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L’origine et le statut de la beauté selon le Coran d’après le commentaire Al-Mizân de ’Allâmeh Tabâtabâ’i
Amélie Neuve-Eglise
L’origine de la perception de la beauté par l’homme : du monde sensible à la beauté immatérielle
Selon ’Allâmeh Tabâtabâ’i (1), l’origine de la perception de la beauté par l’homme est issue de la contemplation et de la comparaison des différentes apparences physiques de ses semblables, qui l’ont ainsi conduit à qualifier ceux ayant une stature harmonieuse et un visage bien proportionné de “beaux”. L’homme a ensuite progressivement distingué la beauté des différents êtres et aspects de la nature. La beauté équivaut donc ici à la perception d’un état d’harmonie et de justes proportions qui suscite un sentiment de joie et d’attirance chez l’être humain. Par opposition, la notion de laid implique l’idée de difformité et d’absence d’harmonie.
Selon ’Allâmeh, le mal et la laideur sont donc des significations privatives, c’est-à-dire faisant références à un néant et à une “absence de”, tandis que le beau et la beauté sont des significations appartenant au domaine de l’existence. En d’autres termes, la laideur n’est qu’une “absence de beauté”, toute comme la cécité n’est pas une chose en soi, mais l’absence d’une réalité existentielle qui est la vue. De même, la pauvreté est en réalité une “absence de richesse”, l’ignorance une “absence de savoir”, etc.
Après avoir les avoir perçues au travers des réalités sensibles et matérielles, l’homme a donné aux notions de “beauté” et de “laideur” un sens plus large s’appliquant également aux réalités immatérielles (le courage, le sacrifice de soi, l’amour pourront ainsi être qualifiés de “beaux”), ou encore aux actes et conventions créés par l’homme afin de faciliter sa vie en société. Dans ce sens, tout ce qui est au service de l’atteinte de ce qu’une société donnée considère comme la félicité est qualifié de “bon” et de “beau”, tandis que ce qui constitue un obstacle à son atteinte est considéré comme “mauvais”. Les conceptions du bonheur n’en sont pas moins diverses selon les sociétés et dépendent étroitement de leur vision de l’homme : par conséquent, ce qui est “bon” dans une société ne le sera pas forcément dans une autre. Cependant, le point commun entre les différentes sociétés est qu’elles qualifient toutes de “bon” ce qui leur permet d’atteindre le but particulier qu’elles se sont fixées.
Les différents aspects de la beauté selon le Coran
Le Coran établit une distinction claire entre les beautés naturelles et immatérielles : il parle ainsi de la beauté de la nature, et évoque notamment celle des bestiaux : « Ils vous paraissent beaux quand vous les ramenez, le soir, et aussi le matin quand vous les lâchez pour le pâturage. » (16 : 6) mais aussi de beautés intellectuelles et immatérielles, ainsi, le pardon ou encore la patience sont qualifiés de “beaux” : “Pardonne-[leur] donc d’un beau pardon.” (15 : 85) ; “Supporte donc, d’une belle patience.” (70 : 5). La beauté qualifie donc des réalités matérielles, mais aussi des actes, des sentiments, des réalités intellectuelles… Cet aspect immatériel de la beauté se retrouve dans des hadiths du prophète Mohammad qui a notamment dit : “Nulle beauté n’est meilleure que la raison.” (2)
Le Coran insiste donc particulièrement sur l’importance de la beauté et sa présence dans l’ensemble de la création qui a été “ornée” de différents apparats par Dieu : “Nous avons décoré le ciel le plus proche d’un décor : les étoiles” (37 : 6) ; “Certes, Nous avons placé dans le ciel des constellations et Nous l’avons embelli pour ceux qui regardent.” (15 : 16) Ainsi, la création n’a pas seulement une utilité matérielle, sa beauté vise également à procurer un plaisir à l’homme ainsi qu’à le conduire à réfléchir sur l’origine de cette beauté, c’est-à-dire à Dieu. Le Coran souligne aussi la beauté et l’harmonie présentes dans la création de l’homme : “Nous avons certes créé l’homme dans la forme la plus parfaite.” (95 : 4) ; “C’est Dieu qui […] vous a donné votre forme, – et quelle belle forme Il vous a donnée !” (40 : 64). Enfin, Dieu rend beau certains actes et réalités comme la foi dans le cœur des hommes afin de les y guider : “Dieu vous a fait aimer la foi et l’a embellie dans vos cœurs” (49 : 7). A la fois extérieure et intérieure, la beauté telle que décrite dans le Coran couvre l’ensemble des aspects de la création. Ces beautés se confondent avec la notion de rappel, le Coran invitant sans cesse l’homme à ne pas se perdre dans les beautés extérieures, mais à dépasser les apparences pour réfléchir sur le but de leur création et arriver ainsi à la Source de toute beauté.
Beauté et laideur : deux notions dépendant des buts poursuivis par l’homme
Les notions de beauté et de laideur sont donc des adjectifs venant qualifier soit des réalités matérielles extérieures, soit un acte en fonction du fait qu’il s’accorde ou non avec tel ou tel but fixé par un individu, une société, une religion, une idéologie donnée… Ainsi, la santé sera qualifiée de “bonne” en ce qu’elle est en accord avec un penchant naturel de l’homme qui consiste à vouloir rester en vie, tandis que la pauvreté, l’humiliation, la captivité… seront qualifiées de “mauvaises” en ce qu’elles empêchent l’homme de réaliser ses potentialités et de vivre une vie sereine.
Certains actes sont toujours qualifiés de beaux et de bons en ce qu’ils sont toujours en accord avec les objectifs à la fois de l’individu et de la société : c’est le cas de ceux qui permettent l’atteinte de la justice. Face à cela, la beauté et la laideur de certains actes ne sont pas fixées de façon permanente et dépendent au contraire de la situation et du contexte dans lesquels ils sont réalisés : c’est le cas du rire ou de la plaisanterie.
Par conséquent, le bon et le mauvais doivent toujours être évalués en fonction d’un objectif précis : aucune chose n’est donc en elle-même “bonne” ou “mauvaise”. Ainsi, le lait en soi n’est ni bon ni mauvais, mais il peut être qualifié de “bon” dans le sens où il permet de nourrir le nouveau-né et de perpétuer l’existence de l’homme sur terre.
Les notions même de beauté et de laideur ne sont donc pas relatives : ce sont seulement les actes auxquels elles s’appliquent qui sont susceptibles de changer et d’évoluer. A titre d’exemple et comme nous l’avons évoqué, le concept de justice est unanimement considéré comme une bonne chose par toutes les sociétés ; seule la réalité extérieure de ce que ce concept recouvre est susceptible de variations. Ainsi, un parisien et un téhéranais considèrent tous deux l’idée de justice comme une chose désirable et un objectif à atteindre ; cependant, ce qu’ils entendent concrètement par ce concept n’est pas forcément la même chose : pour l’un, la justice pourra être synonyme d’égalitarisme, alors que pour l’autre, la justice sera basée sur la mise en place d’un système basé sur le mérite permettant le libre développement des capacités de chacun. Selon la même logique, ce qui pourra être considéré juste dans une société comme par exemple la peine de mort, pourra apparaître injuste dans une autre. Il ne faut donc pas encore une fois confondre le concept et la réalité extérieure qu’il recouvre : les valeurs sociales peuvent changer, mais aucune société ne déclarera que l’un de ses buts est d’atteindre ce qu’elle considère être de l’injustice.
Le critère général permettant de qualifier une chose de “belle” et de “bonne” qui dépend des objectifs que l’on s’est fixé, est lui-même intimement lié à la conception que l’on a du monde et de l’homme : si l’on considère ce dernier avant tout comme un être matériel, manger sera considéré comme bon en ce que cela contribue à garder son corps en vie. Si on considère au contraire que l’homme est avant tout un être spirituel doté d’une âme et devant se conformer à certains ordres divins, il faudra considérer des aspects autres que son corps physique avant de qualifier le fait de consommer de la nourriture comme “bon”, notamment le fait qu’elle soit licite, et que l’argent ayant servi à se la procurer ait été gagné de façon honnête : “Que l’homme considère donc sa nourriture” (80 : 24). Cette injonction ne concerne donc pas seulement les caractéristiques nutritionnelles de la nourriture, mais invite également l’homme à se demander d’où elle provient, et la façon dont elle a été acquise, cela en vue d’atteindre d’autres buts, plus élevés et au-delà de son bien-être corporel immédiat. En résumé, si l’on considère que l’homme est avant tout un être dont l’horizon se limite à ce monde matériel, ce qui sera considéré comme “bon” sera de jouir au maximum des plaisirs de la vie terrestre ; au contraire, s’il est considéré comme une personne à l’image de Dieu dont le but est d’atteindre le plus haut degré de perfection spirituelle dans ce monde en vue de l’Au-delà, le fait de se priver de certaines jouissances matérielles en jeûnant, en donnant une partie de ses revenus aux pauvres, etc. sera considéré comme “bon” dans le sens où cela permettra le développement de sa dimension spirituelle.
Dieu comme origine de toute beauté
Selon le Coran, Dieu est “celui qui a bien fait (ahsana) tout ce qu’Il a créé” (32 : 7). La beauté et le bon sont donc des attributs inséparables de la création. En reprenant la définition selon laquelle ce qui est beau et bon est ce qui permet l’atteinte d’un but particulier, nous voyons que l’ensemble des éléments de la création se complète harmonieusement et permet à la vie de se perpétuer ainsi qu’à l’homme de réaliser ce pour quoi il a été créé. Toute chose créée est donc “bonne” en ce qu’elle est issue de Dieu et de Son acte créateur – car d’un point de vue ontologique, tout ce qui est issu de la Bonté suprême ne saurait être que bon -, tandis que ce que nous qualifions de “mal” ne sont que les déficiences et l’”absence de perfection” de l’homme, et non pas une chose créée de façon indépendante : “Tout bien qui t’atteint vient de Dieu, et tout mal qui t’atteint vient de toi-même.” (4 : 78-79), ou encore : “Tout malheur qui vous atteint est dû à ce que vos mains ont acquis. Et Il pardonne beaucoup.” (42 : 30). Un autre verset vient également rappeler que l’octroi de faveurs et de grâces de la part de Dieu dépend des actes de l’homme lui-même : “C’est qu’en effet Dieu ne modifie pas un bienfait dont Il a gratifié un peuple avant que celui-ci change ce qui est en lui-même.” (6:53) ; “Si les habitants des cités avaient cru et avaient été pieux, Nous leur aurions certainement accordé des bénédictions du ciel et de la terre.” (7: 96).
Il apparaît clairement ici que ce qui est qualifié d’ “épreuve”, de “malheur” ou de “difficulté” ne dépend que de l’homme – ces notions ayant ici un sens plus large que celui de simple perte matérielle, et incluent le malheur ou la félicité dans l’Au-delà dont l’homme est le seul responsable. Ainsi, selon le verset précité, une intention pure et des bonnes actions favoriseront l’octroi de bienfaits divins, tandis que lorsque les intentions et les actes changent, les bienfaits de Dieu changeront à leur tour selon un rapport de cause à effet : “En vérité, Dieu ne modifie point l’état d’un peuple, tant que les [individus qui le composent] ne modifient pas ce qui est en eux-mêmes.” (13 : 11) Ainsi, comme nous l’avons évoqué et selon la vision coranique, le mal en soi n’existe pas : ce qui est qualifié de “mal” n’est qu’une absence de miséricorde : “Ce que Dieu accorde en miséricorde aux gens, il n’est personne à pouvoir le retenir. Et ce qu’Il retient, il n’est personne à le relâcher après Lui. Et c’est Lui le Puissant, le Sage.” (35 : 2). Le malheur n’est donc que privation, et non une réalité existentielle concrète.
En outre, c’est l’homme lui-même qui, selon l’état d’esprit dans lequel il se trouve, pourra ressentir comme étant “mal” une chose qui n’est pas en accord avec les buts qu’il s’est fixé, alors que la réalité est tout autre. Ainsi, le fait pour quelqu’un de perdre toute sa fortune pourra être considéré comme un mal selon le but qu’il s’est fixé, c’est-à-dire jouir de richesses matérielles sur terre ; cependant, du point de vue divin, ce ne sera en réalité que grâce et miséricorde : cela évitera par exemple à cette personne de commettre divers péchés avec son argent, et son retour à une vie plus simple sur cette terre lui permettra d’avoir une situation plus favorable dans l’Au-delà. En d’autres termes, ce qui est qualifié de “mal” selon un but et un horizon strictement matériel sera un “bien” d’un point de vue spirituel et au regard de la vie éternelle.
Dès lors et selon la vision du Coran basée sur l’unicité de Dieu et de l’ensemble de la Création (tawhid), rien ne peut être réellement qualifié de “laid” ou de “mauvais” car tout est ultimement le fruit de la volonté divine, qui n’est que pure bonté. Ainsi, la création du scorpion est en soi bonne ; elle n’est qualifiée de “mauvaise” que par rapport au fait que sa piqûre peut priver l’homme de sa santé ou de sa vie. Le Coran insiste aussi sur le fait que les dons de Dieu dépendent de la capacité de chacun et de chaque être : “Il a fait descendre une eau du ciel à laquelle des vallée servent de lit, selon leur grandeur.” (13 : 17) ; “Et il n’est rien dont Nous n’ayons les réserves et Nous ne le faisons descendre que dans une mesure déterminée.” (15 : 21). C’est pour cela que l’un des buts du croyant n’est pas d’être comblé de grâces sur cette terre, mais d’apprendre à changer le regard qu’il pose sur le monde extérieur, ainsi que de sortir de son horizon limité pour voir chaque événement comme un bien et comme le fruit de l’Infinie sagesse divine. C’est dans ce sens que les non-croyants sont souvent qualifiés d’aveugles ou de sourds : “Que ne voyagent-ils sur la terre afin d’avoir des cœurs pour comprendre, et des oreilles pour entendre ? Car ce ne sont pas les yeux qui s’aveuglent, mais ce sont les cœurs dans les poitrines qui s’aveuglent.” (22 : 46) Le but de la foi est donc de donner un regard plus profond et d’ouvrir le cœur du croyant afin qu’il voit le signe de l’infinie miséricorde divine dans chaque événement et dans chaque petit détail de son existence.
En outre, pour parachever cette vision unitaire du monde, le Coran souligne que le fait même de chercher à atteindre Dieu et à se perfectionner n’est que le fruit de la grâce de Dieu lui-même, l’homme ne pouvant rien s’attribuer à lui-même de façon totalement indépendante : ““Notre Seigneur […] est celui qui a donné à chaque chose sa propre nature puis l’a dirigée”.” (20 : 50) ; “Et n’eussent été la grâce de Dieu envers vous et Sa miséricorde, nul d’entre vous n’aurait jamais été pur.” (24 : 21). Toute beauté et bonté détenue par l’homme doit donc être ultimement ramenée et liée à Dieu dont l’un des Noms est le fait d’être beau (jamil), Nom divin dont l’homme doit à son tour se parer et actualiser dans tous les aspects de son existence. Ainsi, selon les mots du prophète Mohammad, “en vérité, Dieu est beau et Il aime la beauté ; Il aime que l’on perçoive les traces de Ses grâces sur Son serviteur.” (3)
Notes
1-Seyyed Mohammad Hossein Tabâtabâ’i Qâzi dit “Allâmeh” (1892-1981) est le plus grand penseur, philosophe et commentateur du Coran iranien contemporain. Pour une biographie plus détaillée, voir l’article “La notion de tawhid dans le Coran d’après le commentaire Al-Mizân de ’Allâmeh Tabâtabâ’i”, La Revue de Téhéran, No. 64, pp. 62-67.
2-Nahj as-Sa‘âda : 1/51
3-Kanz al-‘Ummâl : 17166