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– La justice dans la société.
– Le feu dévastateur de l’oppression.
– La religion contre l’injustice.
Une enquête sur les causes de l’apparition des révoltes dans l’histoire, nous conduit à cette conclusion qu’à toutes les différentes phases de l’évolution des peuples, le mot sacré de “Justice” a été, et demeure le pivot des mouvements, et l’axe des révolutions.
Las des contraintes et des atteintes au droit, certains ont aspiré à la justice avec des sentiments purs, et une force et une ardeur telles qu’ils ont déclaré la guerre totale aux instruments du mal, afin de restaurer cette chose, précieuse et chère entre toutes, qu’est la justice.
Et pour renverser le pouvoir de l’obscurantisme et de la barbarie; ils ont oeuvré inlassablement, et n’ont refusé aucun sacrifice, fût-ce celui de leur vie, dans cette voie.
Mais malheureusement, la plupart de ces soulèvements et luttes étendues n’ont pas atteint les résultats escomptés, n’ont pas connu le succès total; bref, ils n’ont pas pu réaliser leurs espoirs vitaux.
On peut comprendre aisément la cause de ces échecs, si l’on prête attention à ce point important qu’une société qui dévie de son orbite naturelle, et vit dans la décadence et le désordre, n’acceptera pas la justice en tant que système régnant, et ne pourra jamais, être authentique.
Le déploiement de la justice n’est chose possible que dans certaines conditions, sans lesquelles rien d’équitable ne poindrait à l’horizon de la vie.
La société a besoin -comme besoin élémentaire et fondamentale- d’une loi reposant sur la justice, et prévoyant tous les droits des classes et des individus, de façon totale, et en conformité avec l’intérêt général. Cette loi sera accompagnée d’une éducation de base en bonnes moeurs et préparant le terrain à l’application de la loi.
La justice est une loi naturelle observable dans toute l’ampleur de l’existence. Dieu qu’Il soit exalté a fixé les règles gouvernant l’ensemble de l’univers sur le principe de la justice, de façon à empêcher tout écart à cette loi naturelle globale.
L’équilibre et la solidarité surprenante entre nos organes et régissant notre corps illustrent l’un des aspects les plus frappants de la justice minutieuse qui gouverne toute la création dans cet immense univers. En méditant sur nous-mêmes, nous accédons à la compréhension du système cosmique.
L’harmonie de la création dont il est question ici est nécessaire. Mais comme le genre humain est doté de pensée et de volonté, il devra s’en servir pour instaurer la justice. La faculté intellectuelle peut dans certains cas, découvrir par elle-même -sans se référer à la Loi révélée les réalités, et sur la base de celles-ci, émettre des jugements. La raison apprécie les bonnes actions et réprouve les mauvaises.
La justice occupe une place sensible dans la vie des hommes, car elle fait partie à juste raison des vertus cardinales.
Elle est en un mot un état d’esprit portant l’homme à l’accomplissement des bonnes actions.
Elle est le principal facteur d’union et de cohésion entre les sociétés humaines, qu’elle relie par des liens d’amitié, et impose même leur unité quand l’intérêt le commande.
Platon, le célèbre philosophe grec dit:
«Quand la justice s’instaure dans l’âme; elle inonde de lumière toutes les forces de la psyché, car toutes les qualités louables et les vertus humaines naissent de la justice, et c’est elle qui confère à la personne la capacité de réaliser dans leur meilleure forme ses actions propres. Cela est le bonheur par excellence, et ce qui rapproche le plus du Créateur.»
Il ne serait pas exagéré de dire que la justice est le premier fondement de la vie collective. Avec elle, l’homme ouvre un nouveau chapitre dans sa vie, et par elle la société prend une allure nouvelle et s’épanouit.
Une société pratiquant la justice, se consolide par elle, et parvient à surmonter tous les obstacles.
Le feu dévastateur de l’oppression:
Le rôle désastreux de l’oppression dans le déclin et la ruine des peuples, en particulier dans la faillite morale, et l’avènement de l’insécurité au sein de la société, est évident et hors de doute.
Même les personnes n’adhérant à aucune foi sont bien obligées de le reconnaître.
Quand l’injustice règne sans partage, le réseau des liaisons se désintègre, amenant l’effritement de tout l’ordre social.
Quand les gouvernements les plus puissants se laissent séduire par les forces maléfiques du despotisme, ils finissent rapidement par en devenir les instruments, et assistent impuissants, à l’évanescence de leur gloire et de leur grandeur.
Un bref regard sur l’histoire des oppresseurs qui ont dû payer de leurs personnes les conséquences de leurs actes dégagerait bon nombre de leçons. Nous nous bornerons ici à en citer un exemple.
Mohammad ibn Abdel Malek était un ministre des Abbassides (119) et jouissait d’un rang particulier. Ce ministre cruel et impitoyable avait fait construire un four dont les parois internes étaient garnies de clous, aux fins d’y faire incarcérer les opposants et leur infliger les tortures les plus odieuses, avant de les tuer en allumant un feu immense dont la chaleur infernale étouffait les malheureux.
Quand Moutawakil monta sur le trône califal, il le limogea de son poste de Vizir, et le fit enfermer dans la même prison. Quand il fut sur le point de rendre l’âme, il demanda du papier et une plume et écrivit à Moutawakil deux vers en langue arabe disant:
«La vie est un chemin. Tels sont les jours: ils passent.
Comme dans le sommeil, une vision fugace.
Ne t’afflige pas! La vie te sourit un temps
Demain à d’autres gens elle fera ses grimaces!»
Après avoir reçu et lu le message, le calife ordonna qu’on le libérât. Mais en vain, il était trop tard, le méchant homme avait crevé avant que l’ordre parvint à la prison.
Oui, ceux pour qui le monde n’est qu’un lieu de lutte pour la survie, manoeuvrent toujours pour placer les faibles sous le joug de la privation afin de consolider leur domination et de préserver leurs intérêts, et pour cette fin, ne reculent devant aucun crime, fût-ce le plus inhumain.
Mais le moment ne tardera pas où la colère contenue dans les coeurs des opprimés éclatera en insurrection et en révolution, balayant les rêves d’éternité des tyrans.
L’injustice n’est pas propre à une classe ou à des individus particuliers. Tout homme, à quelque rang et en quelque circonstance que soit, qui aurait tenté de se servir des privilèges de la vie d’ici-bas à des fins personnelles, sans respect d’aucune règle ni condition, où ce faisant, d’enfreindre les lois de la raison et de la religion, est un homme injuste, ingrat envers son Créateur.
Nous sommes -malheureusement – témoins, aujourd’hui du déploiement des tentacules de l’injustice dans toutes les sociétés humaines, menaçant d’écroulement et d’anéantissement les fondements mêmes de la civilisation
Les injustes foulent aux pieds les droits de communautés entières, pillent leurs ressources naturelles par la force, alors que la justice reste comme une statue froide et sans vie.
La religion contre l’injustice:
L’oppression, au point de vue du Coran pourrait causer la décadence des peuples:
«Nous avons fait périr les habitants de ces Cités quand ils eurent été injustes et avons fait promesse de les faire disparaître.»
Les leaders religieux se sont toujours préoccupés de la consolidation de la fraternité, et se sont fixés pour but de propager l’équité. Ils rectifient les écarts dans la marche de la société par des mouvements réformistes.
Ainsi, ils parviennent souvent à priver les oppresseurs de leurs moyens d’action, et à les abattre.
Pour les chefs spirituels; l’injustice est un péché impardonnable.
Pour dissuader les gens de s’incliner vers l’injustice ils ont été jusqu’à assimiler celle-ci à une forme de polythéisme.
C’est d’ailleurs par leur comportement juste et exemplaire qu’ils ont pu exalter les sentiments du peuple contre les despotes:
«Nous avons certes envoyé Nos Apôtres, avec les Preuves, et fait descendre, avec eux, l’Ecriture, et la Balance, afin que les Hommes pratiquent l’équité…»
Comme le but final de l’Islam, c’est d’instaurer la justice sous toutes ses formes, il a recommandé et même enjoint à ses adeptes de la pratiquer dans leurs rapports réciproques, sans distinction de rang, de sexe, ou d’autre considération personnelle.
Il a interdit l’usurpation des droits de quiconque envers qui que ce soit:
«Ô vous qui croyez! tenez-vous droits devant Dieu en témoins de l’équité! Que la haine pour un peuple impie ne vous porte point a n’être pas justes! C’est l’acte le plus proche de la piété.»
«Dieu vous ordonne de rendre les dépôts à leurs ayants droit et quand vous jugez entre les Hommes, de juger avec équité…»
En Islam, la vertu de justice est à ce point prise en compte que sans elle, nul ne peut prétendre prendre place au tribunal, même, s’il répond à toutes les autres conditions.
Afin d’ancrer dans les esprits cette noble faculté, l’Islam ordonne aux parents de respecter les règles de l’équité envers leurs enfants et de ne pas les habituer à l’injustice. Cela est d’ailleurs un principe élémentaire de l’éducation. Les enfants accoutumés à voir des scènes d’injustice ou à la subir eux-mêmes de la part de leurs parents, finissent par perdre le sens de la justice et de l’honnêteté.
Pire encore, leur caractère se développera dans l’iniquité et l’outrance, et ils se comporteront toujours dans la société en transgresseurs des droits d’autrui.
Même leurs parents ne seront pas épargnés, et subiront les conséquences de leur incurie.
Le Prophète de l’Islam -que les bénédictions divines soient sur lui et sur sa Famille- avait coutume de rappeler ce point important de l’éducation. Il recommandait à ses Compagnons:
«Soyez équitables et justes dans les dons que vous faites à vos enfants si vous voulez qu’ils montrent tous la même bonté et la même affection.»
Le Professeur Bertrand Russel:
«L’âme humaine est en extension permanente, à l’instar de la vapeur. Le but de l’éducation est de ce point de vue, de faire que la contrainte externe se représente dans l’esprit de l’enfant sous la forme d’habitudes, d’idées, et de penchants affectifs; non de coups, de réprimandes et de châtiments corporels.
Et la notion qui est nécessaire à ce sujet est celle de la justice qui est une notion que nous devons inculquer progressivement dans l’esprit et les habitudes des enfants.
L’éducation véritable en matière de justice peut se faire au moment où l’enfant doit jouer avec ses camarades, en ne disposant que d’un seul moyen de jeu -une bicyclette par exemple – utilisable à tour de rôle.
Nous voyons alors qu’ils appréhendent rapidement le sens de la justice.
Evidemment, chacun d’eux aspire à jouir égoïstement du plaisir de se servir à lui seul de la bicyclette. Mais ce qui est surprenant, c’est l’empressement avec lequel ils adhèrent à la proposition des aînés parmi eux, que chacun doit attendre son tour.
Je ne crois pas que le sens de la justice soit inhérent à l’homme; qu’il soit inné en lui, mais quand j’ai vu avec quelle vitesse il se développe chez l’enfant, je n’ai pu contenir mon étonnement. Bien entendu il faut que la justice soit réelle et ne favorise pas un enfant au détriment d’un autre.
Si vous avez au fond de vous une préférence pour un des enfants, il faut veiller à ce que ce sentiment ne vous entraîne à vous montrer injuste dans la joie et la gaieté que vous leur prodiguez. Un principe général évident est que les jouets doivent servir équitablement à tous. L’effort pour inculquer l’amour de la justice à l’enfant par toutes sortes d’exercice moral est inutile.»
Citons encore ici une parole appropriée du Prophète de l’Islam:
«Craignez Dieu, et soyez équitables envers vos enfants comme vous-mêmes aspirez à ce qu’ils vous marquent tous de l’affection.»
Dans une recommandation faite à Mohammad ibn Abi Bakr qu’il avait nommé au poste de gouverneur de l’Egypte, l’Imam Ali dit:
«Baisse sur eux l’aile de la protection, sois doux et bienveillant envers eux, et sois équitable dans le temps d’audience que tu leur accordes et le regard que tu leur portes afin que les grands désespèrent de trouver en toi un soutien à leur penchant despotique, et que les faibles ne perdent espoir en ton équité et en ta justice.»
Les Apôtres de Dieu sont les piliers de la justice et les modèles de la perfection et de l’accomplissement de l’humanité.
A l’époque du califat d’Ali, son frère Aqil, vint le voir. Après s’être plaint des difficultés et de l’extrême pauvreté de sa famille, il demanda avec insistance à son frère aîné qu’il lui accorde l’équivalent de trois kilogrammes de blé, en plus de sa part fixée équitablement par l’Imam entre les musulmans.
L’Histoire nous a gardé un sermon de l’Imam Ali faisant état de cet évènement qui prouve mieux que toute tradition l’importance de la justice aux yeux des Amis de Dieu:
«Par Dieu, j’ai vu certainement Aqil dans le dénuement total, et il me demanda un sa (128) de votre part de blé. Et j’ai aussi vu ses enfants échevelés, le visage poussiéreux de faim, comme s’ils avaient été noircis avec de l’indigo.
Il revint à la charge à plusieurs reprises, répétant à chaque fois sa requête insensée.
Je lui prêtais l’oreille. Il pensa que j’allais troquer pour lui ma foi, suivre sa voie et laisser la mienne.
En guise de réponse, j’ai chauffé une barre de fer, puis je l’ai approchée de son corps afin qu’il en tire une leçon. Peu s’en fallut que le tison le brûlât. Il en poussa un cri. Je lui ai dit alors:
Que les pleureuses te pleurent! Ô Aqil! Gémis-tu à cause de ce fer qui a été fabriqué par l’homme pour ses loisirs, alors que tu cherches à me conduire vers le feu que Dieu Tout-Puissant a préparé comme manifestation de Son courroux? Aurais-tu le droit de crier de douleur? Et ne devrais-je pas craindre les flammes de l’Enfer?»
Plus loin dans le même sermon, l’Emir des Croyants, Ali dit:
«Par Dieu, si les sept terres avec tous leurs, cieux m’étaient proposées pour que je désobéisse à Dieu fût-ce en arrachant injustement un grain d’orge à une fourmi, je ne les accepterai pas.
Ce monde qui vous a tant fascinés, me semble si vil que je refuse de nuire à une fourmi pour obtenir ses privilèges»
Avec son insurrection et son mouvement grandiose contre l’oppression, L’Imam Hossein le martyr de Karbala, a écrit en lettres d’or la plus belle page d’amour de la justice qui brillera encore à jamais au firmament de l’Histoire.
Source: Problèmes moraux et psychologiques
Seyyed Mojtaba Moussavi Lari