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Les principes de l’éducation dans l’enfance musulmane
Chapitre trois : Une formation équilibrée
Afin de nous faire une idée claire du point de vue islamique de la formation d’une personnalité équilibrée, lisons les versets coraniques suivants, qui en dégagent les valeurs et les principes :
« C’est ainsi que Nous avons fait de vous une communauté équilibrée, afin que vous soyez témoins à l’encontre des autres, et que le Prophète (S) soit témoin à votre encontre. » (Sourate 2, verset 143).
« Et ceux qui, lorsqu’ils dépensent, ne gaspillent point ni ne se montrent avares, mais qui se tiennent entre ces deux extrêmes. » (Sourate 25, verset 67)
« Et recherche dans ce que Allah t’a donné la demeure dernière ; et n’oublie pas ta part en ce monde, et sois bon comme Allah a été bienfaisant envers toi ; et ne recherche pas la corruption sur terre ; car Allah n’aime point les corrupteurs. » (Sourate 28, verset 77)
« Et qui (les) préfèrent à eux-mêmes, même s’il y a pénurie chez eux. » (Sourate 59, verset 9)
« Sois constant comme tu en as reçu l’ordre, ainsi que ceux qui se sont repentis avec toi, et ne vous révoltez pas. » (Sourate 11, verset 112)
A la lecture pondérée de ces textes et d’autres, nous pouvons relever les points forts de cet équilibre nécessaire :
- Equilibre entre ce monde et l’autre.
2. Equilibre entre les besoins corporels, sentimentaux, intellectuels et spirituels.
3. Equilibre et modération dans nos comportements, nos pratiques et dans notre façon de réagir face aux différentes situations qui se présentent à nous.
L’Islam, en effet, a bâti son appel sur l’équilibre, la modération et la juste mesure, dans tous les domaines de l’existence humaine, loin de toute excès ou manque.
Le Coran, en effet, appelle l’humain à rechercher l’équilibre entre ce monde et l’autre (Coran, 28, 77) ; bien plus, Allah a fait de ce monde un lieu de passage obligatoire pour l’au-delà, et il n’y a guère de séparation entre l’action de ce monde et celle de l’autre ; tout ce qui est accompli par l’humain en ce monde est relié à l’au-delà.
C’est la raison pour laquelle Allah a interdit la vie monacale et a interdit à l’humain de refuser tous les bienfaits dont Il lui a autorisé la jouissance. De même, Il a tracé pour l’humain une méthode d’adoration visant à la perfection qui intègre l’humain dans le cercle de l’adoration d’Allah le Très-Pur, et qui le connecte avec l’autre monde dans tous ses actes afin d’éviter qu’il ne s’immerge dans les plaisirs de ce monde et néglige de se préparer pour l’autre.
Parmi les manifestations de cet équilibre et de cette modération concernant les valeurs, les principes et les jugements islamiques, nous pouvons citer l’équilibre entre les différentes tendances de l’âme et ses besoins, de même qu’entre les forces qui doivent être utilisées afin de les satisfaire.
Ainsi, l’Islam a invité l’humain à satisfaire ses besoins corporels et ses instincts, comme par exemple les besoins de manger, de boire, d’assouvir les besoins sexuels, etc. sans excès, dans un sens ou dans l’autre. Parallèlement à la satisfaction de ces besoins corporels, l’Islam invite l’humain à respecter la raison, c’est pourquoi il lui a accordé une attention toute particulière ; il a encouragé l’humain à accueillir favorablement les besoins de la raison en matière de connaissance et de savoir.
En effet, l’Islam a ouvert le champ libre aux raisonnements et à la réflexion productive et a jalonné son chemin par les limites de l’engagement et le respect de principes bien précis. Il a également imposé à la raison un rôle à jouer dans le processus de la pensée, de la compréhension et de la déduction ; de même qu’il a assigné à l’expérience et aux connaissances sensibles un rôle effectif dans la vie de l’humain.
L’Islam, en accordant à ces deux sortes de connaissances – la connaissance expérimentale et la connaissance théorique – une valeur égale, leur a assigné un champ d’application scientifique propre à chacune d’entre elles, leur permettant de déboucher sur des découvertes et des applications scientifiques.
Quant à la dimension psychologique de l’humain, l’Islam ne se borne pas à considérer l’humain comme un simple ensemble d’appareils et de rouages mécaniques, purement matériels et organiques. Il considère l’humain comme étant une entité porteuse d’émotions, de sentiments, comme l’amour, la colère, la satisfaction ; il prend en compte son sens de l’honneur et des valeurs qu’il s’est choisies pour vivre.
L’Islam a donc invité l’humain à satisfaire tous ses besoins physiques, psychologiques, intellectuels… d’une façon équilibrée afin d’éviter que certains sentiments, réactions ou émotions ne l’emportent sur d’autres, ce qui affecterait l’évolution normale de l’âme et des comportements humains.
Il a, par exemple, invité l’humain à instaurer en lui-même, un équilibre entre les sentiments de colère et d’amour ; il a régulé ses émotions et ses prises de position en les basant sur son engagement à respecter certaines valeurs.
Le but étant toujours le même, à savoir : faire évoluer l’humain dans toutes les dimensions de son existence, dans le cadre de la modération et de la rectitude psychologique.
C’est ainsi que l’Islam a posé des principes pratiques afin de mettre en action les différents éléments dont est doté l’humain : la raison, l’âme, la conscience et le corps. Il a par exemple rejeté, en matière de dépense, l’avarice comme le gaspillage ; en matière de nourriture, la gloutonnerie comme le sevrage alimentaire ; en matière de travail, il a appelé à lui accorder la place qui lui convient, ni trop ni trop peu ; ainsi que dans les autres domaines comme les rapports sexuels et le sommeil par exemple.
Cet ensemble de méthodes préconisées par l’Islam permettant de parvenir à un équilibre adéquat n’ont d’autre but que de permettre à l’humain de se réaliser pleinement et de se former une personnalité – entité unique – à plusieurs branches : biologique, psychologique, idéologique, physiologique et spirituelle qui se complètent les unes les autres.
Après avoir définit les principes de base nécessaires à l’élaboration d’une personnalité équilibrée sur le plan personnel, l’Islam s’est tourné vers la réalisation d’un équilibre entre les droits et les devoirs respectifs de l’individu et de la société, afin d’harmoniser au maximum les aspirations individuelles et l’intérêt social.
L’humain, en effet, ne vit pas comme une entité vivante séparée de ses pairs ; il doit vivre au sein d’un cadre social retirant et échangeant avec les autres des bénéfices par le biais de la construction de relations qui vont donner naissance à des droits et des devoirs réciproques.
C’est à la loi et à la morale que reviennent la responsabilité d’organiser ces droits et devoirs, ainsi que de définir la fonction sociale de l’humain.
C’est à cette fin que l’Islam a encouragé l’humain à se sacrifier, à s’efforcer d’éduquer ses propres penchants et faire passer l’intérêt social avant ses propres intérêts.
Allah le Très-Haut a décrit les croyants engagés en ces termes : « Ils préfèrent les autres à eux-mêmes, quand bien même seraient-ils dans la gêne. » (59, 9)
Le Prophète (s) à son tour, en parlant du perfectionnement de soi-même et de l’importance à attacher aux intérêts sociaux a dit : « Tu peux reconnaître les croyants aux signes distinctifs suivants : ils sont compatissants les uns envers les autres ; ils se vouent une réelle affection et nourrissent des sentiments d’amour très solides ; semblables à un seul corps qui lorsque l’un de ses membres est soumis à la douleur, ressent en sa totalité la fièvre et l’insomnie. »
Dans cet autre hadith aussi : « Le croyant ne peut se prétendre tel tant qu’il ne désire pas pour son frère ce qu’il désire pour lui-même. »
Ou encore : « Le meilleur d’entre vous est celui qui est le plus utile aux autres. »
Et enfin : « Celui qui ne se sent pas concerné par le sort de ses frères ne peut se dire musulman. »
Tous ces textes nous éclairent bien sur l’équilibre que l’Islam tend à réaliser entre les pulsions individuelles et les pulsions sociales et visent à éveiller en l’humain une conscience sociale.
L’éducation doit se faire un devoir d’inclure ces principes dans son programme et des méthodes afin de donner à la société des personnalités équilibrées tant au niveau de leurs pulsions que de leurs rapports avec les autres.
Chapitre quatre : L’enfant et son environnement
Parmi les principes essentiels de l’éducation, il en est un qu’on ne peut ignorer ni même minimiser : c’est celui de l’influence du milieu, influence puissante et active sur la formation de la personnalité de l’individu.
L’enfant à la naissance est déjà réceptif aux influences extérieures qu’il enregistre et face auxquelles il réagit ; c’est ainsi qu’il commence à constituer son capital de connaissance. Il emprunte au milieu dans lequel il vit différents types de comportements, de manières d’agir, de façon de vivre, de convictions ou bien de comportements déviants.
Les parents et la famille jouent un grand rôle dans la fixation de la personnalité de l’enfant et la détermination de sa configuration. L’instituteur, les amis, la société et les différents moyens intellectuels qu’elle utilise pour la transmission des idées, les mass-médias, les habitudes et les coutumes ont à leur tour une emprise importante sur la formation de la personnalité de l’enfant (comportements et manière de penser.)
Il faut cependant noter un point important à cet égard, qui émane de la philosophie générale de l’Islam : à savoir que le monde extérieur, malgré son influence démesurée, ne peut influer d’une façon décisive et définitive sur le devenir de l’humain et de sa personnalité.
C’est à la volonté et aux forces intérieures que reviennent le rôle le plus important quant à la délimitation des comportements et des croyances.
La volonté
Le rôle essentiel reconnu à la volonté découle de l’attention que porte l’Islam à l’humain lui-même : ce dernier est un être libre et possédant la faculté de choix ; il peut donc choisir ses propres positions et délimiter lui-même ses manières d’agir.
Cette volonté, bien sûr, croît au fur et à mesure de la croissance de l’enfant jusqu’à atteindre son point d’épanouissement parallèlement à l’épanouissement de la personnalité dans son ensemble. Cependant, durant l’enfance, le monde extérieur a une influence très importante dans la formation du moi de l’enfant et jouera un rôle important allant dans le sens soit d’une destruction ou d’un affaiblissement de la volonté ou soit au contraire de son affermissement..
Il est évident que l’influence du milieu – maison, école, société – ne se limite pas uniquement à la période de l’enfance, non. Tout ce dont l’enfant va être témoin, la manière dont il va être influencé, dont il va écouter, dont il va souffrir, tout cela va avoir une portée et une signification profonde qui vont se déposer progressivement dans son inconscient. Tous ces différents courants vont influencer et amoindrir la volonté dans le futur ou bien au contraire la renforcer si l’enfant a vécu dans des conditions favorables.
Le monde extérieur peut donc soit assigner à l’humain une bonne conduite, soit le détourner du droit chemin et le mener à des comportements déviés et anéantissants.
C’est pour cette raison que, dans l’éducation islamique, l’accent est mis sur les valeurs morales et les principes religieux comme étant des vérités indépendantes supérieures aux influences de la réalité ; et ceci, afin de protéger l’enfant des déviations et des influences pernicieuses.
C’est également pour cette même raison qu’il est porté un soin tout particulier au renforcement et l’entraînement de la volonté étant donné le rôle qu’elle joue dans la vie de l’individu, des peuples et des nations.
C’est par une volonté détaché de toutes influences du milieu, engagée par des principes et des valeurs supérieures à la réalité du monde ambiant qu’ont pu se distinguer des guides, des penseurs et des réformateurs qui ont appelé leur contemporains à une révolution contre cette sombre réalité en vue de la changer. Ils ont ainsi réussi à créer un nouveau milieu social, au moyen de la volonté et de la pensée pure.
C’est cette revalorisation étayée par la logique de l’histoire et le cours de ses événements qui va donner à l’humain des valeurs réelles, et lui donner une place positive dans la société. Or, c’est précisément l’Islam qui lui a apporté tout cela, comme le dit clairement ce verset :
« L’humain verra alors clairement ce qui le concerne, même s’il a des excuses à présenter. » (75, 15)
Le Prophète (s) a dit également : « Ne sois pas comme un estomac en te disant : je suis les autres ; si les autres me font du bien, je leur fais du bien ; et s’ils me font du mal, je leur fais du mal. Agis plutôt comme cela : si les gens te font du bien, fais-leur du bien, et s’ils te font du mal, garde-toi du mal qu’ils te font. »
L’environnement
Parallèlement au soin que l’Islam apporte à la volonté ou, en d’autres termes, à l’identité intérieure de l’humain et à sa faculté de choix, l’Islam se préoccupe également du milieu environnant.
En effet, il constitue l’un des instruments qui prolongent le moi de l’humain en lui apportant des images et en provoquant en lui des réactions multiples qui vont enrichir sa personnalité – cet apport se fait au moyen des cinq sens. C’est pourquoi l’intérêt accordé au contenu de ce qui fait la nourriture de l’humain (pris dans un sens général : les connaissances acquises) comme partie prenante dans la construction du moi s’avère une nécessité absolue et une des méthodes pour protéger la personnalité et la réformer.
L’éducation a donc pour fonction d’éloigner l’enfant de toute influence néfaste et de lui fournir une atmosphère favorable lui permettant de grandir sainement et le protégeant de l’apparition de complexes et de perversions que l’environnement social ou naturel pourraient provoquer.
Les phénomènes naturels ont une influence active et décisive sur l’enfant, de même que les conditions sociales ; tous deux ont un impact très fort et laissent une empreinte sur la personnalité et les relations qu’elle va nouer avec autrui.
Afin d’éclairer cette idée, nous allons évoquer les influences respectives de ces deux milieux.
L’environnement naturel
La règle qui va prévaloir dans ce domaine sera d’instaurer un rapport entre l’enfant et la nature qui repose sur la compréhension mutuelle, la sérénité et le respect.
Il faudra donc éloigner l’enfant de tout ce qui pourrait provoquer sa peur, et attirer son attention sur la beauté que renferme ce monde et sur l’harmonie et la sérénité qui y règne.
Dans le but d’une part de protéger l’enfant de réactions psychologiques douloureuses et néfastes, et d’autre part, de le diriger vers la nature pour qu’il recherche en elle l’inspiration qui le conduira à trouver le sens de l’amour, de la beauté et de la joie ; et à faire naître en lui le désir de la recherche, de la connaissance et de la découverte.
Allah le Très-Haut a dit : « Ne regardent-ils pas vers la royauté des cieux et de la Terre, considérant tout ce qu’Allah a créé… »
Il est bien clair que l’enfant subit les influences du milieu et qu’il réagit face à elles notamment sous formes de questionnements. L’enfant nous pose d’innombrables questions sur ce monde qui le fascine et l’étonne ; par exemple sur des phénomènes comme l’éclair, les animaux, l’aboiement du chien, l’eau, etc.
Toutes ces choses peuvent causer la peur en lui, engendrer son angoisse et le rendre méfiant de celles-ci qu’il considère alors comme des dangers potentiels ; si l’enfant est ainsi laissé à lui-même, cette peur va augmenter au fur et à mesure de sa croissance ; elle va se sédimenter dans son inconscient et donner naissance à une personnalité angoissée, hésitante et craintive en proie à de nombreuses frayeurs.
Mais de même que ces phénomènes peuvent engendrer des réactions négatives, ils ont également une influence positive et bienfaisante sur la psychologie de l’enfant. Par exemple, l’enfant, à la vue de la pluie, devient joyeux et excité ; son intérieur se remplit de joie et de soulagement quand il regarde les prairies et les jardins agréablement ornementés ; il se délecte à l’écoute du chant des oiseaux et à la vision d’un parterre de fleurs.
Les éducateurs ont donc le devoir de tout mettre en œuvre afin d’instaurer un rapport d’amour et de joie entre l’enfant et la nature.
Ce travail a pour but de l’habituer à affronter les diverses situations dont il a peur, de l’apaiser, de l’entourer de confiance et d’affection afin d’éliminer les frayeurs qui se trouvent en lui, de même que l’esprit de repli sur soi-même et la tristesse. Cela se fera par exemple sous la forme d’une promenade en commun au cours de laquelle on lui fera ressentir les manifestations de la beauté et de la joie, en lui donnant ainsi un espace de liberté suffisant et en répondant à toutes ses questions. Ce faisant nous cultivons en lui l’esprit de curiosité, le désir de connaître, l’amour de la nature avec toutes les merveilles qu’elle recèle.
Ainsi, l’enfant s’attache peu à peu à elle, sait qu’elle est la place qu’il occupe en son sein et prend également conscience de la grandeur de son Créateur et de l’origine de la puissance et de la création originale.
Ceci aura pour résultat que l’enfant va se tourner vers la nature en toute sérénité et humilité, le cœur rempli d’amour et du sentiment du bien.
L’enfant va donc avoir une conception scientifique et doctrinale du monde, à savoir que la nature dans tout ce qu’elle renferme a été établie et créée afin que l’humain en jouisse, en tire profit, et utilise ses propres forces et capacités pour l’adapter à ses besoins ; s’appuyant en cela sur les directives du Coran :
« C’est Lui qui a créé pour vous tout ce qui est sur la Terre. »
Cela a permis à l’humain d’adapter les forces de la nature et d’utiliser ses ressources pour le profit humain, en accord avec les principes qu’il a forgé au cours de son contact prolongé avec la nature, comme : l’amour, le bien, le beau et la paix.
La science va constituer à cet égard un instrument actif permettant à l’humain de découvrir les forces contenues dans la nature et les lois cosmiques qui peuvent être mises au service de l’homme.