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Zeinab Moshtaghi
Après la victoire de la Révolution islamique de 1979, le jour de la naissance de Fatima al-Zahrâ a été choisi en Iran pour devenir la « Journée de la femme » par le fondateur de la République islamique d’Iran, l’Imam Khomeiny. Que peut justifier un tel choix ? Qui est Fatima al-Zahrâ ? Quels sont les événements majeurs de sa vie ? Quels furent ses rôles, à la fois dans la sphère familiale en tant qu’épouse et mère, mais aussi dans la sphère sociale ? Voilà les questions auxquelles nous essaierons de répondre dans cette étude. Fatima al-Zahra est la fille du prophète Mohammad et de son épouse Khadija bint Khuwaylid, membre de la tribu mecquoise des Banu Asad, branche des Quraych. Selon les savants chiites, Fatima naquit le 20 Joumada Al-Thani (calendrier hégirien) à La Mecque cinq ans après le début de la mission prophétique de son père, en 615 (calendrier grégorien). (1) Pourtant, selon certaines sources, elle serait née une dizaine d’années plus tôt, en 604. Selon le Lisân al-Arab, dictionnaire encyclopédique de la langue arabe (IXe siècle), le mot « Fatima » signifierait « sevrée avant deux ans ». Par extension, ce mot veut également dire « celle qui sèvre » ou « celle qui se tient à l’écart du péché ». Les surnoms les plus célèbres de la fille du Prophète sont Zahrâ (la resplendissante), Sedigheh (la véridique), Tâhereh (la pure), Razieh, Marzieh (l’agréée), Mobârakeh (celle qui est bénie). Batoul, Mohadetheh, mais aussi « la Reine des femmes de deux mondes » ou « Mère de son père » font partie de ses autres surnoms. Selon la tradition, Fatima était telle que quand elle se tenait au mihrab, lieu où l’on prie, la lumière qui se dégageait d’elle était visible par tous les « habitants du ciel », de la même façon que la lumière des étoiles est visible par les gens de la terre. C’est la raison pour laquelle elle fut surnommée Zahrâ (la resplendissante). Le prophète Mohammad disait souvent : « Dieu est content de ceux qui font le contentement de Fatima et Dieu se met en colère contre ceux qui l’attristent. » L’Imam Khomeiny a dit à son propos que c’était « une femme qui était la fierté de la lignée des prophéties et qui, tel un astre, brillait au sommet de l’islam ». Il a également dit à l’occasion de l’anniversaire de sa naissance : « Une femme vint au monde, qui fut égale à l’humanité tout entière. Une femme vint au monde, qui est le modèle de l’humanité, une femme qui concentrait toutes les qualités de l’être humain. » Dans un autre discours, il remarque : « L’histoire de l’islam est témoin du respect infini que le Prophète a toujours porté à sa fille Fatima, afin de montrer aux gens la place individuelle et sociale de la femme, et qu’ils sachent que si la femme, par sa grandeur d’esprit, n’est pas supérieure à l’homme, elle ne lui est pas inférieure non plus. » Le Prophète aimait beaucoup Fatima et la respectait à tel point que chaque fois qu’elle entrait dans la pièce où il se trouvait, celui-ci se levait pour l’accueillir, la faisait asseoir à la place qu’il occupait lui-même et lui embrassait la main. Dans un long passage dédié à la personnalité de Fatima al-Zahra, l’Imam Khomeiny a déclaré : « Toutes les dimensions et toutes les qualités que l’on peut imaginer pour une femme ou pour un être humain étaient réunies dans la personnalité de Fatima al-Zahra. Certes, elle ne fut pas une femme ordinaire, mais une femme d’une grande spiritualité, un être humain au plein sens du terme. Elle était l’exemple même de l’humanité entière, la vérité même de la femme. Elle n’était pas une femme ordinaire, mais un être céleste qui se manifesta dans ce monde sous la forme d’un être humain, un être divin émané de la toute-puissance de Dieu, incarné sous la forme d’une femme. […] Toutes les excellentes qualités imaginables pour un être humain en général et pour une femme en particulier étaient rassemblées dans sa personnalité. […] Elle recélait en elle toutes les qualités des prophètes. Si elle avait été un homme, elle aurait sans doute pris la place du Prophète. […] Toute la dignité et la grandeur d’esprit d’une femme virent le jour avec la naissance de Fatima. La spiritualité, la magnificence spirituelle, les magnificences de la toute-puissance divine, les magnificences des anges et la nature se rassemblèrent dans son être. Elle fut l’être humain au plein sens du terme, une femme au plein sens du terme. […] L’être humain est un être en mouvement perpétuel : de l’état de nature pour s’élever à l’état de mystère jusqu’à un anéantissement total pour rejoindre l’état de divinité. Ce mouvement perpétuel était présent dans l’être de la fille du Prophète. Elle partit d’un état de nature et accomplit un mouvement spirituel grâce à 1’aide du Tout-Puissant et de la main de l’Invisible, mais aussi grâce à l’éducation qu’elle reçut du Prophète. Dans ce mouvement, elle franchit les étapes jusqu’à ce qu’elle atteignit le rang que nul ne peut atteindre. » Dans son ouvrage intitulé Velayat-e Faqih, l’Imam Khomeiny écrit : « D’après nos traditions, le Prophète et les Imâms étaient, avant la création de ce monde, des lumières dans l’ombre du Trône. Dans leur conception embryonnaire et leur nature, ils avaient un privilège par rapport aux autres hommes. Ils occupaient une position on ne peut plus éminente, de sorte que lors de l’ascension du Prophète au ciel (mi’raj), l’Ange Gabriel lui dit : « Si je m’étais approché un peu plus, j’aurais été brûlé. » Le Prophète dit : « Nous [le Prophète et les Imâms] avons avec Dieu un lien que ne peuvent avoir ni les archanges, ni les autres messagers. » Le fait que les Imâms possèdent une telle position éminente avant même que ne soit évoquée la question du pouvoir et du gouvernement fait partie des principes incontestables de notre religion. Selon la tradition, cette excellence spirituelle fut aussi celle de Fatima Zahra, celle qui ne fut pourtant ni prophète, ni calife, ni juge. Cette éminence est donc distincte du devoir de gouverner. Cependant, quand nous disons que Fatima al-Zahra ne fut ni juge ni calife, cela n’implique pas pour autant qu’elle est comme vous et moi ou qu’elle ne possède pas sur nous une supériorité spirituelle. » En ce qui concernait sa piété, sa dévotion et sa noblesse d’esprit, elle était à l’exemple de son père. D’ailleurs, selon des commentateurs, beaucoup de versets coraniques sont consacrés à sa louange. Le Prophète avait un amour profond pour sa fille, qui n’était pas seulement dû aux liens du sang qui les unissaient, mais s’expliquait par les vertus que celle-ci possédait et qui étaient exaltées dans le texte coranique. Le Prophète dit : « En vérité, c’est Dieu qui m’a ordonné de marier Fatima à Ali. » Lorsqu’on demanda à Aïcha, l’épouse du Prophète qui était la personne la plus aimée du Prophète, elle répondit que c’était Fatima al-Zahra. On lui demanda encore : « Et qui était le plus aimé du Prophète parmi les hommes ? ». Aïcha répondit : « Le mari de Fatima, Ali fils d’Abou Tâleb. » L’Imam Khomeiny a également dit : « Aux débuts de l’islam, il y avait à Médine une petite maison avec quatre ou cinq habitants. C’était la maison de Fatima al-Zahra. La maison humble et modeste recelait pourtant d’immenses bénédictions, et remplissait le monde de lumière. Dans le monde de la spiritualité, les habitants de cette petite maison s’élevaient à un rang si élevé que même les anges ne pouvaient l’atteindre. » Et l’Imam Khomeiny d’ajouter : « Dans cette petite maison, Fatima al-Zahra éduqua quatre enfants qui révélèrent toute la puissance de Dieu le Très-Haut et ont joué plus tard des rôles importants pour vous, moi, et toute l’humanité. » Dans un autre discours, l’Imam Khomeiny souligne : « Dans une petite pièce de cette humble maison, Fatima al-Zahra éleva ses deux fils – Hassan et Hussein – et ses deux filles – Zaynab et Oumm Koulthoum – dont la lumière éclairait toute l’étendue de la terre et montait jusqu’au ciel. Que la paix et le Salut du Très-Haut soient sur cette humble pièce qui fut le lieu de l’émanation de la lumière divine et où furent éduqués les meilleurs des descendants d’Adam. » L’Imam Khomeiny estimait que les croyants devaient prendre pour modèle la famille de Fatima al-Zahra : « Nous devons prendre modèle sur cette lignée ; nos femmes sur leurs femmes et nos hommes sur leurs hommes, mais aussi nous tous sur eux tous. Ils ont dédié leur vie au soutien des opprimés et à la revivification de la tradition divine. Nous devons les suivre et leur consacrer notre existence. Ceux qui connaissent l’histoire de l’islam savent que ces personnes éminentes n’étaient pas seulement l’incarnation des êtres parfaits, mais plus que cela, elles étaient des êtres divins pleins de spiritualité. Pour sauver les peuples et les opprimés, ils se soulevèrent face aux tyrans. » Le prophète Mohammad a dit : « Tout enfant suit la lignée de la famille paternelle, sauf les enfants de Fatima al-Zahra, dont je suis moi-même l’ascendant et la souche. » D’après des exégètes, la totalité de la sourate 76 du Coran est une louange aux « Ahl al-Bayt » (Gens de la Maison), c’est-à-dire l’Imâm Ali, Fatima al-Zahra et leurs deux fils Hassan et Hossein. Le texte coranique y décrit leur piété et la place élevée que Dieu leur accorde. Par ailleurs, dans les versets 33 et 34 de la sourate 33, nous pouvons lire un autre exemple d’une louange aux « Gens de la Maison » : « Dieu ne veut que vous débarrasser de toute souillure, ô gens de la maison [du prophète], et vous purifier pleinement. » Selon des sources islamiques, une délégation religieuse des chrétiens de Najran (aujourd’hui en Arabie saoudite), dirigée par un évêque, vint rencontrer le Prophète à Médine. Ces chrétiens avaient l’intention de débattre avec le Prophète au sujet de la croyance sur l’origine divine ou humaine de Jésus-Christ. Ce débat traîna en longueur et dura plusieurs jours. Ensuite, le verset 61 de la sourate 3 dit de « Mubâhala » fut révélé au Prophète, où il est dit : « À ceux qui te contredisent à son propos, maintenant que tu en es bien informé, tu n’as qu’à dire : « Venez, appelons nos fils et les vôtres, nos femmes et les vôtres, nos propres personnes et les vôtres, puis proférons exécration réciproque en appelant la malédiction de Dieu sur les menteurs. » Selon ce verset coranique, le Prophète reçut de la part de Dieu l’ordre de proposer aux ecclésiastiques de Najran un « Mubâhala » ou ordalie, impliquant que les deux parties se maudissent réciproquement et demandent à Dieu de maudire celui qui ment. Les deux parties se fixèrent un rendez-vous, chaque camp devant y amener les siens. Le jour de la « Mobâhala » qui eut lieu neuf ans après l’Hégire, le Prophète se rendit au lieu de rendez-vous alors qu’il n’était accompagné que par les « Gens de la Maison », c’est-à-dire son cousin et gendre Ali, sa fille Fatima al-Zahra et ses petits-fils Hassan et Hossein. Le Prophète prit Hossein sur ses épaules et Hassan par la main, tandis que sa fille et son gendre le suivaient. Quand la délégation des chrétiens de Najran et les leurs virent le Prophète au rendez-vous non pas accompagné d’une armée, mais uniquement avec les quatre membres de sa famille, ils s’accordèrent pour annuler la « Mubâhala ». Nous pouvons aussi évoquer l’affaire de Fadak et le célèbre sermon de Fatima al-Zahra qui qualifiait cette affaire d’« usurpation ». Fadak était un jardin que le Prophète avait légué à Fatima en héritage. Mais le premier calife usurpa ce droit exclusif des Gens de la Maison, tout comme il refusa le droit de l’Imâm Ali à la succession du Prophète. Dans son sermon, la fille du Prophète s’adressa donc à ceux – le pouvoir califal et ses partisans – qui usurpaient ses droits et ceux de l’Imâm Ali, contrairement à la volonté de Dieu exprimée par le Prophète. Il faut souligner que le souci principal et la préoccupation centrale de la fille du Prophète étaient la privation de l’Imâm Ali de son droit inaliénable à succéder immédiatement au messager de Dieu après sa mort. Dans son sermon, elle expliquait, en effet, que si le pouvoir califal privait injustement les successeurs légitimes du Prophète de la propriété de Fadak, c’était surtout pour priver l’Imâm Ali, qu’il considérait comme un concurrent, d’une source de revenus importante. Or, pour Fatima al-Zahra et les Gens de la Maison (Ahl al-Bayt), poursuivre l’œuvre du Prophète et préserver l’intégrité du message de l’islam relevait d’une mission divine, tandis que les biens matériels et tous les attraits de ce monde était dénué de valeur à leurs yeux. Comme beaucoup de textes le soulignent, les Gens de la Maison n’ont pas été créés pour ce bas monde, mais ce bas-monde a été créé pour eux et à cause d’eux. Fatima al-Zahra mit donc en avant la question de l’usurpation de Fadak (sujet personnel, concret et plus facilement compréhensible pour tout le monde), car avec cet exemple, il était plus facile de démontrer l’injustice à laquelle avaient été soumis les Ahl al-Bayt, et ce, afin de l’utiliser comme moyen permettant d’exprimer sa préoccupation principale qui portait sur le présent et l’avenir du message de l’islam, ainsi que la question de l’usurpation de la guidance par le califat au détriment des Imâms.
Notes
1-Shahidi, Ja’far, La vie de Fatima al-Zahra, 1998, p. 26