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L’Imâm miraculeux
Parmi les Imâms appartenant aux Gens de la Maison (p), on compte l’Imâm Muhammad Ibn ‘Ali al-Jawâd (p). Si nous parlons de sa vie, c’est pour apprendre comment vivre l’Islam à travers ces élus purifiés que sont les Gens de la Maison (p). C’est pour apprendre à faire face à notre présent à travers les lignes lumineuses de notre passé. C’est pour construire notre avenir à tous sur la base de la Révélation divine et des enseignements du Messager de Dieu (P), enseignements qu’ont diffusés les Imâms appartenant aux Gens de la Famille (P), qui ont concrétisé –par leurs paroles, leurs enseignements, leurs actions et leurs faits et gestes- tout ce qui est révélé dans le Livre de Dieu et tout ce qui est exprimé dans la Sunna du Prophète (P).
L’Imâm al-Jawâd (p), le miracle de l’Imâmat
L’Imâm al-Jawâd (p) est celui qui, très tôt, a été ouvert à la ligne de l’Imâmat. On peut dire à son compte ce qui est dit par Dieu en ce qui concerne la prophétie de Yahyâ (p) : ((Nous lui avons donné la sagesse alors qu’il n’était qu’un petit enfant)) (Coran XIX, 12). Après la mort de son père, l’Imâm ‘Ali Ibn Mussa ar-Ridâ (p), l’Imâm al-Jawâd (p) a assumé toutes les responsabilités de l’Imâmat. On peut donc l’appeler « L’Imâm miraculeux ». Car son Imâmat était ouvert à toute la réalité alors qu’il était encore trop jeune. Il a surpris les raisons tellement ses sciences étaient immenses, tellement il donnait les réponses exactes aux questions les plus compliquées qu’on lui posait, tellement il avait le pouvoir de montrer les qualifications de la loi divine.
Dès sa tendre enfance, l’Imâm a pu prouver la validité et l’efficacité de l’Imâmat. Muhammad Ibn Talha nous rapporte le récit suivant : « Après la mort de son Père, ar-Ridâ (p) et l’arrivée, un an après, du calife al-Ma’mûn à Bagdad, celui-ci, ayant voulu aller à la chasse, il a pris un chemin au bout de la ville où des enfants étaient en train de jouer et Muhammad al-Jawâd se trouvait parmi eux. Il avait alors onze ans environ. A la vue du calife, les enfants ont détalé loin, mais Abû Ja’far, Muhammad (p) n’a pas bougé de sa place. Alors le calife s’est arrêté (…) et lui a dit : « Pourquoi, enfant, n’as-tu pas cédé la place avec les enfants ? ». Muhammad al-Jawâd (p) lui a répondu immédiatement : « Ô commandeur des croyants, le chemin n’est pas étroit pour que je puisse le rendre plus large pour toi en m’y retirant. Je n’ai pas commis un crime que j’aurais à craindre. Et j’ai de toi une bonne pensée : Tu ne fais pas de mal à celui qui n’a pas commis une faute. C’est pour cette raison que je suis resté »(1).
Ces paroles sages et équilibrées révèlent une connaissance profonde de l’homme qui est en confrontation avec le pouvoir qui le menace, le terrorise et le contraint à s’éclipser. Mais pourquoi avoir peur lorsqu’on n’aura pas commis un crime qui implique un châtiment ? Pourquoi devrait-il céder la place si le chemin est assez large pour le passage des autres ? Pourquoi devrions-nous avoir peur lorsqu’on est innocent et lorsque celui qui détient le pouvoir est équilibré et juste dans ses jugements et dans ses relations avec les gens ? A cela s’ajoutent le courage de l’attitude, l’audace du discours et la fermeté de la volonté, qui sont des choses qu’on ne trouve pas ordinairement chez une personne qui n’a que la raison d’un enfant. Cela révèle l’existence d’un esprit réfléchi et ouvert à la réalité grâce à une faculté sainte et de provenance divine. C’est cette faculté qui a obligé al-Ma’mûn et les gens qui l’entouraient à respecter l’imâm comme nous le verrons plus tard.
‘Ali Ibn Ja’far, Safwân Ibn Yahyâ, Mu’ammar Ibn Khallâd, al-Hussein Ibn Bashshâr, Ibn Abû Nasr al-Bîzantî, Ibn Qayâmâ al-Wâsitî, al-Hassan Ibn al-Jahm, Abû Yahyâ as-San’ânî, al-Khayrânî, Yahyâ Ibn Habîb az-Zayyât et beaucoup d’autres(2)ont rapporté que l’Imâm Abû al-Hassan ar-Ridâ (p) a désigné son fils Abû Ja’far al-Jawâd (p) comme Imâm après lui. On lit dans Târîkh al Mas’udï (Histoire de Mas’udï) qui le tient d’une chaîne de transmetteurs qui finit par Muhammad Ibn al-Hussein Ibn Asbât, le texte suivant : «’Ali, Abû Ja’far, était sorti à notre rencontre. Je me suis alors mis à le regarder pour pouvoir le décrire à nos compagnons en Egypte. Il m’a dit : ‘Ô ‘Ali Ibn Asbât ! Dieu a donné des arguments en ce qui concerne l’Imâmat tout comme Il a donné des arguments en ce qui concerne la Prophétie. Il a dit à ce propos : ((Nous lui avons donné la sagesse alors qu’il n’était qu’un petit enfant)) (Coran XIX, 12). Et ((lorsqu’il a atteint l’âge adulte, Nous lui donnâmes la sagesse et la science)) (Coran XII, 22). Il est donc possible que la sagesse lui soit donnée alors qu’il n’est qu’un petit enfant, ou lorsqu’il atteint l’âge de quarante ans’ » (3).
Dans son livre « al-Irshâd », ash-Cheikh al-Mufîd a écrit : « Constatant les vertus de Abû Ja’far (p) en dépit de son bas âge, et le degré qu’il a atteint en matière de science, de sagesse, de culture et de perfection d’esprit, degré qui n’était atteint par aucun des savant de son époque, al-Ma’mûn en était tellement passionné et admiratif qu’il lui a donné en mariage sa fille Umm al-Fadl. Abû Ja’far (p) l’a emmenée avec lui à Médine entouré de toutes les faveurs et de tous les respects de al-Ma’mûn ». Al-Hassan Ibn Muhammad Ibn Sulaymân tient de ‘Ali Ibn Ibrâhîm Ibn Hâshim, qui le tient de son père, qui le tient de ar-Rayyân Ibn Shubîb qui a dit : « Lorsque al-Ma’mûn a décidé de donner sa fille Umm al-Fadl en mariage à Abû Ja’far, Muhammad Ibn ‘Ali (p), les Abbassides ont eu connaissance de l’affaire et en ont été terrifiés. Ils craignaient un aboutissement semblable à celui qui a déjà eu lieu avec son père ar-Ridâ (p) (que al-Ma’mûn avait désigné comme son héritier présomptif). Ils en ont donc discuté et certains des plus proches parents de al-Ma’mûn se sont rendu chez lui et lui ont dit : ‘Nous te demandons, au nom de Dieu, ô Commandeur des croyants, de renoncer à cette affaire et de ne pas donner ta fille en mariage au fils de ar-Ridâ. Nous craignons le voir nous déposséder de ce que Dieu nous a donné, et nous ôter la gloire que Dieu nous a offert. Tu connais toute l’hostilité, ancienne et récente, entre nous et les Banû Abû Tâlib, et tu sais comment les califes bien dirigés (les Abbassides) qui t’ont précédés les avaient éloignés et humiliés. Nous avions eu peur de ce que tu as fait avec ar-Ridâ, et Dieu nous a épargné les soucis. Garde-toi donc, au nom de Dieu, de recommencer à nous inquiéter, renonce à ce que tu as décidé au sujet du fils de ar-Ridâ et choisis, à sa place, quelqu’un de ta propre parenté…
Al-Ma’mûn leur a répondu : ‘Pour ce qui est de l’hostilité entre vous et les Banû Abû Tâlib, vous en êtes la cause. Il aurait été mieux pour vous d’être justes à leur égard. Pour ce qui est des agissements de ceux qui m’ont précédé à leur égard, ils ne faisaient que manquer à leur devoir envers leurs proches et je demande abri auprès de Dieu contre ces agissements. Par Dieu, je n’ai point regretté le fait d’avoir désigné ar-Ridâ. Je lui ai demandé de détenir tout le pouvoir et j’étais prêt à me destituer, mais il l’a refusé. Ce que Dieu a voulu a eu lieu. Quant à Abû Ja’far, Muhammad Ibn ‘Ali, je l’ai choisi pour sa suprématie, malgré son bas âge, en matière de vertu et de science par rapport à tous ceux qui excellent dans ces domaines. Et pour tout ce qu’il a de miraculeux. J’espère que les gens constatent ce que j’ai constaté à son sujet et reconnaissent que j’ai eu raison en le choisissant’.
Ils lui ont dit : ‘Cet enfant là te plait peut-être pour ces qualité ; mais il n’est qu’un enfant sans savoir et sans connaissance en matière de jurisprudence. Laisse lui donc le temps d’apprendre les affaires de ce monde et tu verras plus tard ce que tu en feras’.
Il leur a répondu : ‘Malheur à vous ! Je connais ce jeune plus que vous ne le connaissez vous-mêmes. Il appartient à une famille dont la science vient de Dieu qui les inspire. Ses pères ont toujours été versés dans la connaissance de la science de la religion et n’avaient pas besoin d’apprendre auprès de ceux qui n’ont pas atteint la perfection. Si vous le voulez bien, examinez Abû Ja’far pour vous persuader qu’il est tel que je viens de vous le dire’.
Ils ont dit : ‘Nous acceptons, ô commandeur des croyant, pour vous et pour nous, de l’examiner. Laisse-nous donc choisir un savant pour l’interroger, en ta présence, au sujet de la jurisprudence de la loi. S’il donne des bonnes réponses, nous cesserons de protester, et les gens sauront alors que le commandeur des croyants a raison. Mais s’il se montre incapable de répondre, nous serons alors à l’abri des problèmes’.
Al-Ma’mûn leur a dit : ‘Faites cela quand vous le voulez ». Ils sont sortis et se sont accordés à s’en remettre à Yahyâ Ibn Aktham qui occupait à l’époque la fonction de Grand juge (juge des juges). Ils lui ont promis beaucoup d’argent et l’ont chargé de poser à al-Jawâd (p) une question qu’il ne saurait y répondre. Puis ils sont allés retrouver al-Ma’mûn auquel ils ont demandé de fixer une date pour la grande rencontre, pour le grand duel.
Le jour convenu, ils se sont tous retrouvés et Yahyâ Ibn Aktham était présent. Al-Ma’mûn a ordonné de préparer à Abû Ja’far (p) un lieu pour s’asseoir sur un matelas avec deux coussins pour s’accouder. Abû Ja’far (p) (il avait alors un peu plus de neuf ans) est entré et a pris place entre les deux coussins face à Ibn Aktham. Al-Ma’mûn a pris place non loin de Abû Ja’far (p) et chacune des personnes présentes a pris, selon son rang, la place qui lui a été désignée.
Puis Ibn Aktham s’est adressé à al-Ma’mûn lui demandant l’autorisation de poser ses questions à Abû Ja’far, ce qui a été fait. Alors Ibn Aktham s’est adressé à Abû Ja’far et lui a dit : ‘Que je sois sacrifié pour toi, me permets-tu de te poser une question ?’. Abû Ja’far (p) lui a répondu : ‘pose la question que tu veux’. Alors, Ibn Aktham lui a dit : ‘Que dis-tu à propos d’un homme en état de sacralisation (ihrâm) pour le pèlerinage mais qui aurait tué un gibier !’.
Abû Ja’far a répondu : ‘L’a-t-il tué dans un endroit sacralisé ou non ? L’a-t-il tué tout en sachant qu’il lui est interdit de le tuer ou non ? L’a-t-il tué exprès ou par accident ? Le chasseur était-il libre ou esclave, mineur ou majeur, pour la première foi ou en récidivant ? Le gibier, était-il un oiseau ou un autre animal ? Etait-il un petit ou un grand oiseau ? Le chasseur l’a-t-il fait avec insistance, ou bien s’en est-il repenti ? L’a-t-il tué de jour ou de nuit ? L’état de sacralisation était-il celui du pèlerinage majeur ou du pèlerinage mineur ?’.
Perplexe, Ibn Aktham ne savait pas quoi dire et il s’est mis à marmotter. Toute la séance s’est rendu compte de son échec et de sa honte. Al-Ma’mûn a donc pris la parole et a dit : ‘Gloire à Dieu pour cette bénédiction et pour la justesse de mon choix’. Puis, regardant les siens, il leur a dit : ‘reconnaissez-vous maintenant ce que vous avez nié hier ?’.
Puis, se tournant vers Abû Ja’far, il lui a dit : ‘Veux-tu demander la main de ma fille, ô Abû Ja’far ?’. Recevant la réponse affirmative, al-Ma’mûn lui a dit : ‘Que je sois sacrifié pour toi ! Je te donne ma fille Umm al-Fadl en mariage, même si certains ne le souhaitent pas’. Après cela, al-Ma’mûn lui a demandé de poser une question à Ibn Aktham. Abû Ja’far (p) a dit à Ibn Aktham : ‘Puis-je te poser une question ?’. Il a répondu : ‘C’est à toi de décider. Je saurais peut-être répondre, sinon tu me donneras la réponse’.
Abû Ja’far (p) lui a donc posé la question suivante : ‘Que dis-tu au sujet d’un homme qui a regardé une femme au début de la journée mais que son regard était illicite. Quelques moments plus tard, la femme lui était licite. A midi, elle lui était illicite. Dans l’après-midi, elle lui était licite. Au coucher du soleil, elle lui était illicite. Au moment de la prière du soir, elle lui était licite. A minuit, elle lui était illicite. A l’aube elle lui était licite. Qu’en était-il de cette femme ? Et pourquoi elle lui était tantôt licite tantôt illicite ?’.
Yahyâ a répondu : ‘Par Dieu, je ne connais pas la réponse ! Peux-tu nous la donner ?’
Abû Ja’far (p) a dit : ‘Cette femme est une esclave qui appartient à un certain homme. Un homme étranger l’a regardée au début de la journée et son regard était illicite. Quelques moments plus tard, il l’a achetée, et là il lui était licite de la regarder. A midi, il l’a affranchie et il ne lui était plus licite de la regarder. Dans l’après midi, il s’est marié avec elle et elle lui était devenue licite. Au coucher du soleil, il a juré de ne plus la prendre comme femme et elle lui était devenue illicite. Au moment de la prière du soir, il a versé une expiation et elle lui était redevenue licite. A minuit, il l’a divorcée et elle lui était devenue illicite. A l’aube il s’est remarié avec elle et elle lui était redevenue licite’.
Alors, al-Mâ’mûn s’est adressé aux siens et leur a dit : ‘Y a-t-il parmi vous quelqu’un qui saurait répondre à une telle question ?’.
Ils ont tous répondu : ‘Par Dieu ! Que non. Le commandeur des croyants sait mieux que nous ce qu’il y à faire’ » (4).
Tout cela nous permet de dire à propos de l’Imâm al-Jawâd qu’il est « l’Imâm miraculeux ». Avec toute cette science qui lui est inspirée par Dieu, il est vraiment un miracle dans la mesure où les savants de l’époque ne pouvaient pas l’égaler.
Plusieurs remarques sont à faire au sujet du rapport que nous venons de relater :
Première remarque : Les Abbassides tenaient à ne pas perdre le califat. Ils étaient donc très sensibles face à toute relation que pouvait entretenir l’un des califes avec tel ou tel homme appartenant aux Gens de la Maison (p), par crainte de voire le peuple le soutenir en profitant de cette relation, ou de voir le calife lui-même admirer les qualités spirituelles et scientifiques de cet homme et penser à lui céder le califat, comme c’était le cas de al-Ma’mûn avec l’Imâm ‘Ali ar-Ridâ (p). Mais al-Ma’mûn a fait face à ses proches en leur montrant la valeur des Gens de la Maison (p) et leur distinction en matière de science, de spiritualité, de piété et de proximité d’avec Dieu. Cela veut dire que les Gens de la Maison (P) avaient la priorité de détenir le califat. Il leur a parlé des injustices commises par les califes qui l’ont précédé contre les Gens de la Maison (p), agissements qui contredisaient les plus simples exigences de l’équité. Il a donc demandé refuge auprès de Dieu exprimant ainsi son aptitude à ne pas suivre l’exemple de ces ancêtres, puis il a réaffirmé la justesse de son attitude en désignant l’Imâm ar-Ridâ (p) comme son héritier présomptif, mais l’Imâm (p) l’a refusé et, mort avant al-Ma’mûn, l’affaire était réglée.
Deuxième remarque : L’attitude de al-Ma’mûn montre que les Gens de la Maison (p) jouissaient d’une grande notoriété dans la société grâce à leurs qualités et à leurs vertus, notoriété reconnue même par les califes qui ne considéraient les personnes qu’à travers leurs relations avec le pouvoir. C’est-à-dire, ils ne regardaient pas les choses avec objectivité ce qui plaçait leurs attitudes dans la sphère du fanatisme subjectif et non pas dans la sphère de la justice. L’attitude de al-Ma’mûn montre aussi qu’il était équitable vis-à-vis de l’Imâm al-Jawâd (p), ou au moins, qu’il sentait le besoin de se débarrasser du passé encore récent lié à la mort de l’Imâm ar-Ridâ (p) où il était soupçonné d’y être impliqué.
Troisième remarque : étant versé dans la science, l’Imâm al-Jawâd (p) a défié ceux qui étaient considérés par les gens comme des savants qui détenaient des pouvoirs exécutifs auprès des autorités et dans le domaine juridique. Il voulait prouver devant l’assistance qu’il possédait d’immenses connaissances dans le domaine de la pensée et de la jurisprudence. Des connaissances qui lui permettaient de répondre à toute question, malgré son bas âge qui a donné aux Abbassides l’impression qu’il était encore incapable de réfléchir, d’analyser ou de répondre aux questions qu’on pouvait lui poser. Ils pensaient qu’il pouvait être droit et de bon caractère en raison de son éducation, mais qu’il ne possédait pas la connaissance scientifique dont l’acquisition a besoin de beaucoup plus de temps à consacrer aux études. La surprise était pour eux de la taille du choc lorsqu’il a eu raison du plus grand juge dans le pays bien que celui-ci avait préparé, sous l’instigation des Abbassides, des questions difficiles pour montrer l’incapacité qu’ils espéraient de la part de l’Imâm al-Jawâd (p). Mais l’Imâm (p) a fini par l’emporter et celui qui lançait le défi en posant ses questions a dû être questionné lui-même sans pouvoir relever le défi qui lui a été lancé par l’Imâm (p).
Quatrième remarque : Les Imâms appartenant aux Gens de la Famille (p) relevaient les défis, s’ouvraient sur le dialogue et répondaient immédiatement aux questions qu’on leur posait sans demander un délai pour la réflexion, la contemplation ou la consultation de tel ou tel livre. Cela prouve que leur science pouvait donner des réponses à toutes les questions qui pouvaient se poser dans l’esprit de ceux qui les posaient. C’est cela même qui, à la différence des autres, les habilitait à l’Imâmat et à la direction. Pour montrer la supériorité de l’Imâm ‘Ali (p) par rapport aux autres, al-Khalîl Ibn Ahmad al-Farâhîdî a dit : « Le fait que tout le monde avait besoin de lui alors qu’il n’avait pas lui-même besoin des autres prouve qu’il était, lui, l’Imâm ». C’est là la leçon que devraient retenir les dirigeants musulmans sur la scène de la confrontation culturelle avec les intellectuels appartenant au camp adverse. Le dirigeant doit posséder une immense connaissance à même de lui permettre de relever le défi dans tout dialogue et face à toute question pour ainsi prouver qu’il a les meilleurs arguments susceptibles de faire plier les autres à la vérité par les moyens de la seule pression scientifique.
Au sujet du bas âge de l’Imâm al-Jawâd (p) lorsqu’il a remplacé son père, l’Imâm ar-Ridâ (p)
1- Une Tradition rapportée par ‘Abdullah Ibn Ja’far dit : « je me suis rendu avec Safwân Ibn Yahyâ chez l’Imâm ar-Ridâ (p). Son fils Abû Ja’far (p) était debout et il avait trois ans. Nous lui avons dit : ‘Que nous soyons sacrifiés pour toi ! Si quelque chose t’arrive, qui sera l’Imâm après toi ?’. Il a répondu en le désignant du doigt : ‘Mon fils que voici’. Nous lui avons dit : ‘Même à cet âge ?’. Il a répondu : ‘Même à cet âge. Dieu, le Très-Haut, a investi Jésus alors qu’il avait deux ans’» (5).
2- On lit dans « al-Irshâd »:« Abû al-Qâssim, Ja’far Ibn Muhammad, qui le tient de Muhammad Ibn Ya’qûb, qui le tient de al-Hussein Ibn Muhammad qui le tient de al-Khayrânî, qui le tient de son père, m’a dit : ‘Je me trouvais debout devant Abû al-Hassan ar-Ridâ (p) au Khorasan. Quelqu’un lui a dit : ‘Maître ! Si quelque chose t’arrive, qui sera l’Imâm après toi ? Il a répondu : ‘Mon fils, Abû Ja’far.
Celui qui a posé la question paraissait insatisfait eu égard à l’âge de Abû Ja’far. Alors Abû al-Hassan (p) lui a dit : Dieu a envoyé Jésus, Fils de Mariam, en tant que messager et prophète porteur d’une loi sans précédent alors qu’il n’avait pas l’âge de Abû Ja’far» (6).
3-Abû al-Qâssim, Ja’far Ibn Muhammad, qui le tient de Muhammad Ibn Ya’qûb, qui le tient de Muhammad Ibn Yahyâ, qui le tient de Ahmad Ibn Muhammad Ibn Îssâ, qui le tient de Mu’ammar Ibn Khallâd qui a dit : « J’ai entendu ar-Ridâ (p) dire alors qu’on parlait des signes grâce auxquels on reconnaît l’Imâm : ‘Vous n’avez pas besoin de cela. Voici Abû Ja’far ; je l’ai mis à ma place. Nous sommes d’une Maison où nos petits héritent toutes choses de nos grands’ » (7).
Nous remarquons que dans ces textes, l’Imâm ar-Ridâ (p) qui voulait affirmer la capacité de l’Imâm al-Jawâd (p) de tenir l’Imâmat en dépit de son bas âge, voulait aussi montrer aux personnes qui l’interrogeaient à ce sujet qu’il existe dans l’Imâmat un élément invisible, qui provient de l’Au-delà et qui ne se soumet pas aux critères habituels reconnus par les gens. Il voulait les porter à le comprendre à travers les facultés sacrées qui paraîtront à l’avenir et qui prouveront la validité de son Imâmat.
On lit dans « al-Kâfî » dont l’auteur le tient de Muhammad Ibn al-Hassan Ibn ‘Ammâr qui dit : « Je me trouvais à Médine chez ‘Ali Ibn Ja’far Ibn Muhammad, où j’ai passé deux ans à écrire ce qu’il avait entendu de son frère, Abû al-Hassan (p), lorsque Abû Ja’far, Muhammad Ibn ‘Ali ar-Ridâ est entré dans la Mosquée du Messager de Dieu (P). ‘Ali Ibn Ja’far a couru vers lui, sans souliers et sans cape et s’est mis à lui baiser les mains en lui montrant beaucoup de signes de respect. Abû Ja’far (p) lui a dit : ‘Assieds-toi, oncle, Que Dieu aie miséricorde de toi’. Il a répondu : ‘Maître ! M’assoirais-je alors que toi, tu es debout ?’. Au retour de ‘Ali Ibn Ja’far à sa place, ceux qui étaient assis avec lui se sont mis à le réprimander en disant : ‘Tu es l’oncle de son père ; comment agis-tu de la sorte avec lui ?’. Il leur a répondu : ‘Taisez-vous’. Puis, tenant sa barbe dans sa main, il leur a dit : ‘Si Dieu, à Lui la Grandeur et la Gloire n’a pas honoré cette barbe mais qu’Il a honoré ce jeune homme et l’a placé là où Il l’a placé, puis-je alors nier ses mérites ? Je demande refuge auprès de Dieu contre ce que vous venez de Dire. Je ne suis que l’esclave de ce jeune homme !’ » (8).
Ce témoignage émanant d’un homme honorable et digne de confiance, ‘Ali Ibn Ja’far, un homme avancé en âge et dont les mérites et la sincérité sont reconnus, prouve que l’Imâmat de l’Imâm al-Jawâd était connue et admise par les plus grands hommes parmi les Banû Hâshim. C’est pour cette raison qu’il lui a montré tout ce respect et qu’il a agi avec humilité devant son statut d’Imâm en disant « Je ne suis que l’esclave de ce jeune homme !’ ». Cela constitue un grand témoignage en faveur de son Imâmat. Quant à ceux qui était assis avec ‘Ali Ibn Ja’far, ils ont considéré la situation sous l’angle de l’âge et du statut familial (Il était l’oncle de son père). Mais il leur a répondu en leur montrant que la question est celle de la grâce de Dieu qui lui a donné son statut d’Imâm qui le rend supérieur à son oncle. C’était comme s’il leur disait que le critère de l’Imâmat n’est pas soumis aux considérations qui dominent leur mentalité et qui explique leur évaluation.
Lettres de l’Imâm ar-Ridâ (p) à son fils l’Imâm al-Jawâd (p)
Lorsque l’Imâm ar-Ridâ (p) séjournait au Khorasan alors que son fils l’Imâm al-Jawâd (p) se trouvait à Médine, il lui a écrit la lettre suivante : « Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux. Que Dieu te donne une longue vie et qu’Il te protège de ton ennemi, ô mon fils, que ton père soit sacrifié pour toi. Je t’ai mis au courant de ce que je possède comme biens alors que je suis encore en vie dans l’espoir de voir Dieu augmenter tes biens dans la mesure où tu te montres généreux par rapport à tes proches et aux serviteurs de Mussa et de Ja’far (Al-Kâzim et as-Sâdiq). Dieu a dit : ((Qui donc veut consentir un prêt gracieux à Dieu ? Dieu le multipliera pour lui à l’infini)) (Coran II, 245). Il a dit aussi : ((Dieu fera succéder l’aisance à la gêne)) (Coran LXV, 7). Dieu t’a donné beaucoup de biens, que je sois sacrifié pour toi. Ne me cache donc rien par amour de ces bien car tu risques alors de perdre tes chances, et que la paix soit sur toi » (9).
Dans cette lettre, L’Imâm ar-Ridâ (p) demande à l’Imâm al-Jawâd (p), tout jeune qu’il était, d’assumer sa responsabilité en se montrant généreuse envers ses proches. Elle insiste sur l’importance du respect des droits des proches, ainsi que du rôle qu’il devait jouer en occupant, à Médine, la place de son père qui était absent. Il lui demande aussi de le mettre au courant des évènements qui se déroulaient à Médine. Nous signalons son expression « Que je sois sacrifié pour toi » qui révèle l’amour profond et l’affection paternelle, surtout que l’Imâm al-Jawâd (p) était son fils unique qu’il aimait de tout son cœur.
Il lui disait dans une autre lettre : « Ô Abû Ja’far ! J’ai entendu dire que lorsque tu sors, les serviteurs te font sortir par la petite porte. Ils le font par avarice. Ils ne veulent pas que tu donnes de l’argent /à ceux qui attendent devant la grande porte/. Je te demande au nom du respect que tu me dois de ne plus sortir et de ne plus entrer que par la grande porte. Chaque fois que tu sors, il faut que tu ais de l’or et de l’argent pour donner à tous ceux qui t’en demandent. Celui qui parmi tes oncles te demande de l’argent, ne lui donne pas moins de cinquante dinars, et tu en auras beaucoup plus. Celle qui parmi tes tantes te demande de l’argent, ne lui donne pas moins de vingt-cinq dinars, et tu en auras beaucoup plus. Je veux que tu sois élevé par Dieu ? Dépense et ne crains pas ; le Maître du Trône n’est pas parcimonieux » (10).
Cette lettre demande à l’Imâm al-Jawâd (p) de ne pas se laisser guider par ses serviteurs et ses partisans qui ne voulaient pas voir les gens et les proches de l’Imâm (p) lui demander des aides. Ils essayaient donc de l’éloigner de la société et des relations humaines dont il avait tant besoin dans ses fonctions comme Imâm à l’avenir. Son père (p) lui a donc demandé de ne pas se plier aux désirs de ces serviteurs qui l’entouraient mais de s’ouvrir aux autres en leur donnant tout en ayant confiance en Dieu qui compense ceux qui dépensent leur argent pour aider les autres, et qui élève leur rang auprès de Lui et auprès des gens.
Notes:
1- Kasf al-Gumma, tome 4, p. 187
2- Al-Irshâd de ash-Sheikh al-Mufîd, p. 297
3- Ithbât al-Wassiyya, p. 312
4- Al-Irshâd de ash-Sheikh al-Mufîd, p. 281 sq, édition, Beyrouth.
5- Kifâyat al-Athar, p. 324
6- Al-Irshâd, p. 279
7- Ibid, p. 276
8- Al-Kâfî, tome I, p. 233
9- Tafsîr al-‘Ayyâshî, tome 1, p. 131
10- ‘Uyûn Akhbâr ar-Ridâ, tome 2, p. 8