment en Orient, ont-elles accepté cette coutume, et pourquoi d’autres nations, notamment celles de l’Occident, n’ont-elles pas accepté sa légalisation ? Comment se fait-il que parmi les trois formes de polygamie, seule la pluralité des femmes s’est propagée, alors que la polyandrie et le collectivisme sexuel étaient sinon totalement ignorés, du moins pratiqués rarement et dans des cas exceptionnels.
Sans tenir compte de ces questions nous ne pourrions ni discuter de celle de la polygamie du point de vue islamique, ni l’étudier sur le plan des exigences humaines modernes.
Si nous ne prenons pas en considération les larges et profondes études psychologiques et sociales faites à ce propos, nous serions amenés à dire et à répéter les mêmes refrains qu’on entend souvent : «La cause de la polygamie est très évidente ; elle est due à la tyrannie, à l’injustice de l’homme, et à son asservissement de la femme, et c’est à cause de la domination de l’homme sur la femme que celui-là s’est permis de promulguer des lois et d’instituer des coutumes qui servent ses intérêts ; c’est uniquement dans son intérêt et contre celui de la femme qu’il a promulgué la loi de la polygamie et qu’il l’a appliquée durant tous ces longs siècles. Etant donné que la femme était opprimée, elle ne pouvait pas mettre en pratique la polyandrie. Mais aujourd’hui, l’époque de la domination de l’homme étant révolue, le privilège de la polygamie -dont jouissait l’homme- a cédé la place, comme bien d’autres privilèges injustes, à la loi de l’égalité et de la similarité entre les droits de l’homme et de la femme.»
C’est là une pensée absurde et insensée. Car ni la domination de l’homme sur la femme n’est la cause de la polygamie, ni l’échec de la polyandrie n’est dû à la faiblesse de la femme. Si la polygamie n’existe pratiquement plus de nos jours, ce n’est pas parce que l’époque de la domination de l’homme serait révolue. Loin de là ! L’homme n’a pas perdu ses privilèges ; bien au contraire, il a acquis encore un autre avantage par rapport à la femme.
Nous ne nions pas que le facteur de la domination ait joué un rôle dans l’histoire humaine, ni que l’homme ait abusé de son pouvoir sur la femme tout au long de l’histoire. Mais nous croyons que c’est de la myopie que de vouloir réduire l’explication des rapports homme/femme au facteur de la force et de la domination.
Si nous admettions une telle théorie, nous devrions admettre aussi qu’à l’époque où la polyandrie était répandue parmi les Arabes du pré-Islam, ou parmi les Naïrs des côtes de Malabar comme l’a rapporté Montesquieu, la femme avait eu l’occasion d’arracher le pouvoir des mains de l’homme et de lui imposer la polyandrie. Nous devrions admettre aussi que cette époque-là était l’âge d’or de la femme. Mais nous savons avec certitude que l’époque préislamique de l’Arabie était l’une des époques les plus noires de la vie de la femme. Nous avons cité plus haut Montesquieu qui disait que la polyandrie chez les Naïrs n’était pas due à la domination de la femme, mais à la décision de la société d’épargner aux soldats le fardeau des responsabilités familiales.
En outre, si le patriarcat était responsable de la polygamie, pourquoi celle-ci ne s’est-elle pas répandue en Occident ? Après tout, le patriarcat n’est pas le propre de l’Orient. Les Occidentaux ont-ils été dès le début des Chrétiens pieux, croyant à l’égalité et aux rapports de réciprocité entre l’homme et la femme ? Le facteur de la domination a-t-il joué au bénéfice de l’homme en Orient, et pour la promotion de la justice en Occident?
Il y a encore un demi-siècle seulement, la femme occidentale était parmi les femmes les plus malheureuses du monde. Même ses propres biens se trouvaient entre les mains de son mari. Les Européens eux-mêmes admettent que pendant le Moyen Age la position de la femme orientale était de loin meilleure que celle de sa contemporaine occidentale. Gustave Le Bon écrit : «Au début de l’Islam, la femme musulmane a obtenu une position que n’obtiendra la femme européenne que très longtemps après, c’est-à-dire après que les Arabes de l’Andalousie auront répandu les murs chevaleresques chez les Européens -dont la galanterie constitue la partie la plus importante- et qui sont dues aux Musulmans ; et la religion qui a pu arracher la femme à l’humiliation pour la conduire au sommet de la dignité et de l’honorabilité, c’est la religion musulmane et non chrétienne comme l’imagine le commun des mortels. Nos chefs et dirigeants au Moyen Age -bien qu’ils fussent des Chrétiens- n’avaient aucun respect pour la femme. Une étude de l’histoire ancienne ne laisserait aucun doute sur la conduite barbare des ducs et des barons de l’Europe envers la femme.»
D’autres écrivains européens aussi ont fait une description plus ou moins similaire de la position lamentable de la femme au Moyen Age. Bien que le patriarcat ait prévalu en Europe durant cette période, la polygamie n’a pu y prendre racine.
Le fait est que ni la polyandrie (où qu’elle fût pratiquée) ne fut jamais due au pouvoir et à la domination de la femme, ni son échec final n’eut pour cause la faiblesse et la répression de la femme. Il en va de même pour la polygamie : ni sa pratique en Orient n’est due à l’injustice et la domination de l’homme, ni son absence en Occident n’est due à l’existence de l’égalité entre l’homme et la femme.
Les Causes de l’échec de la polyandrie
La principale cause de l’échec de la polyandrie réside dans le fait qu’elle ne convient ni à la nature de l’homme ni à celle de la femme. Elle ne convient pas à la nature de l’homme, tout d’abord parce qu’elle ne se conforme pas à son esprit monopolisateur, et ensuite parce qu’elle ne s’accorde pas au principe qui veut qu’un père doive avoir la certitude de sa paternité. C’est la nature humaine qui veut que l’on s’attache à ses enfants. Tout être humain est, de par sa nature, enclin à avoir des enfants, et veut que sa relation avec les générations futures et passées soit déterminée et satisfaisante. Il veut savoir qui sont son père et son enfant. La polyandrie ne s’accorde pas avec cet instinct de l’homme. D’autre part, la polygamie ne crée un tel problème ni pour l’homme ni pour la femme. On rapporte qu’un jour une quarantaine de femmes vinrent voir l’Imam Ali et lui demandèrent pourquoi l’Islam avait permis à l’homme d’avoir plusieurs femmes et pas à la femme d’avoir plusieurs hommes, et si ce n’était pas là une discrimination. L’Imam Ali demanda alors qu’on apporte quelques verres d’eau et il en donna un à chaque femme. Puis il leur ordonna de verser l’eau de tous les verres dans un grand récipient qui fut posé au milieu de la pièce. Lorsqu’elles se furent exécutées, il leur demanda de remplir leurs verres vides avec la même eau que chacun contenait auparavant. Les femmes dirent que ce n’était pas possible puisque l’eau de tous les verres était mélangée. L’Imam Ali dit alors que si une femme avait plusieurs hommes, elle aurait des rapports sexuels avec tous ces hommes, et lorsqu’elle tomberait enceinte et mettrait un enfant au monde, il serait impossible de savoir qui en serait le père.
Concernant la femme, la polyandrie n’est ni dans son intérêt ni conforme à sa nature. La femme n’a pas besoin d’un mari uniquement pour satisfaire son instinct sexuel. Si tel était le cas, on pourrait dire : “Plus il y en a, mieux ça va”. La femme veut un homme dont elle puisse contrôler le cœur, qui puisse la protéger et la défendre, faire des sacrifices pour elle et travailler dur pour lui apporter de l’argent. L’argent que la femme gagne par son propre travail ne suffit pas à couvrir ses innombrables besoins, lesquels sont de loin plus larges que ceux de l’homme, ni n’a la même valeur morale que celui que lui offre son mari en signe d’amour et de tendresse. Un mari pourvoit aux besoins financiers de sa femme dans un esprit de sacrifice. La femme et les enfants sont le meilleur stimulant pour encourager l’homme à travailler.
Dans le cas de la polyandrie, la femme ne peut réclamer l’amour, la dévotion et le sacrifice d’aucun homme. C’est pourquoi, comme la prostitution, elle a toujours été détestable pour la femme. De là, la polyandrie n’est conforme ni aux inclinations et manques de l’homme, ni à ceux de la femme.
L’Echec du Collectivisme sexuel
Dans le collectivisme sexuel, la femme n’appartient à aucun homme en particulier, ni l’homme à aucune femme en particulier ; c’est pourquoi il n’a jamais été populaire. Il avait été proposé par Platon, qui le limitait à la classe dirigeante des “Philosophes-gouvernants”. Mais sa proposition fut boudée par les gens, et lui-même dut revenir sur son opinion.
Au siècle dernier, Friedrich Engels, le second père du Communisme, a mis en avant cette idée et l’a défendue avec force. Mais son idée ne fut pas acceptée par le monde communiste. On dit que l’Union Soviétique a essayé de mettre en application la théorie familiale d’Engels, mais à la suite d’une expérience amère elle a finalement reconnu la monogamie comme la politique familiale officielle.
La polygamie pourrait être considérée comme un motif de fierté pour l’homme, alors que la polyandrie ne sera jamais un objet de fierté pour la femme. La raison en est que l’homme désire le corps de la femme, alors que celle-ci veut le cœur de l’homme. Tant que l’homme contrôle le corps de la femme, peu lui importe de posséder son cœur. C’est pourquoi, il n’attache pas beaucoup d’importance au fait qu’en cas de polygamie, il soit privé de l’amour et des sentiments dévoués de la femme. Alors que pour la femme, la chose principale et la plus importante, c’est le cœur de l’homme et ses sentiments. Si elle les perd, elle perd tout.
En d’autres termes, il y a deux éléments importants dans la vie matrimoniale : l’un matériel, l’autre sentimental. L’élément matériel du mariage est l’aspect sexuel, qui se trouve à son paroxysme pendant la jeunesse et qui va en déclinant par la suite. L’élément sentimental consiste en des sentiments tendres mutuels et en un dévouement à toute épreuve. Il se développe et se renforce avec le temps. La nature de la femme étant différente de celle de l’homme, elle attache plus d’importance à l’aspect sentimental de la vie conjugale, alors que, pour l’homme, l’aspect matériel est le plus important, ou tout au moins aussi important que l’aspect sentimental.
Nous avons déjà cité les propos d’une dame psychologue qui soutient que la femme a une disposition d’esprit qui lui est propre. L’enfant se développe dans son ventre et il est allaité dans son giron. Elle vit donc dans un état psychologique particulier qui fait qu’elle a un besoin impérieux de l’amour et de la tendresse du père de l’enfant. En outre, le degré de l’amour de la femme pour ses enfants est lié dans une grande mesure au degré de son amour pour leur père qui a contribué à leur naissance. Ce besoin psychologique chez la femme ne peut être satisfait que lorsqu’il y a un seul mari.
C’est pourquoi il est tout à fait erroné de considérer la polyandrie comme l’égale de la polygamie et de ne pas les distinguer l’une de l’autre. Et il est par conséquent aussi erroné de concevoir que la cause du succès de la polygamie dans certaines régions du monde est la domination de l’homme, et que la raison de l’échec de la femme de faire admettre la polyandrie est dû à sa faiblesse et son impuissance.
Une femme, écrivain contemporain, dit : «Nous pouvons dire que puisque l’homme a droit à quatre femmes, la femme devrait avoir le même droit, car tous les deux sont des êtres humains. Cette conclusion logique fait peur aux hommes. Ils sont irrités d’entendre un tel raisonnement et s’écrient : “Comment une femme pourrait-elle avoir plus d’un mari ?” En réponse nous disons calmement : “Comment un homme peut-il avoir plus d’une femme ?”»
Et elle ajoute : «Nous ne voulons pas promouvoir l’immoralité ni amoindrir l’importance de la chasteté. Nous cherchons seulement à faire comprendre aux hommes que l’opinion qu’ils ont de la femme n’est fondée sur aucune base solide. L’homme et la femme sont égaux en tant qu’êtres humains. Si l’homme a droit à quatre femmes, la femme aussi doit avoir le même droit. Même s’il est admissible que la femme ne soit pas intellectuellement supérieure à l’homme, il est certain que spirituellement et sentimentalement elle ne lui est pas inférieure.»
Comme on peut le constater à travers ces affirmations, on ne fait pas la distinction entre la polyandrie et la polygamie, sauf pour dire que l’homme étant du sexe le plus fort, il a adopté la polygamie à son propre avantage, et que la femme étant du sexe le plus faible, n’a pas pu imposer la polyandrie.
Cette dame dit en outre que : «L’homme considère la femme comme étant sa propriété, et c’est pour cela qu’il veut en avoir plusieurs. En d’autres termes, il veut acquérir autant de propriétés que possible. La femme, étant en position d’esclave, ne peut avoir plus d’un maître.»
Contrairement à l’affirmation de cet écrivain, le fait que la polyandrie n’ait jamais été acceptée par une large partie des gens prouve que l’homme ne considère pas la femme comme une propriété ou un objet, car la participation de plus d’un individu dans la possession d’un bien ou d’une propriété, et le partage de son utilisation, est quelque chose de naturel et admis par toutes les lois humaines dans le monde. Si donc l’homme considérait la femme comme un bien ou une propriété, il aurait accepté qu’un autre la partage avec lui comme il accepte qu’un autre s’associe avec lui dans la propriété des objets. Ne pouvant pas trouver un seul endroit dans le monde qui refuserait que plusieurs propriétaires possèdent en commun un objet ou un bien, nous ne saurions admettre que la polygamie soit fondée sur l’allégation que l’homme considérerait la femme comme une propriété ou un objet, et qu’il désirerait par conséquent en posséder plusieurs.
On dit : «Le mari étant un individu tout comme la femme, ils doivent par conséquent avoir des droits égaux. Pourquoi l’homme devrait-il avoir le droit de jouir de la polygamie et non pas la femme de la polyandrie ?»
Nous répondons à cette interrogation que c’est là l’erreur. Vous présumez là que la polygamie fait partie des droits du mari, et que la polyandrie fait partie des droits de la femme. Mais le fait est que la polygamie fait partie des droits de la femme, alors que la polyandrie ne fait partie ni des droits de l’homme ni des droits de la femme. Elle est contre l’intérêt de l’homme et de la femme en même temps. Nous démontrerons plus tard que le système de la polygamie a été adopté par l’Islam dans le but de sauvegarder les intérêts de la femme. Si son intention avait été de privilégier l’homme, l’Islam aurait autorisé l’homme à avoir des liaisons extra-conjugales avec des femmes qui ne seraient pas les siennes, et lui aurait ainsi épargné les responsabilités que lui imposent une femme légale et des enfants légitimes.
La polyandrie n’a jamais été dans l’intérêt de la femme. Ce n’est donc pas un droit dont elle aurait été privée.
Cet écrivain, dont nous avons cité les propos, a dit : «Nous cherchons à faire comprendre aux hommes que l’opinion qu’ils ont de la femme n’est fondée sur aucune base solide.»
Cela tombe bien, car c’est justement ce que nous voulons faire. Ainsi, dans les chapitres suivants, nous nous proposons d’expliquer la base des vues islamiques relatives à la polygamie.
Nous invitons tous les gens qui réfléchissent à les examiner et à voir si elles sont fondées ou non sur une base solide. Nous donnons notre parole d’honneur que nous retirerions tout ce que nous avons dit, s’il était établi, par quiconque, que la base du point de vue islamique est défective.
Note:
1- La polygamie est le fait qu’un homme soit marié à plusieurs femmes, ou une femme à plusieurs hommes.