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Croire en Dieu: Il est Beni et Exalte
L’Homme est parvenu à croire en Dieu depuis les temps les plus reculés. Il L’a adoré, Lui a voué sa fidélité, et a éprouvé un profond attachement à Lui, avant de connaître toute abstraction spéculative et philosophique et d’atteindre la compréhension complète des modes de démonstration.
Cette croyance n’est ni le rejeton d’une contradiction des classes, ni le produit d’exploiteurs injustes voulant consacrer leur exploitation, ni le fait d’exploités, victimes d’injustice et désireux d’y trouver une échappatoire; car elle a précédé dans l’histoire de l’humanité, toutes contradictions de ce genre.
Elle n’est pas non plus la conséquence d’appréhensions quelconques, ni d’un sentiment d’effroi devant les catastrophes naturelles et leurs comportements hostiles. Si la religion était le fruit de la peur et le résultat d’un sentiment de terreur, les gens les plus religieux seraient, tout au long de l’histoire, les plus peureux et les plus enclins à l’effroi. Or, ce sont les gens les plus courageux et les plus aguerris qui ont porté l’étendard de la religion à travers les temps.
Au contraire, cette croyance est le reflet d’un penchant original qui pousse l’Homme à s’attacher à son Créateur, et d’un sentiment intime et solide qui lie l’être humain d’une façon infuse au Seigneur et à son Existence.
Dans une étape ultérieure de son histoire, l’homme s’est mis à philosopher sur les choses de l’existence qui l’entouraient. Il en a tiré des notions générales telles l’existence, le néant, le devoir, la possibilité, l’impossibilité, l’unité, le nombre, la complexité, la simplicité, la partie, le tout, le progrès, le sous-développement, la cause et l’effet. Il a tendu à les utiliser et à les appliquer plutôt dans le domaine de la démonstration afin de mieux étayer sa croyance originelle en Dieu, de la traiter philosophiquement et de la remettre en évidence par des méthodes de recherche philosophique.
Lorsque l’expérience est devenue un instrument de savoir dans le domaine de la recherche scientifique, et que les penseurs ont réalisé que ces notions générales ne suffisaient pas, à elles seules, à découvrir les lois de la nature, ni à connaître les secrets de l’Univers, ces derniers (les penseurs) ont acquis la conviction que la sensation et l’observation scientifique constituent le point de départ essentiel pour la recherche des dits secrets et lois.
Ce courant sensualiste de la recherche était en général utile pour développer l’expérience humaine de l’Univers et pour l’élargir dans une grande mesure.
Il commença sa démarche par l’affirmation que la sensation et l’expérience sont deux instruments que la raison et la connaissance humaine doivent utiliser pour découvrir les secrets de l’univers et son système complet qui entourent l’homme. Ainsi, au lieu d’un Aristote – par exemple – qui s’assiérait dans sa chambre fermée et calme, méditant sur le type de lien qui existerait entre le déplacement d’un corps, d’un point donné de l’espace vers un autre, et la force motrice, et en concluant que le corps en mouvement s’immobilise dès que la force motrice s’épuise, un Galilée arrive qui observe les corps mobiles pour en prendre note et en déduire un autre résultat et un lien différent entre le mouvement du corps et la force qui l’anime: lorsqu’un corps rencontre une force qui le met en mouvement, il ne cesse son mouvement (lors même que cette force s’épuise) que s’il s’expose à une autre force qui l’arrête.
Le sensualisme en question tend donc à encourager les chercheurs dans le domaine de la nature et des lois des phénomènes de l’Univers, d’accomplir leur recherche à travers deux étapes: la première est celle de la sensation et de l’expérience et du rassemblement de leurs données; la seconde est l’étape rationnelle, celle de la déduction et de la coordination de ces données, en vue de parvenir à une interprétation générale et acceptable.
Le sensualisme, dans sa réalité scientifique et à travers les pratiques de ses savants, ne prétendait point se passer de la raison. Par ailleurs, aucun des savants de la nature n’a pu découvrir, par la sensation et l’expérience, un secret de l’univers ni une loi de la nature sans le concours de la raison. Car le savant rassemble dans la première étape les notes que lui fournissent ses expériences ainsi que ses propres notes, et dans la seconde étape, il les confronte dans sa raison, jusqu’à ce qu’il parvienne à un résultat. A notre connaissance, aucune conquête scientifique n’a pu se réaliser sans la conjugaison des deux étapes, la première traitant de l’aspect sensible, la seconde ayant trait à l’aspect déductif et rationnel que la raison réalise et qui ne peut être perçu directement par les sensations.
Ainsi, prenons l’exemple de la loi de l’attraction universelle. Newton n’a perçu par la sensation directe ni la force d’attraction entre deux corps ni le fait qu’ils sont inversement proportionnel au carré de la distance entre leurs centres et directement proportionnels au produit de la multiplication de leurs masses; mais il a perçu par la sensation la chute de la pierre lorsqu’elle est lâchée dans l’air, ainsi que la révolution des planètes autour du Soleil. Il s’est mis alors à penser aux deux phénomènes ensemble, et s’est efforcé de les expliquer tous deux en s’aidant des théories de Galilée et de l’accélération régulière des corps tombant sur terre ou dégringolant sur des surfaces en pente, et en bénéficiant des lois de Kepler qui traitent du mouvement des planètes et dont l’une stipule que “le carré du temps de la révolution de chaque planète autour du soleil est proportionnel à la distance qui l’en sépare”(1).
C’est donc à la lumière de toutes ces connaissances et observations qu’il découvrit la loi de l’attraction universelle en vertu de laquelle “tous les corps matériels s’attirent mutuellement, en raison de leurs masses et en raison inverse du carré de leurs distances”.
Cette tendance sensualiste et expérimentale de recherche sur le système de l’Univers aurait pu et dû fournir un nouvel argument excellent à la croyance en Dieu, en raison de ses possibilités de découvrir toutes sortes d’harmonie (dans les phénomènes de l’Univers) (2) et les preuves de la sagesse qui indiquent l’existence du Créateur. Mais les savants naturalistes, en tant que savant de la nature, n’étaient pas préoccupés par l’éclaircissement de cette question, considérée encore à l’époque comme un problème philosophique, selon la classification en vigueur, des problèmes et des questions du savoir humain. Néanmoins, des tendances philosophiques rationnelles n’ont pas tardé à faire leur apparition dans le domaine de la philosophie et à l’extérieur du cadre de la science, et à tenter de rationaliser ce sensualisme et à l’ériger en philosophie. Elles ont annoncé que le seul moyen de la connaissance est la sensation, que là où s’arrête la sensation, s’arrête la connaissance de l’homme, et que tout ce qui ne peut être soumis ni d’une façon ni d’une autre, à l’expérience, l’homme n’a pas moyen de le prouver.
Partant de cette affirmation, on a vite fait de se servir de ce sensualisme et de la science expérimentale pour réfuter l’idée de la croyance en Dieu: puisque Dieu n’est pas un être perceptible par la sensation, et qu’on ne peut ni Le voir ni avoir la sensation de Son Existence, on ne peut donc pas Le prouver.
Cette utilisation impertinente du sensualisme n’était pas le fait des savants qui avaient pratiqué avec succès l’expérimentation, mais d’un groupe de philosophes de tendance rationaliste qui lui ont donné une interprétation philosophique ou rationnelle inexacte.
Mais peu à peu, ces tendances extrémistes sont tombées dans la contradiction. Sur le plan philosophique, elles se sont trouvées acculées à renier, en bloc et en détail, la réalité objective, c’est-à-dire l’Univers dans lequel nous vivons, puisque d’après elles, l’Homme ne possède que la sensation et que celle-ci lui fait connaître les choses telles qu’il les sent et non pas telles qu’elles sont. Ainsi lorsque nous percevons une chose, nous pouvons affirmer qu’elle existe dans notre sensation; quant à son existence, en dehors de notre conscience, d’une façon objective, indépendante et antérieure à la sensation, nous ne pouvons la prouver. En voyant la lune dans le ciel, nous pouvons affirmer seulement que nous voyons et percevons la lune en ce moment-là. Quant à savoir si la lune existe réellement dans le ciel et si elle existait avant que nous n’ouvrions nos yeux pour la voir, les tenants de ces tendances étaient incapables de l’affirmer, exactement comme le strabique qui voit des choses qui n’existent pas et affirme qu’il les voit, mais sans pouvoir affirmer leur existence dans la réalité.
Ainsi, la sensation elle-même a cessé d’être le moyen de connaissance du sensualisme philosophique. Au lieu d’être son moyen de connaissance, elle est devenue son terme final. La connaissance sensitive n’existait plus comme un phénomène indépendant de notre conscience et de notre perception.
Sur le plan rationnel, le sensualisme dans sa version la plus moderne s’est acheminé vers la position suivante: si la véracité ou la fausseté de la signification d’une phrase ne peuvent être vérifiées par la sensation ou l’expérience, la phrase est considérée comme un groupe de mots dépourvus de sens, exactement comme des lettres de l’alphabet qu’on prononce dans un ordre dispersé. Mais lorsque l’on peut vérifier la véracité ou la fausseté de sa signification, elle constitue un mot ayant un sens. Dans ce second cas, si la sensation établit la conformité de sa signification à la réalité, la phrase est véridique. En revanche, si cette sensation établit le contraire, elle est considérée comme fausse. Ainsi, si l’on dit: «La pluie tombe du ciel en hiver», on fait là une phrase significative – par son contenu. Mais si l’on dit: «La pluie tombe en été», la phrase a un sens, mais dont le contenu est faux. Et si on dit: «Une chose qu’on ne peut ni voir ni percevoir tombe la “Nuit du Destin”(3)», on a là une phrase dépourvue de sens, abstraction faite de sa véracité ou de sa fausseté, puisqu’on ne peut en vérifier le contenu ni par la sensation ni par l’expérience; car c’est exactement comme si on disait: «”DIZE”(4)descend la Nuit du Destin». De même que cette phrase-ci n’a pas de sens, cette phrase-là n’en a pas non plus.
Par conséquent dire: «Dieu existe», c’est comme si l’on disait: «”Dize” existe». De même que la seconde phrase est dénuée de sens, la première l’est aussi. Puisqu’on ne peut connaître Dieu par la sensation et l’expérience.
Ce courant rationaliste se heurte lui aussi à une contradiction pour la simple raison que son raisonnement, basé lui-même sur l’extrapolation, ne peut être perçu par la sensation et la perception directe, et devient ainsi une parole dénuée de sens, dans la conclusion qu’il a tirée ici. En prétendant que toute phrase dont la signification ne peut être vérifiée par la sensation et l’expérience est dénuée de sens, ce rationalisme procède lui-même de ce fait par généralisation. Or toute généralisation dépasse le cadre de la sensation; car celle-ci ne couvre que des cas partiels limités. De cette façon, ce courant a fini par se contredire lui-même, outre qu’il contredit toutes les généralisations scientifiques par lesquelles les savants interprètent d’une façon globale les phénomènes de l’Univers; car la généralisation – toute généralisation – ne peut être perçue directement par la sensation, elle est plutôt induite et démontrée à partir des indices fournis par des phénomènes sensibles limités(5).
Heureusement, la science n’a pas prêté attention, dans son cheminement et son évolution continuelle, à ces courants. Elle poursuivait ses recherches sur les découvertes de l’univers, toujours à partir de la sensation et de l’expérience; et tout en passant outre les limites étroites des tendances philosophiques et rationalistes, elle déployait des efforts rationnels en vue de coordonner les phénomènes, de les replacer dans des cadres normatifs généraux et de découvrir les liens et les relations qui existent entre eux.
Parallèlement, l’influence philosophique et rationnelle des tendances extrémistes s’est réduite, même au niveau des doctrines philosophiques matérialistes. Ainsi, la philosophie matérialiste moderne représentée par les matérialistes dialecticiens, refuse franchement toutes ces tendances et s’arroge le droit d’outrepasser le cadre de la sensation et de l’expérience qui constitue la première phase par laquelle le savant commence sa recherche, ainsi que celui de la seconde phase par laquelle il achève sa recherche, afin de pouvoir comparer les différentes données de la science, de leur donner une interprétation théorique générale et de déterminer les liens et les relations éventuels qui existent entre elles.
Lorsque le matérialisme dialectique, dernier héritier du matérialisme dans l’histoire, a abouti à une interprétation globale de l’Univers dans un cadre dialectique, il est devenu lui-même, métaphysique, selon le point de vue des tendances sensualistes extrémistes.
Cela signifie que le matérialisme et le théisme s’accordent pour dépasser le cadre de la sensation (que les tendances matérialistes extrémistes affirmaient pourtant qu’il ne faut pas franchir) et qu’il serait admis désormais que la connaissance passe par deux phases, celle de la ressemblance des données de la sensation et de l’expérience, et celle de l’interprétation théorique et rationnelle de ces données. Mais ce qui sépare le théisme du matérialisme, c’est le type de l’interprétation qu’il faut déduire des différentes données de la science au terme de la deuxième phase. Alors que le matérialisme propose une interprétation qui renie l’existence d’un créateur avisé, le théisme pense que ces données ne peuvent être convaincantes que si elles admettent l’existence d’un Créateur Avisé.
Nous allons à présent exposer deux types de démons démonstration de l’existence du Créateur Avisé. Chacune d’elles incarne les données de la sensation et de l’expérience d’une part, l’organisation rationnelle de ces données en vue d’en déduire l’existence d’un Créateur Avisé de cet Univers, d’autre part. Nous appelons la première démonstration, scientifique (inductive), la seconde démonstration, philosophique. Avant de commencer par la première démonstration, c’est-à-dire la démonstration scientifique, il convient tout d’abord, de la définir. La démonstration scientifique est toute démonstration basée sur la sensation et l’expérience et suivant la méthode du raisonnement inductif fondé sur le calcul des probabilités.
C’est donc cette méthode du raisonnement inductif fondé sur le calcul des probabilités, que nous allons adopter comme méthode de démonstration scientifique en vue de prouver l’existence du Créateur(6). C’est pourquoi nous appellerons la démonstration scientifique de l’existence du Créateur: démonstration inductive.
Notes:
1-Il s’agit probablement de la loi selon laquelle: “les carrés des temps des révolutions planétaires sont proportionnels aux cubes des axes des orbites” (Petit Larousse illustré, 1979, Partie historique, Article: Kepler, p. 1454). N.T.D.
2-N.D.T.
3-“Laylat al- Qadar” = jour sacré pour les musulmans.
4-“dize” = mot qui n’a aucun sens, inventé par l’auteur pour symboliser un non-sens, N.D.T.
5-Pour plus de détails concernant la position de la logique positiviste et sa critique, voir notre ouvrage: “Les Fondements Logiques de l’Induction”,
p.489.
6-La méthode de la démonstration n’est pas la démonstration elle- même. Car vous pouvez démontrer que le Soleil est plus grand que la Lune en vous basant sur les affirmations des savants. La méthode est ici, le fait de considérer l’affirmation des savants comme démonstration de la vérité. Vous pourriez également arguer qu’un tel va mourir rapidement en vous basant sur un rêve que vous auriez fait et dans lequel vous auriez rêvé de sa mort. La méthode, dans ce cas, est de prendre les rêves comme démonstration de la vérité? Vous pouvez enfin arguer que la Terre est un grand aimant bipolaire, ayant un pôle négatif et un pôle positif, lorsque vous remarquez qu’une aiguille aimantée, posée horizontalement oriente toujours l’une de ses deux extrémités vers le Nord, l’autre vers le Sud. La méthode ici consiste à adopter l’expérience comme démonstration. La véracité de chaque démonstration est fondamentalement liée à la véracité de la méthode dont elle dépend.