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Le ‘Irfân (gnose) et le soufisme
Le ‘Irfân ou la gnose mystique est une science qui naquit, se développa et se perfectionna au berceau de la culture islamique. Il est possible d’étudier la gnose et d’y effectuer des recherches séparément sur le plan social et sur le plan culturel.
Il y a une différence entre les gnostiques (‘urafâ’, plur. de ‘irfâni ou ‘ârif) et toutes les autres tranches de la culture islamique tels les mufassir (exégètes du Coran), les muhaddithines (rapporteurs de Hadith ou des récits hagiographiques), les faqîh (jurisconsultes), les théologiens (scolastiques ou mutakallimûn), les philosophes, les littérateurs et les poètes, car outre le fait qu’ils ont constitué une couche cultivée qui a fondé une science dénommée «le ‘Irfân» et engendré de grands uléma (savant musulman) qui produisirent des chefs-d’œuvre, ils se sont détachés dans le monde musulman comme une classe sociale qui se distingue des autres par ses traits spécifiques, à la différence des autres classes sociales tels que les jurisconsultes, les théosophes (hukamâ’ ) et d’autres semblables couches sociales et scientifiques, lesquelles ne se sont pas démarquées comme groupes à part.
En tant que classe scientifique, les cheikhs de la gnose sont connus sous l’appellation de ‘urafâ’, et en tant que couche sociale sous la dénomination de soufis.
Bien que les ‘urafâ’ et les soufis n’aient pas formé pour eux une école juridique particulière au sein de l’Islâm- mais figuraient dans tous les groupes islamiques- ils ont quand même constitué un groupe socialement solidaire et coopératif. Toutefois, leurs idées et leurs opinions sur la fréquentation des gens, ainsi que leur accoutrement spécifique et même leurs habitudes de se laisser pousser la barbe et les cheveux, et de s’enfermer dans les couvents et bien d’autres comportements particuliers les ont détachés comme un groupe doctrinal et social particulier.
Il est indéniable qu’il y a des ‘urafâ’ -notamment parmi les chiites- qui ne se sont pas distingués dans leurs apparences des autres, alors qu’ils étaient en réalité de vrais ‘urafâ’ dans “leur conduite et leur cheminement”; ceux-ci représentent à vrai dire, les vrais ‘urafâ’, contrairement à d’autres qui se sont forgé diverses règles de savoir-vivre et de conduite, ainsi que toutes sortes d’hérésies.
Dans cet exposé, nous n’allons pas traiter du ‘irfân sur son volet social (le soufisme) et en tant qu’une Voie (tarîqah) empruntée par un groupe social; nous nous contenterons de l’aborder sous son aspect culturel et en tant qu’une des disciplines ou sciences islamiques. Car si nous voulions l’étudier sous son angle social, nous devrions rechercher les causes et les raisons qui ont conduit à l’émergence de ce groupe social et les rôles positifs ou négatifs qu’il a joués dans la société islamique, ainsi que les influences réciproques entre lui et tous les autres groupes islamiques et son effet sur la propagation de l’Islâm. Mais nous évitons ici d’entrer dans ces détails, nous limitant à aborder le ‘irfân en tant que science et courant culturel islamique.
En tant que science et culture, le ‘irfân a deux aspects : pratique et théorique.
Sur le plan pratique, le ‘irfân est l’attitude de l’homme et ses devoirs envers lui-même, envers l’univers et envers son Créateur. Pris dans cette approche, il ressemble à l’éthique dans le sens qu’il est une science pratique à une différence près que nous expliquerons plus loin. Cette partie de ‘irfân est appelée «La science de la conduite et du comportement »(1) et elle s’occupe de décrire le premier pas que l’aspirant au ‘irfân doit effectuer en vue d’atteindre à «l’Unicité », laquelle est le sommet quasi inaccessible de l’humanité, les différentes positions et les étapes qu’il a à traverser sur son chemin, et les états qu’il risquerait de connaître dans ces étapes. Il va de soi que l’aspirant ‘irfâni doit passer par toutes ces étapes sous la direction d’un homme parfait qui aurait traversé lui-même cette voie et connu toutes ces positions et que les ‘urafâ’ dénomment parfois «l’oiseau de Jérusalem » (2) ou «al-Khedhr », sans quoi -s’il marche tout seul et sans la guidance de cet homme parfait- il n’aboutirait qu’à l’égarement.
Il est évident qu’il y a une grande différence entre l’Unicité que le gnostique voit comme le sommet inaccessible de l’humanité et l’extrême but final auquel il aboutit dans “son cheminement et sa conduite”, et celle à laquelle croient les gens du commun ou les non-initiés, ou même le philosophe qui croit que l’Être nécessaire est Un et pas plus.
En effet, l’Unicité telle que la conçoit le gnostique (‘ârif ) signifie que le seul être existant réellement est Allâh – Le Très-Haut – et que toutes les autres créatures ne sont que Ses ombres (panthéisme), qu’il n’y a aucune autre existence qu’Allâh, et que le ‘ârif doit emprunter et traverser cette voie pour atteindre au stade dans lequel il ne voit plus qu’Allâh – Exalté soit-Il.
Ceux qui s’opposent aux gnostiques récusent ce stade de l’Unicité et la considèrent même parfois comme une sorte de mécréance et d’athéisme, alors même que les premiers le considèrent comme la vraie Unicité et que tout le reste n’est pas dépouillé de tache polythéiste.
L’approche de ce stade ne relève pas de l’esprit et de la pensée, mais c’est une affaire de cœur, de combat intérieur, de conduite, de comportement, ainsi que de purification et de rééducation de l’âme(3).
En tout état de cause, tel est le volet pratique du ‘irfân ressemblant à la science de l’éthique qui traite du comportement et de la conduite, mais dont il diffère par les points suivants :
- Le ‘irfân traite du rapport de l’homme avec lui-même, avec l’univers et avec son Créateur, et focalise son attention sur la relation de l’homme avec Allâh, tandis que tous les systèmes éthiques ne voient aucune nécessité à s’occuper de cette relation (entre la créature et le Créateur) et se contentent d’aborder les règles de la morale religieuse dans ce domaine.
2- Le cheminement et la conduite ‘irfânites sont -comme le laissent deviner ces deux termes – actifs et mouvants, contrairement à l’éthique qui est figée. En effet, le ‘irfân parle d’un point de départ, des positions et des étapes que l’aspirant ‘irfâni ou “le voyageur spirituel” doit obligatoirement plier pour atteindre à son but escompté. Le ‘irfâni voit qu’il y a une véritable voie au sens propre du mot, dont l’homme doit traverser successivement toutes les étapes et qu’il lui est impossible d’en atteindre une seconde étape avant d’avoir obligatoirement traversé l’étape précédente. Le ‘irfâni considère l’âme humaine comme un plant ou un bébé qui croît et se développe progressivement selon un processus spécifique, alors que l’éthique traite d’une série de vertus tels que la véracité, la droiture, la justice, la chasteté, la bienfaisance, l’équité, l’altruisme et d’autres hautes qualités morales qui ornent l’âme et accentuent sa beauté et sa brillance. Ainsi, l’éthique voit l’âme humaine comme une maison qu’on devrait orner avec une couche de peinture et construire avec des pierres et du bois sans qu’il y ait un ordre chronologique à suivre, dans ce sens qu’il est indifférent qu’on commence par le toit puis les murs et le contraire, ou par la façade ou l’arrière.
Le ‘irfân, par contre, considère que les éléments moraux évoluent selon un ordre dynamique, mouvant et vivant.
3- Les éléments spirituels de l’éthique sont restreints par des notions et des concepts connus, le plus souvent, alors que les éléments spirituels du ‘irfân sont plus ouverts, car dans le “le voyage spirituel” du ‘irfâni, il est question d’une série d’états d’âme et de souffrances psychologiques qu’il subit lorsqu’il traverse les différentes étapes, sans que les gens connaissent ses souffrances.
Le second volet du ‘irfân s’occupe de l’étude de l’existence et de la connaissance d’Allâh, de l’univers et de l’homme; et sur ce plan, le ‘irfân ressemble à la philosophie, car il se déploie à expliquer l’existence, à la différence du premier volet qui ressemble à l’éthique et se propose de changer l’homme.
Et de même que le premier volet du ‘irfân diffère dans certains points de l’éthique, de même dans ce second volet, il diffère de la philosophie sur certains sujets, comme nous allons le voir dans le chapitre suivant.
Le ‘irfân théorique se déploie à analyser l’Existence et traite de la question du Créateur, de l’univers et de l’homme. Sous cet angle, il ressemble à la philosophie théologique qui s’intéresse à l’étude de l’Existence. Et de même que la philosophie théologique a un objet, des sujets et des principes, de même le ‘irfân possède un objet, des sujets et des principes. Mais alors que la philosophie fonde ses raisonnements sur les principes et les fondements rationnels, le ‘irfân fait des divinations mystiques (mukâchafât) (4) la principale matière de ses raisonnements, et s’évertue par la suite à les expliquer et justifier rationnellement.
Ainsi, le raisonnement rationnel philosophique est comme un sujet écrit dans une langue donnée afin que le lecteur le lise dans cette langue, tandis que le raisonnement gnostique est pareil à un sujet traduit d’une autre langue, c’est dire que le ‘irfâni prétend soumettre ce qu’il a vu par sa vue intérieure (baçîrah بصيرة) et son existence à l’interprétation rationnelle.
Il y a une différence radicale entre l’interprétation gnostique de l’existence -ou en d’autres termes la vision cosmique de l’existence- et celle philosophique.
Ainsi, le philosophe théologique attribue le açâlah (le Principe) à Allâh et à d’autres, à cette différence qu’Allâh est l’Être nécessaire et auto-existant, alors que les autres sont des êtres contingents et dépendants de leur existence d’un autre et causés par l’Être nécessaire, alors que le ‘ârif (ou ‘irfânî) considère que tout, à l’exception d’Allâh, n’a pas d’existence réelle lors même qu’il est causé par Allâh, et que la seule réalité est l’Existence d’Allâh qui entoure toute chose, alors que toutes les choses ne sont que des noms, des attributs et des manifestations (épiphanie divine) d’Allâh – le Très-Haut – et non pas des choses qui s’ajouteraient à Lui.
De même la vision du philosophe diffère de celle du ‘ârif : le premier veut comprendre le cosmos, c’est dire qu’il essaie de parvenir à une conception correcte, globale et intégrale du cosmos et considère que le sommet de la perfection humaine est que l’on perçoive par son esprit le cosmos tel qu’il est, afin que le cosmos ait une existence rationnelle dans sa propre existence et qu’il devienne lui-même un savant rationnel; ou comme on le définit la philosophie : « L’homme devient un savant rationnel semblable à l’homme concret ».
En revanche le ‘ârif n’attache aucune importance au ‘aql (raison, esprit, intelligence) ni à la perception; ce qu’il recherche, c’est d’arriver à l’essence de l’existence, c’est-à-dire Allâh -le Sublime- afin de Le “voir” et d’entrer en contact avec Lui.
La perfection de l’homme ne doit pas se limiter chez le ‘ârif au simple fait de se faire une idée de l’existence dans son esprit, mais il faut aller bien au-delà de cette limite et continuer à se diriger vers le Principe qui lui a donné existence et à détruire les distances entre lui et le Créateur, et à s’approcher de Lui jusqu’à ce qu’il s’anéantisse en Lui et s’éternise dans Son éternité.
Les outils du philosophe sont l’esprit, la logique et le raisonnement, alors que les instruments de travail du ‘irfâni se constituent de l’œil intérieur, la lutte intérieure, la purification et la rééducation de l’âme, ainsi que le mouvement et le combat intérieurs.
On verra plus loin la différence entre la vision cosmique du ‘irfâni et du philosophe.
Le ‘irfân dans ses deux volets pratique et théorique a un lien solide avec la religion musulmane, car l’Islâm s’attache- comme toutes les autres religions, et même encore plus- à expliquer les liens de l’homme avec son Créateur, avec l’univers et avec lui-même, et à étudier l’Existence.
Là, la question qui se pose est de savoir ce que le ‘irfân professe et ce que l’Islâm enseigne à cet égard pour voir s’il y a une opposition entre les deux ou si au contraire il y a une communauté de vues ?
Bien entendu, les ‘urafâ’ récusent l’accusation selon laquelle leur vision irait au-delà de ce que l’Islâm enseigne, et prétendent qu’ils ont découvert les vérités islamiques mieux que quiconque d’autre, que ce sont eux les Musulmans authentiques, et qu’enfin ils fondent leur doctrine- aussi bien sur le plan pratique que théorique – sur le Coran et la Sunna, ainsi que sur les enseignements des Imâms Infaillibles et des grands Compagnons.
Toutefois, leurs détracteurs ne sont pas de cet avis, et on peut résumer les griefs qu’ils leur adressent comme suit :
1- Certains traditionnistes (rapporteurs de Hadith ou de traditions hagiographiques) et jurisconsultes (faqîh) considèrent que les ‘urafâ’ n’observent pas les enseignements islamiques sur le plan pratique, et que leur référence au Coran et à la Sunna n’a pour raison d’être que de leurrer le commun des mortels et d’attirer les Musulmans vers eux, et que, enfin, le ‘irfân n’a fondamentalement rien à voir avec l’Islâm.
2- Certains contemporains et rénovateurs – qui ne croient pas vraiment en l’Islâm et défendent toute opinion teintée de révolte contre les lois islamiques, avancent- comme les précédents – que les ‘urafâ’ ne croient pas à l’Islâm-du moins sur le plan pratique- et que le ‘irfân et le soufisme ne sont en réalité qu’une révolution déclenchée par les non-Arabes contre l’Islâm et les Arabes, menée sous le masque des abstractions et des choses sacrées.
Ce dernier groupe s’accorde avec le premier groupe pour professer l’opposition du ‘irfân à l’Islâm, à cette différence importante que le premier sanctifie l’Islâm, et sa critique du ‘irfân a pour fondement la sauvegarde des sentiments et des croyances des masses musulmanes en écartant du champ de l’Islâm le ‘irfân, alors que le second groupe met en avant son opinion sur le ‘irfân comme étant opposé à l’Islâm et en se référant à des figures de proue du ‘irfân, connues mondialement, pour dénigrer l’Islâm et pour affirmer que les pensées sublimes ‘irfânites sont étrangères à l’Islâm et venues de l’extérieur, et que le niveau de la pensée islamique ne s’élève pas au niveau de celles du ‘irfân. Ce groupe prétend aussi que la référence que les ‘irfânî font au Livre et à la Sunna n’est qu’un leurre et une mesure de protection qu’ils ont prise pour préserver leur vie de la violence et de la cruauté des masses musulmanes.
3- L’opinion du groupe neutre : ce groupe estime qu’il y a beaucoup de déviations dans le ‘irfân et le soufisme, notamment dans le ‘irfân pratique et tout spécialement lorsque le ‘irfân se détache comme groupe normatif, auquel cas on pourrait y trouver beaucoup d’hérésies qui ne concordent pas avec le Livre d’Allâh et la Sunna authentique. Cette réserve faite, les ‘urafâ’ en général sont comme tous les groupuscules et classes sociales musulmanes, fidèles à l’Islâm, et ils n’ont rien énoncé qui puisse contredire les principes islamiques. Certes, il est possible qu’ils se trompent sur quelques points – comme tous les autres groupes culturels d’ailleurs- mais leurs erreurs ne découlaient points d’une mauvaise foi quelconque.
La question de l’opposition entre le ‘irfân et l’Islâm a été soulevée par des gens mal intentionnés, car il est possible, pour quiconque lise les livres des ‘urafâ’ d’une façon neutre tout en comprenant bien les sens de leurs termes techniques, d’y trouver beaucoup d’erreurs, mais n’aura aucun doute sur leur fidélité à l’Islâm.
Quant à nous, notre avis sur le sujet penche vers cette dernière opinion et nous considérons que les ‘urafâ’ n’avaient pas de mauvaises intentions, et qu’en même temps, les spécialistes du ‘irfân et d’autres connaissances islamiques profondes devraient étudier les questions ‘irfânites d’une façon neutre et objective pour voir dans quelle mesure elles s’accordent avec les Enseignements Islamiques.
La Charî‘ah(5), la Tarîqah(6)et la Haqîqah(7)
Parmi les questions qui font l’objet de désaccord entre les ‘urafâ’ (les gnostiques) et les autres -notamment les jurisconsultes – c’est l’opinion particulière des premiers sur la Chari‘a, la Tarîqah, et la Haqîqah.
Ainsi, si les ‘urafâ’ et les jurisconsultes s’accordent pour dire que la charî‘ah –les statuts légaux de l’Islâm- est fondée sur une série d’intérêts et de vérités, ils divergent quant à la finalité de ces intérêts et vérités que le jurisconsulte considère comme le moyen de conduire l’homme au bonheur et l’utilisation maximale des dons matériels et moraux, alors que les ‘urafâ’ les voient comme une voie qui mène vers Allâh et qu’ils constituent des chemins qui dirigent le serviteur vers son Créateur.
En d’autres termes, alors que les jurisconsultes estiment que la série des intérêts qui se trouvent derrière la charî‘ah équivalent aux causes et à l’esprit de celle-ci, et que l’application de la charî‘ah est le seul moyen de réaliser ces intérêts, les ‘urafâ’ pensent que les intérêts et les vérités qui sous-tendent la législation islamique sont une sorte de positions et d’étapes qui conduisent l’homme à s’approcher du Trône divin et à atteindre à la Vérité, et ils croient que l’intérieur de la Charî‘ah est la Vérité, c’est-à-dire le monothéisme au sens que nous avons déjà défini et auquel le ‘âref (le gnostique) aboutit après avoir anéanti son soi et après s’être débarrassé de son ego. En résumé, d’après eux, le ‘âref croit en trois choses : la charî‘ah, la tarîqah et la Haqîqah, et que la charî‘ah est un moyen d’arriver à la tarîqah et que la tarîqah et un moyen d’atteindre à la Vérité.
Les jurisconsultes divisent les statuts légaux islamiques en trois catégories :
1-Les fondements des croyances dont traite la théologie scolastique (‘ilm al-Kalâm) : le musulman doit en effet croire en toutes les questions relatives aux fondements de la doctrine, d’une façon rationnelle qui ne souffre aucun doute.
2-Les commandements qui expliquent les devoirs de l’homme sur les plans des vertus et des vices moraux, et c’est la science de l’éthique qui s’en occupe.
3-Les statuts légaux relatifs aux actes et aux comportements extérieurs de l’homme, et c’est la science de fiqh (jurisprudence musulmane) qui s’en charge.
Ces trois catégories ou branches sont séparées les unes des autres, puisque la branche des croyances est liée à l’esprit et à la pensée, la branche de l’éthique est liée à l’âme et à ses dons et habitudes, et celle des statuts des actes extérieurs concerne les membres de l’homme.
Par contre, les ‘urafâ’ ne se contentent pas, concernant la branche des croyances, de la simple croyance mentale et rationnelle, mais considèrent qu’il est nécessaire de toucher ce à quoi il faut croire, et pour ce faire, on doit obligatoirement enlever les voiles qui séparent entre l’homme et ces vérités, et dans la seconde branche, ils ne se contentent pas des morales fixes et déterminées, et proposent de remplacer l’éthique pratique et philosophique par la conduite ou le cheminement (sayr) et le comportement (sulûk) ‘irfânites(8)qui a ses étapes bien déterminées. Concernant la troisième branche, ils n’ont pas d’objection majeure (à la vue des jurisconsultes susmentionnée), à l’exception de quelques points qu’on peut considérer comme contradictoires parfois avec les statuts légaux de la jurisprudence.
Les ‘urafâ’ ont appelé ces trois branches : la Charî‘ah, la Tarîqah et la Haqîqah, et pensent que de même que l’homme n’est pas divisible en trois parties séparées, puisque le corps, l’âme et l’esprit, lesquelles sont unies dans leur différence même, et que le rapport entre elles est le même rapport entre l’apparent et le caché, il en va de même pour la Charî‘ah, la Tarîqah et la Haqîqah, c’est dire l’une d’elles est l’apparent, l’autre le caché, et la troisième le caché du caché, bien qu’ils professent que les positions de l’existence de l’homme soient plus que trois positions ou étapes et croient aussi qu’il y a des positions et des étapes au-delà de l’esprit. Comme nous allons l’expliquer plus loin.
Notes:
1- ‘ilm-us-sayr wa-s-sulûk علم السير والسلوك
2- En arabe : tâ’ir al-Qods. (طائر القدس)
3- En d’autres termes, on ne parvient pas à ce stade par un effort de réflexion et de raisonnement mais par un travail spécifique et acharné de rééducation de l’âme.
4- مكاشفات
5- Charî‘ah : la Loi islamique.
6- Tarîqah : la Voie
7- Haqîqah : La Vérité
8- C’est-à-dire “le voyage spirituel” qu’il entame.