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LES STATUTS
La distribution de la richesse à deux niveaux(1)
La distribution de la richesse se fait à deux niveaux : le premier est la distribution des sources matérielles de la production, le second est la distribution de la richesse produite.
Ainsi, les sources de la production sont : la terre, les matières premières, les outils nécessaires à la production d’articles divers. Car tous ces moyens participent à la production agricole ou industrielle, ou aux deux à la fois.
Quant à la richesse produite, elle consiste dans les articles produits par un travail humain dans la nature, et résultant d’une combinaison entre ces sources matérielles de la production.
Il y a donc une richesse première, qui consiste dans les sources de la production, et une richesse seconde qui consiste dans ce qu’obtient l’homme -en provisions ou en articles- par l’utilisation de ces sources.
Lorsqu’on parle de la distribution, cela doit englober les deux richesses : la richesse mère et la richesse fille, les sources de la production et les articles produits.
Il est évident que la distribution des sources essentielles de la production précède l’opération de la production elle-même, puisque les individus effectuent leur activité productrice selon la façon dont la société répartit les sources de production. En effet, la distribution des sources de la production s’effectue avant la production, alors que la distribution de la richesse produite est liée à l’opération de production et dépend d’elle, car elle traite des résultats qui en découlent.
Lorsque les économistes capitalistes étudient dans leur Economie politique les questions de la distribution dans le cadre capitaliste, ils ne considèrent pas la richesse totale de la société avec toutes les sources de la production qu’elle comprend. Ils étudient seulement la distribution de la richesse produite, c’est-à-dire le revenu des habitants, et non pas l’ensemble de la richesse des habitants. Et par revenu des habitants, ils entendent le total des articles et des services produits ou, en termes plus clairs, la valeur monétaire du total produit au cours d’une année, par exemple. Par conséquent, l’étude de la distribution dans l’Economie politique est l’étude de la distribution de cette valeur monétaire aux éléments qui ont participé à la production, et elle détermine pour chacun d’eux -le capital, la terre, l’organisateur, l’ouvrier, etc.- sa part sous forme d’intérêt, de revenu, de bénéfice ou de salaire.
Aussi était-il naturel que les recherches sur la production précèdent la recherche de la distribution, étant donné que tant que la distribution signifie le partage de la valeur monétaire des articles produits entre les sources et les éléments de la production, elle est une opération postérieure à la production -puisque tant qu’un article n’est pas produit, il serait insensé de le distribuer ou d’en distribuer la valeur. C’est pour cela que nous trouvons que l’Economie politique considère la production comme le premier des sujets de recherche, et qu’elle étudie tout d’abord la production et aborde ensuite les problèmes de la distribution.
Quant à l’Islam, il traite des problèmes de la distribution dans un cadre plus large et avec une plus grande compréhension, car il ne se borne pas à traiter de la distribution de la richesse produite, et il n’évite pas la partie la plus profonde de la distribution -c’est-à-dire la distribution des sources de la production- comme l’a fait le capitalisme doctrinal qui a laissé toujours au plus fort le soin de contrôler les sources de la production sous prétexte de liberté économique -qui sert le plus fort et lui facilite les moyens d’accaparer la nature et ses services. Mieux, l’Islam est intervenu positivement dans la distribution de la nature avec toutes les sources de production qu’elle renferme, et il l’a divisée en plusieurs parts dont chacune a son caractère distinctif de propriété -privée, ou publique, ou propriété d’Etat, ou de “permission générale” (ibâhah ‘âmmah).
L’Islam a défini aussi les règles de cette division, ainsi que les bases sur lesquelles se fait la distribution de la richesse produite, et il a tracé les détails dans le cadre de ces bases.
C’est pour cette raison que le point de départ ou la première phase de l’Economie islamique est la distribution au lieu de la production -comme c’est le cas dans l’Economie traditionnelle – étant donné que la distribution des sources mêmes de la production précède l’opération de la production, et que toute organisation liée à l’opération de la production elle-même ou aux articles produits devient secondaire.
Nous allons commencer à présent à définir la position de l’Islam vis-à-vis de la distribution des sources essentielles, la distribution de la nature, avec les richesses qu’elle renferme.
La source originelle de la production
Avant d’aborder les détails selon lesquels sont distribuées les sources essentielles, il faut déterminer quelles sont ces sources.
En effet, en Economie politique, les sources de la production habituellement mentionnées sont :
1- la nature ;
2- le capital ;
3- le travail, lequel comprend également l’organisation effectuée par l’organisateur d’un projet.
Mais, pour notre part, en traitant de la distribution des sources et des formes de leur propriété en Islam, il nous faut exclure du domaine de la recherche les deux dernières des sources mentionnées ci-dessus, à savoir le capital et le travail.
En effet, le capital est en réalité une richesse produite et non pas une source essentielle de production puisque, économiquement, il exprime toute richesse déjà obtenue et cristallisée à travers un travail humain en vue de participer à nouveau à la production d’une autre richesse. Ainsi, l’instrument qui produit le textile n’est pas une pure richesse naturelle. Il s’agit plutôt d’une matière naturelle que le travail de l’homme a adaptée à travers une opération de production antérieure. Or nous traitons ici des détails qui organisent la distribution de la pré-production, c’est-à-dire la production de la richesse qu’Allah a accordée à la société avant qu’elle n’y exerce une activité économique et un travail producteur. Et étant donné que le capital est engendré par une production antérieure, la question de sa distribution entre dans le cadre de celle de la richesse produite, avec tout ce que celle-ci comprend d’articles de consommation et de production.
Quant au travail, il est un élément moral des sources de la production, et non pas une richesse matérielle entrant dans le cadre de la propriété privée ou publique.
C’est pour cette raison que seule la nature, parmi les sources de la production, fait l’objet de notre étude maintenant, étant donné qu’elle représente l’élément matériel antérieur à la production.
La divergence des positions doctrinales vis-à-vis de la distribution de la nature
L’Islam, dans sa façon de traiter de la distribution de la nature, diffère et du capitalisme et du marxisme, aussi bien dans les détails que dans les généralités.
En effet, le capitalisme lie la propriété des sources de la production et le sort de leur distribution aux membres de la société eux-mêmes, et à toutes les énergies et forces que chacun d’eux déploie -à l’intérieur du cadre de la liberté économique assurée à tous- en vue d’obtenir la plus grande part possible de ces sources ; et il permet ainsi à tout individu de posséder ce que la chance et la réussite lui ont permis d’acquérir dans les richesses de la nature et ses services.
Le marxisme, quant à lui, considère -conformément à sa théorie générale de l’interprétation de l’Histoire- que la propriété des sources de la production a un rapport direct avec la forme de la production en vigueur, et que c’est chacune des formes de la production qui détermine -dans sa phase historique- la méthode de distribution des sources matérielles de la production, et quels individus doivent posséder ces sources. Cette distribution restera en vigueur jusqu’à ce que l’Histoire entre dans une nouvelle phase et que la production y prenne une nouvelle forme, laquelle se trouve gênée par l’ancien système de distribution qui forme un obstacle sur la voie de sa croissance et de son développement. Après qu’il sera entré dans un dur conflit avec la nouvelle forme de production, cet ancien système de distribution éclatera, et une nouvelle distribution des sources de la production naîtra, qui réalisera pour la nouvelle forme de production les conditions sociales aidant à sa croissance et à son développement. Ainsi, la distribution des sources de la production est-elle toujours réglée de façon à servir la production elle-même, et s’adapte-t-elle aux exigences de sa croissance et de son développement.
Dans la phase historique de la production agricole, par exemple, la forme de la production imposait que la distribution des sources soit fondée sur une base féodale, alors que la phase historique de la production industrielle mécanique imposait une redistribution nouvelle fondée sur la propriété par la classe capitaliste de toutes les sources de production, et qu’à un certain degré donné de la production mécanique, il sera inévitable -toujours selon le marxisme- de remplacer la classe capitaliste par la classe ouvrière, et de refaire la distribution selon cette base.
En ce qui concerne l’Islam, il ne s’accorde ni avec le capitalisme ni avec le marxisme quant à sa conception de la distribution de la pré-production. Ainsi, il ne croit ni aux conceptions capitalistes de la liberté économique -comme nous l’avons vu dans le chapitre intitulé “Avec le capitalisme”(2), ni à la corrélation inévitable que le marxisme établit entre la possession des sources et la forme de la production en vigueur, comme nous l’avons vu dans le chapitre “Notre Economie dans ses aspects principaux”. Aussi limite-t-il la liberté des individus de posséder les sources de la production d’une part, et sépare-t-il la distribution de ces sources de la forme de la production d’autre part. Car le problème qui se pose ici n’est pas, dans l’optique de l’Islam, le problème de la distribution adaptée à son cheminement et à sa croissance -pour que la distribution change chaque fois que la production a un nouveau besoin, et que la croissance de la production dépende d’une distribution nouvelle. Pour l’Islam, il s’agit du problème d’un homme qui a des besoins et des penchants qu’il faut satisfaire dans un cadre susceptible de préserver et de développer son humanité. En effet, qu’il laboure la terre de ses mains ou qu’il utilise les forces de la vapeur et de l’électricité, l’homme est toujours le même quant à ses besoins généraux et ses penchants originels. C’est pourquoi il faut distribuer les sources naturelles de la production de façon à garantir la satisfaction de tous ces besoins et penchants dans un cadre humain qui permette à l’homme de développer son existence et son humanité à l’intérieur du cadre général.
Ainsi, tout individu, en sa qualité d’homme particulier, a des besoins qu’il faut satisfaire. Aussi l’Islam a-t-il permis aux individus de les satisfaire par le moyen de la propriété privée -qu’il a admise et à laquelle il a donné des justifications et posé des conditions.
De même, lorsque des relations s’établissent entre les individus et que la société se forme, celle-ci aura, elle aussi, des besoins généraux qui concernent tout individu en sa qualité de partie du corps social. L’Islam a garanti à la société la satisfaction de ces besoins par le moyen de la propriété publique de certaines sources de production.
Il arrive souvent que certains individus ne parviennent pas à satisfaire leurs besoins au moyen de la propriété privée, qu’ils se trouvent ainsi dans le dénuement, et que l’équilibre général se disloque. Dans de tels cas, l’Islam propose la troisième forme de la propriété, la propriété d’Etat, pour que le Tuteur préserve l’équilibre général.
Ainsi, la distribution des sources naturelles de la production s’opère par la division de ces sources en domaines de la propriété privée, de la propriété générale et de la propriété d’Etat.
Les sources naturelles de la production
On peut diviser les sources naturelles de la production, dans le monde musulman, en plusieurs parties.
1- La terre : elle est la plus importante des richesses de la nature, sans laquelle l’homme ne peut presque pratiquer aucune production.
2- Les matières premières que la terre renferme, telles que le charbon, le soufre, le pétrole, l’or, le fer, et toutes les autres sortes de minerais.
3- Les eaux naturelles, lesquelles constituent l’une des conditions de la vie matérielle de l’homme, et qui jouent un rôle important dans la production agricole et les communications.
4- Les autres richesses naturelles : ce sont les contenus des mers et des fleuves en richesses extraites par la plongée ou par d’autres moyens, telles que les perles et le corail ; les richesses naturelles qui vivent sur la surface de la terre, telles que les animaux et les plantes ; les richesses naturelles répandues dans l’air, telles que les oiseaux et l’oxygène ; les forces naturelles à l’état latent dans les diverses parties de l’univers, comme l’énergie des chutes d’eau, que l’on peut transformer en courant électrique transmissible par les fils métalliques en n’importe quel point, ainsi que d’autres ressources et richesses de la nature.
LA TERRE
La Charî’ah a appliqué à la terre que contrôle le “Dâr-ul-Islam”(3) les trois formes de la propriété. Elle en a décrété propriété publique une partie, propriété de l’Etat une autre partie, et autorisé la propriété privée dans une troisième partie.
Dans ces statuts juridiques, elle lie le type de la propriété à la cause de sa prise de possession par l’Islam, et à l’état dans lequel elle se trouvait lorsqu’elle est devenue terre islamique. Ainsi, la propriété de la terre en Iraq diffère-t-elle de la propriété de la terre en Indonésie, étant donné que ces deux pays diffèrent par la façon dont ils ont rejoint le Dâr-ul-Islam. De même, à l’intérieur de l’Iraq, par exemple, les terres diffèrent les unes des autres quant au type de propriété selon l’état qui prévalait dans les différentes terres lorsque ce pays a commencé sa vie islamique.
Pour aborder les détails, nous diviserons la terre islamique en plusieurs parties, et nous parlerons de chacune d’entre elles et du type de propriété qui y prévaut.
La terre devenue islamique par la conquête
La terre devenue islamique par la conquête est toute terre entrée dans le Dâr-ul-Islam à la suite d’un combat armé pour l’Appel. Les exemples en sont les territoires iraqien, égyptien, iranien, syrien, et beaucoup d’autres parties du monde musulman. Ces territoires n’étaient pas tous dans un même état au moment de la conquête musulmane. Les uns étaient exploitables, et on y constatait la trace d’efforts humains antérieurement déployés pour exploiter la terre en vue de l’agriculture ou d’autres commodités pour l’homme ; d’autres étaient naturellement exploitables sans intervention humaine directe, telles les forêts regorgeant d’arbres et tirant leur richesse de la nature et non pas de l’homme, au moment de la conquête ; d’autres encore étaient des terres négligées qu’aucune mise en valeur humaine ou naturelle n’avait atteintes jusqu’à l’époque de la conquête, et qui s’appellent de ce fait dans le langage jurisprudentiel des “terres mortes”, parce qu’elles étaient sans vie et sans aucune activité.
Ces trois sortes de terres diffèrent selon leur état respectif lors de leur entrée dans l’histoire de l’Islam. L’Islam a décrété certaines d’entre elles propriété publique, et les autres propriété de l’Etat, comme nous le verrons plus loin.
La terre déjà exploitable par suite du travail de l’homme lors de la conquête
Si la terre était déjà exploitable par suite d’efforts humains, lors de sa fusion dans l’histoire de l’Islam, et entrée déjà en la possession de l’homme et dans le cadre de son exploitation, elle devient alors propriété publique de tous les Musulmans déjà existants et existants dans le futur. C’est-à-dire que c’est la Ummah, dans son étendue historique, qui possède cette terre, qu’aucun Musulman n’a plus de privilège qu’un autre Musulman dans cette propriété publique, et qu’aucun individu n’est autorisé à y posséder en propriété privée la “raqabah”(4) de la terre.
Al Muhaqqiq al-Najafî, citant plusieurs sources jurisprudentielles -telles qu’al-Ghoniyah, al-Khilâf, al-Tath-kirah, rapporte dans ses “Jawâhir” que «les faqîh imamites sont unanimement d’accord sur ce statut et sur l’application du principe de la propriété publique sur la terre exploitable lors de la conquête.» (5) De même, al-Mâwerdî, citant l’imam Mâlik, rapporte : «Il est dit que la terre exploitable lors de la conquête est commune aux Musulmans dès sa conquête, sans avoir besoin d’établir la formule de son caractère de communauté par le Tuteur. De même, il n’est pas permis de la partager entre les conquérants.» (6) C’est là une autre expression de la propriété publique de la Ummah.
Les preuves de la propriété publique et ses aspects
Les textes et les applications de la Charî’ah établissent clairement le principe de la propriété publique dans cette catégorie de terres, comme en témoignent les Récits suivants.
1- On rapporte qu’al-Halabî a dit : «Lorsqu’on a interrogé l’Imam Ja’far ibn Muhammad al-Sâdiq (S) sur le statut de Sawâd, il a dit : “Il est à tous les Musulmans, ceux qui le sont déjà, ceux qui le deviendront [à l’avenir], et ceux qui ne sont pas encore nés.” Nous lui demandâmes alors : “Et l’achat chez les chefs de canton ?” – “On ne peut leur en acheter que si on la rend [la terre] commune aux Musulmans. Et dans ce cas, si le Tuteur décide de la lui reprendre, il peut le faire” répondit-il. “Et s’il la lui reprenait effectivement ? demandâmes-nous encore”. – “On doit lui restituer son capital ; et la récolte dont il a mangé est la rétribution de son travail” répondit-il.» (7)
2- Abû al-Rabi’ al-Châmî rapporte le hadith suivant de l’Imam al-Sâdiq (S) : «N’achetez rien de la terre de Sawâd, à moins qu’elle appartienne à un protégé, car cette terre est un “fay'” pour les Musulmans.»
La terre de Sawâd était, selon la norme de cette époque-là, la partie exploitable du territoire iraqien conquis par les Musulmans dans une guerre de Jihâd. Les Musulmans ont donné cette appellation au territoire iraqien parce que, en quittant leur pays désertique de la Péninsule arabique pour porter l’Appel au monde, ils ont découvert la verdure des plantes et des arbres sur le territoire iraqien. Aussi ont-ils appelé la verdure de l’Iraq “Sawâd” (noirceur), car ils désignaient par un même substantif verdure (kudhrah) et noirceur (sawâd).
3- Selon un “khabar”(8) rapporté par Hammâd (Ibn ‘Isâ), et attribué à l’Imam Mûsâ ibn Ja’far (S) : «Un combattant n’acquiert rien de la terre […] Il n’a de droit que sur les biens pris dans le camp de l’ennemi défait. Quant à la terre, conquise par la force et avec la charge des chevaux et des montures, elle est laissée provisoirement à celui qui la mettrait en valeur et la reconstruirait, avec l’accord du Tuteur qui la lui céderait selon un contrat de partage (de moitié-moitié, un tiers-deux tiers, ou deux tiers-un tiers) bénéfique et non préjudiciable à l’exploitant.»
Ce qui veut dire que le Tuteur laisse les terres conquises par la force à ceux, parmi les Musulmans, qui sont capables de les exploiter, et qu’il leur fait payer une rétribution de la terre, celle-ci étant la propriété de l’ensemble de la Ummah. Lorsque ces cultivateurs utilisent la terre en l’exploitant, ils doivent en payer le prix de leur utilisation à la Ummah. Et c’est ce prix ou salaire que le khabar ci-dessus appelle “Kharâj“.
4- Selon un hadith, lorsque Abû Bardah interrogea un jour l’Imam Ja’far (S) sur l’achat d’une terre de “kharâj“, l’Imam lui répondit : «Et qui vendra une telle terre qui appartient aux Musulmans ?» (9)
La “terre de kharâj” est une expression jurisprudentielle de la terre dont nous parlons ici, car on prélève un “kharâj”(10) sur toute terre conquise exploitable -comme nous l’avons vu dans le précédent khabar- et elle est appelée “terre kharâjite” pour cette raison.
5- Selon un riwâyah(11) de Muhammad ibn Abî Naçr, citant l’Imam ‘Alî ibn Mûsâ al-Redhâ (S), qui expliquait les divisions et les statuts de la terre : «Ce qui est pris par l’épée appartient à l’Imam, lequel le concède contre ce qu’il estime convenable.» (12)
6- Nous apprenons de l’histoire des conquêtes musulmanes que lorsqu’on a demandé au deuxième calife de partager la terre conquise entre les combattants de l’armée musulmane sur la base du principe de la propriété privée, et qu’il consulta les Compagnons à ce sujet, l’Imam ‘Alî (S) lui conseilla de s’abstenir de partager, et Ma’âd ibn Jibl lui dit : «Si tu partageais entre eux, la grande rente tomberait entre les mains des gens. Lorsque ceux-ci mourront, elle reviendrait à un seul homme ou à une seule femme. Puis lorsque, après eux, d’autres gens viendront qui rendront des services louables à l’Islam, ils ne trouveraient plus rien. Choisis donc une solution qui englobe les premiers et les derniers des Musulmans.» Aussi ‘Omar décida-t-il d’appliquer le principe de la propriété publique, et écrivit-il à Sa’d ibn Abî Waqqâç : «J’ai appris par ta lettre que les gens te demandent de partager entre eux leur butin et ce qu’Allah leur a octroyé. Décompte le bétail ou les biens qu’ils t’ont apportés et partage-les entre les Musulmans présents. Laisse en revanche les terres et les fleuves à ceux qui y travaillent, afin qu’ils demeurent la propriété générale des Musulmans. Car si nous les partageons entre les Musulmans présents, ceux à venir n’auront plus rien.»
D’aucuns ont interprété ces mesures prises par le deuxième calife comme suit : le Sawâd serait la propriété de ses détenteurs -comme il en est question dans “Kitâb al-Amwâl”, d’Abû ‘Obayd- car lorsque ‘Omar leur a rendu leur terre, ils seraient devenus propriétaires des “riqâb” (pluriel de raqabah), et les Musulmans auraient eu droit au kharâj. Ainsi, la propriété publique concernerait le kharâj et non pas la raqabah de la terre.
Certains penseurs musulmans contemporains, parmi ceux qui adoptent cette interprétation, ont dit que cela constitue une nationalisation du kharâj, et non pas de la terre.
Mais en vérité, il apparaît très clairement que les mesures de ‘Omar reposaient sur la base de la croyance au principe de la propriété publique et son application à la raqabah de la terre. Le fait de laisser la terre à ses détenteurs ne constitue pas une reconnaissance de sa part de leur droit à la propriété privée dans cette terre ; il la leur a laissée à titre de métayage ou de fermage, et pour qu’ils travaillent dans les terres des Musulmans et les utilisent contre paiement, à ces derniers, du kharâj.
La preuve en est ce que rapporte Abû ‘Obayd dans son “Kitâb al-Amwâl” : «’Otbah ibn Farqad avait acheté une terre sur la rive de l’Euphrate pour y faire une plantation. Lorsqu’il en fit part à ‘Omar, celui-ci lui demanda : “A qui l’as-tu achetée ?” – “A ses propriétaires” répondit-il. ‘Omar rassembla alors chez lui les Muhajirîn et les Ançar, et il lui dit : “Voilà ses propriétaires ! Leur as-tu acheté quelque chose ?” – “Non !” répondit ‘Otbah. – “Rends-la donc à qui tu l’as achetée, et reprends ton argent” conclut ‘Omar.
7- “Kitâb al-Amwâl” rapporte ce témoignage de Abû ‘Awn al-Thaqafî : «Un chef de canton s’est converti à l’Islam à l’époque de ‘Alî (S). Celui-ci lui dit : “En ce qui te concerne personnellement, tu n’as pas à payer de tribut. Quant à ta terre, elle nous appartient.”»
8- Al-Bukhârî rapporte ce témoignage de ‘Abdullâh : «Le Prophète a concédé Khaybar aux Juifs pour qu’ils la cultivent et la travaillent contre le prélèvement d’une part de la récolte.» Ce hadith montre l’application par Le Messager d’Allah (saw) du principe de la propriété publique à Khaybar, en tant que terre conquise par le Jihâd -bien qu’il y ait des riwâyah opposées. Car si le Prophète (saw) avait partagé la terre entre les combattants en propriétés privées, selon le principe de la propriété privée -au lieu d’appliquer celui de la propriété publique- il n’aurait pas conclu en sa qualité de Gouvernant un contrat de métayage avec les Juifs, car en signant le contrat en cette qualité, il montre que le sort de la terre revenait à l’Etat et non pas aux conquérants eux-mêmes.
Selon certains penseurs musulmans, ce traitement accordé à Khaybar constituerait une preuve irréfutable du droit de l’Etat de posséder et de s’approprier les biens des individus, ce qui établirait la permission de la nationalisation en Islam. Car la règle générale du butin (fay’) est de le partager entre les combattants. Le fait que l’Etat le garde pour lui sans le partager entre les ayants droit constituerait une autorisation octroyée à l’Etat de mettre la main sur les droits de ses citoyens lorsqu’il l’estime être dans l’intérêt du bonheur de tous. Il serait donc juste de dire que l’Etat a le droit de nationaliser les propriétés privées.
Mais en vérité, le fait que l’Etat conserve les territoires conquis sans les partager entre les combattants, comme cela se fait pour l’ensemble des butins, n’est pas une application du principe de la nationalisation, mais l’application du principe de la propriété publique, car dans la terre conquise le droit de la propriété privée n’est pas décrété, et le partage du butin est un principe que le législateur a institué uniquement pour les butins mobiliers. Par conséquent, la propriété publique de la terre conquise est un caractère originel de celle-ci dans la Législation islamique, et non pas une nationalisation ou un statut juridique secondaire qui viendrait après l’établissement du principe de la propriété privée.
En tout état de cause, la plupart des textes que nous venons d’évoquer stipulent que la raqabah de la terre -c’est-à-dire la terre elle-même- est la propriété de l’ensemble de la Ummah, que c’est l’Imam, en sa qualité de Tuteur, qui en prend la charge et perçoit un kharâj spécial de ceux qui l’utilisent, kharâj que les cultivateurs paient en loyer de leur utilisation de la terre, et que c’est la Ummah qui possède le kharâj, car étant donné qu’elle possède la raqabah de la terre, il est naturel qu’elle en possède les commodités et le kharâj également.
Notes:
1-Plusieurs expressions vont être utilisées fréquemment. Aussi convient-il d’en préciser préalablement le sens. Ce sont :
- a) “Le principe de la double propriété” : C’est le principe islamique relatif à la propriété. Il reconnaît trois formes à celle-ci : la propriété privée, la propriété d’Etat, la propriété publique.
- b) “La propriété d’Etat” : Il s’agit de l’appropriation d’un bien par la Fonction Divine de l’Etat islamique, qu’occupe le Prophète (saw) ou l’Imam (S), de telle sorte que le Tuteur est autorisé à disposer de la source (raqabat al-mâl) elle-même, conformément à sa responsabilité dans les services publics généraux, comme son appropriation des minerais par exemple.
- c) “La propriété publique” : C’est l’appropriation par la Ummah -ou par tout le monde d’un bien donné. De même, la propriété générale (publique) comprend les biens dont la raqabah (la source) est la propriété de l’Etat, mais sans que celui-ci soit autorisé à en disposer (de la raqabah), étant donné qu’il y a un droit général de la Ummah ou de l’ensemble des gens, droit qui impose que l’on [la Ummah, les gens] puisse utiliser ces biens tout en en gardant la raqabah.. Ainsi, nous appelons propriété publique également ce qui est composé de la propriété d’Etat et du droit général de la Ummah ou de tous les gens de garder la raqabah. Il en ressort que les expressions “propriété d’Etat” et “propriété publique” qui sont utilisées dans le présent ouvrage sont approximativement symétriques aux expressions “biens privés de l’Etat” et “biens publics de l’Etat” utilisées dans le langage du Droit moderne.
- d) “La propriété de la Ummah” :C’est une forme de propriété publique, et elle signifie la propriété par la Ummah, dans son ensemble et durant toute son étendue historique, d’un bien donné -comme par exemple l’appropriation par la Ummah d’une terre habitable conquise par le Jihâd.
- e) “La propriété des gens” : C’est aussi une forme de la propriété publique. Elle désigne tout bien qu’un individu ou une partie privée ne peut s’approprier, et que tout le monde est autorisé à utiliser. Les biens classés dans cette catégorie sont appelés la “propriété publique des gens”. Ainsi, l’expression “propriété publique des gens” employée dans le présent ouvrage signifie à la fois une chose négative, à savoir la non-autorisation pour l’individu ou pour une partie privée de posséder ce bien, et une chose positive, à savoir l’autorisation donnée à tous d’en bénéficier.
L’exemple en est les mers et les fleuves naturels.
- f) “La propriété publique” (bis) : Nous appelons également “propriété publique” ce qui comprend les deux domaines précités, à savoir le domaine de la propriété de l’Etat et le domaine de la propriété publique, par opposition à la propriété privée.
- g) “La propriété privée” : Dans le présent ouvrage, nous désignons par ce terme l’appartenance à l’individu -ou à toute partie à cadre limité-d’un bien donné de façon à lui laisser en principe le droit de priver autrui du droit de l’utiliser sous quelque forme que ce soit, sauf en cas de force majeure ou dans des cas exceptionnels. L’exemple en est l’appartenance à l’homme du bois de la forêt qu’il a coupé, ou de l’eau du fleuve qu’il a puisée.
- h) “Le droit privé” : Il s’agit, dans le présent ouvrage, d’un degré d’appropriation, par un individu, d’un bien -différent du degré que la propriété exprime dans sa signification “licitative” ou “légalisante” et législative. (En arabe, “Tahlîlî”, rendre licite : tout ce qui existait, mais que l’Islam a rendu licite ; par opposition à “Tachrî’î”, qui désigne ce que l’Islam a promulgué lui-même, et qui n’existait pas.)
Ainsi, la propriété est une appropriation du bien, alors que le droit est une appropriation résultant d’une autre appropriation et dépendant d’elle dans sa continuation ; et du point de vue législatif, la propriété implique l’octroi au propriétaire du droit de priver autrui d’utiliser le bien objet de cette propriété, alors que le droit privé ne conduit pas à ce résultat, et au contraire il permet à autrui d’utiliser ce bien d’une façon que la Charî’ah régit.
- i) “L’autorisation générale” :C’est un statut légal en vertu duquel tout individu est autorisé à utiliser un bien et à se l’approprier en propriété privée. Le bien déclaré légalement comme tel est considéré parmi les “autorisations générales”, comme l’oiseau dans l’air, ou le poisson dans la mer.
2-Iqtiçâdonâ [Notre Economie], éd. arabe, tome I, pp. 245-269.
3-La Nation musulmane.
4-La nue-propriété ou la propriété.
5-“Jawâhir al-Kalâm fî Charh Charâ’i’ al-Islâm”, du Chaykh Muhammad Hassan al-Najafî, tome XXI, p. 175, éd. moderne.
6-Al-Mâwerdî, “Al-Ahkâm al-Sultâniyyeh”, p. 132.
7-“Al-Istibçâr”, du Chaykh Muhammad ibn al-Hassan al-Tûsî, tome III, p. 109.
8-Récit rapporté des Saints de l’Islam.
9-“Al-Istibçâr”, op. cit., tome III, p. 109.
10-Tribut, prélèvement, impôt sur la terre ou les biens immobiliers.
11-Récit rapporté des Saints de l’Islam (cf. khabar).
12-“Tahdîd al-Ahkâm”, du Chaykh Muhammad ibn al-Hassan al-Tûsî, tome IV, p. 119.