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- Pourquoi s’intéresser au chiffre 40 ?40 est la traduction du mot arabe « arbaeen ». C’est un événement important de l’Islam qui correspond au 20 Safar qui est le quarantième jour après la tragédie d’Achoura. Ce jour est particulier car après Achoura, c’est l’autre date où à travers le monde, les shiites vont à nouveau se réunir pour se rappeler Achoura et commémorer le souvenir de la souffrance des captifs de Sham.
C’est une date unique car on y commémore la force et le sacrifice considérable consentie par une femme : l’honorable Zaynab (ahs), qui va porter à bout de bras avec son neveu, le 4ème Imam (as), la postérité des événements de Achoura.
• Cette date particulière soulève malgré tout une série de questions :
• Quelle est la philosophie d’« arbaeen » autrement dit le chiffre 40 ?
• Pourquoi faire une commémoration 40 jours après Karbala : est-ce une commémoration culturelle ou avec des fondements religieux ?
• Qu’entend-t-on par 40 jours après Karbala : est-ce que les captifs sont retournés 40 jours après Achoura ou sont-ils restés un an dans les geôles de Sham avant de retourner à Karbala 40 jours après ?
• La commémoration des 40 jours de la mort d’un homme est-elle le fruit de notre culture ou existe-t-il un fondement religieux à cette forme de commémoration ?
Ces questions sont motivées par le fait que trop de personnes commémorent le 40ème sans vraiment comprendre ou saisir la signification ou la philosophie du « arbaeen ». Pour répondre à ces questions et pour mieux comprendre ce qui se cache derrière le chiffre 40, nous allons tenter de disséquer un certain nombre de questions afin de toucher du doigt la philosophie de ce nombre :
• Où mentionne-t-on dans le Saint Coran le chiffre 40 et à quel Prophète cela se réfère ?
• Comment ce nombre affecte la vie des Prophètes de Dieu ?
• Quelle est la signification spirituelle de ce chiffre ? En effet, de nombreuses traditions (hadiths) mettent en avant la signification spirituelle de ce chiffre.
• Quelles sont les traditions (hadiths) qui nous invitent à honorer une personne 40 jours après son décès ?
• Dans les 40 jours qui ont suivi la tragédie de Karbala, quel périple a suivi la caravane des captifs depuis Karbala en passant par Kufa jusqu’à Sham et le retour à Karbala ? Est-ce que cela est humainement possible ?
• Comment peut-on et devrait-on honorer le 40ème du martyr d’Imam Houssayn (as) ?
Laissez-moi clarifier un premier point. Nous n’allons pas expliquer pourquoi c’est le chiffre 40 qui a été privilégié par Dieu au lieu du 30, du 50 ou je ne sais pas quel autre chiffre. Mais au moins nous essaierons de toucher du doigt quelques-uns des mystères qui se cachent derrière le 40.
2. Le nombre 40 dans le Saint Coran
L’un des tous premiers versets qui évoque le chiffre 40 se rapporte à l’histoire du Prophète Moussa (as). Le verset 51 de la sourate 2 al-Baqarah nous raconte : « Et [rappelez-vous] lorsque Nous donnâmes rendez-vous à Moïse pendant quarante nuits!… Puis en son absence vous avez pris le Veau pour idole alors que vous étiez injustes (à l’égard de vous-mêmes en adorant autre qu’Allah). »
Cet extrait du Saint Coran rappelle le moment où Nabi Moussa (as) fut appelé au mont Sinaï par Dieu afin de lui confier la Thora. Nabi Moussa (as) est véritablement une figure prééminente de toutes les religions monothéistes avec une position centrale dans la religion juive. Nabi Moussa (as), après sa naissance, a été recueilli par la famille du Pharaon d’Egypte, au sein même de son palais. Après avoir accidentellement tué un soldat égyptien pour protéger un esclave juif, il est contraint de quitter l’Egypte vers les terres de Madayn. Là il fait la rencontre de Nabi Shoeb (as) dont il va épouser une des filles.
Dieu lui demande, quelques années après, de retourner vers Pharaon pour l’inviter au monothéisme et pour prêcher l’unicité de Dieu. Ce qui est frappant dans cette demande c’est que Dieu lui ordonne de parler avec douceur à cet homme qui l’a élevé durant les premières années de sa vie, par respect envers lui, et cela malgré le fait que ce soit un despote qui se considérait comme un dieu vivant sur terre. Pharaon, devant cet appel à l’unicité qui sonne comme un affront à ce dieu autoproclamé, n’arrêtera plus de le harceler. Chaque fois que Pharaon tentait de mettre fin au travail de proche de Moïse, un fléau frappait l’Egypte. Dieu leur envoya des afflictions, décrites comme étant des « signes explicites » dans un verset, afin de les punir de leur arrogance (sourate 7 al-Araf – Verset 133). La première de ces plaies fut la sécheresse. Cela eut pour résultat une baisse de la production agricole. Le verset qui fait référence à cela déclare : « Nous avons éprouvé les gens de Pharaon par des années de disette et par une diminution des fruits afin qu’ils se rappellent. » (Sourate 7 al-Araf – Verset 130) Pharaon et ses mages tentèrent de minimiser cet événement exceptionnel pour un pays comme l’Egypte qui brillait par excellence de ses systèmes d’irrigation. Et Dieu envoya alors de nouveaux fléaux pour rappeler à la raison les Égyptiens : « Et Nous avons alors envoyé sur eux l’inondation, les sauterelles, les poux (ou la calandre), les grenouilles et le sang, comme signes explicites, Mais ils s’enflèrent d’orgueil et demeurèrent un peuple criminel. » (Sourate 7 al-Araf – Verset 133)
Chaque fléau était un avertissement pour un despote qui restait désespérément sourd. Quand on y pense, on agit parfois comme Pharaon, ignorant les signes que Dieu nous envoie pour nous rappeler à l’ordre, nous interdisant le mal et nous rappelant aux principes de l’Islam.
Une personne dans l’entourage de Pharaon alla un jour prévenir Nabi Moussa (as) de l’intention de Pharaon de le tuer. Nabi Moussa (as) décida de réunir les Bani Israïl pour les mener à travers la Mer Rouge vers la Palestine. Pharaon qui tenta de les rattraper sera englouti dans les eaux de la Mer Rouge. Après avoir été sauvé par Dieu, les Bani Israïl conduits par Moïse passèrent près d’une ville où les habitants vénéraient une idole qu’ils avaient habillée et décorée. Voyant cela, certains demandèrent à Moïse s’ils pouvaient eux aussi avoir une idole. Face à ce manque de considération et cette ingratitude des Bani Israïl, Nabi Moussa (as) réalisa la nécessité d’une révélation de Dieu, épisode dont fait d’ailleurs référence le verset 51 de la sourate 2 al-Baqarah cité plus haut.
Cette anecdote amène quelques analyses intéressantes. En même temps que Moïse reçoit l’ordre de venir sur le mont Sinaï, il reçoit aussi l’ordre de désigner un successeur et représentant chargé de représenter l’autorité après son départ. Tous les Prophètes de Dieu, avant de quitter ce monde avaient eu pour tâche de nommer un successeur assigné par Dieu. Ce successeur et représentant avait la responsabilité de veiller et de protéger le message qu’il laissait derrière lui. C’est là l’une des responsabilités d’un Prophète de Dieu.
Cet ordre de désignation transparaît clairement dans les versets 25 à 31 de la Sourate Ta-ha: « [Moïse] dit : «Seigneur, ouvre-moi ma poitrine, et facilite ma mission, et dénoue un nœud en ma langue, afin qu’ils comprennent mes paroles, et assigne-moi un assistant de ma famille : Aaron, mon frère, accrois par lui ma force! » C’est un verset que tous connaissent: Rabbi shrah Li Sadri Wa Yassir Li ‘Amri Wa Ahlul `Uqdatan Min Lisani Yafqahu Qawli Wa Aj`al Li Waziraan Min ‘Ahli Haruna ‘Akhi Ashdud Bihi ‘Azri)
Dieu seul a le pouvoir de désignation. Aussi, Moïse prie Dieu de désigner son frère Aaron comme son représentant et successeur. Durant cette période d’éloignement de 40 jours, Moïse reçut ce que l’on connaît de nos jours comme étant les dix commandements.
Il est ironique de voir que d’aucun ne conteste l’inquiétude de Moïse de voir ainsi sa communauté livrée à elle-même et d’imaginer le message sans protecteur durant 40 jours. Ayant connaissance et conscience de tous ces faits historiques, on veut faire croire que le Sceau des Prophètes n’avait pris aucune disposition pour laisser derrière lui un gardien pour assurer la pérennité et l’intégrité de son Message, laissant le destin de la religion à une pseudo désignation de l’Umma. En chaque occasion, le Saint Prophète (saww) a pris le soin de désigner un représentant de son autorité durant son absence :
• En partant pour Médine, il laisse Imam Ali (as) derrière lui, pour prendre sa place dans son lit mais aussi pour accomplir ses volontés avant de rejoindre le Saint Prophète à Médine
• Il désigne Imam Ali (as) comme gouverneur de la Mecque lorsqu’il va à la bataille de Honayn, puis comme gouverneur de Médine lorsqu’il part à la bataille de Tabouk.
• Quand il se rend à une bataille, même pour une absence de courte durée il prend le soin de désigner une autorité. Il est juste inconcevable qu’il n’en fasse pas de même avant de quitter ce monde.
Notre Saint Prophète, soucieux de l’évolution de sa communauté après sa mort, avait désigné Imam Ali (as) pour le succéder afin de préserver l’Umma et le message de l’Islam : Imam Ali (as) était pour le Saint Prophète (saww) ce qu’Aaron était pour Nabi Moussa (as).
Après cet aparté, revenons à l’histoire de Moïse. Lorsque l’on regarde de près le verset 142 de la sourate 7 al-Araf, on constate que cet autre verset évoque différemment la période de 40 jours d’absence de Moïse : « Et Nous donnâmes à Moïse rendez-vous pendant trente nuits, et Nous les complétâmes par dix, de sorte que le temps fixé par son Seigneur se termina au bout de quarante nuits. Et Moïse dit à Aaron son frère: ‘Remplace-moi auprès de mon peuple, et agis en bien, et ne suis pas le sentier des corrupteurs’.»
La confrontation de ces deux versets révèle un point très intéressant : Nabi Moussa (as) ignorait qu’il serait éloigné de sa communauté durant 40 jours. Ce qu’il annonce à son frère c’est une période d’absence de 30 jours. Et Dieu décide de le retenir 10 jours de plus. Cela met en lumière plusieurs choses, en relation les unes avec les autres :
• Nabi Moussa ignorait qu’il serait amené à s’absenter 40 jours, sachant qu’une durée de 30 jours fut révélée.
• La connaissance de Dieu est différente de celle de Ses créatures. Dans le cas présent, même les Prophètes ne possèdent pas une connaissance absolue des choses. La connaissance indépendante appartient à Dieu seul, les Prophètes, incluant le Saint Prophète (saww) ne possède que la connaissance que Dieu a voulu leur donner. Dans le cas présent, c’est la connaissance de l’invisible et d’événements futurs. Pour appuyer ce propos, même l’Ange de la mort ignore la date exacte de la mort d’une personne. Dans ses tablettes, il existe une date prédéterminée de notre mort. Mais il ignore totalement si nous allons faire ou pas des actes qui vont rallonger ou non notre durée de vie : cela Dieu seul le sait.
• En éloignant Nabi Moussa (as) de 10 nuits supplémentaires par rapport à la durée de 30 jours annoncée aux Bani Israïl, Dieu teste la foi de ce peuple. Est-ce que durant ces 10 jours de Ghaybat les Bani Israïl garderont leur foi ou préfèreront-il se tourner vers un veau d’or façonné de leurs propres mains avec leurs propres biens?
Après 40 jours, de retour auprès de son peuple Moïse découvre son frère dans une posture difficile. Un homme du nom d’as-Sameri avait réussi à exploiter l’incrédulité et le manque de foi des gens. De tout temps, ce type d’invisibilité ont existé et existeront. Que retenir de tout cela?
• À la mort du Sait Prophète, Umar Ibn Khattab, sachant que Abou Bakr n’était pas encore informé de la nouvelle, va utiliser ce verset 51 de la sourate 2 al-Baqarah pour gagner du temps en prétendant que comme Moïse avant lui, le Saint Prophète (saww) n’était pas mort mais qu’il s’était absenté pour une période de 40 jours. Il va jusqu’à menacer de mort toute personne qui soutiendrait le contraire.
• Si nous osons le parallèle avec notre propre condition, alors nous pouvons très simplement affirmer que notre foi est elle aussi testée par Dieu à travers le Ghaybat de notre 12ème Imam (as). Dieu n’a pas besoin de connaître le degré de notre foi. Il la connait. Mais c’est là un moyen de nous mettre face à nos propres contradictions. La question est de se demander : est-ce que nous aussi, d’une certaine manière, nous n’avons pas fabriqué nos propres veaux d’or. Pour certains c’est peut-être l’argent, pour d’autres c’est peut-être la vénération d’acteurs ou de sportifs etc.
Le nombre 40 est fortement lié à la vie de tous les Prophètes et pas seulement Nabi Moussa (as). Voici d’autres exemples du lien entre la vie de nos Prophètes et ce fameux chiffre 40 :
• Les règnes de Nabi Dawoud et de Nabi Sulayman (as) ont duré 40 ans,
• Notre Saint Prophète (saww) a fait l’annonce de la prophétie à l’âge de 40 ans,
• L’argile dans laquelle a été façonné Nabi Adam (as) fut modelée pendant 40 jours
• Ou encore le déluge du temps de Nabi Nouh a duré 40 jours.
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