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La vision du système juridique islamique sur le terrorisme
Dans le présent article, nous étudierons l’approche juridique de l’Islam en ce qui concerne le phénomène du terrorisme, pour savoir si l’Islam admet ou rejet les opérations terroristes, en étudiant également les fondements de la vision juridique des enseignements de la religion musulmane dans ce domaine.
Introduction :
La terreur et le terrorisme sont depuis longtemps des thèmes les plus fréquents des débats et des discussions politiques et juridiques dans le monde et au sein des instances et des organisations internationales. Le terme « terrorisme » insinue tout de suite dans les esprits les notions de la violence, du meurtre et du crime. Par ailleurs, il faut souligner que les opérations terroristes ne sont pas des phénomènes toutes neuves. En effet, le terrorisme est une méthode pratiquée depuis de longs siècles par des groupes faibles qui voulaient faire peur aux Etats et aux groupes politiques dominats plus forts qu’eux. Dans le même temps, il y a eu de nombreux cas où un groupe fort et puissant recourrait au terrorisme pour faire peur à un adversaire de même taille ou aux groupes plus faibles. En tout état de cause, l’histoire de l’humanité est pleine d’exemples du recours aux démarches terroristes.
Durant ces dernières années, de nombreuses opérations terroristes ont eu lieu à l’intérieur des frontières des territoires islamiques par les groupes islamiques ou contre les populations musulmanes. Le célèbre Oussama Ben Laden était le chef de l’une des plus grandes organisations terroristes actives au niveau international. Oussama Ben Laden se présentait toujours comme un leader musulman et il pratiquait ses méthodes terroristes au nom de l’Islam. La survenance de telles opérations ont amené au fur et à mesure les sociétés occidentales, notamment la société américaine, à accuser les musulmans de terrorisme et à prétendre enfin que l’Islam était une religion incitant à la violence et au terrorisme.
Dans le présent article, nous étudierons l’approche juridique de l’Islam en ce qui concerne le phénomène du terrorisme, pour savoir si l’Islam admet ou rejet les opérations terroristes, en étudiant également les fondements de la vision juridique des enseignements de la religion musulmane dans ce domaine.
La définition du terrorisme :
Bien que le terrorisme soit l’un des concepts généraux les plus fréquemment utilisés dans les médias et les instances spécialisées dans le monde entier, nous constatons malheureusement que jusqu’à présent une définition globale et acceptable pour tous n’est pas encore présentée pour ce phénomène en raison de la variété et la complexité de la notion du terrorisme. Cependant, de nombreuses questions se posent depuis longtemps en ce qui concerne le concept du terrorisme, et il n’est pas souvent facile d’apporter des réponses convaincantes à toutes ces questions, dont les suivantes : La définition du terrorisme doit-elle être générale et globale ou conjoncturelle et détaillée ? Cette définition doit-elle répondre à la fois à toutes ces deux exigences ? La définition admise pour le terrorisme doit comprendre des groupes et des individus qui pratiquent des méthodes terroristes ou doit-elle englober également les activités liées au terrorisme d’Etat ? Les activités et les opérations menées par des groupes et des organisations de libération doivent-elles être considérées comme activités terroristes ? Bref, les intentions criminelles font-elles partie de la définition globale et universelle du phénomène qu’est le terrorisme ?
Dans le présent article, nous nous efforçons d’évoquer des définitions que les sources et les références différentes présentent pour élucider la signification du terrorisme, étant donné que chacune de ces définitions expliquent un aspect différent de ce phénomène :
1- Le supplément du Dictionnaire de l’Académie française définit le terrorisme comme « système ou régime du terreur ». (Tayib, 2001, p. 55).
2- dans l’Encyclopédie Britannica, le terrorisme a été défini comme « l’usage systématique de l’intimidation et de la violence d’une manière imprévisible à l’encontre des Etats, des populations ou des individus afin d’accéder à des objectifs politiques. » (Tayib, 2001, p. 56).
3- La définition que l’Organisation des Nations Unies présente du terrorisme a été présentée dans le texte de la résolution 1948 de cette organisation : dans ce document, l’Assemblée générale des Nations Unies décrit le terrorisme comme l’ensemble des activités et des opérations criminelles et violentes commises par des groupes organisés pour semer la peur et la terreur afin d’obtenir certains objectifs politiques (Andrew Bossa, 1998, p. 120).
4- Sharif Basyouni a présenté une définition globale du terrorisme :
« Le terrorisme est un comportement contraignant d’un individu ou d’un groupe qui, ayant recours aux stratégies imprégnées de violence et de terreur, pour prendre pour cible un facteur ou un élément international ou une politique et une décision qui jouissent d’un soutien international. L’objectif des opérations terroristes est donc d’arriver à des résultats hégémoniques par la force et la terreur. Un tel comportement comprend souvent un élément international dans les cas suivants :
- a) Les auteurs et les victimes du terrorisme peuvent être indifféremment des citoyens des Etats différents ;
- b) Tout ou une partie du comportement et de l’opération terroristes peut survenir dans plusieurs pays.
Les cibles recherchées des terroristes peuvent jouir d’un soutien international :
1) les populations civiles innocentes ;
2) les diplomates ayant des lettres de créances officielles ou les employés des organisations internationales qui sont en train de poursuivre leurs activités dans les limites définies par leur mandat ;
3) les avions civils internationaux ;
4) les services postaux et d’autres moyens de communication internationale ;
5) les effectifs des forces armées alors qu’ils ne sont pas engagés dans des opérations de guerre.
Par ailleurs, les résultats hégémoniques sont des objectifs portant sur la modification ou le maintien des structures données ou des stratégies politiques, sociales ou économiques d’un Etat ou d’une région donnée, par le biais des stratégies contraignantes. » (Derderian et les autres, 2005, p. 373).
5- Le terrorisme est une expression qui est souvent utilisée dans une connotation négative pour décrire souvent des démarches et des activités des groupes non gouvernementaux autoproclamés ayant des buts et des intentions politiques qui visent délibérément la vie des individus et des populations. Cependant, si ces activités violentes se réalisent pour obtenir un idéal considéré comme acceptable, il arrive parfois que des termes plus adoucis et moins hostiles que le terrorisme soient utilisés pour les décrire. (Mc Lyne, 2002, p. 808)
6- Le terrorisme signifie aussi « l’usage de la violence d’une manière systématique et organisée pour obtenir des objectifs politiques donnés » (Evans & Nounam, 2002, p. 804).
Compte tenu des définitions évoquées ci-dessus, nous pouvons dégager les paramètres des activités et des opérations terroristes de manière suivante :
1- Un acte terroriste sème la terreur et la panique pour suggérer un sentiment de l’insécurité ;
2- Il est imprévisible et inattendu ;
3- Il poursuit des objectifs et des buts politiques donnés ;
4- Il vise délibérément les individus innocents et des populations civiles ;
5- Il a souvent un élément international.
Le terrorisme dans la vision islamique :
Après avoir essayé de présenter les différentes définitions qui ont été données pour le terrorisme, il conviendrait ici d’étudier la signification et la définition que le terrorisme pourrait avoir d’après la jurisprudence et le système juridique de l’Islam.
Il est évident que dans leur perception actuelle, la terreur et le terrorisme sont des concepts relativement nouveaux, car ces concepts n’existaient pas autrefois dans ce sens moderne. Par conséquent, l’Islam n’a pas abordé directement le phénomène du terrorisme dans ses enseignements. Cependant, il faut admettre qu’il existe dans la jurisprudence islamique des notions et des thèmes qui peuvent avoir des relations quoique plus ou moins indirectes avec la notion du terrorisme.
Les traités internationaux :
Les traités, les conventions et les accords multilatéraux ont été depuis longtemps les fondements juridiques du comportement que la communauté internationale souhaite adopter par rapport au phénomène du terrorisme.
Pour définir un traité, nous pouvons dire : « le traité est un accord écrit, conclu entre les individus ou les sujets qui se soumettent au droit international (les Etats et les organisations internationales), à condition que cet accord soit élaboré au respect des dispositions prévues dans le droit international et que ces dispositions gèrent le contenu dudit accord, pour qu’il aboutisse à garantir des résultats juridiques donnés. » (Ziyaï Bigdeli, 1995, p. 97).
La vision de l’Islam sur les traités internationaux :
En Islam, l’accent a été particulièrement mis sur l’importance des traités en tant que fondements de la coexistence au niveau international. Il suffirait d’évoquer les versets du noble Coran qui indique la vision de l’Islam à ce sujet :
1- « Excepté ceux qui se rendent chez un peuple entre lequel et vous il y a une alliance. » [sourate 4, verset 90]
الا الذين يصلون الي قوم بينكم و بينهم ميثاق
2- « Sauf pour ceux avec qui vous avez conclu un pacte près de la Sainte Mosquée. Donc, tant qu’ils cherchent à être droits envers vous, cherchez à être droits envers eux. » [sourate 9, verset 7]
الا الذين عاهدتم عند المسجد الحرام فما استقامو لكم فاستقيموا لهم
3- Alors accomplissez vis-à-vis de ceux-là leur pacte jusqu’au terme. Dieu vraiment aime les pieux. » [sourate 9, verset 4]
فاتمو اليهم عهدهم الي مدتهم انّ الله يحب المتقين
Dans la vie et les traditions du vénéré Prophète de l’Islam (saws), nous pouvons trouver de nombreux exemples de traités et de contrats conclus entre les musulmans d’une part et les tribus et les autres Etats, de l’autre. Cela nous indique très clairement que l’Islam accordait explicitement une grande légitimité aux accords et aux traités internationaux. Avant même son avènement prophétique, le vénéré Prophète de l’Islam (saws) insistait toujours sur la nécessité de l’élaboration des relations justes et équitables entre les différentes tribus, sur la base des traités et d’accords acceptés par tous. Le vénéré Messager de Dieu (saws) avait dit : « A l’poque de l’ignorance, j’ai été à la maison d’Abdallah ibn Jadaan, un témoin parmi les représentants de différentes tribus arabes de la conclusion d’un accord pour soutenir les opprimés. Je m’y étais tellement engagé que je n’aurais jamais accepté de le rompre contre les chameaux les plus valeureux. Si on m’invitait à un tel pacte en Islam, je l’accepterais tout de suite. »
لقد شهدت دار عبدالله بن جدعان حلفاً ما احب ان لي حمرالنعم و لو ادعي به في الاسلام لاجبت
Le pacte conclu entre le vénéré Prophète de l’Islam (saws) et les habitants de Yathrib (qui deviendrait plus tard Médine) avait en réalité préparé le terrain à la fondation du premier Etat islamique dans cette ville. En outre, à l’époque de l’Hégire (immigration du Prophète et des Musulmans de la Mecque à Yathrib), la conclusion de l’accord de Médine avait assuré l’alliance entre les tribus des Khazraj et des Aws, ainsi que des juifs de la ville. En effet, la conclusion de ce traité avait permis aux Musulmans de consolider leurs positions face aux alliances des ennemis de l’Islam qui se réunissaient pour les attaquer.
Le vénéré Prophète de l’Islam (saws) a conclu de nombreux traités avec les tribus et les Etats voisins. En décidant de conclure l’accord de paix de Hudaibiya, le vénéré Messager de Dieu a réussi à instaurer la paix et le calme dans la région du Hedjaz, ce qui a considérablement augmenté la force des Musulmans dans cette région. Les accords et les traités que le vénéré Prophète de l’Islam (saws) avait conclus avec les tribus et les chefs des Etats voisins, ont été tous rédigés sous forme écrite pour que les documents de ces accords soient disponibles aux différentes parties de chaque traité.
La charte du vénéré Imam Ali (as) :
Nous pouvons étudier avec précision la logique de l’islam dans le domaine des traités et des pactes, et la valeur juridique que l’Islam accordait aux accords et aux pactes et à la nécessité de la loyauté envers les engagements, dans la célèbre charte du vénéré Imam Ali (as).
Dans une partie de la lettre que le vénéré Imam Ali (as) avait adressé à Malik al-Achtar (gouverneur de l’Egypte), il est dit :
« Si tu conclus un pacte ou prends un engagement avec ton ennemi, respecte ta parole et remplis tes responsabilités, et pour ce faire, mets en gage ta propre personne. Car de toutes les obligations divines faisant l’unanimité des gens, malgré la divergence de leurs souhaits et la disparité de leurs opinions, il n’est rien qui soit aussi important que le respect de la parole donnée. Respecte donc ta parole donnée et ne trahis jamais ton engagement, encore moins ton ennemi. Car n’enfreint les ordres de Dieu que le misérable ignorant. Dieu a fait du pacte conclu en son nom une sécurité qu’il a étendue à tous les hommes par sa miséricorde, une citadelle dont l’inviolabilité leur donne protection et refuge. I1 ne doit y avoir ni tromperie, ni trahison. »
Les lois de la guerre selon l’Islam :
Il est naturel que les groupes terroristes évitent, pour des raisons médiatiques et politiques, de qualifier leurs activités de « terroristes ». Ils préfèrent alors présenter leurs actes terroristes comme la manifestation d’une guerre juste et défensive, ce qui serait probablement plus acceptable pour l’opinion publique qu’une opération violente visant les civils non armés.
Si une organisation terroriste détourne un avion ou pose des bombes dans un marché très fréquenté, cet incident pourrait être présenté par les responsables des victimes comme un acte terroriste, tandis que les auteurs de cet acte préféreraient de le présenter comme un acte ayant des bonnes causes justifiables. En d’autres termes, selon les terroristes, leurs activités violentes font partie d’une guerre juste, tandis que les cibles civiles sont considérées comme des représentants de l’ennemi sur un front de guerre.
Pour pouvoir mieux étudier ces nuances, admettons pour le moment que les terroristes pourraient avoir raison : par conséquent le terrorisme est un acte de guerre et les cibles civils sont désormais considérées comme les soldats ennemis. Même si les opérations terroristes avaient constitué des attaques militaires normales, et que les victimes civiles avaient été vraiment des combattants d’une armée ennemie, l’Islam aurait condamné vivement de tels actes. En effet, le système juridique de l’Islam établit des restrictions très nettes en ce qui concerne l’usage de la force militaire par un Etat. Autrement dit, la charia islamique ne préconise jamais l’usage de la force et la transgression des droits des gens.
Les conflits violents qui sont qualifiés selon les normes actuelles d’actes de guerre, n’ont aucune place dans la culture de l’Islam. Par contre, ce que l’Islam reconnaît est le Djihad ou la guerre sainte, qui a une signification toute particulière, le faisant distinguer très clairement de la guerre ordinaire.
En réalité, en Islam la légitimité n’est accordée qu’au conflit qui se conforme exactement aux critères et à la signification de ce que l’Islam définit comme « Djihad ». Le terme « Djihad » signifie en arabe « effort ». Mais dans la jurisprudence islamique, ce terme prend deux significations, l’une générale et l’autre particulière. Dans sa signification générale, le Djihad est tout effort accompli sur le chemin de Dieu. Il s’agit par exemple d’un effort psychologique pour lutter contre les désirs charnels, par le cœur ou par la langue. Dans cette signification générale, la notion du Djihad est dépourvue de tout aspect militaire.
En revanche, dans sa signification particulière, le Djihad veut dire la guerre sainte pour la religion et pour la justice et un conflit armé pour défendre les valeurs, les idéaux et les libertés des Musulmans. Dans le noble Coran, le Djihad est qualifié dans ce sens comme « conflit » ou « guerre ». Cette lutte sacrée peut évidemment avoir différents aspects idéologiques, militaires, économiques, politiques, etc.
Les objectifs de la guerre selon l’Islam :
Bien que selon l’Islam les principaux objectifs de la guerre ne soient pas différents des buts sublimes de la religion musulmane, mais nous pouvons les représenter de manière suivante : le développement et la propagation de la charia islamique dans une vision universaliste pour établir la paix mondiale, la lutte contre la mécréance, les pillages, les oppressions et les ignorances dans le monde entier.
A ce propos, le maître Ahmad Rachid a écrit : « l’objectif réel et le but final du Djihad est la paix, c’est-à-dire l’établissement d’une paix durable et définitive pour l’humanité toute entière sous la domination des lois de Dieu et du monothéisme. » (Ahmad Rachid, 1974, p. 126)
Par conséquent, dans le Djihad ou la guerre sainte musulmane, contrairement aux guerres et aux conflits ordinaires, les intérêts personnels ou matériels ne comptent pas du tout. En d’autres termes, l’objectif du Djihad et de la guerre sainte n’est pas le massacre, la conquête, l’imposition des pensées et des croyances ou enfin l’intervention militaires dans les affaires intérieures des autres pays. Ceci étant dit, nous pouvons dire avec fermeté que la terreur et le terrorisme sont rejetés complètement par l’Islam, qui les considère comme étant contraires aux enseignements et aux objectifs sublimes de la religion musulmane.