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Dispositions de la religion musulmane à s’adapter aux exigences de l’époque
Les penseurs musulmans pensent que la religion musulmane contient un secret qui lui confère la particularité de s’adapter à toutes les époques. Selon eux, cette religion s’accorde aux progrès apparaissant avec le temps, à l’expansion de la culture et aux changements qui en résultent. Mais quelle est donc cette spécificité ? Quelle est l’articulation employée dans l’édification de cette religion qui soit capable de lui donner cette faculté d’adaptation ? Comment se fait-il que sans avoir à renoncer à l’une de ses prescriptions, elle s’accorde aux conditions changeantes résultant de l’expansion du savoir et de la culture, sans que cela occasionne pour autant de choc entre ses prescriptions et l’époque en cours ? C’est là la question à laquelle cet article se propose de répondre. Il faut cependant considérer le fait que cette question comporte un aspect scientifique et spécialisé et doit être uniquement évoquée dans ce cadre. Cependant, considérant le fait que parmi les nombreuses personnes s’interrogeant à propos cette question et s’y intéressant, et auxquelles nous devons faire face, se trouvent beaucoup de pessimistes qui ne croient pas au fait que l’islam comporte une telle spécificité, nous allons nous attaquer à cette question de sorte à faire renoncer les pessimistes à leur pessimisme, et à obtenir par là un exemple pour les autres. Afin que nos lecteurs sachent que ce type de débat n’a pas échappé à la perspicacité des oulémas, ils peuvent consulter le précieux ouvrage Tanbih al-Omma de Feu Ayatollâh Nâ’înî, et le valeureux article Velâyat va Ze‛âmat (Wilâya et autorité), rédigé par ‘Allâmeh Tabâtabâ’î et publié dans l’ouvrage intitulé Marja‛iyat va rûhâniyat (Autorité religieuse et spiritualité), les deux textes étant en persan. Le secret faisant que la religion musulmane puisse s’adapter à l’expansion de la civilisation et de la culture malgré les lois établies et définitives qui sont les siennes et ainsi s’accorder aux aspects changeants de la vie est fait de plusieurs choses :
Considération envers l’esprit, la signification et l’indifférence regardant la forme
1- L’islam n’a pas souscrit à la forme apparente, à l’aspect de la vie dépendant entièrement du niveau de savoir de l’être humain. Les prescriptions islamiques sont relatives à l’esprit, à la signification, au but de la vie et à la meilleure voie que l’être humain doit emprunter afin d’y accéder. Le savoir évolue, non le but et la signification de la vie, ni la meilleure voie, la plus courte, la moins dangereuse de celles permettant d’atteindre les buts de la vie. Le savoir met constamment à disposition les outils les meilleurs et les plus complets permettant d’accéder aux buts de la vie et de parcourir la voie y conduisant. L’islam, fixant les buts au sein de sa propre juridiction, laissant les formes et les outils à celle du savoir et de la technique, évite tout type de collision avec l’expansion de la culture et de la civilisation. Et même, encourageant les facteurs d’expansion de la civilisation, soit le savoir, le travail, la vertu, la volonté, la noble ambition et la droiture, il s’est lui-même chargé du rôle de facteur principal du progrès de la civilisation.
L’islam a posé des jalons sur l’itinéraire de l’être humain. Ces jalons indiquent d’une part une direction, un but, et d’autre part montrent par des indices le danger provenant des écarts, des chutes et des corruptions. Les prescriptions islamiques sont toutes soit de la première sorte de jalons, soit de la deuxième. Les ressources et les outils de la vie, à chaque époque, dépendent du niveau des connaissances scientifiques de l’être humain, et plus les connaissances s’étendent, plus les outils se perfectionnent et comblent les imperfections, sous l’effet du temps. En islam on ne peut trouver de procédé ou de forme apparents et matériels comportant un caractère de « sainteté », de sorte qu’un musulman puisse considérer qu’il est obligatoire de le conserver éternellement. L’islam n’a pas dit que la couture, le tissage, l’agriculture, les transports, la guerre ou quoi que ce soit d’autre du même acabit doivent être restreints à tel outil, de manière à ce que lorsque le progrès de la science aura rendu désuet cet outil, apparaisse une contradiction entre la science et la prescription islamique concernée. L’islam n’a pas établi de mode particulière pour les chaussures et les vêtements, il n’a pas prescrit de style pour les édifices et n’a pas choisi d’outils particuliers à employer pour la production et la distribution. C’est là l’un des motifs ayant facilité l’adaptation de cette religion aux progrès intervenant dans la durée.
Des lois durables pour des nécessités durables et des lois changeantes pour des nécessités changeantes
2- Parmi les spécificités de la religion musulmane comportant une très grande importance, se trouve le fait que ce sont des lois durables qui se trouvent chargées de répondre aux nécessités durables de l’être humain, tandis qu’une jurisprudence changeante est prise en compte regardant les nécessités changeantes. Une partie des besoins, qu’il s’agisse du champ individuel et privé ou des champs collectifs et sociaux, comportent un code de lois durable. Il est le même pour toute époque. La manière dont l’être humain doit discipliner sa nature, comme l’aspect collectif de son existence, demeurent inchangés à toute époque, pour ce qui est des principes, des généralités. Le Professeur Motaharî expose son propre avis au sujet des questions de « relativité de la morale » et de « relativité de la justice », qui ont leurs partisans, et considérant leurs opinions, déclare : « Une autre partie des nécessités de l’être humain est constituée par les nécessités changeantes qui engendrent des lois changeantes, non permanentes. L’islam a pris en compte une jurisprudence changeante au sujet de ces nécessités changeantes, il a par ce biais fait correspondre des principes durables à des conditions changeantes et ces principes durables produisent des lois particulières et spécifiques en fonction de chaque condition changeante. »
En islam, il existe un principe collectif ayant cette forme : « Ô musulmans, face à l’ennemi, accumulez autant de puissance que possible. » D’autre part, il nous est parvenu de la Sunna du Prophète (s) une série de recommandations qui, en jurisprudence, sont connues sous le nom de « Supériorité, équitation et tir à l’arc ». Il nous a été recommandé ceci : « Vous et vos enfants, apprenez les arts de l’équitation et de l’archerie au point de devenir habiles. » L’équitation et l’archerie comptaient parmi les arts de l’époque à laquelle a été faite cette recommandation. Il est particulièrement évident que l’origine et le principe des règles dites de la « Supériorité, équitation et tir à l’arc » ont pour fondement : « Ô musulmans, face à l’ennemi, accumulez autant de puissance que possible. » C’est-à-dire que la flèche, l’épée, la lance, l’arc, le mulet et le cheval n’ont pas au regard de l’islam de noblesse en soi. Ce qui a de la noblesse en soi, c’est le fait d’être puissant. Ce qui a de la noblesse en soi, c’est le fait que les musulmans soient, à toute époque, puissants face à l’ennemi, autant que faire se peut, et ce du point de vue de la puissance militaire et défensive. La nécessité de l’habileté concernant l’archerie et l’équitation est un vêtement recouvrant la nécessité de puissance, autrement dit, il s’agit là d’une forme de mise en œuvre du principe concerné. La nécessité de puissance face à l’ennemi est une loi durable découlant d’une nécessité durable et permanente. Or la nécessité du fait d’être habile au tir à l’arc et à l’équitation constitue l’emblème d’une nécessité temporaire et changeante qui se trouve modifiée conséquemment à l’époque en cours. Avec le changement des conditions de la civilisation, d’autres aspects, comme le fait de se procurer des armes à feu et d’acquérir la dextérité et le professionnalisme dans leur maniement, ont pris leur place.
Autre exemple : un autre principe collectif est énoncé dans le Coran et a pour sujet l’échange en matière de richesse. L’islam a reconnu le principe de la propriété individuelle, même si bien évidemment il se trouve certaines différences entre ce que l’islam nomme propriété individuelle et ce qui se passe dans le monde capitaliste, or là n’est pas la discussion pour le moment. La nécessité de la propriété individuelle, c’est l’échange. L’islam a prescrit à propos de l’échange un principe exprimé par cette phrase : « Ne faites pas circuler inutilement la richesse parmi vous. » C’est-à-dire que le bien, la richesse passant de main en main, quittant la main de l’artisan et de celui en ayant le premier la libre disposition pour aller dans celle d’un autre, puis échouant en main d’un troisième, doit en échange générer un profit licite revenant à ses propriétaires successifs. Si la richesse passe de main en main sans qu’un profit comportant de la valeur pour l’être humain soit obtenu par ceux qui la détiennent, cela est illicite. L’islam ne considère pas que la propriété soit équivalente à la libre disposition absolue. D’autre part, dans les recommandations islamiques, il a été stipulé que l’achat et la vente de certaines choses comme le sang et les excréments de l’être humain sont illicites. Pourquoi ? Parce que le sang de l’être humain ou du mouton ne font pas l’objet d’une utilité qui pourrait se retrouver dans le fait d’en faire une richesse que l’on pourrait évaluer. L’origine de l’interdiction d’acheter et de vendre le sang et les excréments, c’est le principe disant : « Ne faites pas circuler inutilement la richesse parmi vous. »
L’interdiction touchant le sang et les excréments ne comporte pas d’authenticité en soi, ce qui est authentique c’est le fait que l’échange de deux choses se doit de revêtir une utilité pour l’être humain. L’interdiction touchant des choses comme le sang et les excréments constitue en réalité un vêtement recouvrant l’interdiction de faire vainement circuler la richesse, autrement dit, elle est une forme de mise en œuvre du principe disant : « Ne faites pas circuler inutilement la richesse parmi vous. » Au contraire, si le principe de l’échange n’est pas introduit, aucune richesse ne peut être vainement acquise par autrui de sorte à se trouver ensuite utilisée. Ce principe est un principe durable et permanent, il provient d’une nécessité sociale stable, tandis que le fait que le sang et les excréments ne soient pas comptés pour une richesse et ne soient pas échangeables relève de l’époque concernée et de son degré de civilisation, car la modification des conditions, le progrès des sciences et des savoir-faire et la possibilité d’en faire une utilisation juste et profitable donnent lieu à un renouvellement du décret.
Une manière d’agir de l’Imâm ‘Alî (a) face aux exigences temporelles
L’Imâm ‘Alî (as), à la fin de sa vie, ne teignait pas ses cheveux malgré le fait qu’ils étaient devenus blancs. Sa barbe, de même, était blanche. Quelqu’un lui dit : « Le Noble Prophète (s) n’a-t-il pas recommandé que l’on teigne les cheveux blancs ? » L’Imâm répondit : « En effet. » Il dit : « Alors pourquoi ne te teins-tu pas ? » L’Imâm dit : « Lorsque le Noble Prophète fit cette recommandation, les musulmans étaient peu nombreux. Il y avait parmi eux un groupe de vieillards qui participaient aux batailles. Lorsque les ennemis regardaient les rangs des combattants musulmans et voyaient ces vieillards aux cheveux blancs, ils avaient la certitude d’être confrontés à un groupe de vieillards et s’en trouvaient confortés. Le Noble Prophète ordonna qu’ils se teignent afin que l’ennemi ne réalise pas leur vieillesse. » Là, ‘Alî ajouta : « Lorsque le Noble Prophète fit cette recommandation, les musulmans étaient peu nombreux et il était nécessaire de recourir à ce type de moyen. Or aujourd’hui, alors que l’islam s’est étendu de par le monde, il n’est plus nécessaire de faire cela. Chacun est libre de se teindre ou pas. »
Au regard de ‘Alî (as), la recommandation du Noble Prophète (s) à propos du fait de se teindre ne comporte pas d’authenticité en soi. Il s’agissait de la manière de mettre en œuvre une autre recommandation. Cela constituait un vêtement recouvrant une loi fondamentale, à savoir le fait de ne pas favoriser la hardiesse de l’ennemi. L’islam donne à la foi de l’importance à la forme, à l’apparent, à l’écorce, et à la fois à l’esprit, au caché, au noyau, or tout corps nécessite un vêtement.
Le libre arbitre du juge musulman
3- En sus de ce qui a été dit, une série d’autres principes ont été employés dans l’édification de la sainte religion musulmane, lui conférant l’éternité et le fait d’être la dernière des religions. Feu Ayatollâh Nâ’înî et ‘Allameh Tabâtabâ’î ont à ce sujet particulièrement insisté sur le libre arbitre que l’islam a confié à l’autorité musulmane compétente.
Des lois ayant le droit de veto
4- Un autre des motifs conférant mobilité et adaptation à cette religion, la gardant vivante et éternelle, est ceci qu’une suite de règles et de lois a été établie au sein de cette religion, dont l’action est de contrôler et de modérer les autres lois. Les juristes nomment ces règles hâkema (gouvernantes). Nous avons par exemple la règle disant « Pas de reproche » et celle disant « Pas de dommage » qui gouvernent la jurisprudence de part en part. Le rôle de cette suite de règles est de contrôler et de modérer les autres lois. En vérité, l’islam a institué ces règles en guise de veto vis-à-vis des autres lois et recommandations. Longue est leur histoire, à tel point qu’il ne m’est pas possible de l’aborder ici en détails.
Les questions plus immédiates, plus importantes
5- Un autre des motifs offrant à l’islam la possibilité de s’adapter aux exigences temporelles est l’aspect rationnel des recommandations de cette religion. L’islam a déclaré à ses partisans que l’ensemble de ses recommandations résultent d’une suite d’intérêts supérieurs, tandis que d’autre part, au sein de l’islam même, le degré d’importance des mesures correspondant à ce qui représente le plus grand intérêt a été exposé. Ce motif facilite le travail des véritables spécialistes de l’islam, dans les domaines au sein desquels différentes questions donnent lieu à des contradictions. L’islam a permis que dans ce type de cas, les spécialistes musulmans mesurent l’importance des questions impliquées et privilégient la question la plus importante, en fonction des directives fournies par l’islam même. Les juristes nomment cette règle « aham wa mohim » (« Ce qui est plus important et ce qui est capital »).