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Tantôt taxé de mouvement sectaire déviant remettant en cause l’unicité divine, tantôt d’un simple avatar des luttes de pouvoir ayant succédé à la mort du prophète Mohammad, le chiisme a fait l’objet de nombreuses controverses tout au long de son histoire. Dans un contexte de rivalités interethniques et politiques, il a également parfois été présenté comme une pure construction identitaire destinée à singulariser les Iraniens face aux Arabes. (1)
Le mot arabe shi’a évoque l’idée de suivre et d’accompagner un groupe particulier. Dans son sens général, ce terme figure dans le Coran où il fait référence à tout groupe adhérant à une école de pensée ou à une personne. (2)Dans un sens strict, le chiisme désigne une branche de l’islam dont les membres sont souvent qualifiés de « partisans de ’Ali » (shi’at ’Ali), cousin et gendre du prophète Mohammad. Néanmoins, du point de vue d’un chiite, le chiisme n’est autre que l’islam intégral et authentique lui-même, qui a été professé par le prophète Mohammad en personne. (3)Au cours de cet article, nous allons donc tenter de clarifier quelles sont les racines du chiisme et ce qui fait sa singularité par rapport au sunnisme. Nous verrons que loin de se réduire à une simple opposition concernant la succession du prophète Mohammad, le cœur de cette différence concerne le sens même de la religion et de son rôle dans la vie de l’homme. Nous aborderons ici essentiellement le chiisme duodécimain, c’est-à-dire reconnaissant l’existence de Douze Imâms, qui est le courant chiite majoritaire aujourd’hui.
Chiisme, sunnisme, quelle(s) différence(s) ?
Lorsque l’on pose la question : « Qu’est-ce que le chiisme ? », la réponse la plus communément entendue a une dimension essentiellement politique : les chiites sont ceux qui, après le décès du prophète Mohammad, ont considéré que le califat devait revenir à ’Ali, tandis les sunnites – la majorité – ont préféré suivre Abou Bakr qui devint effectivement le premier calife. Par la suite, la minorité chiite a continué à nier la légitimité du pouvoir et à suivre les descendants de ’Ali, c’est-à-dire les Imâms Hassan, Hossein…, et ce jusqu’au douzième Imâm, tandis que les sunnites ont fait acte d’allégeance aux successeurs d’Abou Bakr. Si les deux courants se rejoignent momentanément lors de la désignation de ’Ali comme quatrième calife, ils s’opposent de nouveau avec l’arrivée de Mo’âwiya au pouvoir, lorsque les chiites revendiquent le droit à la succession califale de l’Imâm Hassan, fils de l’Imâm ’Ali, puis de son frère l’Imâm Hossein et de leurs descendants. Cette lutte durera plus de deux siècles et demi, jusqu’à l’occultation du Douzième Imâm. La différence entre chiisme et sunnisme se résume-t-elle pour autant à un conflit politique, à une lutte de pouvoir ? Si c’était le cas, étant donné qu’il n’existe plus de califat gouvernant l’ensemble du monde musulman (4), il ne devrait plus rester aucun motif de dissension à l’heure actuelle. Or, l’actualité internationale et de pays comme l’Irak nous montre que cette opposition n’a rien perdu de son actualité ni de sa violence.
L’opposition durable entre chiites et sunnites serait-elle donc à rechercher dans l’existence de différences au niveau de l’interprétation de la loi divine et de sa jurisprudence ? Il est indéniable qu’au cours de l’histoire, les Imâms qui sont notamment, selon le chiisme, les herméneutes des sens ésotériques (butûn) du Coran, ont été à la source d’interprétations uniques du livre sacré et de ses lois. Cependant, chiisme et sunnisme ne s’accordent pas moins sur les bases essentielles du droit et des obligations religieuses : les règles de la prière, du jeûne, de l’aumône, du pèlerinage… sont les mêmes si l’on passe outre des détails infimes. En outre, les quatre écoles juridiques du sunnisme (5)ont autant de différences entre elles qu’avec le chiisme, tandis que le droit (fiqh) chaféite et hanafite ressemble fortement au droit chiite – qui n’est lui-même pas uniforme. (6) Même si leur existence est indéniable, les différences juridiques ne suffisent donc pas à justifier ce qui constitue le point de séparation essentiel entre chiisme et sunnisme. (7) Il faut également rappeler que ces questions ne constituent que l’aspect apparent de la religion, et non son essence profonde. Le domaine juridique peut dès lors être le lieu de la manifestation de certaines différences, mais non sa cause.
Doit-on alors rechercher les racines de cette différence dans le domaine théologique ? Cette hypothèse doit également être écartée étant donné que sur le plan des croyances religieuses et des débats théologiques, il existe sans doute davantage de différends théologiques au sein même du monde sunnite, comme ce fut notamment le cas entre les ash’arites et les mo’tazilites – ces derniers étant proches du point de vue chiite sur de nombreuses questions.
L’opposition entre chiisme et sunnisme ne serait-elle alors qu’un malentendu dénué de fondement concret réel, une opposition historique qui a perduré du fait de l’existence de certains intérêts ou fanatismes, mais qui n’aurait concrètement plus lieu d’être sur le plan idéologique ?
Au cœur de la différence entre chiisme et sunnisme
Loin de se réduire à une opposition politique, juridique ou théologique, la différence entre chiisme et sunnisme repose en réalité sur deux conceptions différentes de la religion et de son rôle dans la vie de l’homme. Dans cette optique, la question de la succession et du califat n’est qu’une conséquence de deux conceptions différentes de la religion, et non sa cause.
Une première conception de la religion consiste à considérer le Prophète de l’islam comme une personne ayant certaines qualités éminentes qui ont permis son accès au statut de prophète, mais qui n’en fut pas moins un homme comme les autres. Chaque croyant se doit donc de le respecter et de lui être reconnaissant d’avoir servi de canal de transmission entre Dieu et les hommes – mais rien de plus. La religion se limite dès lors à suivre la lettre de la révélation : elle organise les relations sociales entre les hommes, le régime alimentaire, le mariage…, tout en préconisant des actes d’adoration qui seront récompensés dans l’autre monde, dont l’apparence et les jouissances ressemblent fort à celles de ce monde. La religion consiste donc en quelque sorte à un report de plaisir de ce monde-ci à ce monde-là.
Une seconde vision de la religion repose sur une conception particulière de l’homme comme être composé de différentes dimensions existentielles entraînant elles-mêmes différents besoins : des besoins matériels et apparents, comme manger et dormir, mais aussi psychologiques et spirituels – ces derniers étant tout aussi vitaux que les premiers. Cet aspect spirituel se manifeste chez l’homme par une recherche constante de la perfection, de l’infini, un amour du beau, un sentiment d’insatisfaction face aux choses matérielles… Selon cette conception, le contenu de la révélation, qui s’adresse à l’ensemble des dimensions existentielles de l’homme, ne peut se limiter à dicter des principes extérieurs concernant la nourriture, les relations sociales, le droit… Bien au contraire, le sens profond de la révélation doit avant tout contribuer à l’épanouissement de ses capacités spirituelles et de sa vérité intérieure, dimension sans laquelle elle perdrait sa raison d’être.
Sur la base de cette vision de l’homme, l’ensemble de la religion et de ses règles les plus extérieures, de la question du halal à l’aumône et à la réglementation du mariage prendra une autre dimension : loin de trouver leur finalité en soi (8)ou d’être respectées aveuglément pour « faire plaisir » à Dieu, ces règles seront mises au service de la réalisation de cette dimension spirituelle qui constitue l’essence de l’être humain, et qui ne peut pleinement se manifester qu’au travers de l’atteinte d’un équilibre entre les différents appétits et désirs matériels de l’homme extérieur. Ces règles prendront alors tout leur sens pour le croyant : loin d’être « pour Dieu », elles seront avant tout considérées « pour l’homme » et sa réalisation. La religion dans son ensemble prend alors une toute autre signification : l’ensemble de ses aspects, même les plus extérieurs, se voit conférer un sens spirituel profond, chacun participant à son niveau propre à la réalisation de cet homme intérieur.
Le chiisme se distingue également par sa vision particulière de la voie par laquelle se réalise l’accès au sens profond de la religion et l’accomplissement de cet homme spirituel – vision qui repose sur la notion de présence. L’un de ses postulats est qu’une révélation et sa compilation sous forme écrite – le Coran – ne suffisent pas pour réellement réformer et transfigurer l’homme. Si deux parents écrivaient un livre sur l’éducation, le meilleur qu’il soit, puis le remettaient à leurs enfants en espérant que cette lecture leur suffirait et remplacerait leur présence quotidienne, obtiendraient-ils les résultats escomptés ? Le chiisme s’appuie sur cette même logique : outre le besoin de principes clairs, tout changement véritable de l’homme nécessite une présence constante – celle d’un être parfait qui le guide et nourrit sa foi tout au long de son existence, et dont la plus haute manifestation est la figure de l’Imâm.
La figure de l’Imâm comme pilier du chiisme
Avant d’expliquer son rôle central dans la spiritualité chiite, il faut souligner que le terme « Imâm » ne doit pas s’entendre ici dans son sens liturgique commun désignant toute personne dirigeant la prière rituelle (salât). Outre son nombre limité, la figure de l’Imâm dans le chiisme a une toute autre dimension et importance à la fois métaphysique, spirituelle et historique.
Le sunnisme s’accorde avec le chiisme pour considérer le prophète Mohammad comme « sceau de la prophétie » (khatam al-nobowwat) qui vient clore définitivement le cycle des révélations divines. Cependant, si pour les premiers il n’y a désormais plus rien à attendre, les chiites considèrent que la fin de cette période marque l’entrée dans le cycle de la Wilâyat (9)des Imâms qui permet l’enracinement du message divin ainsi que la révélation de son sens profond (haqiqat).
Outre sa dimension herméneutique, la présence de l’Imâm repose sur une croyance selon laquelle l’homme ne peut réellement atteindre sa perfection qu’au travers d’un amour voué à un homme parfait qui manifeste la « Face apparente » de Dieu et l’oriente vers Lui. Selon cette logique, la présence de « gardiens » de la révélation mais aussi d’initiateurs étant eux-mêmes les manifestations de la perfection à laquelle cette révélation invite est la condition même de sa survie.
Deux visions du Prophète à la source de deux conceptions de la guidance et de ceux qui doivent l’assumer
Comme nous l’avons évoqué, la source de la différence entre chiisme et sunnisme doit être avant tout recherchée dans une conception particulière de l’homme et de la religion qui s’enracine elle-même dans une vision particulière du prophète Mohammad et, par extension, de la personne devant lui succéder comme « guide des croyants ».
Le sunnisme considère que si le Prophète est préservé de l’erreur concernant la transmission du message divin, c’est loin d’être le cas dans les autres domaines. De nombreux hadiths cités dans les recueils sunnites les plus connus, dont les Sahih de Bukhari et de Muslim ou le Mosnad de Ahmad Ibn Hanbal, abondent dans ce sens. On y rapporte notamment que le Prophète se laissait souvent emporter par sa colère et maudissait les gens (10), se trompait parfois dans le nombre d’inclinaison dans ses prières, donnait de mauvais conseils, oubliait parfois les versets du Coran et se les faisait rappeler par quelqu’un (11). Point besoin d’être un grand commentateur pour se rendre compte que le Prophète y est présenté comme plus sujet à l’erreur et à l’emportement qu’un simple croyant, et ce même dans ses actes d’adoration.
En amont de sa conception de la religion, le chiisme présente une toute autre vision de la figure du Prophète. Si le chiisme confère un rôle éminent aux Douze Imâms, il n’en considère pas moins que le prophète Mohammad fut lui-même d’abord un walî (12) et un Imâm avant de devenir prophète (nabî) (13). Selon cette vision, loin de se limiter à transmettre un message divin – chose, à la limite, que pourrait faire un simple dictaphone ! -, le Prophète est lui-même une personnalité éminente qui a d’abord réalisé en lui toutes les perfections auxquelles il invite avant d’accéder au rang de messager. Il est donc le prototype de l’homme parfait pourvu de hautes qualités : « Tu es certes d’une moralité éminente » (68:4) et doit être pris pour modèle par l’ensemble des croyants : « Vous avez dans le Messager de Dieu un excellent modèle [à suivre]. » (33:21). Sur cette base, le Prophète a, de son vivant, assuré deux types de guidances : une guidance extérieure et législative (hedâyat-e zâheri va tashri’i), par laquelle il a transmis la révélation, mais aussi une guidance intérieure et existentielle (hedâyat-e bâteni va takwini), par laquelle il a guidé les gens au travers de sa présence et de l’ensemble de ses actes et comportements. Dans ce sens, ce verset souligne l’aspect existentiel et l’importance de la personne du Prophète – et non seulement du contenu du message – dans le processus de transmission de la révélation : « C’est par quelque miséricorde de la part de Dieu que tu [Mohammad] as été si doux envers eux ! Mais si tu étais rude, au cœur dur, ils se seraient enfuis de ton entourage » (6:159). Néanmoins, le Prophète n’est pas une créature immatérielle – il n’en demeure pas moins un homme comme les autres : « Je suis en fait un être humain comme vous » (18:110). Ceci est un point essentiel car selon le chiisme, toute personne est invitée à devenir aussi parfaite que le Prophète et les Imâms après lui – ce n’est qu’à cette condition que la notion de « modèle » pourra prendre tout son sens.
En résumé, selon la conception chiite, loin d’être sujet à l’erreur et à l’oubli, le Prophète (et les Imâms après lui) est préservé de toute erreur et péché (ma’sûm) tant sur le plan théorique que pratique (14) et constitue donc un véritable « pont entre ciel et terre » invitant les croyants eux-mêmes à réaliser en eux ces perfections spirituelles. Cette réalité est confirmée par de nombreux hadiths et versets coraniques, dont « Le Prophète a plus de droit sur les croyants qu’ils n’en ont sur eux-mêmes » (33:6) – comment justifier un tel verset si le Prophète n’avait atteint un haut rang spirituel ? – ou encore ce verset : « Dis : “Si vous aimez vraiment Dieu, suivez-moi [le Prophète], Dieu vous aimera alors et vous pardonnera vos péchés. » (3:31) : peut-on imaginer que le fait de suivre une personne autre que parfaite puisse susciter l’amour de Dieu ?
Ces deux conceptions du Prophète de l’islam ont des conséquences radicales sur la façon d’envisager le rôle de guide des croyants dans la société. La question de l’obéissance, et par extension de la direction politique, est posée par ce verset coranique dont la clé de l’interprétation dépendra justement de l’image que l’on se fait du Prophète : « O les croyants ! Obéissez à Dieu, et obéissez au Messager et à ceux d’entre vous qui détiennent le commandement (ulû al-amr) » (4:59). Il y apparaît clairement que l’obéissance à « ceux qui détiennent le commandement » vient directement après l’obéissance au Prophète. Les chiites tout comme les sunnites en ont donc logiquement déduit que ceux à qui il faut obéir sont les personnes les plus proches possible du Prophète à tout point de vue. Par conséquent, rabaisser sa personnalité et le réduire à une personne sujette à l’erreur et suivant parfois ses passions permet de justifier l’accès au pouvoir de personnes du même acabit – c’est-à-dire les califes omeyyades et abbassides – vision totalement réfutée par certains versets tel que : « N’obéis pas à celui dont Nous avons rendu le cœur inattentif à Notre Rappel, qui poursuit sa passion et dont le comportement est outrancier » (18:28). La désacralisation de la personne même du Prophète laisse donc la voie libre à l’abolition de certaines traditions selon les circonstances et intérêts politiques en jeu, et à une prise de liberté par rapport à certains préceptes religieux appliqués à son époque – en résumé, elle permet une instrumentalisation aisée de la religion au service de visées politiques et terrestres.
es chiites ont une conception radicalement différente de la guidance qui, selon eux, ne peut être assurée que par un homme aussi parfait que le Prophète sous peine d’entraîner le dévoiement du message divin. Sur cette base, les « doués de commandements » évoqués dans le verset cité plus haut et à qui les croyants doivent obéissance ne peuvent être que des personnes qui, comme lui, sont préservées de toute erreur, étant donné que leur obéir équivaut à obéir à Dieu : « Obéissez à Dieu, et obéissez au Messager et à ceux d’entre vous qui détiennent le commandement » (4:59). Dans le cas contraire, si Dieu avait invité les croyants à obéir à des personnes en proie à des passions et déviations multiples, ce sont les notions même de guidance et de sagesse divine qui seraient remises en cause : pourquoi révéler un message pour ensuite ordonner de le confier à des gens qui en feront un nouvel instrument d’oppression et d’injustice ?
Sources du chiisme dans le Coran
Loin d’être une « secte » forgée de toute pièce après la révélation prophétique, le chiisme et la nécessité de l’obéissance aux Imâms trouve ses sources dans le Coran même, qui évoque de façon claire la notion de guidance existentielle revenant aux Imâms : « Nous les fîmes des Imâms (A’emeh) (15) qui guidaient par Notre ordre. Et Nous leur révélâmes de faire le bien, d’accomplir la prière et d’acquitter la Zakât. Et ils étaient Nos adorateurs. » (21:73). Ici, la notion de guidance est évoquée juste après celle d’Imâmat, venant souligner la mission principale de ces derniers. Le Coran souligne clairement la dimension immaculée de l’existence de la famille du Prophète (16) dans un verset du Coran d’une importance capitale pour le chiisme : « Dieu ne veut que vous débarrasser de toute souillure, ô gens de la maison [du Prophète] (ahl al-bayt), et vous purifier pleinement. » (33:33). Ce verset permet de justifier que les Imâms soient les « détenteurs du commandement » évoqués dans le verset cité plus haut, étant donné que seule l’obéissance à des personnes préservées de tout péché peut équivaloir à l’obéissance à Dieu et à Son prophète. Les sources tant chiites que sunnites confirment le rang éminent de la famille du Prophète dans la préservation du sens de la révélation et dans la guidance de chaque croyant, et rapportent le fameux hadith des « deux poids [précieux] » (al-thaqalayn), sorte de testament spirituel du prophète Mohammad aux croyants peu avant sa mort : « Je laisse parmi vous les deux poids précieux : le Livre de Dieu et ma famille, les gens de ma maison. Celui qui s’accroche aux deux ne sera jamais égaré après moi. » (17)
En outre, trois versets s’éclairant les uns les autres viennent confirmer le rôle de la famille du Prophète dans la continuation de cette guidance existentielle basée sur l’amour.
Un premier verset se présentant comme une adresse de Mohammad aux croyants dictée par Dieu souligne l’importance de l’amour pour la famille du Prophète : « Dis : “Je ne vous en demande point de rétribution (ajr), si ce n’est l’affection pour [ma] proche parenté. (mawadda fil-qorba)” » (42:23). Un second verset nous fait comprendre que le bénéfice de cette rétribution n’est en réalité destiné qu’aux personnes mêmes ayant fait preuve de cette affection : « Dis : “Ce que je vous ai demandé comme rétribution (ajr), c’est pour vous.” » (34:47). Enfin, un troisième verset vient éclairer la signification profonde des deux premiers : « Dis : “Je ne vous en demande nulle rétribution (ajr) [c’est-à-dire, comme on l’a appris plus haut, l’affection envers la famille du Prophète], sauf qui veut prendre un chemin vers son Maître.” » (25:57). Nous comprenons ici que l’invitation à vouer de l’affection à la famille du Prophète permet de « prendre chemin » vers Dieu.
Le Coran souligne donc avec clarté que, loin d’avoir pris fin avec le décès du Prophète, la guidance des hommes continue au travers de ce lien d’amour avec sa famille, lien qui permet la réalisation spirituelle de l’homme. Confirmant l’existence d’un tel « chemin« , un verset du Coran présentant une invocation des « serviteurs du Très-Miséricordieux » (’ibâd al-rahmân) exprime clairement que chaque croyant est appelé lui-même à devenir Imâm, c’est-à-dire un homme parfait – l’atteinte de ce haut rang ne se limitant donc pas à des personnes particulières : « Seigneur, donne-nous, en nos épouses et nos descendants, la joie des yeux, et fais de nous un Imâm pour les pieux » (25:74). Ce haut rang est également confirmé par plusieurs autres versets présentant l’homme comme étant le Lieu-tenant (khalifa) de Dieu sur terre, c’est-à-dire un être pouvant Le « représenter » en actualisant, lors de sa vie terrestre, l’ensemble des Noms divins insufflés en lui lors de sa création. (18) Dans ce sens, de nombreuses traditions soulignent que les Imâms sont la seule voie d’accès à l’unicité divine.
Une question vient néanmoins à l’esprit : qu’en est-il des personnes qui sont actuellement privées de la vision de l’Imâm, au temps actuel de son occultation ? Se pose ici la distinction centrale entre sens exotérique et apparent (zâheri) de l’Imâmat, qui n’est autre que sa manifestation au travers les personnalités historiques des Douze Imâms, et son sens ésotérique et ontologique (bâteni wa takwini) comme réalité et présence spirituelle permanente guidant les croyants vers la Vérité. Cette présence se manifeste chez toute personne s’efforçant de réformer son être et d’actualiser l’ensemble des perfections que son âme contient à l’état de potentialité. Au cours de cette progression spirituelle, elle se rapproche existentiellement de l’Imâm qui en constitue la plus haute manifestation et le guide jusqu’au terme de son cheminement. (19)
D’un point de vue historique, la désignation par le Prophète de ’Ali comme son successeur et légataire a été rapportée par de nombreuses traditions tant sunnites que chiites. Ces dernières reconnaissent qu’au retour de son dernier pèlerinage à La Mecque, le Prophète s’est arrêté à Ghadir Khomm et a annoncé à la foule de gens qui l’accompagnait : « Celui dont je fus le maître (mawlâ), ’Ali en est le maître« . (20)C’est cette annonce même qui a été considérée comme un « parachèvement » de la religion dans le Coran : « Aujourd’hui, J’ai parachevé (akmaltu) pour vous votre religion, et accompli sur vous Mon bienfait. Et J’agrée l’islam comme religion pour vous. » (5:3). L’ordre même d’annoncer la succession de ’Ali a également été l’objet d’une révélation divine, venant souligner l’importance de l’événement : « O Messager, transmets ce qui t’a été descendu de la part de ton Seigneur. Si tu ne le faisais pas, alors tu n’aurais pas communiqué Son message. » (5:67)
Si l’événement de Ghadir Khomm est reconnu tant par les chiites que par les sunnites, ces derniers ont tendu à minimiser le titre de mawlâ dont Mohammad a qualifié ’Ali, en lui conférant la plupart du temps le sens de simple « ami ». (21) Une question se pose alors : comment peut-on rationnellement considérer que le simple fait que le Prophète désigne ’Ali comme son ami soit un accomplissement de la religion et une chose qui, si elle n’était pas dite, remettrait en cause la communication même du message révélé par Dieu ? (5:67) Il apparaît évident qu’il s’agit d’un événement à la portée toute autre, et dont l’enjeu est la survie même de cette révélation divine.
Ces versets mettent clairement en exergue que le fait de suivre l’Imâm ’Ali et ses successeurs, qui n’est autre que le chiisme, est indissociable de l’islam lui-même dont il permet la continuation et l’approfondissement. Le chiisme est donc loin d’être, comme on l’a parfois affirmé, une construction historique édifiée par certains groupes lors de la mort du Prophète, ou par les Iraniens comme moyen de se singulariser de leurs voisins arabes.
Il faut également rappeler que les trois versets cités plus haut soulignent l’importance de l’amour dans la religion, et désignent son objet : la famille du Prophète, comme manifestation parfaite des Noms de Dieu. Cet amour et ce lien unissant l’Imâm de chaque époque aux croyants est désigné par l’expression de Wilâyat, qui implique également une allégeance concrète aux Imâms. Cet amour s’affirme donc comme étant le pilier de la religion et donne un sens à l’ensemble des principes et pratiques qui en découlent – tel un esprit qui insuffle la vie à un corps. Seul l’amour envers un être parfait permet au croyant d’orienter tout son être dans une quête de la perfection et de véritablement réformer son être, ce qui a même amené l’Imâm Sâdeq à déclarer : « La religion est-elle autre chose que l’amour ? » (22)
Les fondements du chiisme
Le chiisme repose sur cinq fondements (usoul) : l’unicité divine (tawhid), la justice divine (’adl), la prophétie (nobowwat), l’Imâmat (Imâmat), et le retour des créatures à Dieu à la fin des temps (ma’âd).
Outre sa vision singulière de la religion et de la guidance, le chiisme se caractérise également par l’importance qu’il donne à la réflexion personnelle dans l’acceptation des bases de la religion : ces dernières doivent en effet être acceptées sur la base d’un raisonnement intellectuel, et non d’une imitation ou d’un sentiment susceptible de disparaître.
L’existence de la prophétie et de l’Imâmat, les deux fondements qui nous intéressent ici, se déduisent directement du principe de justice divine, car il est inconcevable qu’un Créateur juste puisse laisser Ses créatures persister dans l’égarement et qu’Il ne leur désigne pas un Argument et un intermédiaire leur indiquant la voie de la perfection. (23) La nécessité de préserver le message divin de toute déviation après la mort du Prophète permet de déduire rationnellement la nécessité de l’existence de l’Imâmat : « Le patron d’une entreprise de ce monde se préoccupe de sa gestion pendant ses absences, fussent-elles de courtes durées, et se soucie à plus forte raison de son devenir après lui. Comment donc un Prophète, qui a la responsabilité d’une entreprise spirituelle dont le maintien ou la disparition impliquent le salut ou la perte de l’humanité, pourrait-il se désintéresser de ce qu’il en adviendra après lui ? D’autant qu’il en est responsable devant le véritable « patron » de cette entreprise, le Sage et Juste par excellence. L’impossibilité d’une telle négligence est donc double, déjà parce qu’un Prophète ne saurait faillir à son devoir, puisque l’infaillibilité est un corollaire rationnel de la Prophétie, et plus encore parce que le Sage et Juste par excellence ne saurait ouvrir grand la porte à l’injustice et à l’égarement. » (24)
L’importance de cette dimension rationnelle explique la faible place accordée au phénomène des miracles dans le chiisme : même si de nombreux miracles sont attribués aux Imâms, ils doivent avant tout être considérés comme un rappel destiné à éveiller le cœur et l’inviter à sortir de ses illusions. Il ne constitue néanmoins pas une fin en soi, mais n’est qu’un prélude à la réflexion. En outre, de façon générale, les Imâms, en tant que serviteurs de Dieu, se pliaient au système de cause à effet régissant le monde et ne recourraient aux miracles que dans des circonstances particulières, préférant en général s’adresser directement à l’intellect des gens plutôt qu’à leurs sens. (25)
Le chiisme et l’Imâm du Temps (Imâm al-Zamân)
Si chiisme et sunnisme s’accordent sur l’existence d’un mahdî qui viendra rétablir la justice sur terre à la fin des temps, les chiites croient que ce rédempteur est déjà né il y a plusieurs siècles et n’est autre que le Douzième Imâm, surnommé le « mahdî » ou « bien guidé », qui est entré en occultation dans la seconde moitié du IXe siècle mais qui demeure présent en ce monde. S’il n’exerce pas pour l’instant un rôle extérieur manifeste dans les affaires du monde, il n’en contribue pas moins, comme nous l’avons évoqué à travers le concept de imâmat-e takwini, à assurer la guidance intérieure (hedâyat-e bâteni) des croyants. La croyance en la présence du Douzième Imâm sur terre est un autre point séparant le sunnisme du chiisme. Il fait de lui une religion vivante dans le sens où, même aujourd’hui, il existe un exemple concret incarnant la vérité contenue dans la religion. (26) Cette présence permet, comme nous l’avons évoqué, de guider les âmes des croyants dans leur cheminement vers leur Créateur.
L’adhésion du croyant à cet Argument divin donne vie à sa religion qui ne se limite plus à une série d’enseignements écrits révélés il y a plus de quatorze siècles, mais à un lien concret qui les vivifie chaque jour. Nous voyons ici à quel point le chiisme s’oppose à toute conception littéraliste de la religion consistant à la limiter à des règles juridiques et à des interdits que l’homme se doit de suivre aveuglément.
Conclusion
L’essence du chiisme considère donc que la religion n’est pas seulement une révélation consignée dans un livre sacré, mais est aussi un lien spirituel concret, vivant, dans le cœur de chaque croyant. Il n’est autre que l’islam intégral lui-même. A la fois intellect et amour, l’homme se doit d’entrer dans la religion par l’appel de la raison, pour ensuite se laisser guider par un lien d’affection à l’Imâm, source vivante irriguant l’ensemble des ramures de la religion et lui permettant réellement de porter ses fruits. Seul ce mariage subtil d’intellect et d’amour permet de saisir l’unicité divine comme réalité vivante embrassant le monde, tandis que seul l’amour pour un Imâm, qui n’est autre que l’amour pour les attributs divins réalisés en lui, peut réformer et transfigurer l’homme et faire que la religion ne soit pas seulement un ensemble d’écrit, mais une réalité vivante actualisée en lui. Loin d’être close, l’histoire spirituelle et religieuse de l’humanité continue sa marche…
Bibliographie :
Ghaffari, Hossein, Tashayyo’, din-e kâmel va kamâl-e din (Le chiisme, religion parfaite et perfection de la religion), Editions Hekmat, 1ère édition, 2006.
Corbin, Henry, En islam iranien, aspects spirituels et philosophiques – I, Le shî’isme duodécimain, Gallimard, Tel, 1971.
Notes
[1] L’histoire du chiisme en Iran et la question de ses origines a été et demeure au centre d’importantes controverses historiques. Plusieurs thèses s’affrontent sur le sujet : selon un certain nombre d’orientalistes, le chiisme serait une création des Iraniens leur ayant permis de se distinguer de leurs voisins arabes en créant un islam « à eux » et en accord avec les bases de leur civilisation antique. Une telle théorie, qui est dénuée de tout fondement, a parfois été alimentée par des sources erronées, mais également par des objectifs politiques répondant à une volonté de dominer l’autre en décrédibilisant et désacralisant sa religion, la réduisant ainsi à une simple construction sociale et identitaire humaine.
[2] Nous pouvons notamment citer les versets suivants : « Du nombre de ses coreligionnaires (shi’atihi), certes, fut Abraham » (37:83) ; « Ensuite, Nous arracherons de chaque groupe (shi’a) ceux d’entre eux qui étaient les plus obstinés contre le Tout-Miséricordieux« .
[3] Ainsi, un chiite se qualifie avant tout de « musulman » suivant la religion de l’islam, avant de se dire chiite. Il pourra souligner son appartenance au chiisme lorsqu’il est question de comparaison avec le point de vue sunnite, par exemple. A ce sujet, voir les émissions de Yahya ’Alavi (Christian Bonaud) sur l’IRIB intitulées « Qu’est-ce que l’islam chiite ? »
[4] L’Imâm du temps, dont nous parlerons par la suite et qui est au centre des croyances chiites mais aussi, bien que de manière différente, sunnites (de nombreuses traditions sunnites affirment qu’un Mahdi de la descendance du prophète Mohammad viendra à la fin du temps pour gouverner le monde), est pour l’instant en occultation et n’exerce donc pas de pouvoir temporel. La différence opposant chiites et sunnites à ce sujet est que les premiers considèrent que le Mahdi est le douzième Imâm, fils de l’Imâm Hassan ’Askari qui est entré en occultation depuis douze siècles, tandis que la majorité des sunnites croient que le Mahdi sera un descendant du Prophète (seyyed) pouvant naître à n’importe quel moment et n’étant donc pas un descendant direct des Imâms.
[5] Ces écoles sont le hanafisme, le malékisme, le chaféisme et le hanbalisme.
[6] Il existe certaines différences – somme toute minimes – entre les avis des principales autorités religieuses chiites (marâjeh-ye taqlid).
[7] Comme nous le verrons par la suite, la majorité de ces différences au niveau du droit sont elles-mêmes le résultat et l’effet d’une vision différente de la religion, qui constitue l’essence de la différence entre chiisme et sunnisme.
[8] Ainsi, la justice sociale est un thème récurrent du Coran, qui doit notamment se réaliser par l’aumône, l’aide au pauvre, etc. Néanmoins, la réalisation de cette justice sociale n’est elle-même pas un but en soi : elle n’est qu’un moyen de permettre l’épanouissement des capacités humaines, morales, et spirituelles de tous les membres d’une société.
[9] Ce terme désigne la mission des Imâms qui comporte elle-même de nombreux aspects (voir l’article de ce même numéro sur la philosophie de l’Imâmat). Le mot wilâyat vient lui-même de wali et évoque à la foi les notions d’allégeance et de proche amitié [à Dieu].
[10] Mosnad de Ahmad ibn Hanbal, Vol. 6, p. 107 ; Sahih de Muslim, livre 45, chapitre 25, hadith 88 ; Ibid, Vol. 8, livre 24, Kitab al-Birr wal-Silah, bâb ma la’anahu al-nabi aw sabbahu.
[11] Sahih de Bokhâri, bâb 33 (Kitâb Fadâ’il al-Qor’ân), Vol. 6, p. 193 ; Sahih de Muslim, (Kitâb Osweh al-Mosâferin), Vol. 2, p. 190.
[12] Ici, dans le sens d’ami et de rapproché de Dieu.
[13] Selon cette vision et comme nous l’avons évoqué plus haut, le Prophète est donc exempt de péché dans l’ensemble des aspects de son existence.
[14] Le Coran fait clairement référence à l’existence de personnes préservées de tout péché, et sur lesquelles le diable ne peut avoir aucune influence. Ces propos du diable rapportés par le Coran évoquent cette réalité : « « Par Ta puissance ! dit [Satan]. Je les séduirai assurément tous, sauf Tes serviteurs mokhlasin parmi eux« . » (38:82-83). Mokhlas vient de la racine khalasa signifiant l’idée de délivrance et de purification, et désigne les personnes délivrées de leur égo inférieur.
[15] Le Coran évoque également qu’Ibrâhim atteint le rang de l’Imâmat dans un verset qui nous permet de mieux saisir les caractéristiques d’un Imâm : « [Et rappelle-toi,] quand ton Seigneur eut éprouvé Abraham par certains commandements, et qu’il les eut accomplis, le Seigneur lui dit : “Je vais faire de toi un Imâm pour les gens”. – “Et parmi ma descendance” ? demanda-t-il. – “Mon engagement, dit Dieu, ne s’applique pas aux injustes (zâlimin)”. » (2:124) Ce verset exprime la dimension immaculée absolue (’esmat-e motlaqeh) de l’Imâm. En effet, selon ce verset, l’Imâmat ne s’accorde pas et ne peut en aucun cas revenir à ceux qui font preuve d’une quelconque injustice (zolm). Or, le concept d’injustice en islam a une extension très vaste, et comprend tant l’injustice envers les autres que celle que l’on commet envers sa propre personne (zolm be nafs). Ce dernier type d’injustice comprend tout acte qui éloigne l’homme de sa propre nature divine originelle (fetrat), c’est-à-dire qui ne contribue pas à l’élever, à développer ses capacités spirituelles, et à le rapprocher de Son seigneur. Sur cette base, nous comprenons que l’existence toute entière de l’Imâm est orientée vers la vérité et préservée de l’erreur, car le verset évoque clairement que l’Imâmat ne peut être l’apanage des injustes – mot à comprendre ici dans son acception la plus large.
[16] La majorité des commentateurs s’accordent sur le fait que la famille du Prophète désigne ici sa fille Fâtima, son gendre et cousin ’Ali, leur deux fils Hassan et Hossein (deuxième et troisième Imâms), et par extension la descendance de l’Imâm Hossein jusqu’au Douzième Imâm.
[17] Bihâr al-Anwâr : 23/106/7 voir Bihâr al-Anwâr : 23/106 partie 7, Kanz al-‘Ummâl : 870/873 – 898 – 942/947 – 951/953 – 958/1650/1657/1667.
[18] Voir à ce sujet la sourate Al-Baqara (La vache), versets 30-33.
[19] C’est également dans ce sens que certains hadiths présentent la connaissance de l’Imâm comme étant la condition de l’accès au paradis : c’est ici la dimension ésotérique de l’Imâmat dont il est question, c’est-à-dire la correspondance et le rapprochement de l’âme du croyant avec la réalité spirituelle de l’existence des Imâms.
[20] Comme le souligne Yahyâ ’Alavi, « le terme mawlâ, traduit ici par « maître », est de la même famille que le mot awlâ, qui signifie « avoir plus autorité » dans le verset cité [« N’ai-je plus d’autorité sur les fidèles qu’eux-mêmes ? » (33:6), verset évoqué par le prophète Mohammad avant de prononcer la fameuse phrase investissant ’Ali comme son successeur]. En raison du contexte, donc, le terme mawlâ, suivant immédiatement le mot awlâ, doit être entendu dans le sens de « celui qui a autorité », autrement dit le « maître », qui a autorité sur ses serviteurs. C’est bien ce sens qui doit manifestement être retenu pour le mot mawlâ, et non pas celui d’ »ami » qui est l’un des autres sens de ce mot en arabe. » Ainsi, sur la base du verset cité, « le Prophète commença par mettre en avant la priorité de son autorité sur les fidèles avant de leur faire savoir que ‘Alî aura sur eux la même autorité prioritaire. » « Qu’est-ce que l’islam chiite ? », programme radiophonique de la section francophone de l’IRIB.
[21] Walî est en effet un terme polysémique en arabe, faisant référence à la fois aux notions d’amitié, de maître, d’autorité et d’allégeance.
[22] Tafsir al-’Ayyâshi, 1/168/28.
[23] Dieu ne peut réaliser directement cette guidance dans le monde, car Sa transcendance et Son infinitude rendent impossible une intervention directe dans le monde pour régir les affaires de créatures par essence limitées – en témoigne le récit du Coran dans lequel Dieu se manifeste à une montagne et que cette dernière est pulvérisée, soulignant ainsi l’impossibilité d’une manifestation directe du Créateur dans Sa création : « Et lorsque Moïse vint à Notre rendez-vous et que son Seigneur lui eut parlé, il dit : « O mon Seigneur, montre Toi à moi pour que je Te voie !” Il dit : “Tu ne Me verras pas ; mais regarde le Mont : s’il tient en sa place, alors tu Me verras.” Mais lorsque son Seigneur Se manifesta au Mont, Il le pulvérisa, et Moïse s’effondra foudroyé. Lorsqu’il se fut remis, il dit : “Gloire à toi ! A Toi je me repens ; et je suis le premier des croyants”. » (7:143)
[24] Yahyâ ’Alavi, « Qu’est-ce que l’islam chiite ? », programme radiophonique de la section francophone de l’IRIB.
[25] De manière générale, à l’envers de toutes les conceptions déterministes, le chiisme donne également un rôle éminent à l’homme dans la détermination de son destin, notamment lors de la fameuse « nuit du destin » (leylat al-qadr en arabe et shab-e qadr en persan) où chaque croyant, en restant éveillé et en prière, peut influer sur le cours des événements qui le concerneront durant l’année suivante.
[26] Qui n’est autre que l’homme parfait (insân kâmil).