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Le discours historique de la vénérée Fatima Zahra (p) dans la mosquée du Prophète (s)
Le noble Prophète (s) a quitté ce monde. Le premier calife après lui, après consultation et approbation de son entourage, prend la décision de priver son Excellence Zahrâ (as) de Fadak, une terre fertile donnant d’abondantes récoltes, avec le village attenant. Selon ses propres dires, c’est pour financer les dépenses liées à la guerre, car le noble Prophète (s) a jusqu’à ses derniers instants insisté sur l’envoi de troupes aux frontières. En plus de cela, des gens se sont regroupés à l’intérieur en vue de se révolter, et il faut couvrir les dépenses destinées à maintenir les soldats chargés de les contenir. Aussi, Fadak constitue un bien substantiel au regard de ces desseins. Cependant, le but caché de cela est de couper les vivres à son Excellence Zahrâ (as) et à son Excellence ‘Alî (as) afin que leur pauvreté les prive d’armes et qu’ils ne représentent plus aucun danger pour le pouvoir nouvellement fondé. Pendant ce temps, le pouvoir va lentement et surement consolider ses bases. Les gens, pour leur part, ne connaissent pas l’aspect occulte de ces affaires. Les apparences leur montrent un pouvoir nouvellement fondé, faisant face à de multiples difficultés et ayant grand besoin d’aide financière. Face à cela, la petite famille de son Excellence Zahrâ (as) et de son Excellence ‘Alî (as) forment une famille pieuse avec peu de dépenses et dure à la tâche ; non seulement ils n’ont pas besoin des biens de ce monde, mais ils s’en sont même complètement détournés.
Au sein du peuple, son Excellence Zahrâ (as) vient de la famille qui s’est le plus sacrifiée dans la voie de l’islam. Les gens attendent naturellement d’eux qu’ils réalisent de nouveau les plus grands sacrifices. Non seulement ils s’attendent à ce qu’ils ne demandent rien au nouveau pouvoir islamique, mais il est naturel que, comme par le passé, ils mettent leurs biens à la disposition du pouvoir islamique et même davantage. Il est naturel qu’ils aident le calife en vue de protéger le système islamique du déclin, ainsi que du déferlement sur Médine des états fortunés et expansionnistes. Dans une telle conjoncture, si son Excellence Zahrâ (as) entend parler de déviation, il n’y aura personne pour l’écouter et on pensera que ses paroles véhiculent autre chose que ce qui aura été réellement dit. Et ce en particulier dans le cas où les outils de propagande sont entre les mains de la partie adverse. Dans une telle situation, il est très difficile d’affirmer que le calife dévie de la voie de l’islam. Le risque est grand de se trouver face à une réponse des plus violentes. Non seulement les gens ne voient pas de déviation dans la voie qu’empruntent le pouvoir et le califat, mais ils jugent au contraire que la déviation vis-à-vis de la voie authentique consiste justement à s’opposer au calife, pensant que cela provient du fait d’une incompréhension de la situation, des nouvelles conditions, d’une indifférence face aux conspirations de Rome, de l’Iran et nouvellement, des musulmans qui espèrent une occasion des opposants de l’intérieur.
Pour cette raison, avant de se révolter, Zahrâ (as) doit tout d’abord établir aux yeux de tous, son rang à l’égard du savoir, de l’intelligence, de la sagesse, du jugement, ainsi que sa maîtrise parfaite vis-à-vis de ses propres sentiments. Elle doit exposer aux gens, avec sagesse et jugement, les conditions existantes et les conditions passées, afin qu’ils n’ignorent pas ce qui se joue. Elle doit expliquer ce que sont l’unicité de Dieu, la prophétie et exposer son but afin de ne pas être considérée comme une personne avide de ce monde. Dans le même temps, elle doit mettre en question la déviation du calife, et insister sur le caractère déviant de ceux qui ont pris le pouvoir, afin que les gens le comprennent. C’est pourquoi son intervention à la mosquée revêt cette forme particulière. Son style vestimentaire, sa façon d’entrer, de pleurer, de se plaindre, sa manière de discourir : tout est spécial, car elle doit en un seul discours parvenir au but très élevé qu’elle s’est fixé. Bien qu’elle ne soit pas parvenue à ses fins à ce moment précis, le temps révélera la vérité de Zahrâ (as) et la déviation de ceux contre lesquels elle luttait.
La manière de marcher de son Excellence Zahrâ (as)
Elle marche avec tellement de dignité que les gens disent : « Sa manière de marcher ne cède en rien à la manière de marcher de l’Envoyé de Dieu (s). » On dirait que c’est le noble Prophète (s) qui marche avec une telle prestance, sans inquiétude, avec confiance et calme. Lorsqu’elle arrive auprès d’Abû Bakr, qui a pris place au milieu de l’assemblée des émigrants (1) , des assistants (2) et des autres musulmans, son Excellence Zahrâ (as) n’est pas seule. Elle n’est pas venue pour exprimer ses sentiments personnels. Elle entre dans la mosquée avec un groupe de compagnes, d’amies et de proches. Elle porte des vêtements longs, recouvrant jusqu’à ses pieds, si bien que lorsqu’elle s’avance, il arrive qu’elle marche sur son vêtement. Concernant cette manière de marcher, il s’agit davantage de montrer que sa démarche et son arrivée à la mosquée ne sont pas du fait de l’émotion et des sentiments éprouvés suite à la perte de son père, mais qu’elle est motivée par la conscience et la connaissance fondée sur une décision de cœur, et tournée vers un objectif important.
Naturellement, lorsque les gens qui pleurent la mort du Prophète (s) voient arriver Zahrâ (as) et un groupe de femmes dans la mosquée, ils leur réservent une zone et tirent un rideau afin qu’elles aussi puissent à leur tour se lamenter et pleurer pour lui. On tire pour elles un rideau blanc, mais une question agite l’esprit des musulmans : Pourquoi Zahrâ (as) vient-elle maintenant à la mosquée ? Est-ce le deuil de son père qui l’a amenée jusqu’ici ? S’est-elle remémorée un souvenir ou une parole de son père ? Pourquoi est-elle calme et silencieuse, sans même pleurer ni manifester les violents sentiments qu’éprouvent toutes les femmes ? Pourquoi est-elle entrée dans la mosquée dans un calme parfait et digne ? Pourquoi marche-t-elle avec la dignité qui était celle de son père ?
Les pleurs et le silence de son Excellence Zahrâ (as)
Une fois le rideau tiré et son Excellence Zahrâ (as) installée, elle brise d’un seul coup son silence et émet une lamentation à fendre l’âme et qui met aussitôt toute la mosquée en larmes. L’assemblée est bouleversée, tous se mettent à pleurer. Elle observe un répit, le temps que le tumulte retombe, et crie aux gens de se taire. A ce moment-là, elle commence son discours. Le point important consiste à se demander pourquoi son Excellence (as) ne pleure pas au moment d’entrer dans la mosquée. Pourquoi reste-t-elle calme lorsque l’on tire le rideau ? Pourquoi redevient-elle soudainement calme après avoir manifesté ces plaintes douloureuses ? Alors que les émigrants et les assistants pleurent encore, alors qu’il est évident que les femmes sont naturellement plus sensibles et qu’elle-même devrait naturellement davantage prolonger ses pleurs que les autres, parce qu’elle est la fille du Prophète (s), alors que ses pleurs devraient être plus forts et plus longs que ceux de tous les autres, pourquoi s’arrête-t-elle d’un seul coup de pleurer ? Il reste encore beaucoup de temps avant que les autres ne viennent à s’arrêter et cessent leurs pleurs. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Il semble que son Excellence (as) veuille montrer par cette conduite, ces pleurs, ce silence, tous contrôlés, sa complète maîtrise de ses sentiments personnels. Il semble qu’elle veuille ainsi exprimer que si elle a perdu un père glorieux, ce qui plonge le monde entier dans le deuil, elle dit comme il l’a lui-même dit ailleurs : « Le monde a précipité sur moi des malheurs si nombreux et si intenses que s’ils s’abattaient sur le jour, il en serait obscurci. » Bien qu’elle soit une femme, bien qu’il soit plus difficile pour une femme de patienter et de supporter les difficultés et les malheurs, bien que les lamentations soient involontaires, elle veut faire une démonstration complète de son courage, de sa bravoure, de sa maîtrise d’elle-même. Elle veut ainsi dire : malgré les malheurs dont vous m’avez frappée, je suis capable de pleurer puis de me taire l’instant d’après, je peux marcher avec dignité et je peux me contenir à l’apogée de la lamentation générale.
Philosophie du choix de mots particuliers et épiques au début de son discours
Là, elle débute son discours. Ce n’est pas un discours accompagné de plaintes et de larmes. Ce n’est pas un discours prononcé d’une voix tremblante ni agitée par l’émotion. C’est au contraire un discours asséné et ferme. L’intonation est choisie, de sorte à lui donner un tour épique. Car généralement, lorsque l’on veut discourir en se lamentant, on choisit (en arabe) des mots dont les lettres peuvent être prolongées, et qui se terminent en « în » ou en « ûn », comme Al-hamdulillâhi rabbi-l-‘âlamîn (Louange à Dieu, Seigneur des mondes), Mâliki yawmi-d-dîn (Le Maître du jour de la religion)… De cette façon, si la voix s’enraye, si les sanglots étreignent la gorge, il suffit de prolonger ces phonèmes pour compenser cette faiblesse. De la même manière, celui qui ne sait pas ce qu’il va advenir, qui ignore quel sera son état, agit ainsi par précaution et choisit justement ces mots-là. Cependant, Zahrâ al-Marziya (3) (as) choisit d’autres mots, des mots qui trahissent parfaitement le plus petit tremblement, la plus petite émotion, le plus petit changement d’état. Elle dit d’une voix éloquente : « Louange à Dieu pour Son opulence, prions pour Sa réussite et louons-Le, pour tous les bienfaits dont Il nous a fait grâce, pour la riche abondance qu’Il a mise à notre disposition depuis le premier jour, pour les innombrables dons qu’Il nous a prodigués et pour tous les présents dont Il n’a de cesse de nous faire don depuis toujours. Ces bienfaits sont innombrables et se situent en dehors de tout compte, du fait de leur étalement au fil du temps qui passe, ils ne peuvent être compensés. Leur limite est telle qu’elle est inconcevable pour les hommes. Dieu a demandé à Ses serviteurs de Le prier afin qu’Il continue de leur prodiguer Ses grâces, toujours en abondance. Il a invité Ses créatures à Le louer afin qu’Il les comble de Ses grâces. Il les a encouragées à tout faire pour obtenir la meilleure de Ses grâces… » Il faudrait analyser en une autre occasion la profondeur et la signification de ces propos. Il est possible pour cela de se référer aux exégèses disponibles du discours de son Excellence (as). Pour le moment, voyons l’intonation, le rythme, le choix des mots et des sonorités qui les terminent. Tout orateur peut les essayer et vérifier s’il peut les prononcer en pleurant, en se lamentant ou en ayant la gorge serrée : il verra qu’ils ne conviennent pas à ces états. Il est évident que son Excellence Zahrâ (as) ne pleure pas ni ne se lamente lorsqu’elle prononce ce discours. C’est au contraire un discours puissant, épique et éloquent, dont les mots et les sommets se succèdent en rythme.
Impressions des grands de la littérature à propos de l’introduction du discours de son Excellence Zahrâ (as)
Les dirigeants du peuple, les hommes de science, les érudits ainsi que ceux qui sont versés dans les affaires sociales et spirituelles ont tôt fait de réaliser que son Excellence Zahrâ (as) n’est pas une personne ordinaire. C’est une Dame digne, frappée par le malheur certes mais ce n’est pas pour autant que l’épreuve de la disparition de son père l’ait troublée au point de ne plus avoir de contrôle sur elle-même ni sur ses larmes. Au contraire, elle choisit ses mots en connaissance de cause, des mots dont la ferveur, le jaillissement, font surgir ce qu’il y a de meilleur en l’être humain. Il faut voir ses paroles comme les paroles de sagesse d’un sage, et leur prêter l’oreille du cœur. Par ses mouvements, ses silences, les passages de ces sommets à ces chutes, et ce dès les prémices de son discours, son Excellence Zahrâ (as) établit que ce ne sont pas ses sentiments, ses émotions familiales qui l’ont amenée à la mosquée et à prononcer un discours. Il est question d’autres sujets, importants, qui doivent être évoqués. Sa façon d’entrer dans la mosquée, l’amorce de son discours, les premiers mots prononcés passionnent tellement l’ensemble des gens qui sont là qu’Ibn Abî al-Hadîd Mu‛tazilî dit dans le Sharh Nahj al-Balâgha, lors de l’explication de la lettre n°45 de son Excellence ‘Alî (as) adressée à ‘Uthmân ibn Hanîf, que son Excellence (as) évoque le nom de Fadak en citant des parties du discours de son Excellence Zahrâ (as). Avant cela, il cite l’état de son Excellence Zahrâ (as) et la façon dont elle entre dans la mosquée, ses pleurs, son silence et les termes avec lesquels elle débute son allocution à propos de Fadak.
Le fait qu’Ibn Abî al-Hadîd évoque la façon dont son Excellence Zahrâ (as) entre dans la mosquée, pleure, fait silence, ainsi que les premières phrases de son discours, montre que tout cela est très important à ses yeux. Sinon, il aurait négligé ces prémices et aurait directement relaté les passages se rapportant à Fadak. De là, il apparaît que l’intention de son Excellence Zahrâ (as) n’est pas restée inconnue des grands lettrés, des érudits, même s’il se peut que le peuple n’en ait pas été conscient au moment même où cela se passait. Par conséquent, son Excellence Zahrâ (as), le temps aidant, est parvenue à son but qui consiste à la fois à faire connaître différents aspects de sa personnalité et à exposer le caractère déviant du califat.
Proportions des sujets présents dans le discours de son Excellence Zahrâ (as)
Nous n’avons pas présentement l’intention de faire le commentaire du discours de Zahrâ (a), nous avons plutôt l’intention de nous attacher au pourquoi et au comment de la composition de son discours. Nous sommes enclin à exposer ce point : par ce discours, son Excellence (as) se fait connaître, prouve sa science, son intelligence et son habileté, elle montre que la parole du Prophète (s) annonçant « Fâtima est de moi » ou « Que son père soit sacrifié pour elle » ne sont pas dues aux liens de parenté. Au contraire, Fâtima (as) est un joyau caché qui n’a montré ses facettes qu’à l’occasion de ce discours. Ces paroles sont un miroir dans lequel se reflète le rayonnement de sa flamboyance. Pour cette raison, nous nous penchons davantage sur ce qui a trait à l’aspect du discours. Parmi ces caractéristiques se trouve le fait qu’il est composé d’environ cent vingt lignes. Près de dix pour cent du texte sont consacrés à la louange de Dieu, dix pour cent à l’éloge du Prophète (s), cinq pour cent à l’éloge du Coran, dix pour cent s’occupent de la philosophie des principes. Dans ces dix pour cent-là, elle expose vingt piliers de la sagesse et de la philosophie ainsi que des sujets essentiels parmi les sujets religieux. Elle dédie dix pour cent aux œuvres du noble Prophète (s), en décrivant le chemin qu’il a fait parcourir aux gens. Cinq autres pour cent se font l’écho des sacrifices consentis par son Excellence ‘Alî (as) pour le bien-être d’autrui. Ceci nous amène exactement à la moitié du discours.
A cet endroit, son Excellence (as) commence à s’occuper des déviations de la communauté, exposant les complots de Satan, et elle décrit ensuite les fruits amers qui en résultent et qui auront vite fait de prendre les gens au collet. Ceci représente également dix pour cent du discours. Elle poursuit en choisissant pour sujet Fadak. Elle en revendique la propriété légale en s’appuyant sur une argumentation renforcée par cinq versets du Coran. Cette partie représente dix pour cent également. Autrement dit, la part de son discours consacrée à la défense de ses droits sur Fadak représente la moitié de ce qu’elle réserve à la louange de Dieu et à l’éloge du noble Prophète (s). Son Excellence (as) était en droit de s’attendre à ce que cette proportion de son discours fasse que le calife comprenne son erreur et se destitue lui-même vis-à-vis d’un califat qui a fait ses premiers pas dans le péché et qui a eu tort dès sa première action. Ou même que les musulmans pensent à le destituer. Voyant que cela ne se produit pas, elle s’adresse aux Ansâr durant environ trente lignes. Elle expose leur passé, leurs sacrifices et leur antériorité en islam. Elle leur demande de se lever et de la défendre contre la tyrannie qui s’exerce sur elle. Or il ne se passe rien, ils ne se montrent pas prêts à défendre son Excellence Zahrâ (as), pas même prêts à briser leur silence. C’est ainsi que se termine la seconde moitié du discours.
Il se peut, et c’est même certain, que la plupart des gens présent à ce moment-là ne prêtent pas attention, et ce avec la précision de son Excellence Zahrâ (as), au nombre de mots et aux proportions du discours. Pour eux, la chose est fortuite. Cependant, lorsqu’on a le texte sous les yeux, on peut voir combien ce discours obéit à un plan précis. Elle a considéré que le fait d’en consacré un quart à défendre son propre droit et à interpeller l’assistance était suffisant. Cependant, n’obtenant pas de réponse, elle se met une nouvelle fois à blâmer l’assemblée, et les Ansâr en particulier. Ses paroles sont comme les lanières d’un fouet s’abattant sur l’échine de leurs pensées. Elle argue qu’il est incompatible de parler de défense du nouveau pouvoir musulman tandis que ce dernier opprime une personne de cette communauté. Elle dit qu’on ne peut se contenter du pouvoir musulman alors qu’il fait preuve de tyrannie à l’égard d’une personne – nommée Zahrâ (as). Pour elle, leur silence n’est pas dû à une bonne intention et à la recherche de la satisfaction divine, il provient au contraire de la quête du confort, de l’opportunisme, et selon l’analogie qu’elle a employé, à vouloir le beurre et l’argent du beurre (4) En effet, si au sein de la communauté, il est fait preuve de tyrannie envers des personnalités célèbres comme ses Excellences Zahrâ (as) et ‘Alî (as), qui sont les manifestations même du sacrifice, du soulèvement et de la fermeté, il est évident que la tyrannie en atteindra d’autres et qu’une telle communauté ne peut être agréée par Dieu, ni par le noble Envoyé (s).
La cible principale des mots de son Excellence Zahrâ (as)
Bien que personne ne se lève pour aider Zahrâ (as), que personne ne soutienne sa parole véridique et que le premier calife place la faute sur le dos des musulmans, du fait de leur soumission apparente, les rendant ainsi complices, et bien qu’il ait l’intention de faire rentrer son Excellence Zahrâ (as) dans le rang en l’affaiblissant, il faut bien constater que ce qui doit se manifester parvient à se manifester. Ce qui apparaît clairement avec le discours de son Excellence Zahrâ (as), c’est que la confiscation de Fadak comporte une opposition formelle à cinq versets du Coran. Lorsqu’un calife s’oppose de cette manière au Coran, dès les premiers jours de son pouvoir, alors que le Prophète (s) vient de quitter ce monde et que chacun sait que la mort est une réalité pour tous, et lorsque la première personne opprimée se trouve être une personne connue, dévouée ainsi que l’enfant naturel de l’Envoyé de Dieu (s), et de surcroît son unique enfant : quel comportement un tel pouvoir va-t-il adopter vis-à-vis des gens ordinaires et des anonymes dès lors qu’il se sera stabilisé et se sera emparé de l’autorité et du profit ? Lorsque les versets fermes et clairs de Dieu qui sont les mères du Livre font ainsi l’objet d’une telle atteinte, qu’elle soit erronée ou intentionnelle, que reste-t-il du Livre de Dieu ?
S’il avait réalisé la profondeur des paroles de son Excellence Zahrâ (as) et avait à la fois disposé de sincérité, il se serait lui-même aussitôt écarté du pouvoir et lui en aurait confié les rênes. Si les gens avaient réalisé la profondeur des paroles de son Excellence (as), ils auraient immédiatement destitué le premier calife, et c’est justement ce qu’attendait son Excellence Zahrâ (as). C’est pour cette raison que lorsqu’elle rentre chez elle, elle dit à son Excellence ‘Alî (as) : « Je suis allée à la mosquée la gorge serrée de dépit et je suis revenue à la maison diminuée, humiliée. » Elle dit au sujet de sa confrontation avec Abû Bakr : « Il a mis tout son zèle à se dresser contre moi. » « Dans les discussions que j’ai eues avec lui, j’ai trouvé le plus opiniâtre des ennemis. » Par conséquent, il ne convient pas de prendre au sérieux les paroles du calife à propos de Zahrâ (as).
Le discours du calife en réponse à Zahrâ (as)
La première phrase avertit implicitement son Excellence Zahrâ (as) : « Ton père était dur avec les mécréants tandis qu’il était miséricordieux avec les croyants. Tu dois donc être miséricordieuse avec nous et employer l’épée qui te tient lieu de langue contre les mécréants… » Par ces mots, il entend exprimer la dualité existant entre la politique de la fille du Prophète (as) et la méthode de son noble père (s). Cependant, la totalité de ses autres paroles se consacrent à l’éloge de Zahrâ (as). « Tu es véridique, tu nous guides en direction de Dieu, du paradis. L’opulence de ta sagesse ne nous est pas cachée… »
En réponse aux questions : « S’il en est ainsi, pourquoi nous as-tu privés de notre droit ? Pourquoi ne crois-tu en rien de ce que je dis à propos de Fadak ? Pourquoi t’opposes-tu aux commandements de Dieu et de Son Prophète (s), qui sont la guidance vers le paradis ? » il dit : « J’en jure par Dieu, je n’ai pas transgressé l’avis du Prophète (s), j’ai agi avec sa permission. Son garde du corps, l’éclaireur de sa caravane ne ment pas à sa famille. Je prends Dieu à témoin, et Son témoignage suffit, j’ai entendu l’Envoyé de Dieu (s) dire : ‘Nous les prophètes ne laissons en héritage ni l’or, ni l’argent, ni la demeure, ni la terre, mais seulement le Livre, la sagesse, le savoir et la prophétie. Ce que nous laissons revient au dirigeant après nous. Celui-ci l’emploie comme bon lui semble.’ »
Employant ce hadith dont son Excellence Zahrâ (as) a démontré le caractère erroné, se servant pour se faire des versets du Coran, il entend prouver que Fadak n’appartient pas à Zahrâ (as). Il a recours au serment et à l’utilisation de Dieu comme témoin afin de faire pencher pour la voie du calife le cœur des gens présents dans la mosquée, qui ne doivent pas manquer d’être sous l’effet des paroles de son Excellence Zahrâ (as). Il veut qu’ils sachent que rien ne s’oppose ici à la religion, que la récupération de Fadak se fait sur l’ordre du noble Envoyé (s), selon ses propres paroles et sa propre volonté. Ensuite, il expose la manière dont Fadak sera utilisé, il considère que cela correspond au consensus des musulmans, et que c’est conforme à leur suffrage. Les revenus de la propriété ne seront pas dépensés de manière invalide mais seront au contraire employés en vue de la guerre contre les mécréants et les apostats.
C’est là que son Excellence Zahrâ (as) intervient. Elle dit : « Sobhân Allâh ! » (Pureté à Dieu !) et défait en un instant tout l’ouvrage du calife. Elle dit : « Pureté à Dieu ! Mon père l’Envoyé de Dieu (s) ne s’est pas détourné du Livre de Dieu ni ne s’est opposé à ses décrets. » Effectivement, on emploie l’expression « Sobhân Allâh » lorsque qu’un individu a prononcé une accusation particulièrement inadmissible dont le caractère mensonger est évident pour tous. C’est comme si une telle accusation mêlait Dieu à l’histoire, et qu’on lui reprochait d’avoir créé une telle créature capable de ce genre de corruption.
Quoi qu’il en soit, son Excellence Zahrâ (as), usant de ce « Sobhân Allâh ! », montre à toute l’assemblée que les mots d’Abî Bakr sont dénués de vérité. Ensuite, elle éclaircit ses paroles, demandant si l’Envoyé de Dieu a pu donner un avis contraire aux décrets coraniques. « S’est-il détourné des décrets du Livre de Dieu ? » De là, elle montre ce que contiennent les dires d’Abî Bakr qui sont destinés à tromper et, de nouveau elle s’appuie sur la récitation des versets du Coran invalidant le discours du calife. Cette fois-ci, après avoir dit : « Dieu, l’Envoyé (s) et la fille de l’Envoyé de Dieu (as) ont dit vrai », il se met à louer son Excellence Zahrâ (as). Cependant, il dépose le fardeau de tous ses péchés en actes sur le dos des musulmans : « Que ces musulmans jugent entre moi et toi, ce sont eux qui ont placé le pouvoir à ma charge et c’est avec leur consensus que j’ai pris Fadak. » A ce moment, son Excellence (as) s’adresse aux gens afin de leur lancer un dernier avertissement. Elle les blâme pour avoir acquiescé au discours du calife, pour avoir fermé les yeux sur le droit et pour ne pas avoir réfléchi à propos du Coran. Voyant qu’ils ne se détournent pas de leur voie et ne se montrent en aucune façon prêts à défendre son droit à elle, elle se tourne vers la tombe de son noble père (s) et, récitant un poème, elle donne une nouvelle fois à entendre ce qu’est la dignité des Gens de la Demeure prophétique (as), enfin, elle sort de la mosquée.
Notes:
1- Les Muhajirîn, ceux qui ont émigrés avec le Prophète (s) de Makka (La Mecque) à Madina (Médine).
2-Les Ansâr, les habitant de Médine qui ont accueilli le Prophète (s) et embrassé l’islam.
3-Celle qui est agréée.
4-L’image employée par son Excellence Zahrâ (as) parle de vouloir, à partir du lait, à la fois le beurre et le beurre fondu.